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Tentative d’aborder avec culture & raison un sujet qui la fait perdre. Chapitre 4/7.
Autres prédécesseurs socratiques de Chibritte
Lewis Carroll, Verlaine, Chaplin, Lolita, Beauvoir, Zazie, Duras, Russier, Ferré, Céline, Polanski, etc.
samedi 10 mai 2025, par
Après les trois premiers articles « Socratisation, pédérastie & pédophilie : les mots pour le dire », « L’âge de consentement : variations dans le temps & l’espace » et « Quelques illustres prédécesseurs historiques de Chibritte », voici le quatrième article de la série « Tentative d’aborder avec culture & raison un sujet qui la fait perdre », consacré aux autres prédécesseurs socratiques de Chibritte. Le cinquième article proposera une réflexion synthétique basée sur quelques souvenirs personnels. Le sixième article traitera de « Dissidence » & homophobie, et le septième article conclura sur « Qu’est-ce qu’il y a de scandaleux chez « Brigitte » ? ».
Plan de l’article :
– Lewis Carroll
– Paul Verlaine & Arthur Rimbaud
– Charlie Chaplin
– Simone de Beauvoir
– Lolita & Vladimir Nabokov
– Zazie dans le métro
– Marguerite Duras
– Gabrielle Russier
– Léo Ferré
– Louis-Ferdinand Céline ; Casanova & Rétif de La Bretonne
– Roman Polanski
– Miriam Cahn
Autres prédécesseurs socratiques de Chibritte
Nous égrènerons quelques cas connus à la limite de la « pédophilie » & de la « socratisation » susceptibles d’éclairer notre lanterne, sans viser l’exhaustivité. Attention, les dossiers Matzneff & Conne-Bandit seront étudiés à part dans l’article n°6, « Dissidence » & homophobie ».
Lewis Carroll
Lewis Carroll (1832-1898) nous fournit un cas intéressant. Je n’ai pas approfondi la question, et je me contenterai de paraphraser des articles fournis par une recherche simple. Le type n’était pas marié, et passa toute sa vie à Christ Church, un collège constitutif de l’Université d’Oxford. Alice Liddell, fille de Henry Liddell, le doyen de Christ Church, est largement identifiée comme l’inspiration originale d’Alice au pays des merveilles, bien que Carroll ait toujours nié cela. L’auteur de ce chef-d’œuvre est réputé pour ses photos de fillettes nues, et jouit d’une réputation de pédophile avant la lettre, comme en atteste cet article de Marc-André Cotton : « Lewis Carroll, un pédophile victorien ». Or, sans creuser la question, je le rappelle, je constate que l’article en français de Wikipédia ne contient pas dans sa version actuelle une seule occurrence du mot « pédophilie ».
L’article en anglais propose une réfutation des allégations de pédophilie, pour plusieurs arguments, que je résume sans prendre position : 1° Les photos de fillettes nues étaient courantes à l’époque victorienne ; l’article français précise :
« En 2015, Edward Wakeling, qui a établi le catalogue raisonné de toutes les photographies de Dodgson qui ont survécu, a estimé que 1 % de la production photographique de Dodgson était constituée de nus, sur les 3 000 photographies réalisées », d’autre part, les photos étaient toujours prises en présence des parents. 2° L’hypothèse de Lewis Carroll pédophile est une interprétation freudienne a posteriori. 3° Cette interprétation a été facilitée par le fait que la famille a fait disparaître les traces des relations de Lewis Carroll avec des femmes adultes, parce que cela était mal considéré à l’époque victorienne, alors que les relations avec les fillettes étaient considérées comme anodines ! « Karoline Leach a mis l’accent en particulier sur son intérêt controversé pour les enfants nus. Elle soutient que les allégations de pédophilie sont initialement issues d’une incompréhension de la morale victorienne, ainsi que de l’idée erronée – encouragée par les divers biographes de Dodgson – qu’il n’avait aucun intérêt pour les femmes adultes. Elle a qualifié l’image traditionnelle de Dodgson de « mythe de Carroll ».
Elle a attiré l’attention sur les grandes quantités de preuves dans ses journaux et lettres qu’il était également très intéressé par les femmes adultes, mariées et célibataires, et a joui de plusieurs relations avec elles qui auraient été considérées comme scandaleuses par les normes sociales de son temps. Elle a également souligné le fait que beaucoup de ceux qu’il a décrits comme des « amies enfants » étaient des filles à la fin de leur adolescence et même à la vingtaine. Elle fait valoir que les suggestions de pédophilie n’apparaissent que de nombreuses années après sa mort, lorsque sa famille bien intentionnée avait supprimé toutes les preuves de ses relations avec les femmes dans le but de préserver sa réputation, donnant ainsi une fausse impression d’un homme intéressé uniquement par les petites filles ». Bref, ce cas de pédophilie hétérosexuelle a de bonnes chances d’être une fausse piste, même si cela n’empêche pas que la publicité qu’on a faite à ce cas d’espèce, a peut-être encouragé des vocations perverses !
Paul Verlaine & Arthur Rimbaud
Je me suis penché sur l’histoire de Paul Verlaine (1844-1896) & de sa famille quand j’ai monté une visite guidée du Cimetière des Batignolles, dont la tombe de la famille Verlaine est le fleuron. Une polémique agita naguère le microcosme bobo parisien à propos d’une pétition pour la panthéonisation de Verlaine & Rimbaud, sorte de Pacs posthume. En effet, depuis que je suis prof de Lettres, l’attitude des manuels scolaires & des enseignants a diamétralement changé concernant l’histoire tragi-comique de Verlaine & Rimbaud. Dans sa préface aux Poèmes saturniens (1961), Léo Ferré résumait la situation de départ : « On mange du Verlaine encore, dans la littérature où certains profs font des mines, et des « passons-là-dessus », et des et cætera où l’on s’attarde et dont on parle au café, après le cours, ou en petites notes et variantes à la fin du volume, en catimini ».
La situation actuelle semble être une célébration d’un amour aussi romantique que celui de Roméo & Juliette. Comme souvent, la vérité est bien plus prosaïque. La page Wikipédia consacrée à Georges Verlaine nous apprend des péripéties peu glorieuses pour notre poète alcoolique, qui battit femme & fils, et ne revit plus ce dernier après octobre 1878 ; il avait 7 ans. En tant que prof, je suis très pragmatique, et je me base sur mon expérience. J’ai connu l’époque où si l’on étudiait un poème de Verlaine ou de Rimbaud, si l’on évoquait, contrairement à ce que disait Ferré en 1961, les rapports intimes entre les poètes, cela donnait lieu à des remous dans la salle, et il était impossible de préciser les choses de façon sereine sans entrer dans des explications scabreuses qui gâchaient le plaisir du texte.
C’est cela que nos amis homophobes sont incapables de comprendre. Je n’ai jamais agi seulement « contre l’homophobie » ou seulement pour protéger les élèves qui se sentent homos. Ma feuille de route était plus ambitieuse, et culturelle : je voulais rendre possible le fait d’étudier sereinement le fait homosexuel, ou le fait altersexuel, comme des faits culturels, avec recul & neutralité, à la façon dont Régis Debray préconisait d’étudier le fait religieux. Il y a quand même une différence entre expliquer qui est le Christ, ce qu’est la Pentecôte, et donner un cours de caté à l’école !
Victor Hugo accepta de tenter une réconciliation avec l’épouse Mathilde, et écrivit à Verlaine : « Mon pauvre poète, je verrai votre charmante femme et lui parlerai en votre faveur au nom de votre tout petit garçon. Courage et revenez au vrai ». Bref, Arthur Rimbaud (1854-1891) avait contacté Verlaine, pour qui il éprouvait de l’admiration & de la condescendance, car cet Emmanuel Macron de la poésie avait une haute idée de l’immense poète qu’il était. Il rencontra Verlaine juste avant ses 17 ans, au sein d’un groupe de poètes qui l’hébergèrent tour à tour. Le gros de leur aventure picaresque & amoureuse date de juillet 1872 à juin 1873 ; c’est-à-dire que Rimbaud avait entre 17 ans et demi et 18 ans et demi. Entretemps, cette relation scandaleuse avait mis fin à la vie de famille tout sauf reluisante du poète parnassien, qui ne revit plus jamais sa femme ni son fils.
