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« La kippa n’est pas souhaitable dans notre société »

vendredi 25 octobre 2019

Le ministre de l’Éducation nationale a étonné la France entière avec ses propos sur la kippa qui ne serait, je cite, « pas souhaitable dans notre société ». Ah, pardon, je me trompe, c’est seulement « Le voile » qui ne serait « pas souhaitable dans notre société » : on respire ! On avait eu peur !
Ce ministre qui est un modèle en matière d’exemplarité, puisqu’il a inventé cette obligation pour les enseignants : « Par leur engagement et leur exemplarité, les personnels de la communauté éducative contribuent à l’établissement du lien de confiance qui doit unir les élèves et leur famille au service public de l’éducation. Ce lien implique également le respect des élèves et de leur famille à l’égard de l’institution scolaire et de l’ensemble de ses personnels » (Voir cet article), ce ministre a donc eu le courage de s’attaquer aux femmes musulmanes portant un foulard (ça fait plus peur en l’appelant « voile »). Depuis que j’entends des gloseurs gloser sur cette petite phrase, aucun n’a posé la bonne question. Monsieur Blanquer, oseriez-vous proclamer que « La kippa n’est pas souhaitable dans notre société » ? Est-ce « exemplaire » de déclarer publiquement que « Le voile n’est pas souhaitable dans notre société » quand on est le chef de milliers d’enseignants qui exercent, comme votre serviteur, devant des classes majoritairement composées d’élèves musulmans ou élevés dans des familles de tradition musulmane, dont nombre d’entre eux ont des mères qui portent un foulard, ou un « voile », si vous y tenez ?
J’ai longtemps hésité à écrire cet article, car j’ai un peu peur de recevoir un blâme. Critiquer son ministre – même quand ce ministre ne parle pas en ministre, mais en politicien – est peut-être, depuis l’accession au pouvoir du Rassemblement national, passible de la justice. Ah non, il n’est pas encore au pouvoir. Décidément, je me trompe. Mais comme ce type d’attitude de politiciens du Rassemblement national comme Julien Odoul ou de politiciens macronistes, engendre un légitime écœurement d’une grande partie de nos concitoyens, continuer à ne rien dire pourrait laisser croire que j’approuve, en bon ordre de bataille dans le troupeau « vigilant » de la majorité silencieuse. C’est la première fois que je suis d’accord avec cette autre ministre macroniste qui a signé une tribune dans Le Monde : « Jusqu’où laisserons-nous passer la haine des musulmans ? ». Les lecteurs de mon site savent que je suis aux antipodes des gauchistes bisounours sur la question des « migrants » ou sur le féminisme à la mode, mais je m’étonne que les seules femmes sur lesquelles on puisse cracher sans vergogne soient les femmes musulmanes portant un « voile ». C’est tellement plus pleutre de s’attaquer aux femmes qu’aux connards qui s’habillent en djihadistes et qui zonent et dealent au bas des tours ou dans ma rue, quand les femmes, « voilées » ou pas y sont interdites de séjour. En plus de la rue, on voudrait leur interdire les lieux de pouvoir et les sorties scolaires ? Sous prétexte de les libérer, les renvoyer au statut de femme au foyer ?
Un certain islam me fait vomir, oui, mais pas les croyantes sincères, qui ont autant le droit de se couvrir la tête que certains de nos concitoyens ont le droit de porter une kippa ou de la faire porter à leurs enfants (ce dernier point me gêne pourtant un peu : voyez cet article). Si je suis « presque d’accord » avec cette tribune sus-nommée, c’est parce qu’elle abuse de la facilité d’utiliser l’expression « extrême droite » pour ce qui concerne je cite, « Julien Odoul, président du groupe Rassemblement national », alors qu’aucun mot ne vient qualifier les propos non pas d’un politicien local, mais d’un ministre du gouvernement, et pas n’importe quel ministre. Cette question du rejet du « voile » est loin de ne concerner que ce qu’il est convenu de continuer à appeler « extrême droite », expression qui pour moi n’a plus aucun sens en France depuis des lustres, pas plus que « extrême gauche » Je l’ai maintes fois écrit sur ce site : s’il reste une vraie « extrême droite » dans le monde actuel, ce n’est pas en Europe, mais en Israël, dans le monde musulman, en Érythrée, etc. Et puis cette tribune pratique l’inflation verbale propre au genre, avec l’anaphore de l’expression « d’une violence et d’une haine inouïes ». Or je suis désolé, mais cette violence était tout à fait « ouïe » puisque purement verbale. Gardons l’expression « violence inouïe » pour les nazislamistes qui font des carnages à Paris, à Nice ou partout dans le monde. Est-ce une mère de famille voilée qui s’est attaquée à la préfecture de police de Paris ? Quand à M. Odoul, il n’a fait qu’exprimer une opinion malheureusement assez partagée en France, et pas seulement dans son parti. Il serait temps de grandir et de nous faire à l’idée que le Rassemblement national est un parti comme un autre, et que des responsables de ce parti, comme des responsables d’autres partis, peuvent exprimer des idées susceptibles de nous choquer et auxquelles, tant que c’est encore possible en démocratie, nous pouvons répondre avec des arguments de raison et non en utilisant les mantras « extrême droite » ou « violence inouïe » comme on exhibe un chapelet d’ail contre Dracula.
Eh bien oui, au risque d’être rappelé à l’ordre – à l’ordre moral – oui, je suis scandalisé par ces propos de ce politicien. Pas seulement Julien Odoul ; l’autre aussi. Pour résumer ma position exacte, je préférerais, qu’on soit homme ou femme ou encore plus un enfant, qu’on ne porte ni kippa ni vêtement musulman, masculin ou féminin, mais comme la démocratie et la tolérance ce n’est pas selon moi n’accepter que les opinions ou les comportements semblables aux miens – définition de la dictature – mais aussi ceux qui diffèrent des miens, alors je proclame que le port du voile ou de la kippa ou de la croix doivent rester libres dans notre société, sauf dispositions contraires prévues par la loi bien sûr, comme dans les établissements scolaires de l’éducation nationale. Sur ce dernier point j’ajoute que ces propos récurrents et attitudes vexatoires à l’égard des musulman(e)s, surtout des mères de familles qui se dévouent pour accompagner les sorties scolaires, auront pour conséquence à moyen terme l’augmentation du nombre d’établissements privés musulmans, de même qu’on a désormais un grand nombre d’établissements privés juifs, comme le montre cet article de La Croix : « Pourquoi les familles juives désertent des écoles publiques ». Comme quoi en croyant combattre le communautarisme, on l’encourage. À quand un nouvel article : « Pourquoi les familles musulmanes désertent des écoles publiques » ? Comme dit l’autre, chacun chez soi, et les préfectures seront bien gardées…
Un ministre de l’éducation nationale ne ferait-il pas mieux de favoriser une école pour tou(te)s ?

Lionel Labosse

 à lire : « Muslim Pride », Islam Pride ou Marianne Pride ? contre la rhinocérite ! ».


Voir en ligne : Quel devoir d’« exemplarité » pour les ministres ?