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« Illusionnisme et destruction de la langue française »

Mémorandum sur l’écriture inclusive

Si l’on demandait aux étudiants leur avis sur l’« écriture inclusive » ?

dimanche 18 septembre 2022, par Lionel Labosse

Dans notre ère wokiste, on semble être passé de la « Défense et illustration de la langue française » chère à Du Bellay et la Pléiade, à l’« Illusionnisme et destruction de la langue française » prônée par la clique mondialiste dont l’objectif est de détruire toutes les grandes cultures occidentales (sauf une). Quand cette mode d’écriture prétendument inclusive est apparue, il y a une quinzaine d’années, il m’est arrivé de l’utiliser, mais à titre de plaisanterie. J’ai vu quand j’enseignais en pré-bac, quelques élèves l’utiliser, par exemple dans les interrogations de conjugaison (« il / elle est entré.e »). J’essayais avec bienveillance de les dissuader, en leur expliquant que cela risquait surtout de les induire en erreur (« il / elle a pensé.e »). Mais il m’a bien fallu me rendre compte, depuis l’arrivée à la tête de l’État du détourneur de mineur connu sous le nom de « Brigitte Macron », qui choisit les ministres de l’éducation, et de son détourné qui les nomme, que ce que je prenais pour plaisanterie était en réalité un bulldozer lancé contre notre langue millénaire pour la détruire. Attention, il se trouve que le ministre Blanquer a été ferme sur la question, et a interdit l’usage de l’écriture inclusive dans l’éducation, mais cela n’empêche pas le bulldozer wokiste d’avancer, avec les syndicats subventionnés, les associations subventionnées, et les gauchistes de service toujours en quête d’une cause mineure permettant de faire croire qu’on milite, alors que, comme dirait Bourdieu, « si l’on emploie des minutes si précieuses pour défendre des causes si futiles, c’est que ces causes si futiles sont en fait très importantes dans la mesure où elles cachent des causes utiles ».
Cette année, un simple test de début d’année m’a permis, à ma grande surprise, de vérifier que la majorité des étudiants de mon établissement étaient hostiles à cette écriture prétendument « inclusive », qui en réalité exclut les personnes affectées d’un handicap cognitif ou de cécité. J’ai donc décidé de rendre publiques ces réponses, de façon à questionner les institutions et les syndicats sur ce sujet.

J’ai déjà abordé la question sur ce site à l’occasion de la mort d’Hélène Carrère d’Encausse, en exhumant la « Lettre ouverte sur l’écriture inclusive » de l’Académie française publiée en 2021, qui a fourni le texte de ce test de début d’année, et qui a aussi inspiré la circulaire ministérielle du 5 mai 2021 (cf. infra). Voici le mémorandum que j’ai induit des copies de mes étudiants. Le présent article développe le mémo, d’une façon plus personnelle.

Mémorandum sur l’écriture inclusive.
Test de début d’année et fac-similé de 30 réponses.
© Lionel Labosse

Voici 30 réponses à la question 5 d’un test de rentrée proposé à 87 étudiants de BTS 1re année (3 classes) : « Aviez-vous déjà entendu parler de l’écriture inclusive ? Quelle est votre position personnelle sur ce sujet ? La lecture de cette lettre vous a-t-elle permis d’affiner votre position ? » et à la question 4 (identification d’une coquille) : seuls 3 étudiants (les 3 extraits au début du doc) ont trouvé ! Plusieurs copies retournaient la feuille au milieu de cette question. Dans certains cas, je n’ai repris que la partie la plus intéressante de la réponse. […]
Il y a 17 étudiantes sur 87, et 6 extraits ci-dessous sont issus de leur copie (les 6 extraits en haut de la page 2, cases grisées), ce qui correspond à cette proportion. Je n’ai constaté aucune différence dans les avis selon le sexe. Il s’agit d’un lycée technique avec des formations traditionnellement masculines. Cet échantillon de 30 copies ne prétend pas avoir une valeur statistique ; il serait juste souhaitable d’étendre ce genre d’enquête à différents types d’établissements, avec une méthodologie idoine.