Il y eut l’épisode rocambolesque de Bruxelles, le coup de feu, le mot de Verlaine au juge, rapporté par André Gide en son Journal en 1918 : « On dit sodomite, Monsieur, répondait Verlaine au juge qui lui demandait s’il était vrai qu’il fût sodomiste ». Bref, même si, je le rappelle, il n’y avait rien là d’illégal selon les lois de l’époque au regard de l’âge de consentement, ce n’est pas l’épisode glorieux que l’on fantasme actuellement dans les cours de français & les cercles bobos parisiens. Réunir ces deux amants dans une même tombe est bel & bien une idée de bobo, aussi lumineuse que serait par exemple l’idée de réserver une place à Bertrand Cantat dans le caveau où repose Marie Trintignant.
Il n’en reste pas moins que cette fausse idylle gay continue sans doute de faire fantasmer bien des potaches, et peut-être a-t-elle fait fantasmer notre Choupinet, sous la férule de son prof de théâtre, qui idolâtre le génie des Ardennes, comme elle le proclama dans Le Figaro en 2022 : « Rimbaud est un génie bouleversant, absolu ». Bof ! Pour ma part, je suis revenu de ce mythe Rimbaud, surtout depuis que j’ai visité la prétendue maison où il aurait dormi sur un grabat à Harar, en Éthiopie, où il n’a laissé aucune trace. Voir l’article du Monde : « Arthur Rimbaud, l’inconnu de Harar ». Il était sans doute devenu une sorte de clochard hâbleur qui vendait de la camelote & chouia d’armes, à l’instar de notre si génial Choupinet.
Charlie Chaplin
C’est un peu oublié, mais Charlie Chaplin (1889-1977) défraya la chronique en tant que séducteur de nymphettes, et il les choisissait de préférence dans le cheptel des actrices. Il se maria pour la première fois à l’âge de 29 ans en septembre 1918 avec une actrice qui n’avait pas encore 17 ans, Mildred Harris. Le mariage n’est pas annoncé à son de trompe, vu l’âge de la donzelle. Ils divorcent en avril 1920, après la naissance d’un enfant mal formé qui meurt à trois jours. Alors qu’il réalise La Ruée vers l’or, Chaplin se marie pour la deuxième fois en 1924, avec Lita Grey, une jeune actrice (née en 1908) dont la grossesse imprévue oblige Chaplin à l’épouser. Elle a alors 16 ans et lui 35. Chaplin, qui pourrait être emprisonné pour avoir eu des rapports sexuels avec une mineure, épouse Lita Grey dans le plus grand secret au Mexique, pour éviter un scandale. Ils eurent deux enfants, Charles Chaplin Jr. (1925-1968) & Sydney Chaplin (1926-2009). Chaplin a voulu la faire avorter, mais elle refusa.
La mère de Lita Grey a par ailleurs menacé Chaplin de le dénoncer à la police s’il n’épousait pas sa fille. Il organisa donc une cérémonie discrète au Mexique, le 24 novembre 1924 (elle a 16 ans et demi). Cette union est malheureuse. En novembre 1926, Lita Grey quitte le foyer avec les enfants. Lors de la difficile procédure de divorce, des documents de Lita Grey accusant Chaplin d’infidélité, de violence & d’entretenir des « désirs sexuels pervers » sont publiés par la presse. Impatients de mettre un terme à l’affaire, les avocats de Chaplin acceptent en août 1927 de payer 600 000 dollars, la plus grosse somme accordée lors d’un procès aux États-Unis jusqu’alors.
En 1932 (il a 43 ans), Chaplin rencontre une vieille actrice de 21 ans, Paulette Goddard, avec qui il forme un couple heureux. Ils se marient en Chine, mais Goddard demandera le divorce en 1942. En 1941, Joan Barry, âgée de 21 ans, a une liaison avec Chaplin, âgé de 52 ans. Cela tourne mal. Elle est convaincue de harcèlement, et entame un procès en paternité pour un enfant né en 1943. J. Edgar Hoover, le directeur du FBI, exploite l’opportunité de nuire à la réputation de Chaplin, et le FBI l’inculpe dans quatre affaires. En particulier, Chaplin est accusé d’avoir violé le Mann Act, ancienne loi qui interdisait le transport entre États de femmes à des fins sexuelles. Chaplin risquait jusqu’à 23 ans de prison. Il est acquitté. Lors du procès en paternité, Chaplin est accusé de « turpitude morale » par le procureur, et il est déclaré être le père. Le juge refuse d’accepter les preuves médicales, et en particulier la différence de groupe sanguin, et Chaplin est condamné à payer une pension alimentaire à l’enfant jusqu’à ses 21 ans. La couverture médiatique du procès est influencée par le FBI, qui transmet des informations à l’influente journaliste à scandales Hedda Hopper.
Le 16 juin 1943, deux semaines après le début de la procédure de reconnaissance de paternité, un mariage est annoncé avec sa nouvelle jeune protégée tout juste âgée de 18 ans, Oona O’Neill (1925-1991), la fille du dramaturge américain Eugene O’Neill. Chaplin, alors âgé de 54 ans, décrit leur rencontre comme « l’événement le plus heureux de [sa] vie » et indique qu’il avait découvert le « parfait amour ». Ils restent mariés jusqu’à sa mort en 1977 et ont huit enfants. Eugène O’Neill désavoue sa fille pour son mariage. Il ne l’a jamais revue. Charlie Chaplin est chassé des États-Unis sous prétexte de communisme, et il s’installe en Suisse.
Simone de Beauvoir
Simone de Beauvoir fait partie de ces noms souvent jetés aux chiens par des imprécateurs qui n’ont jamais lu une ligne de ses œuvres, et haïssent par réflexe droitard, Sartre & Beauvoir. C’est une ignoble pédophile, comme son communiste de compagnon, sales porcs ; brûlons leurs livres ! Ces jugements expéditifs sont bien sûr souvent l’œuvre de braves anti-républicains, qui conspuent la Terreur menée par les Républicains en Vendée en 1794, mais dès qu’on leur jette sous les yeux une sommité des arts & lettres taxée de « pédophilie », se transforment en Fouquier-Tinville & se livrent au sport favori du gauchiste, de couper des têtes. Je citerai par exemple un certain Jacques Thomet, auteur de livres sur la « pédocratie ». Dans une entrevue pour le Média en 4-4-2 (24 avril 2025) dont l’extrait a été choisi pour en faire la pub, il déclare que « Simone de Beauvoir violait certaines de ses élèves et qui ensuite les passait à Jean-Paul Sartre, qui les violait dans un hôtel de Saint-Germain-des-Prés ». Il a oublié de préciser qu’ils les découpaient à la tronçonneuse & les cuisinaient en ragoût. Puis il passe à Conne-Bandit, et on se tape tout le chapelet des prétendus « pédophiles », ce qui permet de noyer le poisson & d’éviter de traiter les vrais dossiers.
J’ai abondamment traité le cas Beauvoir, donc je vous renvoie à mes articles sur L’Invitée (1943) et sur Mémoires d’une jeune fille dérangée de Bianca Lamblin (1993), l’une de leurs prétendues « victimes ». Les inquisiteurs coupeurs de tête feraient bien de lire ces livres, et d’enregistrer plusieurs éléments du dossier. Premièrement, ces faits ont eu lieu avant la loi de 1945, donc à une époque où la majorité sexuelle était fixée à 13 ans. Deuxièmement, il ne s’agissait pas vraiment de débaucher un troupeau de jeunes filles à peine pubères, mais de véritables relations sur la longueur, avec une poignée de jeunes filles parmi les plus brillantes élèves du cours de philosophie, âgées au minimum de 16 ans, c’est-à-dire de terminale, dans un lycée parisien des bons quartiers, avec deux philosophes renommés. Mes articles vous montreront que Sartre était certes un peu plus goujat, digne prédécesseur de Depardieu, mais qu’on est loin d’un réseau pédocriminel. On est dans la lignée de la « socratisation », de Casanova & des Liaisons dangereuses, un libertinage de mise dans ce milieu intellectuel.
