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La première transgenre FtM ? pour les CM2 / 6e

Championne à Olympie, de Claude Pujade-Renaud & Daniel Zimmerman

Gallimard, Folio Junior, 2004, 95 p, épuisé.

jeudi 7 juin 2007

Un excellent roman qui, malgré son format, raconte une histoire fourmillante de personnages et de rebondissements, sans négliger l’aspect documentaire et argumentatif. Un livre féministe, auquel on pourra juste reprocher d’être un peu trop sage dans la transgression… mais l’essentiel est de proposer une piste de décollage à nos élèves !

Résumé

Myrto, originaire de Thasos, est une adolescente douée pour la course à pied, mais elle ne peut concourir que pour les jeux héréens (en l’honneur d’Héra), qu’elle remporte haut la main, et non pour les jeux olympiques, réservés aux hommes. Feu son père Arcas, plusieurs fois sacré champion olympique, rêvait qu’elle fût un garçon, tandis que les matrones jalouse de ses succès l’accusent maintenant d’en être un ! Chamyné, la prêtresse d’Héra à la « voix grave, presque masculine » (p. 18), lui propose de concourir pour « les Jeux déliens, les seuls en Grèce à être encore ouverts aux deux sexes ». Elle les gagne, et en grandissant, rêve des jeux olympiques. Pour ce faire, « Je ne veux ni de seins ni de règles. Il faut que je reste plate tel un garçon pour les jeux olympiques » (p. 26). La solution est simple : à Éleusis, paraît-il, les femmes « savent fabriquer des philtres puissants pour soigner, provoquer ou repousser les règles ». Dès lors, grâce à ces hormones avant la lettre et malgré les embûches, Myrto devenue Myrtilos, n’aura de cesse qu’elle n’ait réglé leur compte aux hommes, pour venger Déméter humiliée par Zeus.

Mon avis

Championne à Olympie constitue une sorte de tour de force d’écriture romanesque pour les jeunes. En effet, en 95 pages écrites gros et truffées d’illustrations, les deux auteurs flanqués de 2 illustrateurs (Jean-Louis Besson et Nicolas Wintz) parviennent à raconter une histoire complète, avec humour, rebondissements, personnages secondaires, sans oublier l’aspect documentaire (qu’il faudrait vérifier, travail porteur pour les collègues historiens). Il y a le frère Hylas (nom d’ailleurs d’un amant d’Héraklès enlevé par les nymphes) ; l’amoureux plus porté sur la poésie que sur le sport, Télamon, la nourrice, etc. Il y a l’épisode où Myrto est exilée et traitée en « Métèque », et la vision iconoclaste de la Pythie et de la Chamyné, traitées comme des mégères. On remarque également les illustrations qui montrent clairement la nudité des athlètes, en regard de la scène où l’entraîneur d’Athènes critique cette « mode venue de Sparte » dont les habitants « obligent leurs filles à se montrer nues dans les gymnases en compagnie des garçons » (p. 44), alors qu’à Athènes les filles sont enfermées à la maison (beau thème de réflexion pour nos élèves de culture musulmane !). Sur le plan altersexuel, on note chez les auteurs une certaine volonté de juguler leur audace, et de rassurer maintes fois leurs lecteurs sur la volonté de leur héroïne : « je vais cesser de prendre cette potion […] Je me marierai, j’aurai des enfants » (p. 86). La morale est sauve, Myrto n’est ni lesbienne — elle est de Thasos ! — ni transgenre FtM ! Quoique…

 Voir La nouvelle robe de Bill, d’Anne Fine pour le cas contraire, ainsi que Garçon ou fille, de Terence Blacker. Dans L’homosexualité dans la mythologie grecque, de Bernard Sergent, on apprend l’existence du huakinthos, qui permettait de retarder la puberté des garçons, preuve que les auteurs se sont bien documentés !
 Voir mon article sur la Grèce.

Lionel Labosse


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