En ce qui concerne la coquille, il s’agissait d’un accord, pourtant simple, de participe passé utilisé avec l’auxiliaire être ; ce qui permet de vérifier que les étudiants ne maîtrisent pas une règle dont on est pourtant sûr qu’elle leur a été serinée depuis l’école primaire. Ayant posé la question, j’ai même pu vérifier qu’ils ont oublié le mot « participe ». Avec de la chance, c’est à peine si l’on parvient à extraire du pis de leur mémoire, « passé composé » (alors que ce n’est pas le cas en l’occurrence : c’est une voix passive au présent). Mais ce n’est pas l’objet du présent article.
Voici ci-dessous la réponse qui m’a semblé la plus significative, et sa transcription à l’orthographe rectifiée : « Oui, j’ai déjà entendu parler de l’écriture inclusive, je trouve personnellement que c’est idiot et qu’il s’agit du fruit de l’imagination de personnes de gauche qui se posent trop de questions idiotes sur la société ou sur leur genre ; ces personnes ont visiblement pas assez de problèmes dans la vie. Et donc, cherchent à se différencier ou font preuve d’imagination pour mettre en place des idées de plus en plus bêtes et insensées, je désigne par ces propos certains militants féministes ou la « communauté » LGBT. Ces personnes qui sont selon moi le reflet d’une société décadente et libérale ».
On constate que cet étudiant de 18 ans (je n’ai pas regardé pour lui, mais c’est l’âge qu’ils ont s’ils n’ont pas redoublé, même si quelques-uns ne seront majeurs que d’ici décembre) est cash, et malgré l’ambiance de Kommandantur qui règne au macrovidistan, ne craint pas d’être jeté dans un cul-de-basse-fosse pour pensée non conforme. Pour être franc, même si je n’avais émis aucun avis personnel en présentant le test (j’avais juste expliqué en quoi consiste l’écriture inclusive), j’avais mené lors de la première semaine de cours, une séance d’entrée « Former l’esprit critique » qui les mettait en confiance sur le fait qu’ils avaient en face d’eux un prof et pas un commissaire politique.

Un avis tranché d’étudiant sur l’écriture inclusive.
© Lionel Labosse

Position officielle et politique

La position officielle du ministère de l’éducation nationale a été édictée par une circulaire du 5 mai 2021 signée Jean-Michel Blanquer, qui commence par une citation de la lettre de l’Académie française, qui a donc été écoutée. Le chevauchement des dates révèle que l’Académie a transmis sa lettre au ministère avant de la rendre publique, puisque le ministère la cite deux jours avant sa publication. Notons au passage que l’Académie française semble la seule institution qui ne s’exécute pas au coup de sifflet du pouvoir exécutif, sans doute parce qu’elle choisit elle-même ses propres membres.
Or cela ne s’arrête pas là. En juin 2021, le ministère a recadré l’Onisep pour avoir enfreint la circulaire. Le sénateur Jean-Marie Mizzon a posé une question écrite en mars 2022, dont la réponse a été publiée en avril : « Inefficacité de la circulaire sur l’écriture inclusive », puis le Sénat a adopté le 30 octobre 2023 une « proposition de loi visant à protéger la langue française des dérives de l’écriture dite inclusive », en attente pour l’Assemblée.
Je ne résiste pas à l’envie de rendre hommage ici à cet immense ministre si démocratique que fut Jean-Michel Blanquer :

Attitude irresponsable des syndicats enseignants majoritaires

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Les syndicats semblent totalement inconscients des ravages de cette mode wokiste sur nos clients, élèves & étudiants. Ils persistent à utiliser massivement cette écriture, pourtant prohibée par le ministère, ce qui incite les personnels à l’utiliser, dans l’ignorance des directives officielles. Je suppose que les syndicats subissent l’influence des centrales syndicales, qui ne sont pas soumises à la circulaire de l’Éducation nationale. Mon précédent chef d’établissement écrivait souvent « Cher.e.s collègues » en tête de ses messages ; heureusement ça s’arrêtait là !