Beauvoir est un Socrate, prof charismatique qui aurait cédé aux avances d’Alcibiade. Il n’y avait cependant quasiment rien d’illégal relativement aux lois de cette époque (ce n’est qu’en 1980 que la loi réintroduit une exception à l’âge de consentement de 15 ans pour les « personnes ayant autorité »). Là, nous sommes bien avant 1945. Certes, Beauvoir a eu de vagues ennuis à l’époque en tant que prof, mais rien de bien grave. Il faut revenir sur terre : ni Sartre, ni Beauvoir ne furent des « pédophiles ». Leur comportement sexuel était provocateur, mais assumé, comme en témoigne la publication du roman L’Invitée en 1943. L’article de Wikipédia sur Simone de Beauvoir nous apprend qu’elle fut « suspendue [du lycée Molière] à la suite de sa liaison avec Bianca Bienenfeld », puis « à nouveau suspendue le 17 juin 1943 à la suite d’une plainte pour incitation de mineure à la débauche déposée en décembre 1941 par la mère d’une autre de ses élèves, Natalie Sorokin (1921-1967). La plainte aboutit à un non-lieu, mais Beauvoir est définitivement révoquée de l’Éducation nationale », sauf que « Simone de Beauvoir est réintégrée dans l’Éducation nationale à la Libération par arrêté du 30 juillet 1945, mais n’enseignera plus jamais ». Dans La Force de l’âge, Beauvoir évoque ces affaires.
Ne soyons pas des oies blanches : tout le monde sait que depuis des lustres, les célébrités populaires, de l’art, de la littérature, du football, de la chanson, font l’objet d’un culte de groupies, qui font la queue devant les hôtels où ils résidents, pour se faire tringler à la chaîne. Je suis désolé, mais même s’ils ne sont pas susceptibles d’être canonisés, Sartre & Beauvoir ne furent pas des pervers sexuels tels que P. Diddy, Epstein & tutti quanti, et ils jouaient cartes sur table, ils n’ont pas cherché à tromper leur monde ; ils revendiquaient une morale sexuelle de rupture, avec laquelle on pouvait être en désaccord, mais cela faisait partie de leur philosophie. Cracher sur Sartre, comme cracher sur Gide, sans tenir compte du contexte, cela permet de jouer les pourfendeurs de pédophiles sans risquer de procès de l’Élysée. Oui, Sartre n’était pas un carmélite. Oui, Sartre était un sale communiste, à une époque où le PC obtenait des scores entre 20 et 30 % aux élections. Beaucoup de souverainistes nous rappellent actuellement que ce sont surtout les Russes, plus que les Américains, qui ont vaincu le nazisme ; mais avoir été communiste à cette époque reste une tare indélébile pour nos amis droitards, qui permet d’accuser Sartre de tous les maux, comme « violeur » ; pourquoi se priver ? Sartre & Gide ayant en commun de figurer parmi les rares prix Nobel français, et Sartre ayant été de son vivant le Français le plus célèbre dans le monde, à une époque où ce n’étaient pas des footballeurs qui avaient ce titre, il semble de première nécessité de détruire sa statue selon les préceptes de la « cancel culture » & du mot d’ordre de macron : « Il n’y a pas de culture française ». Cela m’étonne juste que ce soient les médias « dissidents » qui se chargent du boulot, plutôt que les médias collaborationnistes. Modeste suggestion : et si vous lisiez ou relisiez juste Les Chemins de la Liberté, Les Mouches ou Les Mots ?
Lolita & Vladimir Nabokov
Lolita est un roman, écrit en anglais américain, de l’écrivain russe naturalisé américain Vladimir Nabokov (1899-1977). Il remet au goût du jour le mot « nympholepte » (cueilleur de nymphes), sans doute plus glamour que « pédophile » ! Il s’agit d’une fiction. Au début du roman, le protagoniste Humbert Humbert a 37 ans et la jeune fille, qu’il surnomme « Lolita », 12 ans et demi. Il ne s’agit bien évidemment pas d’une apologie de la pédophilie. Interrogé en 1975 par Bernard Pivot sur le plateau d’Apostrophes, Nabokov précise : « Lolita n’est pas une jeune fille perverse, c’est une pauvre enfant que l’on débauche, dont les sens ne s’éveillent jamais sous les caresses de l’immonde monsieur Humbert ». À rapprocher sans doute de la chanson de Léo Ferré (ci-dessous). Notons que Humbert est professeur de littérature. Il est conscient de son attirance pour certaines jeunes filles qu’il appelle les « nymphettes ». Il épouse la mère de Lolita, qui le dégoûte, et au décès de celle-ci, il fait croire qu’il est le père biologique de Lolita, ce qui ajoute une aura d’inceste à sa pédophilie. Lolita s’enfuit avec son nouvel amant, Clare Quilty, un dramaturge érotomane du même âge que Humbert Humbert.
Malgré l’accueil très favorable de la critique, Lolita est interdit en France par décision du ministre de l’Intérieur, avec vingt-quatre autres livres du même éditeur. L’interdiction sera levée par le Tribunal Administratif en janvier 1958. En 1969, Nabokov publie Ada ou l’Ardeur, histoire d’amour d’un personnage nommé Van, qui tombe amoureux à l’âge de 14 ans de sa cousine Ada, qui est en fait sa sœur. Lucette, la sœur d’Ada (donc sa sœur aussi), est folle amoureuse de lui & se suicide. Je n’ai pas encore lu ce livre, mais il a tout pour être le « meilleur livre » de Chibritte, tout comme Certains l’aiment chaud était son « meilleur film » !
La question de l’âge est plus prégnante au cinéma, où les mots s’incarnent. Pour Lolita, sorti en 1962 mais tourné de novembre 1960 à mars 1961, Stanley Kubrick a choisi Suellyn Lyon (née le 10 juillet 1946, donc âgée de 14 ans lors du tournage) pour interpréter le rôle de Lolita, parce qu’elle elle fait plus que son âge, ce qui devait être un bon moyen pour limiter les controverses.
Dans son interview pour Apostrophes, Vladimir Nabokov constate que l’image de son héroïne a subi une dégradation à mesure des adaptations, l’éloignant petit à petit de son identité de victime. Il considère qu’après la sortie du film de Stanley Kubrick, son personnage est devenu le stéréotype de la jeune séductrice hypersexualisée : « Lolita n’est pas une jeune fille perverse, c’est une pauvre enfant. Non seulement la perversité de cette pauvre enfant a été grotesquement exagérée, mais son aspect physique, son âge tout a été modifié […] En réalité, Lolita, je le répète, est une fillette de douze ans, tandis que Mr Humbert est un homme mûr. [...] Lolita, la nymphette, n’existe qu’à travers la hantise qui détruit Humbert ».
Quand j’avais vu le film, je m’étais fait la réflexion que cette jeune fille de 14 ans avait l’air bien plus mature que mes élèves du même âge. Impression confirmée à la vue du reportage de 1962 « Les jeunes qui traînent au square Saint-Lambert » (Durée 12’. Archive de l’INA « L’avenir est à vous », RTF ; ci-dessous). Il s’agit d’un square du XVe arrondissement de Paris, d’où provient l’expression « blousons noirs », utilisée pour la première fois dans un article de France-Soir le 27 juillet 1959 ou dans un article du Figaro du 25 juillet selon d’autres sources. Les jeunes qui s’expriment dans ce reportage étaient considérés comme des délinquants terrifiants, et pourtant ils s’exprimaient comme s’exprimeraient des normaliens à notre époque. Misère !
À la fin de ce chapitre, je recommande aussi la lecture de La Vie en Rose, de feu mon amie Gudule (1945-2015) (Grasset-jeunesse, Lampe de poche, 2003), le premier tome de son autobiographie romancée, où elle raconte comment à l’âge de 15-16 ans (donc vers 1960), elle se laissa séduire par un amateur de nymphettes dans la veine de Nabokov, et se retrouva enceinte. Ce sont des choses qui arrivent dans la vraie vie, et la littérature jeunesse, comme la littérature tout court, en rendent compte. Il serait idiot de se fermer les yeux et d’interdire ce genre d’ouvrages, qui a un intérêt éducatif, et j’ai consacré une partie de ma vie à défendre ce genre de littérature, d’où la création du site « altersexualité ». Tout ça pour me faire accuser de tous les maux par des Savonarole de la 11e heure qui ne prennent même pas la peine de se renseigner, et sont incapables de faire l’effort de comprendre que l’« altersexualité », ce mot que j’ai créé, était une alternative au lgbêtisme, dont j’avais compris depuis longtemps à quel point il était toxique.
Zazie dans le métro
Raymond Queneau publie Zazie dans le métro en 1959, roman qui sera adapté au cinéma sous le même titre en 1960 par Louis Malle. Je leur ai consacré des pages d’étude lorsque le roman & le film ont été mis au programme de l’enseignement de littérature en Terminale L.
