Accueil > Lionel Labosse, ma vie, mon œuvre > « Où gît le mièvre ? »

Introduction à « Le Contrat universel : au-delà du « mariage gay » »

« Où gît le mièvre ? »

Un pavé dans le marais.

samedi 23 novembre 2024, par Lionel Labosse

J’ai été récemment interrogé par Stéphanie Reynaud pour Tribune Libre. Elle m’a demandé de retracer mon parcours, et cela constitue une occasion unique qui risque de prêter à confusion. Je ne suis en effet par une personnalité médiatique qui a son rond de serviette ici ou là. Je me permets de replonger dans un texte vieux de 12 ans qui constitue une étape importante de mon parcours.
Publié en avril 2012, Le Contrat universel : au-delà du « mariage gay » a constitué un aboutissement et une fin de non-recevoir. Aboutissement parce que ce livre est un « chef-d’œuvre » (au sens de « chef-d’œuvre » de compagnon du Tour de France) dont je reste extrêmement fier. À l’instar de Rétif de la Bretonne, j’ai publié un ouvrage dont je suis l’auteur à 100 %. J’ai fabriqué le livre de A à Z : texte, relecture, PAO, couverture (réalisée par un ami en collaboration étroite, avec une maîtrise totale de ma part), impression, commercialisation, service de presse. Personne n’est intervenu pour influencer le moins du monde mon propos. Cela, peu d’écrivains l’ont réalisé. Je suis aussi responsable de 100 % du texte de mes autres livres, mais je n’ai pas maîtrisé le reste du processus.
Le résultat m’a édifié, et je le raconte dans les articles en lien ci-dessous : un article obtenu dans Le Monde, une audition à l’Assemblée nationale, deux émissions de radio où l’on m’a concédé quelques minutes de parole à des heures de faible écoute, et une censure totale assortie d’un mépris absolu de la part du marais, ou plutôt du cloaque « LGBT ». J’ai dû par la suite mettre fin aux activités de cette micro-maison d’édition qui me coûtait 100 fois plus cher qu’elle m’a jamais rapporté, et le livre n’est donc plus disponible, sauf quelques exemplaires qu’il me reste sur les 200 que j’avais fait imprimer. Voici donc la préface, pour que vous puissiez vous faire votre idée de cette proposition originale qui n’a pas eu droit au chapitre lors du faux débat sur le « mariage gay ».

Je suis toujours en quête d’un éditeur, soit pour reprendre d’anciens livres publiés et les mettre à jour, soit pour en publier de nouveaux sur des sujets variés dont les différentes rubriques de ce site peuvent vous donner l’idée. J’ai par exemple en magasin une anthologie illustrée de la poésie française avec un point de vue original, mais j’ai aussi de quoi faire un livre de brigittologie qui pourrait cartonner. Mon premier article sur l’affaire a totalisé 300 000 lecteurs sur Profession gendarme, et comme aucun livre n’a été publié sur ce sujet qui passionne les foules, il est raisonnable de penser qu’un livre de ma plume cartonnerait. C’est un crève-cœur de constater que même dans les milieux complotistes, il soit si difficile de trouver un éditeur quand on ne passe pas sa vie dans les mondanités.
Voici donc l’introduction de ce livre :

Le Contrat universel : au-delà du « mariage gay »
Le Contrat universel : au-delà du « mariage gay », de Lionel Labosse

OÙ GÎT LE MIÈVRE ?