 Le syndicat Sud appelle à la grève le 1er octobre 2024, avec le slogan « Le 1er octobre, tou·tes en grève  ! », et l’on trouve ici ou là sur le site des perles comme : « À Montpellier, Paris Dauphine, Rennes, Lille, Science Po… des conférences ont été interdites ou annulées, des sanctions disciplinaires ont touché des enseignant-es, à Sciences po ou à la Sorbonne des évacuations policières violentes ont eu lieu, des camarades syndicalistes de Solidaires étudiant-es de l’EHESS ont été entendu-es par la police pour "apologie du terrorisme" ».
Il est vrai que ce syndicat SUD semble réunir des gauchistes hors-sol. Un autre de leurs tracts, sans écriture inclusive, appelle à manifester le 28 septembre 2024 pour le droit à l’avortement, dont chacun sait qu’il est menacé en France. Peu de gens liront leur prose, mais c’est dommage, car cela atteint des himalayas de cogitation non-binaire : « De même, le terme de “femme” ne permet pas à toutes les personnes ayant un utérus d’avorter. Elle exclut donc les hommes trans et les personnes non-binaires. Si cette loi est une semi-victoire des luttes féministes, elle illustre aussi le manque de volonté politique de véritablement agir en faveur des droits et de l’égalité. Le parlement européen a également proposé d’inscrire le droit à l’avortement dans la charte des droits fondamentaux de l’UE en juillet 2022. Cependant de nombreux États membres sont ouvertement anti-IVG et affichent une politique de recul des droits des femmes et des personnes LGBTQIA+ ».
Nous ignorions quand nous avons tourné le sketch « Joanna-Michaella, 1re femme transgenre enceinte au monde avec un utérus greffé », que nous avions visé si juste !


 La CFDT n’est pas en reste sur cette page : « Mais nombre de ces enseignant.es ne sont pas du tout prêt.es à s’engager dans un PACTE ».
 Pour gagner du temps, les syndicats dits représentatifs se coalisent en faveur de ce délire hautement nuisible à l’éducation des enfants sur cette page : « Les enseignant·es ne doivent pas être réduit·es à des fonctions d’exécutant·es ».
Remarquons un détail : ces trois documents diffèrent par la typographie. Si Sud utilise le trait d’union, la CFDT utilise le point typographique, et l’intersyndicale use du point médian utilisé en catalan ! On est bien dans le « glossocide » (volonté de détruire une langue) ! J’imagine que la proportion de Français connaissant l’existence du « point médian » et capables de le dénicher sur leur clavier doit approcher des 1 %. Des étudiants de Sciences-Po (donc a priori des gauchistes wokistes, mais sait-on jamais…) ont publié une enquête sur la question, dont cette page recense toutes les typographies possibles et imaginables.
 Des syndicats minoritaires comme Action & Démocratie et le SIES se sont prononcés contre l’écriture inclusive. Le vice-président du premier, René Chiche, s’est exprimé à titre personnel sur le sujet pour SOS Éducation. J’ai été adhérent de ce syndicat pendant 2 ans, et je suis fier d’avoir justement inspiré ce communiqué d’hommage à Hélène Carrère d’Encausse, envoyé à tous les personnels enseignants, et encore visible sur le site de ce syndicat. Le syndicat SIES se proclame « le syndicat garanti SANS écriture inclusive », et a publié une page dédiée : « De l’écriture inclusive ».
Cela pourrait paraître folklorique, mais en réalité, les enseignants ne lisent pas les circulaires ministérielles, qui sont aussi nombreuses qu’indigestes, mais ils lisent les incessants messages syndicaux, plus attrayants. Donc nombre d’entre eux utilisent ce gadget obsolète dans leurs cours. Mon précédent chef d’établissement l’utilisait dans ses messages officiels, ce qui est un comble. Il aurait dû être sanctionné pour cela. J’eusse préféré qu’il désobéît au ministère quand il s’agissait de nous faire porter la muselière covidiste.

La société civile et les sondages

 En dehors des syndicats, la polémique divise la société française. En 2020, la librairie en ligne Cultura a été victime de son fanatisme et s’est ridiculisée à vie avec un tweet qu’elle a eu la mauvaise idée de supprimer. Voir cet article de Valeurs actuelles : « L’enseigne Cultura boycottée par ses clients pour son écriture inclusive ». Le message contenait une faute d’accord fatale.