Queneau avait fait coup double, voire triple, en évoquant dans son roman à la fois l’homosexualité, la question transgenre & la pédophilie. Vu l’époque, il est remarquable que la pédophilie dans ce roman soit exclusivement hétérosexuelle ; l’oncle Gabriel étant justement choisi par la mère parce que, étant homosexuel, il ne présente aucun risque pour sa fille ! Malgré cette thématique provocatrice, le livre – et le film – bénéficièrent quand même du label « livre (& film) pour enfants ». C’est un aspect important, car l’homosexualité était à cette époque un sujet absolument tabou pour les enfants. Pendant la production du film, le 18 juillet 1960, était voté le fameux « Amendement Mirguet » assimilant l’homosexualité à un « fléau social » !
Dans le roman, la question transgenre est abordée par la bande, avec la double métamorphose symétrique Gabriel-Gabriella, Marceline-Marcel. On relève aussi cette remarque anodine en apparence de Gabriel : « Je me demande pourquoi on représente la ville de Paris comme une femme. Avec un truc comme ça. Avant que ça soit construit, peut-être. Mais maintenant. C’est comme les femmes qui deviennent des hommes à force de faire du sport. On lit ça dans les journaux. » C’est à cette réplique que Charles craque : « – Lui aussi, qu’il dit en gémissant, lui aussi… toujours la même chose… toujours la sessualité… toujours question de ça… toujours… tout le temps… dégoûtation… putréfaction… Ils pensent qu’à ça… ».
À un mot près (« tous »), le film reprend la réplique, sauf que c’est Zazie & non Gabriel qui fait craquer Charles. Excellente idée d’inversion des rôles, puisque Zazie joue elle-même au satyre qui pourchasse les adultes ! Louis Malle transpose magistralement cette idée par un travelling descendant sur les escaliers de la tour Eiffel, prouesse technique, qui évoque la descente vertigineuse vers le subconscient.
Le livre, & le film, proposent des provocations qui feraient péter un câble aux Savonarole parmi la dissidence actuelle. En effet, Zazie assiste à des divertissements réservés aux adultes ; elle déambule seule aux alentours des cabarets de Pigalle. Gabriel se fait passer pour veilleur de nuit, mais on apprendra qu’il est en réalité (si l’on peut dire) « danseuse de charme » dans une « boîte de tantes », « boîte de pédales » ou « boîte de tapettes », à Pigalle, sous l’avatar de « Gabriella ». Il est dûment marié avec Marceline, mais Zazie se demandera tout au long du récit s’il n’est pas « hormosessuel ». Queneau s’amuse avec le lecteur, car les dénégations de Gabriel et de ses camarades sont malicieusement contrariées entre autres par l’apparition finale de Marceline sous l’avatar de Marcel, ce qui renvoie à Gabriel / Gabriella, sans oublier le « Tu as oublié ton rouge à lèvres » que Marceline lance à Gabriel, ou autres allusions souvent distillées en fin de chapitres, que le film de Louis Malle s’amuse à reprendre textuellement.
Bien évidemment, il y a loin de ces provocations potaches à l’organisation de lectures de contes par des drag-queens & autres initiatives délirantes de l’ère macroniste. La différence me semble résider dans le sérieux avec lequel cela est fait actuellement, au lieu de l’état d’esprit facétieux de Zazie, qui suggère que les enfants doivent pouvoir trouver en eux-mêmes des capacités de résilience. Rappelons que dans le livre & le film, la fillette survit à une tentative de viol de la part de son père, que la mère massacre à la hache pour sauver sa fille (« Et les papouilles zozées de recommencer »). Comme dans Lolita, il semble que les écrivains de cette époque avaient conscience de quelque chose de pourri au royaume de l’hétérosexualité, et tâchaient d’en prévenir leur lectorat avec les moyens du bord.
Pour ma part, lorsque j’ai écrit M&mnoux, j’ai recueilli & transcrit plusieurs témoignages de viols incestueux de la part de pères & grands-pères, dans des petits villages ruraux. Cela avait lieu à cette époque. Tout le monde était plus ou moins conscient de cela, et les écrivains en rendaient compte à, leur façon, voilà tout.
Puisque j’en suis à Queneau, j’en profite pour rappeler un échange significatif des Recherches sur la sexualité (1928-1932). Archives du surréalisme n°4. Ce volume reprend des échanges à bâtons rompus sur le thème de la sexualité. Attention, il s’agissait non pas de disserter, mais de lâcher sans frein ce qui vous passait par la tête. La police de la pensée n’était pas encore sur pied à l’époque. La question « Quel est l’âge que vous aimez le mieux chez une femme ? » n’obtint que huit réponses chiffrées étalées de 14 à 40 ans. Queneau répond « De 14 à 50 ans », et Prévert, laconique, « 14 ans ». Ce genre de réponse, aujourd’hui, classerait immédiatement les deux écrivains parmi les « pédophiles », car on a oublié qu’à cette époque, l’âge de consentement était fixé par la loi à 13 ans.
Marguerite Duras
Quand « Brigitte » démarra dans le métier de prof de lettres, en même temps que moi, Marguerite Duras (1914-1996) était, tardivement, la star de la littérature française, avec son Prix Goncourt obtenu en 1984 pour L’Amant, à l’âge de 70 ans. L’Amant était une réécriture plus explicite de Un Barrage contre le Pacifique (1950), un chef-d’œuvre que j’ai souvent proposé à mes élèves de Première pour le bac. Il faut donc se pencher sur ses écrits pour comprendre, sinon excuser, l’état d’esprit un peu transgressif des lettres en pleine Mitterrandie.
En 1991, l’année du détournement de mineur à La Providence, Duras publiait L’Amant de la Chine du Nord, une réécriture de la réécriture, qui allait encore plus loin dans l’aveu de l’inavouable. À l’heure où de nombreux dissidents se montent le bourrichon – à juste titre, mais sans mesure – à propos de l’« EVARS » (programme d’éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle), il est bon de rappeler que la littérature a toujours permis d’aborder sainement ladite vie affective & sexuelle, par des livres adaptés à l’âge des élèves.
Ainsi, L’Amant pouvait-il s’inscrire dans le programme d’une classe de Première littéraire, avant que l’arborescence scolaire du lycée ne soit foutue en l’air sous le ministre Blanquer. Maintenant, ce ne serait plus possible, car la macronie a décrété que l’État doit choisir les œuvres au programme à la place des profs, les mêmes œuvres à Carpentras & à Mayotte, à Cayenne & à Vesoul. Aucun syndicat, aucun politicien ne protesta contre cette mesure fasciste, mais là tout le monde est remonté contre l’« EVARS », qui n’est que la poursuite du « notre projet » fasciste. Quel politicien proposera la seule mesure digne d’intérêt, le démantèlement de l’Éducation nationale, comme Trump vient de le faire aux États-Unis ? C’est aux régions, voire aux départements, de décider de l’éducation, comme en Suisse & en Allemagne, y compris l’éducation à la sexualité, ce qui permettra à moyen terme, de dégager les meilleures pratiques, plutôt que de niveler par le bas.
Bref, certaines pages sulfureuses de L’Amant abordent crûment la sexualité, mais l’aura de la grande écrivaine, le label « prix Goncourt », & le succès de librairie phénoménal (plus de deux millions d’exemplaires vendus), légitimaient sans doute cette audace de présenter à des lycéens de 15 ans un roman qui évoque la vie amoureuse et sexuelle d’une lycéenne de 15 ans dans les années 1920. L’Amant est une sorte de kaléidoscope dont le centre est la jeune fille de 15 ans (plutôt 16 en réalité) que fut Marguerite Duras, et sa liaison mi-amoureuse, mi-vénale, avec un amant de la bourgeoisie chinoise de l’Indochine française, plus précisément la Cochinchine. La mère encourage cette relation pour des raisons mercantiles, car la famille est pauvre, et la perspective d’un mariage avec un homme riche est alléchante. Mais le père du Chinois s’oppose au mariage : (« Il refusera le mariage de son fils avec la petite prostituée blanche du poste de Sadec »).
La jeune fille profite en tout cas de l’occasion pour découvrir la jouissance physique avec le Chinois, ainsi que le fantasme érotique avec une jeune fille de son lycée, Hélène Lagonelle. Elle évoque le désir des hommes pour les « petites filles blanches » : « J’ai déjà l’habitude qu’on me regarde. On regarde les blanches aux colonies, et les petites filles blanches de douze ans aussi. Depuis trois ans les blancs aussi me regardent dans les rues et les amis de ma mère me demandent gentiment de venir goûter chez eux à l’heure où leurs femmes jouent au tennis au Club Sportif ». La complicité de la mère, par exemple pour les vêtements aguichants de la petite : « C’est pour cette raison, elle ne le sait pas, que la mère permet à son enfant de sortir dans cette tenue d’enfant prostituée ».