L’adoption du « mariage gay » semble portée par un irrésistible courant. La caricature règne sur ce sujet très médiatique : à ma gauche, 100 % des homosexuels et des gens tolérants ; à ma droite, une droite plus cathodique que catholique, qui ne fait mine de croire à la valeur symbolique du mariage que pour se différencier artificiellement de la gauche. Obtenu en 1999 au terme d’un combat de dix ans, le pacs fut un beau succès du lobby gay. Victoire dictée par l’urgence d’une discrimination dont les ravages du sida soulignaient l’injustice. Innovation utile face à un mariage en crise, le pacs décapait l’institution nuptiale de ses lourdeurs administratives et de ses rigidités morales que, même dans la bourgeoisie, plus personne ne respecte.
L’affaire Strauss-Kahn, en 2011, quelle que soit son issue, aura au moins démontré que personne ne considère plus que « trousser » régulièrement des « soubrettes » dans des hôtels (en mettant de côté la question du consentement, objet d’un débat judiciaire qui ne nous intéresse pas ici) puisse nuire à l’image d’un homme d’État dûment marié, ni à celle de son épouse, ce qui prouve bien que le mariage n’est plus considéré que comme un pacs renforcé. En quelques années, le pacs perdit sa connotation homosexuelle, fut plébiscité par les hétérosexuels et s’apprêtait à doubler le bon vieux mariage en nombre de couples unis par an.
Mais patatras ! Éperonné par l’ivresse de la victoire, l’idéologie de la surenchère et l’intérêt personnel de quelques profiteurs, notre lobby n’a pas tiré le rideau sur cette réussite, et tel un prestidigitateur grisé par les applaudissements, demeure sur la scène extirpant de son chapeau un chapelet de petits lapins blancs qui regardent le public, expectatifs et médusés, saisis aux oreilles. Pourquoi, d’un coup de baguette magique donné par ses propres géniteurs, ce pacs si novateur devient-il un « sous-mariage » ? Au lieu de l’améliorer et d’étendre ses droits et possibilités, on fait un virage à 180° et on régresse comme un labrador extatique, en faisant le beau devant le château de cartes du mariage de papa ! Et l’on essaie d’escamoter le débat comme s’il y avait urgence, alors que justement, toute urgence sociale étant disparue, ce serait l’occasion de prendre le temps d’un débat de fond qui engagerait non pas les seuls militants ou plutôt lobbyistes LGBT, mais toute la société.
Ce qu’il y avait d’admirable dans notre lobby, c’était qu’en inspirant le pacs, il n’avait pas œuvré pour les seuls homosexuels, mais pour l’ensemble de la population. Il se fourvoie actuellement, et ce livre constitue une contribution pour tenter de convaincre certains de ses membres de revenir à des idées à la fois plus audacieuses et plus universelles, en réfléchissant à un vaste projet autour de cette réforme nécessaire des unions entre les êtres, qui ne profiterait pas seulement à une ultra-minorité de gays et de lesbiennes. Le mot « lobby » est à prendre en bonne part, à l’américaine ; c’est l’orientation actuelle du lobby gay que je regrette et critique. Par mes écrits et mon action depuis une quinzaine d’années, j’ai la prétention de constituer une partie infinitésimale dudit lobby, disons un grain de riz – ou de sel ? La présentation du sujet du « mariage gay » par les médias est caricaturale et mensongère : la communauté altersexuelle y est présentée comme unanimement dévouée à cette cause, et tout contradicteur, qu’il fasse ou non partie du microcosme, est disqualifié d’une pichenette.
L’association SOS homophobie a publié le 16 décembre 2010 un communiqué de presse : « Ouvrir le mariage, c’est lutter contre l’homophobie » [1]. Ce communiqué est la partie émergée d’un iceberg qui concentre la stratégie de nos amis militants. Cette stratégie est également sensible dans les slogans réducteurs plaqués en tête du défilé parisien de la marche gaie annuelle. En juin 2011, le slogan était « Pour l’égalité, en 2011 je marche, en 2012, je vote ! ». C’est la nième resucée du « Manifeste pour l’égalité des droits » publié dans Le Monde du 17 mars 2004 à l’initiative de Didier Éribon et Daniel Borrillo, et signé par un certain nombre d’intellectuels. La gay pride est instrumentalisée. Plutôt que de servir de moyen de racler des suffrages pour tel ou tel parti, ou de faire la pub du mariage monogame, elle devrait s’ouvrir à la diversité des opinions altersexuelles. Évidemment, comme tout manipulateur, les organisateurs de la marche ont retourné les mots comme peau de lapin : ils ne sont pas « pour le mariage gay », nuance, mais « pour l’égalité ». Qui pourrait bien s’inscrire en faux « contre l’égalité » ?
