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Le dragon du VIH, à partir de 6 ans

Brenda a un petit dragon dans son sang, de Hijltje Vink & Diny Van de Lustgraaf

Le Cherche Midi, 1998, 40 p., 5 €.

mercredi 25 août 2010

Brenda a un petit dragon dans son sang est paru sous son titre original : Brenda heeft een draakje in haar bloed en 1998, il a été traduit en 2006 par Caroline Muller-Gelissen pour Le Cherche Midi. Si le conte part de bonnes intentions, on peut s’interroger sur son utilité plus de 10 ans plus tard, et sur la surmédiatisation du sida en tant que maladie juvénile.

Un album plein de bons sentiments spécifiquement réalisé pour les enfants séropositifs, basé sur une Brenda réelle, que l’auteure et son mari ont adoptée, ainsi que d’autres enfants « tous atteints d’un handicap physique ou psychique différent » (cela rappelle l’argument du film Freaks, cette femme qui se dévoue à des êtres qui n’ont pas leur place dans la société). Il s’agissait de rappeler qu’il n’est pas dangereux de fréquenter un enfant atteint du VIH, lequel ne s’attrape pas « en mettant ses doigts dans le même pot de confiture ». Le dragon est une métaphore du virus, il apparaît sur chaque image, endormi et inoffensif, et de temps en temps, il se réveille et apparaît plus grand. On ne sait pas grand-chose sur Brenda, sauf qu’elle a la peau noire, et que sa mère est morte, le petit dragon ayant vaincu les « petits soldats qui sont toujours dans son sang ». Le livre se termine sur huit questions-réponses fort simples sur le VIH.

Ce livre est recensé ici pour mémoire. Utile sans doute à sa parution en 1998 aux Pays-Bas, est-il encore utile en France à sa parution en 2006, et maintenant en 2010 ? J’en doute. Il ne contient pas la moindre allusion à la sexualité, encore moins à l’homosexualité. Ce serait louable s’il s’agissait d’ignorer la réputation du VIH qui incite les hétéros à ne pas s’en soucier, mais à ce compte, pourquoi relayer les vieilles erreurs du type on ne l’attrape pas « en mettant ses doigts dans le même pot de confiture » ? Quand on colporte ces lubies, finalement, sous prétexte de les contester, ne risque-t-on pas de les justifier ? Ne vaudrait-il pas mieux s’appuyer sur des statistiques et des comparaisons avec d’autres maladies, notamment celles qui visent les enfants ? Le problème c’est qu’on réaliserait alors que parmi les multiples causes de mortalité juvénile, le sida est loin d’être la plus importante dans le monde (3 % seulement), et encore, pas vraiment dans les pays où ce livre est diffusé. Les autres maladies ou causes de mortalité ont-elles donné lieu à autant de contes pour enfants en France ? On en trouvera dans la sélection de Ricochet. Il s’agit surtout d’un phénomène de mode, et il ne me semble pas nécessaire de matraquer les enfants, en France, en 2010, avec une maladie qui se trouve être plus tendance que la leucémie par exemple, ou alzheimer, surtout un livre comme celui-ci dans lequel l’histoire ne se suffit pas à elle-même, mais se veut prescriptrice d’attitudes morales. Ou alors, il faudrait trouver des livres dont le spectre soit plus large. On apprend d’ailleurs que l’auteure a consacré un livre à chacun de ses 9 enfants adoptés. N’est-il pas significatif que seul celui-ci ait été traduit en français ? Veillons à ce que le sida ne soit pas un prétexte, et surtout un prétexte à faire des discriminations dans les discriminations… ou un prétexte à justifier des subventions disproportionnées à certaines associations, au détriment de causes moins médiatiques.

 Lire un article sur un documentaire de 2010 sur le sida.

Lionel Labosse


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