La scène de la première relation sexuelle est explicite : « Je ne savais pas que l’on saignait. Il me demande si j’ai eu mal, je dis non, il dit qu’il en est heureux. Il essuie le sang, il me lave » ; à comparer avec la scène équivalente dans le Barrage : « Il avait sorti son mouchoir de la poche et il avait essuyé le sang qui avait coulé le long de ses cuisses. Ensuite, avant de partir, il avait remis un coin de ce mouchoir ensanglanté dans sa bouche, sans dégoût et avec sa salive il avait essuyé une nouvelle fois les taches de sang séché. Que dans l’amour les différences puissent s’annuler à ce point, elle ne l’oublierait plus. C’était lui qui l’avait rhabillée parce qu’il avait vu que manifestement, elle n’avait ni envie de se rhabiller ni envie de se relever pour s’en aller. »
Cette scène va très loin : « Il devient brutal, son sentiment est désespéré, il se jette sur moi, il mange les seins d’enfant, il crie, il insulte. Je ferme les yeux sur le plaisir très fort. Je pense : il a l’habitude, c’est ce qu’il fait dans la vie, l’amour, seulement ça. Les mains sont expertes, merveilleuses, parfaites. J’ai beaucoup de chance, c’est clair, c’est comme un métier qu’il aurait, sans le savoir il aurait le savoir exact de ce qu’il faut faire, de ce qu’il faut dire. Il me traite de putain, de dégueulasse, il me dit que je suis son seul amour, et c’est ça qu’il doit dire et c’est ça qu’on dit quand on laisse le dire se faire, quand on laisse le corps faire et chercher et trouver et prendre ce qu’il veut, et là tout est bon, il n’y a pas de déchet, les déchets sont recouverts, tout va dans le torrent, dans la force du désir ». Ouf ! si cela n’est pas de l’éducation sentimentale… en tout cas, c’est la vie, et si la littérature ne reflète pas la vie, ce n’est pas de la littérature.
Ce roman, je le proposais comme un classique, 30 ans après sa parution, uniquement aux élèves de la filière L (à 90 % des filles), qui me semblaient réceptifs. Aux autres je proposais seulement le Barrage. Il ne s’agissait pas de mettre l’accent sur les quelques phrases explicites, mais les élèves les découvraient en passant. Je suis gêné quand j’entends certains ayatollah de l’opposition à l’« EVARS » s’emporter à vouloir interdire toute évocation de la « vie affective et sexuelle » à l’école. Ils oublient que face à ce vide, les élèves, quel que soit leur âge, n’auront que la pornographie. Entre une vidéo porno & une phrase explicite de Marguerite Duras noyée dans un excellent roman, il me semble y avoir matière à ne pas jeter le bébé avec l’eau du bain.
Revenons au roman et à son rapport avec la romance de La Providence qui se déroule l’année de la sortie de L’Amant de la Chine du Nord. Dans L’Amant et dans L’Amant de la Chine du Nord, l’écart d’âge n’est que de douze ans, il a donc 27 ans si elle en a 15, à peu près comme Verlaine & Rimbaud. La relation est on ne peut plus anti-romantique ! Si Duras insiste sur les mots comme « enfant » ou « petite fille » qui accusent la différence d’âge (sans doute perçue comme moins grave en 1929 en Indochine qu’en 1984 en France), elle ne précise qu’une fois qu’il y avait un risque lié à cet écart : « Il éprouve une autre peur aussi, non parce que je suis blanche mais parce que je suis si jeune, si jeune qu’il pourrait aller en prison si on découvrait notre histoire ». Il est à noter qu’aucune allusion de cette sorte n’existait dans le roman de 1950. Cette différence entre les deux textes provient sans doute de la prise de conscience du problème de la pédophilie, contemporaine de l’écriture de L’Amant.
Pourquoi l’auteure avait-elle transformé l’amant chinois en Français dans le Barrage ? Élément de réponse dans L’Amant : « Mes frères ne lui adresseront jamais la parole. […] Cela, parce que c’est un Chinois, que ce n’est pas un blanc ». Peut-être cela simplifiait le roman à thèse anti-colonialiste de 1950 : les méchants blancs, les gentils indigènes… En tout cas, cela éclaire un peu la situation de Gide, car à un an près pour l’âge de l’enfant, la situation n’est pas si éloignée : dans un cadre colonial de la fin du XIXe ou du début du XXe siècle, très éloigné du raffinement des mœurs parisiennes, un ou une blanche se livre avec un « racisé » à des rapports sexuels qu’il sait interdits. La différence est que la blanche est la pauvre, et le Chinois le riche colon ; chose impossible à conceptualiser pour les gauchistes !
L’Amant donne quelques rares traits de lumière sur les allusions à la tentation incestueuse entre la sœur et le frère inscrite en filigrane dans le Barrage, ainsi que sur la fascination homosexuelle, & le fantasme bisexuel pour Hélène Lagonelle : « Je suis exténuée par la beauté du corps d’Hélène Lagonelle allongée contre le mien ». « Je voudrais donner Hélène Lagonelle à cet homme qui fait ça sur moi pour qu’il le fasse à son tour sur elle ».
Paru en 1991, L’Amant de la Chine du Nord approfondit l’histoire personnelle de Marguerite Duras. Le mot « l’enfant » constamment utilisé, insiste sur le jeune âge de la protagoniste, et fait penser inévitablement pour le lecteur actuel, à la pédophilie.
L’inceste avec Paulo, le petit frère, est cette fois-ci explicite : « Après il a eu dix ans, puis douze, puis treize ans. Et puis une fois il a joui. Alors il a tout oublié, il a eu un tel bonheur, il a pleuré. Moi aussi j’ai pleuré. C’était comme une fête, mais profonde, tu vois, sans rires, et qui faisait pleurer ». Ce n’est qu’à la fin du roman que cet inceste consommé est raconté ; difficile aveu littéraire qui couvait depuis la publication du Barrage en 1950 :
« Paulo était venu dans la salle de bains par la petite porte du côté du fleuve. Ils s’étaient embrassés beaucoup. Et puis elle s’était mise nue et puis elle s’était étendue à côté de lui et elle lui avait montré qu’il fallait qu’il vienne sur son corps à elle. Il avait fait ce qu’elle avait dit. Elle l’avait embrassé encore et elle l’avait aidé.
Quand il avait crié elle s’était retournée vers son visage, elle avait pris sa bouche avec la sienne pour que la mère n’entende pas le cri de délivrance de son fils.
Ç’avait été là qu’ils s’étaient pris pour la seule fois de leur vie.
La jouissance avait été celle que ne connaissait pas encore le petit frère. Des larmes avaient coulé de ses yeux fermés. Et ils avaient pleuré ensemble, sans un mot, comme depuis toujours. Ç’avait été cet après-midi-là, dans ce désarroi soudain du bonheur, dans ce sourire moqueur et doux de son frère que l’enfant avait découvert qu’elle avait vécu un seul amour entre le Chinois de Sadec et le petit frère d’éternité ».
La relation sexuelle avec le Chinois est réticente à cause de la question de l’âge de la petite :
« Il se lève. Elle reste debout devant lui. Elle attend. Il se rassied. Il caresse mais à peine le corps encore maigre. Les seins d’enfant, le ventre. Il ferme les yeux comme un aveugle. Il s’arrête. Il retire ses mains. Il ouvre les yeux. Tout bas, il dit :
– Tu n’as pas seize ans. Ce n’est pas vrai. […]
« – Si la police nous trouvait… – elle rit – je suis très mineure…
– Je serais arrêté deux ou trois nuits peut-être… je ne sais pas bien. Mon père paierait, ce ne serait pas grave. »
Bref, cette longue étude nous a remis dans le contexte de l’état d’esprit où pouvait être un prof de lettres dans ces années-là, quand eut lieu cette illustre romance selon Mimi Marchand. Le prof de lettres que je suis aussi, irait-il jusqu’à prétendre qu’il y avait, entre l’aura de Marguerite Duras à son apogée, qui romance une relation pédophile & un inceste, et la relecture d’une relation jadis scandaleuse entre Verlaine & Rimbaud, que l’on commençait dans ces années-là à voir d’un œil diamétralement opposé, mais tout aussi trompeur, matière à « circonstances atténuantes » en ce qui concerne le détournement de mineur qui nous intéresse ? Ces errements durassiens nous font penser à la fameuse déclaration de Nathalie Rheims : « Vice is nice but incest is best because it stays in the family ». (Je propose de traduire en transposant le son plus que le sens : « Le vice, c’est Nice, mais l’inceste, c’est l’Everest, parce que ça reste dans la famille ».) Il s’agit bien sûr de la famille Rothschild, l’un des propriétaires de macron. Vous suivez ?