Ceux qui osent exprimer le moindre doute sur le dogme « égalité = mariage gay » sont aussitôt éjectés du débat, qualifiés de liberticides. Depuis 2004, quelques personnalités ont pourtant exprimé sinon leur opposition, du moins quelque divergence. Benoît Duteurtre, Jacques Derrida, Didier Éribon pour n’en citer que trois, même si les deux derniers ont signé le fameux manifeste. Bien évidemment, on ne va pas tomber dans le piège de ce désarmant lobby : nous sommes aussi « pour l’égalité », sans blague ! et on l’aurait presque signé, ce manifeste, mais pas pour aboutir au mièvre et maigrelet « mariage gay » ! On vous l’accorde donc : le fait que le mariage dans sa forme actuelle soit possible à deux individus de sexe opposé et qu’il ne le soit pas à deux de sexe opposable, constitue bien une discrimination. On pense derechef qu’il faut modifier la loi pour éliminer cette discrimination. Cela fait trois points d’accord avec notre lobby. Alors, où gît le mièvre ?
La respectabilité d’abord, ce terrier tiédasse dans lequel gîte notre petit mièvre manipulateur, respectabilité dont il fait peser la chape sur les altersexuels. Pour mener à bien le combat du mariage, le silence s’impose sur tous les autres dossiers qui pourraient entacher la respectabilité de messieurs et mesdames les gays et lesbiennes. Or, comme dit Sartre : « Ce silence est un moment du langage ; se taire ce n’est pas être muet, c’est refuser de parler, donc parler encore ». À nos amis militants, nous demanderons comme le philosophe : « Pourquoi as-tu parlé de ceci plutôt que de cela et – puisque tu parles pour changer – pourquoi veux-tu changer ceci plutôt que cela ? » (Qu’est-ce que la littérature ?, Folio, p. 32). Nous aborderons à titre d’exemple deux dossiers passés sous silence dans le microcosme gay.
Premièrement, la question du VIH. Grâce aux progrès thérapeutiques, cette infection a changé de nature, passant de maladie terrifiante et mortelle à maladie chronique et maîtrisée, quasiment pas mortelle si l’on dispose des traitements efficaces. Mais il convient de taire cette bonne nouvelle, de maintenir artificiellement dans l’opinion, et surtout auprès des jeunes, une attitude de prophylaxie maximale, distillant dans les écoles laïques, avec la même ferveur que dans les églises, la peur panique de la sexualité libre et l’apologie de la fidélité qui cadrent comme par hasard si bien avec notre petit mièvre conjugal. On hurle sur le pape du Vatican qui met les capotes à l’index, mais on « zappe » le pontife du bareback qui les jette à la poubelle (cet anglicisme désigne les coïts sans préservatifs)…
Deuxièmement, l’absence de revendication et d’action sur la sécurité de la drague en plein air, l’activité préférée de ceux parmi les altersexuels qui, à l’instar de Pasolini, préfèrent les plages sauvages au pacs ou au mariage. Tout ce que font les associations gaies quand surgit une affaire de meurtre sur une plage gaie ou dans un parc, c’est afficher les photos des cadavres pour faire la pub du mariage ou pour demander l’extension des lois de censure – ou plutôt « lois sur la liberté de la presse » en novlangue – à la répression des propos homophobes. Sécuriser les lieux, exiger que la police cesse de harceler les dragueurs, et l’abrogation des lois pénalisant le nudisme et l’exhibition sexuelle (si cette exhibition ne vise pas à choquer une personne précise), voilà des combats qui feraient tache sur le pelage immaculé de notre gai petit lapin, de même que militer pour que les prostitués bénéficient de la protection sociale et des mêmes droits que tous les travailleurs. Dans tous ces dossiers, on voit bien à quoi le mariage s’adosse, et que le lobby gay, s’il s’engage pour l’un, s’engage par défaut contre les autres.
