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Des livres à l’Index en 1984, pardon, en 2024 !

mardi 10 septembre 2024

« En général, en France on abandonne trop volontiers la liberté, qui est la réalité, pour courir après l’égalité, qui est la chimère. C’est assez la manie française de lâcher le corps pour l’ombre. » Victor Hugo.

Lundi 9 septembre 2024, ma collègue documentaliste m’appelle d’urgence. Le nouveau proviseur l’a convoquée pour un entretien officiel tel que j’en avais subi en janvier 2022 avec l’ancien proviseur. J’avais à l’époque été accusé d’avoir utilisé les moyens de communication institutionnels pour contester l’appel à se faire injecter le produit à la mode, qu’il avait joint à son message de vœux de nouvelle année. J’avais écrit à toute la communauté éducative à laquelle il avait envoyé lesdits vœux (personnel, étudiants, parents).
Comme sur le fond il était dans son tort, il m’attaquait sur la forme, c’est-à-dire l’utilisation de ces outils de communication. J’avais joint à mon message une tribune du Figaro signée par des parlementaires LR je crois (Alain Houpert et un autre), un communiqué syndical d’Action & Démocratie, et un autre document dont j’ai oublié la référence, en tout cas bien entendu des trucs inattaquables. Bref, défendu par une déléguée syndicale, j’avais été courtoisement reçu au rectorat de Paris, par le DRH et le chef de division.
Le chef d’établissement en avait été pour ses frais, car je n’ai reçu aucune sanction ni même un rapport de cette audition, et j’ai su par des indiscrétions qu’il avait relancé le DRH, sans recevoir aucune réponse. Cela m’avait même été bénéfique, car j’avais eu un avis favorable pour le complément de service que j’avais à effectuer à cette époque, ce qui m’avait permis de faire ce complément en BTS dans un lycée intéressant, avec un très bon emploi du temps, et non dans une classe de collège en 5e comme on me l’avait infligé l’année précédente. L’Éducation nationale se bat les couilles des avis des enseignants en la matière, et les fout là où il y a un trou, en traitant de même un collègue en début ou en fin de carrière. J’ai vraiment donné, et je suis arrivé au faîte de la carrière d’enseignant (je ne précise pas car ce serait se vanter). J’ai la faiblesse de penser que dans une gestion des ressources humaines, les gens qui en sont à ce stade de leur carrière auraient droit à des égards. Juste qu’on leur demande leur avis ; est-ce trop demander ? Même aux plus jeunes d’ailleurs, tout en privilégiant ceux qui ont leurs faits d’armes derrière eux…

Bref, je reviens à cette rentrée. L’ancien proviseur avait laissé un « cadeau » à ma collègue, et à moi par ricochet. Il avait reproché l’achat de livres « controversés », dont pourtant il avait signé le bon de commande. Oui, les chefs d’établissements sont censés vérifier tous les achats. On peut trouver ça bien au regard des deniers publics, même si cela contrevient au principe de management de savoir déléguer des tâches (au gestionnaire par exemple), mais on ne peut pas vraiment contester ce principe d’une double vérification des dépenses.
Dans le cas présent, cela aboutit – et je dois employer ce mot même si bien évidemment il ne plaît pas aux censeurs – à de la censure. La collègue avait été absente et remplacée l’année dernière, et son remplaçant, bon gauchiste woke comme il se doit, et contractuel qui ne parvient pas à réussir le concours, avait déniché des livres et les avait diligemment apportés au proviseur sans en rien dire à la collègue. Délation bien ordonnée commence par un collègue malade qui ne peut pas se défendre. C’est une délation « de gôche ». Est-il fair-play de profiter de la maladie d’un collègue pour lui nuire ? Ne doit-on pas plutôt se réjouir de son retour d’un arrêt de travail et se préoccuper de favoriser son état de santé par une attitude « bienveillante » selon le langage à la mode ? Bienveillance, mon cul !
Alors il y avait deux séries concernées. D’une part, une série de livres scolaires africains pour l’enseignement du français. Nous avons une classe de non francophones, et la collègue, en discutant avec eux, les avait entendus parler de ces livres. Croyant bien faire, elle les avait commandés. Mais pendant son absence, le délateur wokiste était tombé dessus, et avait trouvé des illustrations qui donnaient une image stéréotypée de l’Afrique, le village africain, etc. Je n’ai pas vu ces livres, donc je ne peux pas en dire plus, mais quel ridicule ! Comme si l’on n’était pas capables de faire repérer les stéréotypes et d’amener les élèves à exercer leur esprit critique ! Bref, ces livres ont été écartés.
La 2e série de livres me concerne. Ils avaient été suggérés par votre serviteur aux étudiants, via une liste de conseils de lecture que je lui avais transmise (ci-dessous). Bref, pour pouvoir se défendre, la collègue m’a demandé de lui renvoyer la liste, parce qu’il s’agissait d’une liste de 2022, et les messages avaient été écrasés ; elle ne l’avait pas imprimée. Je retrouve ça dans les archives, et la lui renvoie.