Gabrielle Russier
J’ai consacré jadis un article au livre de Michel Del Castillo Les Écrous de la haine, écrit dans l’émotion des événements. À cette époque, la France, menée par la prise de position de Georges Pompidou, avait pris fait & cause pour l’enseignante qui s’était suicidée après une période de prison préventive. À relire mon article sur ce livre (écrit en 2007), j’étais séduit à l’époque par le discours libertaire de l’auteur. Il faut dire que la chanson d’Aznavour « Mourir d’aimer » et le film éponyme d’André Cayatte (sorti en 1971) avaient fortement contribué – et c’est une chose qu’on oublie – à cette tolérance excessive qu’on observe dans les années 1970 pour la pédophilie, ce qui n’avait rien à voir avec l’affaire Russier. C’est encore un cas de socratisation, qui se situe dans le cadre des excès gauchistes de mai 68.
Pour résumer, Gabrielle, Christian Rossi & ses parents, professeurs d’université, étaient des gauchistes. Ce n’est pas l’histoire d’amour consommé vers les 17 ans du garçon, que la prof avait rencontré en classe de seconde alors qu’il avait 16 ans, qui a causé la plainte des parents. C’est un garçon présenté comme mature & faisant bien plus que son âge. On lui donnerait 23 ans alors qu’il est en seconde, comme en atteste une photo où il est censé avoir 18 ans, reprise dans un dossier de 2020 du Monde.
De la photo de ce jeune homme émane plus de virilité que dans l’ensemble du groupe RN de l’Assemblée, ou dans l’ensemble du gouvernement Attal ! C’est Christian qui la poursuit, tambourine à sa porte, jusqu’à ce qu’elle cède et qu’ils deviennent amants. On peut trouver l’influence du mythe Verlaine-Rimbaud, car le garçon fugue, et Gabrielle le retrouve en Allemagne où il effectuait un séjour linguistique, puis ils voyagent en Italie, où le garçon est parti en stop. La plainte porte donc sur « enlèvement et détournement de mineur », et il est notable que la relation amoureuse n’est apparemment pas en cause dans la plainte des parents. La question de l’émancipation (à 17 ans) du garçon effectivement mature, avait été posée.
Bref, c’est un cas limite qui pousse à la tolérance, & pose la question des limites de cette tolérance. Et ce dossier apporte un détail supplémentaire à l’étude des lois sur le consentement, le fait qu’à l’époque de la majorité à 21 ans, la majorité sexuelle était à 18 ans. Gabrielle avait épousé Michel Nogues en 1958, alors qu’elle avait 20 ans, donc pas majeure. C’est une professeure charismatique, qui s’investit auprès de ses élèves de Marseille, les emmène en sortie même en week-end. Elle fait penser à « Brigitte », et les médias subventionnés ne se sont pas gênés pour en tirer un clip de propagande intitulé « L’affaire Russier » (série Karambolage de ARTE), dans lequel ils déforment la réalité, en faisant croire que c’est la relation amoureuse qui est à l’origine de la plainte des parents de Christian, et non l’enlèvement. Il n’en reste pas moins qu’il s’agit d’un étalon de comparaison intéressant pour toutes les autres affaires évoquées dans cette étude.
On notera que le même André Cayatte avait aussi réalisé Les Risques du métier, film sorti en 1967 sur une accusation injuste de pédophilie. Un film qui a eu un immense retentissement à cause de son interprète, Jacques Brel, dont c’était le premier film important comme acteur. Ce film était souvent rediffusé à la télévision à l’époque de l’ORTF, où une soirée télévisée informait les discussions du lendemain. On pourrait se demander si aujourd’hui, un tel film ne vaudrait pas à ses auteur & comédien d’être accusés de promouvoir la pédophilie. Pourtant, une archive de l’INA montre qu’ils avaient l’impression d’avoir fait un film comme un autre, sur une erreur judiciaire. Bref, on ne peut pas comprendre cette époque sans prendre en compte ces deux films-là. L’air du temps était comme ça ; on était loin de la prise de conscience des ravages de la pédophilie, mais aussi de ceux des réseaux pédocriminels, qui ne relèvent pas du tout de la même catégorie. Né en 1945, Jean-Michel Trogneux avait entre 22 et 26 ans lors de la sortie de ces films. Naissance d’une vocation ?
Léo Ferré
Les mêmes pourfendeurs d’un André Gide dont ils n’ont pas lu une ligne, tombent à bras raccourcis sur Léo Ferré pour la seule raison de sa chanson « Petite », consacrée, à en juger de loin, à l’amour d’une écolière par un vieux cochon. Mais regardons-y de plus près au lieu de jouer les inquisiteurs en charentaises.
À la façon, plus tard, de Serge Gainsbourg avec « Lemon incest », Léo Ferré évoque non pas une relation réelle qu’il aurait eue lui avec une fillette juste pubère, mais l’idée d’une telle relation qui s’immisce dans la tête d’un homme « regard[ant] une petite fille en train de devenir une femme avec l’œil de l’homme », pour en tirer une réflexion anarchiste qu’il est ridicule de prendre au premier degré. Ces propos sont tirés de la vidéo ci-dessus extraite de Léo Ferré par lui-même (Arte, 1994). Dans sa vie privée, à ma connaissance, Léo Ferré a été tout sauf un collectionneur de petites culottes de nymphettes. Sa position était anarchiste, c’est comme cela qu’il faut interpréter sa conclusion : « Loin de moi et de mes tourments / Tu reviendras me voir bientôt / Tu reviendras me voir bientôt / Le jour où ça ne m’ira plus / Quand sous ta robe il n’y aura plus / Le Code Pénal ».
Il faut préciser que la chanson a été créée en 1969, époque connue pour certaines exagérations dans le domaine de la sexualité, subsumées par Gainsbourg dans « 69 année érotique ». Peut-être, dans ce contexte particulier, a-t-il été un jour saisi de « tourments », comme il explique que cela arrive à tout homme ; cela relève des fantasmes, qui ne sont pas encore pénalisés, heureusement ! Mais la vie amoureuse de Léo Ferré est réputée dédiée à des femmes mûres, et une vie de père de famille, du moins avec sa 3e femme Marie ; du moins s’il se tapait des admiratrices, il ne les couchait pas sur les pages de Paris Match ! Comme le révèle cet article du site de Jacques Layani, Léo Ferré avait tout du permaculteur actuel, et, sauf à être démenti, absolument rien de l’apôtre de la pédophilie ! Sa furie d’anarchiste contre le « code pénal » n’était pas limitée à la question de l’âge de consentement, mais aussi au mariage, qu’il qualifiait dans « Et... basta ! » de « collage administratif », ce qui ne l’empêcha pas de se marier à trois reprises, car il y a la théorie, et la pratique !
Mais nos amis dissidents, fidèles à l’esprit français, coupeurs de têtes & délateurs, veulent des coupables et pratiquent autant la « cancel culture » que les wokistes qu’ils vilipendent par ailleurs. Cela nous renvoie à une autre chanson de 1969, « Je veux des coupables », d’Higelin & Areski. Je suis désolé, mes chers amis dissidents à tendance savonarolienne : je fais une différence au niveau du talent entre Léo Ferré & Patrick Bruel ; même entre Léo Ferré & Bernard covidiste Lavilliers.
Louis-Ferdinand Céline ; Casanova & Rétif de La Bretonne
Je suis tombé par hasard, car une amie me l’a offert, sur un livre très peu connu de Louis-Ferdinand Céline, Maudits soupirs pour une autre fois, une première version de Féérie pour une autre fois, document de travail non publié par l’auteur, mais édité pour les amateurs dans la collection L’Imaginaire de Gallimard. Le texte date des années 1947-1950, et il raconte des événements autobiographiques survenus en juin 1944, alors que Céline se sait voué à être condamné pour ses actes de collaboration. Pendant un bombardement, une fillette de 11 ans du voisinage lui amène un chien à soigner (il est médecin) et en profite pour le vamper.