Revenons maintenant au cœur du gîte. Les occasions de légiférer dans le domaine des mœurs sont rares, en gros une fois tous les dix à quinze ans. Il serait donc dommage, comme au Scrabble, de passer son tour pour un simple échange de lettres ne marquant aucun point, plutôt que de marquer un coup de maître. Si réforme morale il doit y avoir, mieux vaudrait pour le bien public qu’elle soit d’une plus grande ampleur que le simple accès à l’institution sclérosée du mariage de quelques homosexuels en quête de respectabilité. Cette réforme devrait d’une part servir à tous les altersexuels au sens large, et non seulement aux gays et aux lesbiennes, c’est-à-dire permettre aussi aux vrais bisexuels, ceux qui aiment simultanément deux personnes quel que soit leur sexe, l’accès à cette fameuse « égalité des droits » avec les monosexuels, ceux qui n’aiment qu’une seule personne à la fois, quel que soit son sexe, mais aussi à tous les citoyens, hétéros ou homos et même asexuels, qui souhaitent construire un projet de vie commune – mêlant ou non la sexualité – avec un nombre indéfini de personnes, deux, trois, quatre, et pourquoi pas plus si affinités ?
Terrorisé par le journal de vingt heures, le lecteur voit déjà surgir le spectre hideux de la polygamie et des hordes musulmanes aux couteaux entre les chicots noircis aux feux du haschisch, tous h et x dehors ! Au contraire, ce Contrat que je propose permettrait une vraie polygamie moléculaire ou constellaire (pour reprendre une idée du philosophe Vincent Cespedes), qui pulvériserait la polygamie phallocrate en étoile propre à certaines religions. Cette polygamie a de nombreux exemples, que ce soit parmi nos politiques, depuis Louis XIV, ou dans la littérature, depuis l’Ancien Testament jusqu’à Sartre et Beauvoir, ou Jules & Jim. Elle a même légalement existé à Mayotte jusqu’en 2010.
Les arguments sont nombreux en faveur de cette orientation alternative qui entérinerait tout aussi bien la fameuse « égalité des droits » que l’option mariage. Il s’agit de mettre en place un Contrat universel, qui confondrait et transcenderait mariage et pacs dans un cadre plus large, incluant le « trouple » ou « ménage à trois » et autres combinaisons de vie commune. Stratégiquement, concédons que ce Contrat pourrait continuer à s’appeler « mariage », en vidant le mot de sa substance. Pour plusieurs raisons : parce que le couple à deux resterait l’option ultra-majoritaire du contrat (de même que le pacs hétéro est devenu l’option ultra-majoritaire du pacs), parce qu’on ne change pas le vocabulaire par décret, et pour ne pas choquer les nostalgiques de l’institution de papa. Mais ce « mariage » qui n’en aurait plus que le nom populaire, et que le droit appellerait simplement Contrat, permettrait des choix divers, et bénéficierait à bien plus de personnes que la simple ouverture du mariage aux personnes de même sexe, donc une vraie « égalité », avec en prime une « liberté » et, cerise sur le gâteau, plus de « fraternité » !
Personne ne serait lésé. Ceux qui tiennent à l’aspect cérémoniel du mariage – l’engagement solennel et républicain – pourraient le conserver avec le côté rassurant du nom, mais cela se ferait sous seing privé, que ce soit par une bénédiction religieuse à leur convenance, ou autant de festivités qu’on voudra, auxquelles les maires s’empresseront d’accorder l’aura de leur présence, avec tous les échanges d’alliance et jeters de riz pour les fans de traditions, pour que notre petit lapin, grignotant les fanes avec les carottes, remue son museau de contentement.
Selon les statistiques officielles, le succès actuel du pacs hétérosexuel a réduit la proportion des pactes homosexuels à 5 % du total, alors que ce total, en constante progression, rattrape progressivement le nombre des mariages. Mais ce qu’ont négligé les militants, c’est que lorsque la vanne du mariage s’ouvrira brusquement aux couples homosexuels, la proportion de pacs entre personnes de même sexe sera mécaniquement divisée par deux, puisque la moitié des couples se répartirait désormais à parité entre mariage et pacs. Il n’y aura donc plus 5 %, mais probablement 2 à 3 % d’unions monogames de même sexe. D’autre part, vu que le pacs n’existe que depuis une douzaine d’années, il faudrait connaître le pourcentage de couples de même sexe en France, parmi le total cumulé des couples enregistrés de tout âge. Cela doit être de l’ordre de 1 %.