Liste de livre conseillés aux étudiants de BTS 1re année, 2022.
© Lionel Labosse

Aujourd’hui, mardi 10, je vais voir le proviseur, pour tirer les choses au clair. Quelle n’est pas ma surprise de voir 4 livres posés sur son bureau, l’objet du délit. Il s’agit de :
 La Tyrannie vertueuse, de Pierre Jourde
 La Science est un sport de combat, de Didier Raoult
 Aux origines de la « théorie du complot », de Lance deHaven-Smith
 Voiture électrique : Ils sont devenus fous !, de François-Xavier Pietri

Le proviseur m’explique à peu près ce que la collègue m’avait dit. Je défends ardemment ces livres, en lui précisant que je les ai tous lus. Mais non, ce sont des livres « complotistes » ou « controversés ». Je ne vois aucun perroquet dans la pièce, pourtant ! Je lui explique que Lance deHaven-Smith est un professeur d’université qui raconte avec force preuves l’origine d’un mot utilisé quotidiennement depuis quelques années pour disqualifier les gens ; que le Pr Raoult est à mon sens le plus grand scientifique français vivant. « Oui, mais il est controversé. » Il m’arrête parce que je défends mes livres avec véhémence et parle de censure. Ben oui, les livres sont sur sa table, donc ont été retirés du CDI. On pourrait en faire un autodafé voltairien ? Les 4 livres saisis seront-ils réintégrés au CDI, ou réduits en cendres dans la cour centrale du lycée ? Votre serviteur aura-t-il droit à un interrogatoire en règle ?
Je lui suggère de les lire. Je lui demande de me recevoir plus longuement à un autre moment, car il a prévu un autre truc. Il dit juste que ce n’est pas très grave, et que de toute façon à l’avenir, il vérifiera les commandes. Donc le précédent proviseur, au lieu de s’en prendre à lui-même, a pondu un rapport sur des livres achetés deux ans auparavant. Histoire de laisser, avec la complicité d’un délateur (pardon, un brave homme « de gôche » !), un cadeau empoisonné avant son départ. Il faut dire que, vous me connaissez, j’étais venu à la fête de fin d’année, qui était aussi le pot de départ du Môssieu, avec mon polo « Hourrah Raout » ! Si ces braves gens savaient que je me retiens, et que les livres que je voudrais vraiment proposer à mes étudiants sont La Guerre secrète contre les peuples, de Claire Séverac, Le Massacre de Charlie Hebdo, de François Belliot, Le Climat par les chiffres, de Christian Gerondeau, Pour un lendemain sans libertés volées, de Carlo Brusa, ou Covid 19, ce que révèlent les chiffres officiels, de Pierre Chaillot, sans compter d’autres que je n’ai pas encore lus…