C’est tout à fait la situation de la chanson de Ferré, car la donzelle s’est mis du rouge à lèvres & se comporte comme une traînée, et lui, d’un côté apprécie en amateur, comme dirait Ferré, cette « idée qui va son chemin », mais de l’autre essaie de s’en défaire (alors qu’elle lui saute dessus, profitant de l’atmosphère de bombardement & du fait qu’il est occupé à soigner le chien), terrorisé par l’idée d’être pris avec elle & qu’on le prenne pour un satyre ! Quelqu’un qui lirait l’extrait sans être concentré pourrait croire à une scène pédophile, mais non, c’est une situation scabreuse, qui peut bien exister dans la réalité. Je vous mets quelques extraits du texte, et j’ai enregistré tout ce passage amusant et bougrement célinien, sur cette vidéo :
« – Où que t’as pris ton rouge à lèvres ?…
Elle me répond pas, elle m’enfonce sa langue dans la bouche… Elle est vampire !
– Où que t’as appris ça ?
Je la savais pas si salope. Le clebs geint, il pleure là contre nous, contre le sofa… la patte en l’air… sa patte cassée…
– Elle est cassée tu sais Toinon…
Elle s’en fout, elle fait des mouvements… des mouvements ondulatoires puis saccadeurs… toute sa force ! Ah ! mâtine ! mâtine ! Flûte ! elle est crapule la môme… Mes côtes, alors, je suis comme Piram !… et mon oreille… Elle m’arrache mes gazes mon pansement à se frotter contre. Flûte des baisers. Ah ! elle est en chaleur la gamine.
– Quel âge que t’as ? Quel âge que t’as ?
C’est toujours une pensée qui vient l’âge… mineure, etc. Les complications… son père ! C’est pas le moment flûte ! Attends mimi mimi. Elle a dix, onze, douze ans… elle est précoce ! Elle a du rein ! Je ressens… Je sens flûte que je vais dégueuler si elle continue à me secouer la tête de baisers… C’est l’effet que ça me donne finalement… Elle souffle, elle halète… elle bande… sur moi là, sur moi. »
Puis la fillette se met toute nue et prétend avoir besoin qu’il lui soigne les fesses : « Que je lui onguente le trou de balle en ce moment, là, avec quoi ? » (p. 251).
Elle veut le forcer à l’embrasser, crie « au viol », etc. Il se rappelle quand même qu’il l’avait un peu tripotée pendant une alerte où ils étaient « vingt trente cinquante sous la table, embringués » (p. 252).
Il s’imagine un coup monté pour le compromettre, mais en même temps il admire la gamine :
« Et c’est une môme très solide, ah ! je vois… costaud… onze ans pardon… On bouffe chez papa. Il la fouette mais il la nourrit. Elle est pas privée. Ils manquent de rien chez eux. Ça aurait fait une petite athlète plus qu’une danseuse. Elle est trop trapue, là je la vois les cuisses ouvertes… cette petite musculature, petite enfin potelée, prose pas de bébé, déjà en forme, mi-garçon mi fille c’est l’âge… c’est enivrant… » (p. 261).
Cet épisode célinien me rappelle quelque épisode de l’Histoire de ma vie de Casanova. Ce coureur de jupons qui a donné son nom à la profession, exerçait en un siècle où la notion d’âge de consentement n’existait pas, ni le mot « pédophilie » ; il y avait juste le sens commun, et la distinction entre « pubère » & « impubère », avec parfois un jeu sur la limite entre les deux. Voici un extrait d’une de ces aventures, qui nous ferait bondir aujourd’hui, et encore déboulonner quelques statues.
Une fille de « treize ans », Sara, le taquine dans un dîner avec son père, et lui rend d’innocentes visites le matin, alors qu’il est avec la « Dubois » ; mais cette petite salope (comme dirait Zazie) s’invite petit à petit dans leurs ébats jusqu’à parvenir à ses fins, les regarder faire l’amour, puis y mettre la main, et c’est donc une jolie scène de « pédophilie » (je vous demande pardon) que nous offre cette édition Pléiade (tome II, p. 366) : « Contrefaisant l’innocente, elle entreprend ma résurrection et elle réussit, et pour lors ma bonne lui dit que puisqu’elle avait le mérite de m’avoir ressuscité c’était aussi à elle qu’appartenait l’ouvrage qui m’aurait fait mourir de nouveau. Elle dit qu’elle le voudrait bien ; mais qu’elle n’avait pas assez de place pour me loger, et disant cela elle se met en posture de me faire voir que c’était vrai, et que ce ne serait pas sa faute, si je ne pourrais pas la lui faire. Faisant alors à mon tour l’innocente, et sérieuse mine d’un homme qui veut bien avoir une complaisance j’ai contenté la rusée, qui ne nous donna aucune marque qui pût nous faire jurer qu’elle n’avait pas fait cela quelque autre fois. Point de démonstration de douleur, point d’effusion qui pût indiquer une fraction ; mais j’eus assez de raison pour assurer ma bonne que Sara n’avait jamais connu un autre homme ».
Le XVIIe siècle est riche en séducteurs, dont les « conquêtes » explorent toute l’échelle des âges, depuis l’aube de la puberté. Certains extraits de Monsieur Nicolas, de Nicolas Edme Rétif de La Bretonne (4e époque) ne manquent pas de sel. « La troisième sœur était une enfant de douze ans : elle fut spectatrice, mais Tourangeot me dit qu’elle était accoutumée à ces sortes de scènes par sa mère et ses sœurs. Aussi était-elle d’une impudence qui passe toute imagination… Dans un moment où les deux aînées s’étaient jetées sur Tourangeot, qui leur disait et faisait des obscénités, elle vint se mettre sur mes genoux et m’embrassa. J’y répondis. Alors la petite me dit en propres termes : « Dépucelez-moi, je vous en prie. — Non, non ! petite effrontée ! lui dit la seconde, non ! » Je vous laisse découvrir la suite, p. 776 du tome 1, édition de la Pléiade, ainsi que l’histoire de « Zéphire », prostituée de 12 ans, p. 995.
Roman Polanski
Le cas de Roman Polanski est un nouveau cas Lewis Carroll, mais actuel. Je l’ai traité en détail dans un article intitulé « La Jeune fille et la mort et autres films, en marge de l’affaire Polanski ».
J’ai tenté de prendre la défense du réalisateur en marge d’une émission de GPTV avec de prétendus « dissidents ». Ces trois braves gens me sont immédiatement tombé dessus, comme si soutenir Roman Polanski était un crime. Vous pouvez visionner l’extrait significatif. L’attitude de mes interlocuteurs quand je l’ai mentionné est révélatrice. Polanski est définitivement tombé dans le « pas glop », et il est symptomatique que sur un plateau de soi-disant « résistants », on ait la même réaction pavlovienne que sur TF1 quand on lance de gros mots comme « Alain Soral », « Didier Raoult » ou « Dieudonné ». Il se trouve que j’ai aussi lu René Girard et que le phénomène de Bouc émissaire m’est familier.
Voir ces gens tomber à pieds joints dans une opération de destruction de notoriété sur une personne dont a priori ils ignorent tout est révélateur. Aucun d’eux n’a mentionné un film de Polanski alors qu’ils maîtrisent parfaitement l’abécédaire du Who’s Who du gangsta rap. Pourtant s’ils interviennent sur GPTV, c’est qu’ils ont dénoncé les opérations de calomnies menées contre les personnalités anticovidistes. C’est plutôt désespérant. Sarah, par exemple, a tout dit avec ces quelques mots : « avec le respect que je dois à nos autorités ; j’ai aucun respect pour Polanski ». Ce qui est terrible avec le mougeon « dissident », c’est qu’il n’apprend rien. Moi aussi, j’ai crié « Fillon, rends l’argent », sauf que cela m’a servi de leçon. Si on arrêtait de hurler avec les loups ? J’ai évoqué dans mon article sur P. Diddy le complot pour détruire la réputation de Michael Jackson, là aussi avec de fausses accusations de pédophilie.