Cette proportion devrait nous faire réfléchir à la représentativité des minorités. Au nom de quelles valeurs imposer la monogamie ? Comment justifier que des militants qui se réclament d’un mouvement soi-disant « LGBT » (Lesbiennes, Gays, Bisexuels et Transgenres), ce qui inclut la bisexualité, revendiquent, au nom de l’« égalité des droits », une institution exclusivement monogame ? Or la monogamie sied aussi bien aux bisexuels qu’un Marcel à des frères siamois ! Le mépris des minorités, dans quelque domaine que ce soit, est un phénomène général, d’autant plus efficace qu’il se pratique souvent au nom de l’« égalité » et de la liberté des entreprises. Le fait que notre lobby ait pu remuer avec talent la France entière pendant les années 1990 pour obtenir un droit qui ne concerne qu’une si faible proportion des couples, écarte d’avance l’argument que l’on pourrait m’opposer, selon lequel ce Contrat que je propose, avec entre autres la potentialité de former un « trouple » – et plus si affinités – concernerait trop peu de personnes pour qu’on prenne la peine d’y réfléchir.
Nous traversons une crise internationale grave, qui voit l’enrichissement exponentiel des très riches, à côté de l’appauvrissement des plus pauvres et des classes moyennes. La part du logement dans le budget des ménages augmente, et de plus en plus d’entre nous sommes obligés, pour caresser le rêve de devenir propriétaires, de nous endetter sur presque toute la durée de notre période de travail, sans la moindre certitude que ce projet d’une vie sera mené à bien, et que notre petit nid d’amour, ce château choyé toute une vie durant, ne tombera pas, comme en Espagne, tout rôti dans l’escarcelle de banquiers, spéculateurs sans scrupules et rentiers. Et c’est à ce moment-là qu’on veut nous enfermer dans le mariage, cet autre projet d’une vie ? Ne serait-il pas temps de passer de Nous Deux à de plus doux nœuds ?
Nous serons sans doute de plus en plus contraints – et les plus modestes le font déjà massivement – à partager des logements à plusieurs, inconnus, amis, famille ou amants. Il n’est pas rare que ces solutions provisoires s’éternisent. Pourquoi ne pas prendre acte de ce changement de société, et permettre par la loi un cadre qui pérennise et protège, quand elles s’avèrent viables, ces solutions de fortune ? Pourquoi ne pas prendre acte de l’existence de mini-communautés, de familles élargies, et leur accorder les mêmes droits qu’aux couples monogames ? Quant à leur probable faible proportion, primo ce n’est pas un argument, secundo nous ne pouvons le savoir qu’en l’expérimentant, comme ce fut le cas avec les couples de même sexe. Et n’est-il pas fort de café que le lobby gay fasse à ce point la promotion de ce qu’il appelle « homoparentalité », en excluant sans discussion ce cadre idéal, pour le bien de l’enfant, que serait un contrat à trois ou à quatre, unissant dans un même projet de vie un homme et deux femmes, deux hommes et une femme, ou deux couples gay et lesbien. En réduisant le choix au mariage de deux personnes, ne favorise-t-on pas, au sein de notre propre communauté, l’aliénation parentale, c’est-à-dire l’exclusion du donneur ou du ventre porteur – véritable bombe à retardement pour l’équilibre de l’enfant ?
Nous ne sommes pas seuls, nous vivons en société. Tout ce qui est donné à Paul est rogné sur la part de Jean. Et Jean, dans l’affaire, c’est le célibataire, dont la survie, dans les classes pauvres et moyennes, devient de plus en plus problématique avec l’augmentation des frais de logement. Tous les coûts qui se partagent dans un couple, notre gros Jean les paie entièrement, et on veut octroyer des « droits » à toujours plus de couples, par exemple pour obtenir une HLM, ce qui entraînera selon le principe des vases communicants, la hausse de la contribution de Jean, et la baisse de ses chances d’obtenir une mutation ou une HLM. Comme si être « célibataire » signifiait qu’on n’a pas de vie privée, pas d’attaches, que notre existence n’est qu’un chemin de roses, et qu’on doive passer derrière tous les couples, y compris les couples bidon, constitués uniquement dans le but d’obtenir des droits refusés aux célibataires (naturalisation par exemple), sans parler des déductions d’impôts. Quand on est riche, ou très riche, le simple fait de se marier ou se pacser suffit à diviser l’impôt sur le revenu par deux, si le partenaire a un revenu modeste ou nul. Mais cette manne ne tombe pas du ciel : elle est permise par une sur-imposition des célibataires et des couples à revenus égaux.
