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Lecture absolue, pour les 6e.

Seize ans ou presque, torture absolue, de Sue Limb

Gallimard Jeunesse, 2005, 238 p., 12 €.

mardi 1er mai 2007

Voici le deuxième épisode d’une série qui semble, hélas, devoir suivre ce personnage d’adolescente jusqu’à ce que l’usage effréné qu’elle fait du téléphone portable lui ronge la cervelle (ce qui ne devrait guère durer). Le thème de l’année est donc l’homosexualité de papa, ce qui finit par donner un semblant d’intérêt au texte.

Résumé

« Jess est furieuse parce que sa mère lui annonce au dernier moment qu’elle l’emmène en vacances et voir son père, alors que dans le même temps son petit ami Fred lui a fait la surprise d’acheter des places pour un festival de musique ». Les 50 premières pages de Seize ans ou presque, torture absolue sont consacrées à délayer ce fait divers « tragique » (p. 24) d’une durée de quelques heures. La suite est à l’avenant, et ce « roman » accomplit l’exploit de dilater sur 238 pages ce qui constituerait au mieux la matière d’une nouvelle de 10 pages qui aurait été originale il y a vingt ans. Pour aller vite, quand Jess finit par suivre sa mère et sa mammy de musées en châteaux, entre mille considérations édifiantes sur les téléphones portables, on a droit à une amorce : jeune, maman était passionnée de Lawrence d’Arabie, dont Mammy révèle comme en passant à Jess : « À l’époque, rien n’était clair [...]. On était très discret à ce sujet. Il y avait des hommes qui ne se mariaient jamais, voilà tout. » (p. 62). On apprendra seulement page 180 que maman et Mammy tâtaient le terrain pour révéler à Jess que son père adoré, que bizarrement elle ne voit qu’une fois par an (alors qu’il est très accueillant, adore sa fille et s’entend bien avec son ex-femme !), avait un petit ami. La réaction de Jess est à l’image du personnage : « C’est trop cool ! Quand je vais raconter ça à mes copines, elles vont être vraiment jalouses » (p. 182). Happy end au menu.

Mon avis

On sent l’adaptation TV sous chaque ligne de ce sirop allongé, les rires enregistrés et jusqu’aux publicités qui truffent le texte. Par exemple entre les pages 143 et 210, j’ai compté 6 mentions du nom du soda le plus vendu au monde ; ou bien 2 visites approfondies de boutiques d’une chaîne célèbre de cosmétiques (p. 72 et p. 121). Serait-ce la raison de l’étrange refus du traducteur de voir son nom figurer en tête de l’ouvrage ? En tout cas de telles publicités instillées dans des ouvrages destinés aux jeunes n’ont pas leur place dans nos C.D.I. J’avais déjà relevé naguère une tentative de la même maison d’édition, en 4e de couverture du Dico Ado de Catherine Dolto... (Voir aussi Quatre filles et un jean, d’Ann Brashares). Pour le reste, encéphalogramme plat, romantisme de pacotille, plaisanteries et style djeune : « son moral [...] aussi réactif qu’un chien cancéreux en phase terminale » (p. 5). La scène de travestissements sent aussi son adaptation T.V.. Seule la fin semble obliger les personnages à faire légèrement fonctionner leurs cerveaux, mais à part « trop cool », ne cherchez pas une réflexion cachée entre les lignes, par exemple, vu l’âge de papa, une toute petite allusion au sida ou aux sombres années Thatcher, où ce n’était pas si « cool » d’être gay. En effet, la fille a 16 ans, et le papa est censé avoir quitté maman peu de temps après la naissance. On se contente, pour ne fâcher personne, d’une petite égratignure contre « l’époque victorienne » (p. 184), ça ne mange pas de pain ! Le petit ami de papa est la perfection sur terre : surfeur, sauveteur en mer, attentionné pour les vieilles dames, bricoleur, fêtard ; de plus, contrairement à nous, il est capable de s’intéresser à la littérature : « Phil écouta avec attention et compassion, comme si c’était le récit le plus intéressant au monde » (p. 191). Le petit ami de Jess n’est pas loin non plus de la perfection. Jess par contre, se sent laide, mais en réalité elle est super belle. On s’en serait doutés !

 Pour découvrir d’autres auteurs britanniques plus stimulants : La Danse du coucou, d’Aidan Chambers ; Billy Elliot et Une idée fixe, de Melvin Burgess. Même La guerre des fées, de Herbie Brennan et Garçon ou fille, de Terence Blacker, semblent pétris d’une philosophie ardue à côté de l’œuvre de Sue Limb !

 Lire, sur « Culture et Débats » le point de vue de Jean-Yves.

Lionel Labosse


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