Cultura kiffe l’écriture inclusive : « Si cela est un soucis pour vous, nous ne vous retenons pas ».
© Twitter

J’ai pris l’initiative de ce test sans trop réfléchir à la question, mais la qualité des réponses m’a poussé à creuser le sujet, et j’ai découvert une bonne partie de ce qui précède. En ce qui concerne les études auprès du public, voici ce que j’ai trouvé :
 Une enquête du cabinet Taylor River, auprès d’un public très différent du mien, et qui pourtant révèle une hostilité majoritaire. Je relève cet extrait : « La complexité de lecture, avec des craintes particulières pour les personnes dyslexiques, les personnes malvoyantes (dont les logiciels ne prendraient pas en compte l’écriture inclusive) et les enfants à l’école. Cet argument m’amène à penser que la notion d’écriture inclusive est très souvent réduite au simple point médian (« heureux·se »). » Eh oui, le seul point oublié par la lettre de l’Académie française est la gêne procurée aux aveugles et mal-voyants. Il y a deux ans j’avais posé la question à une amie aveugle, qui m’avait dit que la synthèse vocale qu’elle utilisait était bloquée par l’écriture inclusive. J’ignore si depuis, l’IA a résolu ce problème, mais de toute façon, à l’oral, cette écriture est forcément un supplice.
 Une enquête Ifop de 2023, mais peu utile car l’écriture inclusive est une question adventice ; les résultats laissent pourtant songeur, car la question n’est pas posée de savoir si les sondés savent de quoi il est question ! Je suis très dubitatif quant à la conclusion : « Quant à l’écriture inclusive, cette enquête met en lumière une opinion publique partagée, mais des femmes bien plus favorables à son emploi que les hommes. » Pour confirmer cette impression, un sondage Harris Interactive de 2017 révèle le pot-aux-roses : « Néanmoins, on remarque une corrélation entre le degré de connaissance déclaré (12% de l’échantillon déclarent savoir précisément ce dont il s’agit) et l’opinion sur l’écriture inclusive : plus les personnes interrogées se disent renseignées sur le sujet et moins elles s’y montrent favorables. Les personnes affirmant savoir précisément ce qu’est l’écriture inclusive s’y montrent opposées à hauteur de 47% (contre 25% en moyenne dans la population) ».
Il est bien évident que si la question posée avait été « Êtes-vous favorable à l’instauration d’une orthographe favorisant une ultra-minorité de gauchistes wokistes lgbt ? », la réponse eût différé ! Je suggère à ces instituts une question non orientée pour un futur sondage sur le Frexit : « Êtes-vous favorable à un « Frexit » au risque de ruiner la France et de créer une guerre civile ? » ou bien « Êtes-vous favorable à la paix et à la prospérité en restant dans l’UE » ?

Une vidéo (ci-dessus) fait le point le 13 mai 2021 sous le titre « Écriture abusive ».
 Voici pour terminer une enquête réalisée par 4 étudiantes de l’Université de Poitiers : « L’égalité des genres et des sexes au sein de l’UFR Lettres et Langues : une enquête. » Un véritable délire de gauchistes hors-sol, sachant que les facs de Lettres sont des repaires LGBT (déjà pendant mes études dans les années 1980). Voici un échantillon qui prouve à quel rare degré de violence sont confrontés les malheureux étudiants inscrits dans cet enfer : « Environ 16 % des interrogé.e.s ont été témoins de violences ou de discriminations de ce genre au sein de l’UFR. Les réponses détaillées que nous avons pu enregistrer décrivent majoritairement des remarques sexistes et misogynes de la part d’étudiant.e.s et de professeur.e.s : des remarques sur les tenues, des contacts physiques non consentis ».

En conclusion, vu l’obsession des syndicats et autres tenants de la société civile à s’empêtrer dans cette pratique dont on sait pourtant pertinemment qu’elle est hautement nocive aux enfants dans leur apprentissage, et au rayonnement de la langue française, je vais rendre publiques ces réflexions dans le mémorandum en pièce-jointe ci-dessus (rédigé de façon plus neutre, bien sûr) pour demander que l’Éducation nationale ainsi que les syndicats enseignants mènent une enquête inspirée de la mienne, mais avec une méthodologie inattaquable, pour savoir ce que les principaux concernés en pensent réellement.

 Voir aussi Pourquoi nos étudiants ne savent-ils plus écrire ?, d’Aude Denizot, Enrick B Éditions, 2022
 La vignette de l’article est empruntée à Frédéric Deligne pour La Montagne : « N’en fait-on pas un peu trop avec l’écriture inclusive ? ».
 Voir mon précédent article Désillusion syndicale : retour d’expérience.
 Article repris par Profession gendarme.

Lionel Labosse


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