Ne serait-il pas temps de clarifier les diverses situations par un Contrat universel unique, qui mette tout à plat et n’accorde des avantages aux uns – au détriment des autres – que pour des raisons incontestables, dans un véritable esprit d’égalité et de fraternité ? Accueillir les enfants me semble une raison légitime de bénéficier de droits, plutôt que simplement vivre en couple ou en trouple, ce qui constitue déjà un avantage en soi. On pourrait à la rigueur redéfinir le distinguo entre pacs et mariage, en réservant ce dernier aux couples (ou trouples, etc.) avec enfants, et le pacs aux couples sans enfants, ce qui règlerait aussi le problème d’« égalité » entre homos et hétéros. Mais en cas de décès d’un enfant unique, il faudrait revenir au pacs, inconvénient qui plaide pour un seul statut. Dans les pays anglo-saxons, on parle de « DINK » (ou « dinky »), acronyme de « Double Income, No Kids (Yet ou Yuppie) », pour désigner les couples à hauts revenus sans enfants, parmi lesquels figurent une bonne proportion de couples de même sexe. On pourrait leur opposer les « SIGH » (Single Income to Get Home) !
Quand on prétend qu’il y a entre 5 % et 10 % de « LGBT » dans une société, et que seule une petite minorité d’entre eux vit en couple enregistré, le lobby gay – et chaque militant – devrait se demander pourquoi et par quel stupide entêtement il choisit de favoriser cette minorité dans la minorité, et si cette revendication n’est pas contradictoire avec la notion d’« égalité », à commencer par l’égalité entre les quatre pôles du sigle « LGBT », et l’égalité entre les partenaires d’un projet parental à plus de deux. Si une « égalité » devait mobiliser les altersexuels, ne serait-ce pas plutôt celle entre les célibataires et les couples, et surtout les couples sans enfants ? Même si ça nous coûte cher, doit-on envier les couples constitués qui ne restent ensemble que parce que ça leur permet de diviser par deux la note de gaz ? Au risque de paraître ronchon, j’en ai un peu marre de payer plus d’impôts pour que ces couples sans enfants partent à Honfleur chaque week-end, avec l’économie générée par la déclaration commune de leurs revenus. Et qui donc, parmi les célibataires, frétille de plaisir à l’idée que la note soit allongée par nos amis gays ?
Le Contrat permettrait des formes de vie nouvelles pour des catégories de personnes oubliées. Les immigrés par exemple, qui galèrent en solutions de fortune pendant souvent plus de dix ans, livrés à la rapacité de marchands de sommeil et de toutes sortes d’escrocs qui profitent de la précarité dans laquelle les précipitent de plus en plus de lois populistes. Ce Contrat pourrait leur procurer une protection minimale, en leur permettant de s’associer à trois ou quatre pour vivre dans de meilleures conditions. De même pour les personnes âgées, veuves ou célibataires, qui pourraient s’associer de façon souple, entre elles ou avec des plus jeunes, ce qui leur permettrait d’échapper à l’angoisse de leur disparition et de celle de leurs biens. Les artistes ou les créateurs d’entreprises sans héritiers susceptibles d’assumer la succession pourraient trouver là une solution pour la conservation de leurs œuvres et la gestion de leurs droits moraux après leur mort. Mentionnons les exemples fameux de Jean-Paul Sartre, Simone de Beauvoir ou encore Jean Cocteau, qui choisirent l’adoption, par défiance du mariage pour les premiers, et impossibilité pour le dernier. Et qui dit Sartre dit engagement. Voici un extrait fameux de L’existentialisme est un humanisme, essai publié en 1946.