Le meilleur article à lire pour comprendre qu’il s’agit d’un bouc émissaire est sur PurePeople, pourtant le type de presse fréquenté par Myriam Palomba : « Samantha Geimer : ’’Roman Polanski et moi sommes liés à vie’’ ». Samantha Geimer explique comment elle-même est harcelée par les féministes qui veulent à tout prix instrumentaliser cette affaire vieille de 50 ans. Voici un extrait : « Au cœur du livre, le pardon. Samantha Geimer l’a évoqué à maintes reprises, mais ce n’est pas ce qu’elle écrit de plus surprenant dans ce livre. Petit rappel des faits : 24 heures après le viol dont elle a été victime, Roman Polanski est arrêté. Il plaide coupable de "rapports sexuels illégaux", mais avant la fin de son procès, il prend la fuite et ne remettra plus jamais les pieds aux États-Unis. Avec un recul assez incroyable, Samantha Geimer dit comprendre la fuite du réalisateur : "Tout homme, même lui, a droit à un procès équitable. Or, le juge Rittenband n’a fait qu’essayer de le coincer parce qu’il est une star d’Hollywood, pour son propre bénéfice politique. Il a décidé de changer la peine alors que nous avions trouvé un accord qui convenait à tous. Dans ces circonstances, je comprends que Roman Polanski ait quitté le pays. »
De véritables féministes ont dénoncé cette dérive du féminisme à la sauce woke-Soros. J’ai rassemblé leurs tribunes dans cet article : « Une joyeuse non-journée des droits des femmes ». C’est peine perdue, parce que tous ces faux dissidents, qui ne sont résistants que parce qu’ils ont vu qu’il y avait de la lumière, ou parce qu’on les a chargés d’infiltrer les milieux de la dissidence, ne tirent aucune leçon du passé. Dans la dissidence, d’ailleurs, beaucoup de ces résistants d’opérettes se drapent de la vertu chrétienne. Polanski a obtenu le pardon de la seule personne qu’il ait offensée dans sa vie ; le pardon est une vertu hautement chrétienne, mais au nom du christianisme, ces braves paroissiens refusent ce pardon, alors que la pardonneuse comme le pardonné ont fait savoir que la continuation de la vindicte leur pourrissait la vie. Ces braves gens sont-ils dignes du christianisme dont ils se parent ?
Miriam Cahn
J’ai traité en détail le cas de l’artiste Miriam Cahn dans mon article « « Opposition contrôlée » : si nous mettions les pieds dans le plat ? », que je résume ici. Je m’étais intéressé au bruit fait de façon simultanée par la meute de nos médias complotistes autour d’un fait mineur. Il s’agissait d’un tableau de Miriam Cahn exposé au Palais de Tokyo. L’affaire avait été promue en quelques jours à partir du 7 mars 2023, par Karl Zéro, Carlo Brusa, André Bercoff, Xavier Azalbert dans un article au titre péremptoire intitulé « Ça y est : cette fois on a touché le fond ! ». De quoi s’agissait-il ?
Enseignant de lettres en Île-de-France depuis plus de 30 ans, j’ai organisé des truellées de sorties culturelles. Jamais je n’ai visité le « centre d’art contemporain » couramment appelé « Palais de Tokyo », aile ouest du bâtiment éponyme consacrée à des expositions ou performances, qui n’est certes pas le premier musée où les enseignants organisent des visites. Il jouxte le Musée d’Art Moderne de Paris, lequel occupe l’aile est du même bâtiment, un superbe musée où j’aurais volontiers emmené des élèves en sortie. Le cas était symptomatique d’un glissement de la complotosphère (dont je fais partie). En effet, si le tableau en question, considéré isolément, est à première vue effectivement choquant, cette levée de bouclier pavlovienne m’inspire plusieurs questions :
Nos amis complotistes avaient jusqu’à présent été les premiers à protester, et à juste titre, contre la censure brutale de l’État national-covidiste & de ses rouages, non seulement contre les résistants qui tiennent des propos discordants sur la propagande vaxiniste, mais aussi contre les artistes, et je mentionnerai le cas flagrant de la fresque de Lekto représentant macron en marionnette d’Attali, œuvre d’art non pas retirée des yeux du public, mais carrément détruite sans autre forme de procès. Apparemment, la destruction brutale d’une œuvre d’art par les talibans du prétendu « antisémitisme » (alors que la fresque n’avait strictement rien qui pût être qualifié d’antisémite) n’était pas estimée « toucher le fond ». Le 3 avril 2023, Lekto récidivait avec une fresque de macron avec une petite moustache « 49.3 ». Aussitôt, dans l’indifférence générale, la préfète ordonne la destruction de cette œuvre d’art. Beaucoup de ceux qui furent Charlie pour défendre le droit de caricaturer Mahomet, se font Anastasie pour défendre l’interdiction de caricaturer Baphomet.
J’ai toujours combattu la censure, et je le ferai toujours, surtout quand il s’agit d’une œuvre d’art qui se présente dans un contexte que j’ignore. Or d’après ce que j’ai compris, le prétexte à cette agitation n’est pas un tableau « érotique », mais une dénonciation des atrocités de la guerre.
Le Palais de Tokyo n’est à ma connaissance pas destiné aux enfants. Ses expositions & performances attirent a priori plutôt un public d’adultes, et un public choisi d’amateurs d’art contemporain, public bobo difficile à choquer parce qu’il est particulièrement friand de provocation. La mousse faite par nos amis complotistes aura satisfait à la règle qu’ils connaissent parfaitement, de l’effet Streisand : la fréquentation annuelle de ce musée est estimée à 200 000 personnes, donc peut-être 20 000 à tout casser pour cette expo si l’on compte 10 expos par an, dont un nombre infinitésimal d’enfants, mais ces articles de dénonciation auront permis peut-être à un million de personnes, dont beaucoup d’enfants, de voir ce tableau, et de le voir coupé de son contexte de dénonciation de la guerre.
Il se trouve que le jour même où je commençais cet article sur l’opposition contrôlée, un jeune couple de ma famille que j’hébergeais, qui est tout sauf complotiste & se foutait a priori de cette polémique, avait choisi de visiter cette expo. Ils m’ont confirmé tout ce que je pensais de cette polémique bidon : aucun enfant présent, public de bobos, abondance de cartons pour prévenir de l’aspect choquant des œuvres exposées (ce qui empêche a priori toute exposition accidentelle d’un enfant aux images), et ensemble de l’expo explicitement consacrée à la dénonciation des violences de guerre, notamment des violences & viols subis par les femmes. Cela me suffit : il est hors de question que je me fasse complice d’une opération de censure apparemment ourdie de façon coordonnée par des gens avec lesquels je me sentais pourtant des atomes plus que crochus. Je défends les œuvre de Lekto & celles de Miriam Cahn, et j’appelle tout un chacun à la plus grande retenue dès qu’il s’agit de censure.
Nos amis Azalbert, Karl Zéro & Carlo Brusa ont-ils perdu le sens ? Savent-ils que le moindre dessin animé ancien de Disney est actuellement assorti d’un avertissement pour « racisme » ou autre wokisterie ? Demander la censure d’une œuvre pour un détail qui ne nous plaît pas, c’est cautionner le fait que les Dix petits nègres d’Agatha Christie change de titre, et toutes les absurdités à la mode. C’est se comporter en « idiot utile », exactement comme les crétins de l’escrologie qui croient malin d’attaquer macron & ses complices pour « inaction écologique », ce qui constitue un leurre. Non, Miriam Cahn (dont l’œuvre ne m’intéresse pas a priori) est tout sauf une apologiste de la pédophilie ; elle voulait la condamner ! Qu’elle l’ait fait d’une façon maladroite, je veux bien, mais c’est une controverse esthétique, pas morale !
Si l’on se penchait au contraire, puisque nous sommes au rayon arts plastiques, sur l’illustre ami pédophile de l’Élysée, j’ai nommé Claude Lévêque. Cet article de Résistance & Réinformation : « Pédocriminalité : l’affaire du plasticien Claude Lévêque coche toutes les cases les plus noires » vous présentera quelle clique de personnes agissent en meute derrière ce serial pédophile. Là encore, au risque de me répéter, ce n’est semble-t-il, pas un pauvre type qui, une fois dans sa vie, a laissé libre cours à ses penchants pervers, mais un pédophile invétéré, qui a hissé la pédophilie au rang des beaux-arts, et fait de nombreuses victimes. Je suppose que si vous en êtes arrivé là de cette série d’articles, c’est que vous avez peut-être compris qu’il y avait une nuance.
– Passez au chapitre 5 : « Quelques souvenirs personnels, socratisation & différence d’âge »
Lionel Labosse
– Article repris sur Profession Gendarme.
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– Le dessin de vignette signé Aurel provient de cet article du Monde : « Le débat piégé sur l’âge du consentement à une relation sexuelle avec un adulte ».
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