HOURRAH RAOULT
Pour applaudir vos soignants préférés de 2020.
© Coccyxgrue

La collègue, à qui je rends compte, me précise que le proviseur (le nouveau) lui a annoncé qu’il allait envoyer son rapport (je ne sais pas si c’est l’ancien ou un nouveau rapport) avec ma liste, à l’inspection ou au rectorat, et qu’elle serait inspectée. Elle craint d’être taxée de complotiste, d’extrême droite, etc. Ce qui est marrant c’est qu’elle a des idées assez normopathes, mais elle m’écoute quand même, et accepte le débat. Mais c’est devenu un défaut, même si Éduscol le recommande toujours !
Je l’ai rassurée et lui ai conseillé d’assumer fièrement ces livres, qui contribuent à « Former l’esprit critique », en s’abritant derrière Éduscol, et en citant cette ressource.
Un argument est vite balayé : nous avons maintenant au lycée des prébac, de bac pro, alors qu’en 2022 nous n’avions que du post-bac. Or : 1° en réalité strictement personne ne lit ces livres (j’ai même renoncé à ces listes l’an dernier), encore moins des bac pro qui se feraient couler du plomb fondu dans les oneilles plutôt que de lire un livre ! 2° Et si par miracle un étudiant, alléché par l’aura d’un livre sulfureux (il ne s’agit quand même pas de pornographie !) avait la curiosité de lire un de ces livres, ne mériterais-je pas les palmes académiques, plutôt que de faire chier un prof qui se donne tant de mal pour trouver des livres intéressants, les lire, écrire des articles, et donner envie de les lire ?
J’avais lu des extraits de ces 4 livres à mes classes dans le cadre de ma rubrique « incitation à la lecture ». Le livre sur l’automobile est aussi une tentative de proposer à ces futurs techniciens supérieurs un ouvrage sur un thème qui les concerne directement, et non de la littérature intimidante. Je vous laisse apprécier d’ailleurs cette liste, qui contient aussi des livres adaptés aux formations dispensées dans ce lycée ; et Dieu sait si peu de collègues de Lettres font cet effort en BTS.
Je suppose que même 1984 de George Orwell est actuellement « controversé », du moins si l’on en croit cet article du Point. J’aurais dû dire à ce Proviseur qui nous a offert, pour la première fois de mes 35 ans de carrière, un repas de début d’année à la fois frugal et sans vin ni alcool, que ces abstèmes agapes illustraient parfaitement le livre de Houellebecq qui figure dans ma liste. Ironie du sort, justement cette année, le thème au programme pour les 2e année est « À table ! formes et enjeux du repas ». Oui, cette anecdote et l’atmosphère qui l’entoure confirme que la France est en train d’être détruite. Delenda Gallia !

Jadis, mon professeur de lettres de Première nous avait fourni une telle liste, et grâce à lui j’avais lu le Manifeste du parti communiste. Je n’ai jamais voté communiste de ma vie, mais ce prof qui ne cachait pas qu’il était communiste, mais ne faisait pas de prosélytisme, a été à l’origine de ma vocation, alors que je n’avais parmi mes ascendants aucun enseignant, et même aucun bachelier.

J’ai été agréablement surpris que nos collègues (à 90 % covidistes et « de gôche ») nous aient plutôt soutenus. Il faut dire que je me suis fendu d’une lettre à ma façon, inspirée du présent article. Il y a juste eu un abruti pour remarquer que sur ma liste il y avait de drôles de livres, « le toubib de Marseille » et « la fliquette d’extrême drouâteuh ». Il voulait parler de Linda Kebbab, dont le livre est à la 4e ligne de ma liste. Je persiste et signe, en dépit des partisans du « ni oubli ni pardon » qui commentent l’actualité assis devant leurs ordinateurs. On ne s’en sortira que si l’on se considère en mission pour retourner une opinion de normopathes. En faisant du bruit autour de l’incident, peut-être aurai-je amené un pâle rayon de lumière au fond de deux ou trois cerveaux engourdis par 30 ans de Télérama, de Libération et de syndicalisme.

Je vous tiendrai au courant d’éventuelles suites ; en tout cas le premier fait concret est que 4 livres choisis par un enseignant de Lettres et commandés par un documentaliste, ont été retirés des rayons, en France en 2024. Existe-t-il une liste de livres interdits, au pays des drouadlom et de la « liberté d’expression » ? La liberté pédagogique des enseignants a-t-elle été abrogée par un des ministres de l’Éducation nommé par le détourneur de mineur connu sous le nom de « Brigitte Macron ». Ce n’est pas de la censure. Alors, c’est quoi ?

Chers amis, nous vivons dans un pays qui censure les livres dissidents, qui encourage les enfants à changer de sexe, et dont la première dame, qui est un homme amateur de mineurs, désigne les ministres de l’Éducation et de la Justice, dans l’indifférence des syndicats, des politiques et de la presse… Et certains font la fine gueule à l’idée de Destitution !

Lionel Labosse

P.S. L’image de vignette est empruntée à cet article : « Censure en Russie : circulez, il n’y a rien à lire ? ». Oui, les méchants Russes censurent. Nous, au pays des droidlom, on protège vertueusement la jeunesse contre le complotisme et les idées non conformes !

 Article repris sur Profession Gendarme.

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