« Choisir d’être ceci ou cela, c’est affirmer en même temps la valeur de ce que nous choisissons, car nous ne pouvons jamais choisir le mal ; ce que nous choisissons, c’est toujours le bien, et rien ne peut être bon pour nous sans l’être pour tous. Si l’existence, d’autre part, précède l’essence et que nous voulions exister en même temps que nous façonnons notre image, cette image est valable pour tous et pour notre époque tout entière. […] Et si je veux, fait plus individuel, me marier, avoir des enfants, même si ce mariage dépend uniquement de ma situation, ou de ma passion, ou de mon désir, par là j’engage non seulement moi-même, mais l’humanité tout entière sur la voie de la monogamie. Ainsi je suis responsable pour moi-même et pour tous, et je crée une certaine image de l’homme que je choisis ; en me choisissant, je choisis l’homme. » (Folio essais, Gallimard, p. 32).

Plus souple que le mariage, le Contrat répondrait à ces diverses situations, tout en arrachant à Sartre et Beauvoir un soupir de satisfaction dans leur tombe que des myriades d’altersexuels du monde entier continueront à couvrir de baisers en hommage à leur apologie du trio. En unissant potentiellement non pas deux mais trois personnes ou plus, qui pourront à leur tour, en cas de décès de l’un d’eux, s’associer à d’autres, on serait mieux protégés contre les coups du sort et assurés d’une survivance de l’union initiale. C’est donc ce lièvre sauvage que je voudrais soulever dans ce livre, en semant le trouple – et plus si affinités – sur le miroir dans lequel se mire complaisamment le petit lapin mièvre et tremblant du « mariage gay ».

 Voir mes autres articles sur ce livre : « La guerre du trouple n’aura pas lieu », « Pissotières ou jarretière, faut-il choisir ? », « Pour un livret de famille fractal » et « altersexuel et opposé au « Mariage gay », je persiste et signe ! ».
 Ma position a peut-être évolué depuis ce livre, mais même dans le milieu complotiste, je constate bien des illusions sur la famille et le mariage. Des « Résistants » qui ont la chance d’être mariés et entourés d’enfants, donnent de grandes leçons, avec parfois des relents homophobes, mais homo ou hétéro, la crise du mariage n’a pas évolué depuis que j’ai écrit ce livre. Voici un bilan en 2023, avec toujours le même chiffre édifiant : « Loin de représenter une exception, le divorce touche près de la moitié des couples mariés. En effet, 45 % des mariages enregistrés se soldent par un divorce. On peut dire ainsi qu’un mariage sur deux se termine par un divorce ».

 Les lapins en vignette de cet article sont empruntés à ce site.
 Article repris sur Profession Gendarme.

Lionel Labosse


© altersexualite.com 2024
 Abonnez-vous à ma chaîne Crowdbunker, à ma chaîne Odysee et à mon fil Telegram.


[1À retrouver dans ce dossier.