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De la politique de l’Autruche à la politique de l’Aumône

Gardarem lou lundi de Pentecôte

On a volé le lundi de Pentecôte : l’inspecteur Peuple mène l’enquête !

lundi 19 mai 2008

Lors de la suppression du lundi de Pentecôte à partir de 2005, la plupart des critiques se sont focalisées sur l’escroquerie consistant à faire payer cette contribution aux salariés plutôt qu’aux rentiers ou aux entreprises, dont on apprenait d’ailleurs que les profits n’avaient jamais été aussi hauts. A-t-on vu à quel point il est insultant pour les bénéficiaires de cette loi (personnes âgées et handicapées) d’être désignés par une usine à gaz pseudo-humanitaire plutôt que d’être bénéficiaire, en fonction de ses besoins, de droits pris en charge comme tout citoyen sur le budget global de l’État ? Cela me rappelle la mention qui figurait en tête de la Lettre à tous ceux qui aiment l’école, de Luc Ferry, éphémère ministre de l’Éducation mais idéologue très en vogue dans l’intelligentsia : « Les droits perçus sur cet ouvrage […] seront affectés aux actions menées dans le cadre du plan en faveur des handicapés ». La « priorité nationale » du candidat Chirac était ainsi réduite à une piécette glissée dans la paume des infirmes. On est dans la droite ligne de la suppression du lundi de Pentecôte sous prétexte de financer des actions de solidarité pour les personnes âgées et les handicapés.

En ce qui concerne les handicapés, la solidarité ne devrait-elle pas commencer par appliquer la loi leur facilitant l’accès aux services publics, aux transports en commun, et celle obligeant les entreprises à les embaucher, et donc à leur permettre de travailler… et de se reposer pendant les jours fériés ? (de même que le simple fait de rendre visite aux personnes âgées à l’occasion des week-ends prolongés pourrait aussi être considéré comme une forme de solidarité !) Il est vrai que le « droit au travail » présent dans notre constitution est appelé à être remplacé par le « droit à chercher un emploi » dans la constitution européenne qu’on veut nous faire avaler. Combien de temps faudra-t-il attendre pour que la classe politique cesse de considérer les droits des minorités et des plus faibles comme une aumône ?

Si solidarité il y a, elle commencera aussi par la taxation des transactions financières, pour alimenter non pas une caisse spécifique, mais le budget de l’État, à charge pour les élus du peuple de déterminer les priorités, entre handicapés, personnes âgées, culture ou industrie des armes ou du B.T.P. (lesquelles détiennent aussi les médias qui nous disent comment doit s’exercer la solidarité). Or la mode actuelle, plutôt que d’étudier dans les écoles les causes de la pauvreté et les moyens d’y remédier, est d’organiser des collectes pour les Restaurants du Cœur. La politique de l’Aumône est une nouvelle version de celle de l’Autruche : plutôt que de s’enfouir la tête dans le sable pour ne pas voir les pauvres, on regarde la « France d’en bas » droit dans la main tendue. Encore un petit effort, et on la regardera en face et dans les yeux…

Plutôt que de mieux répartir les richesses entre revenus du capital et du travail, on joue sur la fibre lacrymale pour faire travailler plus toujours les mêmes. Le choix d’un lundi férié plutôt qu’un jeudi ou une date fixe permettait d’ailleurs de préserver certaines professions chouchoutées par le gouvernement, traditionnellement fermées le lundi. L’éducation et la politique sociale remplacées par les œuvres de bienfaisance, voilà l’avenir. Ce qui ne veut pas dire que la bienfaisance n’est pas nécessaire, mais plutôt que d’imposer un dispositif de haut, pourquoi ne pas valoriser ce qui existe déjà en bas ! On pourrait imaginer un jour férié, vraiment férié, déclaré « journée de la solidarité », pendant lequel les associations présenteraient leur travail et y associeraient le grand public. Les maisons de retraite et les centres pour handicapés organiseraient des opérations portes ouvertes, etc. Qui nous dira, en cette année 2005 bénie pour le patronat, où le 1er mai et le 8 mai sont opportunément tombés un dimanche, quelle proportion de cette manne supplémentaire sera reversée spontanément à la caisse de solidarité par les entreprises ? Le gouvernement doit s’en mordre les doigts, puisque le choix du 8 mai, par exemple, comme jour férié annulé, tombant un dimanche cette année, aurait repoussé notre grogne après le référendum sur le T.C.E..

En 2011, le 1er mai et le 8 mai tombent à nouveau un dimanche. Cela n’empêche pas l’établissement scolaire où je travaille de nous imposer une « journée de solidarité »… en février, alors que le lundi de Pentecôte tombe… le 13 juin, c’est-à-dire à une période où, malgré la fameuse « reconquête du mois de juin » diligentée par les technocrates du ministère de l’Éducation nationale, on ne travaille plus dans les lycées. Tout cela alors que nous venons de nous faire entuber, malgré les grèves, de deux années de travail en plus avant la retraite à 62 ans, et ce n’est qu’un début, continuons le massacre ! Et tout est bien ficelé pour que les syndicats ne puissent même pas appeler à la grève puisque cette journée foutage de gueule n’est jamais le même jour. Reste à boycotter. En remarquant tout de même que parmi les guignols de la prétendue gauche, je n’en ai guère entendu jurer que, s’ils revenaient au pouvoir, ils rétabliraient ce jour férié (ou un autre, laïc, à la place)… Ils n’en a même pas été question, de même qu’il commence à être question de retarder encore l’âge de départ en retraite.

 Les bibliothèques de la ville de Paris ont une convention collective en béton armé. Non seulement elles bénéficient des jours fériés qui tombent le samedi, mais quand ces chenapans de jours fériés tombent un lundi (jour de fermeture des bibliothèques), eh bien elles sont fermées le samedi précédent ! (Cela doit être identique pour certaines banques je crois). Et en 2013 encore, cela vaut pour le lundi de Pentecôte ! C’est vraiment étonnant ce pays. Comment se fait-il que les syndicats ne revendiquent pas une sorte de jurisprudence bibliothèques pour tout le monde ! Enfin, je suppose que comme pour les enseignants, ce fameux lundi donné un samedi doit être rattrapé… un autre samedi ? Un dimanche ?

 Voir le site Centre Ressources Handicaps et Sexualités.

Lionel LABOSSE, le 7 mai 2005. revu en 2011 et 2013.


Voir en ligne : Collectif des amis du Lundi


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