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Staliniens vs Cinémathèque : abonnez-vous !

lundi 22 juillet 2019

Si vous êtes habitué de la Cinémathèque de Bercy ou simples passants, vous avez peut-être remarqué une publicité originale pour la Cinémathèque inscrite au pochoir sur les trottoirs environnants :

Campagne de publicité anonyme pour inciter les amateurs de cinéma non édulcoré à s’abonner à la Cinémathèque de Bercy.
© Lionel Labosse

En effet, que rêver de mieux en ces temps de stalinisme, de police de la pensée, de terrorisme de la bien-pensance, d’épidémie d’interdite aiguë, que de régénérer ses neurones par le spectacle d’œuvres d’art libres et savoureuses, qui puent bien des pieds, de la bite et de la foune ?
« Un poète ça sent des pieds / On lave pas la poésie / Ça se défenestre et ça crie » chantait Léo Ferré, lui qui, à l’égal de Jacques Brel ou de Georges Brassens, serait à l’heure actuelle censuré par les nouveaux nazillons & -zillonnes de la pensée autorisée. « Nous sommes des chiens de bonne volonté / Et nous ne sommes pas contre le fait qu’on laisse venir à nous certaines chiennes / Puisqu’elles sont faites pour ça et pour nous » ajoutait-il en ignoble harceleur sexuel dans la même chanson « Le Chien ». Si Léo Ferré, Brassens et Brel sont pour vous d’horribles mâles blancs hétéros et homophobes, comme dirait Bret Easton Ellis, alors contentez-vous de chanteurs gentils, comme Patrick Bruel, et tant et tant.
Masturbez-vous autant que vous voulez devant le vide intellectuel de la variétoche & du cinéma pour teenagers, mais laissez-nous voir de vrais films à la Cinémathèque.
Pour résumer les épisodes précédents, voilà ce qu’une ministre en quête perpétuelle de buzz pour du vent, a voulu nous faire avaler cette saison, et qui semble autoriser les courageux staliniens anonymes qui vomissent ce genre de pochoirs bourrés de fautes d’orthographes. La Cinémathèque avait maintenu en 2019 la rétrospective Polanski, mais sans que cet immense cinéaste puant des pieds ose l’honorer de sa présence comme c’était prévu. Elle avait cependant reporté la rétrospective Jean-Claude Brisseau. Les ministres propres sur elles parfumées au sent-bon de chez Dior avaient gagné. Heureusement, la cinémathèque a reprogrammé ladite rétrospective Brisseau pour la saison prochaine. Espérons qu’ils tiennent bon face aux stalinien(ne)s, et que la mort de Brisseau entretemps les incline à un cessez-le-feu. Cette année, nous avons aussi eu droit à une rétrospective doublée d’une exposition Fellini, amateur éclairé de gros culs femelles et de gros nibards. Les staliniens nous ont laissé tranquillement sniffer cette drogue. Ouf ! En attendant la rétrospective Brisseau, si vous adorez le harcèlement sexuel & moral au cinéma, eh bien, abonnez-vous ! La meilleure façon de réagir de la Cinémathèque serait de programmer dans la grande salle une rétrospective de l’œuvre cinématographique de Caroline Fourest…
Tiens, à titre d’exemple, parmi les nombreux films vraiment féministes que j’ai vus ou revus grâce à la cinémathèque cette année, il y a le fameux Baise-moi de Virginie Despentes, en sa présence ! Très applaudie, elle a rappelé la censure dont son film avait fait l’objet, le peu de soutien des féministes, et son opinion qu’un féminisme utile ferait mieux de réclamer la suppression de la loi X de façon à permettre une pornographie féminine qui ait les moyens de ses ambitions, au lieu que cette loi qui pressure de taxes la pornographie la contraint à une vulgarité forcément au détriment de l’image de la femme. Et les mêmes ministres instrumentalisent cette vulgarité contrainte par la loi pour justifier encore et encore des projets de censure de la pornographie… Ce monde n’est vraiment pas celui dans lequel je voudrais vivre. C’est à ce nouveau monde orwellien qu’il me semble que nous devons résister.

 Lire la magnifique tribune : « Nous défendons une liberté d’importuner, indispensable à la liberté sexuelle », parue dans Le Monde le 9 janvier 2018.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Tribune : Pour une autre parole.