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Les femmes ne sont plus ce qu’elles étaient, pour lecteurs initiés

In/Soumises, contes cruels au féminin, collectif

La Musardine, 2010 (réédité en poche en 2012), 190 p., 8,95 €

vendredi 10 août 2012

Ce recueil m’a été envoyé spontanément par La Musardine, que je remercie, même s’il ne s’agit pas du créneau d’altersexualite.com, qui publie en principe des critiques d’ouvrages pour les jeunes ou pour les éducateurs. Cela dit, la teneur de ces 16 nouvelles d’auteures contemporaines réunies par Gala Fur & Wendy Delorme vous a sans en avoir l’air un aspect militant : femmes, féministes, mais ne crachant pas dans la soupe de la libre sexualité, dominatrices mais pas misandres pour un sou. Et puis ce sont tous de beaux textes littéraires, qui nous rappellent à nouveau (j’en suis convaincu depuis longtemps) que le plaisir de la lecture érotique n’a rien à voir avec le type de sexualité représenté, mais avec la jouissance textuelle. Bien sûr on ne trouvera pas trace de cette critique dans ma sélection pour les jeunes : c’est rien que pour vous caché dans un recoin secret du site !

« Dîner en ville », de Marilyn Jaye Lewis (traduit par Noël Burch) est la rencontre de deux mondes : femme / homme ; riche / pauvre ; blanche / noir. Il y est question d’une sexualité brut de décoffrage, telle qu’elle se vit, pas telle qu’elle se rêve dans les milieux bien pensants et prophylactiques : « Vous autres, bourges blanches, vous aimez toujours jouer avec le feu » (p. 22). « Certes, j’ai caressé le fantasme de sentir son sperme échapper de mon trou plus tard, pendant ce dîner, mais je sais que c’est mieux ainsi » (p. 23).

« La patiente du Docteur Goult », de Gala Fur. est un conte fantastique sur un fantasme sado-maso réalisé en marge d’une psychanalyse : une patiente suit une autre patiente et s’impose à elle, avec ses fantasmes débridés.

« Conjoncture céleste », de Judy Minx. est le récit d’une manipulation mentale lesbienne racontée sans ambages par cette jeune actrice porno qui n’a pas sa langue dans sa poche : « Non seulement je mouillais et je jouissais, mais je me suis mise à squirter ! J’en mettais partout, ça me coulait sur les jambes, j’étais ravie. » (p. 45).

« Dis bonjour à la Dame », de Wendy Delorme. raconte l’initiation d’un puceau ado par une femme mûre, sur la plage : « Il baisera des gamines aux joues fraîches en se rappelant avec nostalgie l’infinie douceur des peaux presque fanées, l’odeur de fruit éclaté, les mains adroites et souples des femmes de son âge, à elle » (p. 55).

« Amours ambigus », de Nadia Chibani. allie le romantisme d’une rencontre inattendue entre une femme aimant les hommes et un homo attiré par une femme (on dit un bi, non ?), et la trivialité excitante d’un gode-ceinture qui fait se rejoindre les contraires.

« Le marin tchèque », de Michèle Larue. est une belle histoire de « gorge profonde » où la profondeur n’est pas là où elle est d’habitude.

John William Waterhouse, Ulysse et les Sirènes (1891)
Du bondage considéré comme un des beaux-arts.


 Illustration : John William Waterhouse, Ulysse et les Sirènes (1891) : du bondage considéré comme un des beaux-arts.

« Écrase-moi », de Claire Menichi. porte à la fois bien et mal son titre. C’est une sorte de snuff movie en focalisation interne, où la victime d’un bondage à la cellophane fantasme son anéantissement : « Je suis l’aliment qu’elle sort du congélateur » (p. 80).

« Ordre du jour », de Céline Robinet. conjoint le désir d’un neveu pour sa tante à cravache, et des bottes de la tante pour la langue du neveu… qui c’est qui va se faire fesser ?

« Le taille-crayon », d’Octavie Delvaux. joue la carte de l’humour. Une jeune femme sexy est recrutée par un patron libidineux et harceleur. Il lui demande d’effectuer des tâches dégradantes, mais elle rumine une vengeance éclatante !

« Frizzante o naturale ? », de Léa Renoir. propose une escale aristocratique et SM à Florence, dans un style de récit traditionnel à la Histoire d’O.

« À toi, disparate », de Helena de Angelis. est une lettre de mission d’une maîtresse à son esclave : « Car comprends bien que de partenaires, je n’ai ni l’envie, ni le besoin, de larves et de chiens encore moins, il me faut l’essence d’un homme consentant à me dédier sa crucifixion, et toute ta prétention à pouvoir m’instruire et m’honorer en ce domaine demeure, jusqu’à ce jour, vaine. » (p. 127).

« Tu es à moi », de Sixtine Labbé. est la relation d’une séance SM lesbienne, où nos amis gays du Marais découvriront que le BHV n’est pas que leur chasse gardée : jetez un œil au rayon de nos amis à quatre pattes !

« Avec amour et soumission » est l’extrait d’un roman de Madison Young, une scène de domination en trouple.

« Un, deux, trois… », de Louis(e) de Ville. est le récit d’un plan à trois lesbien : « Jusqu’au matin, où nous avons parlé de théorie queer et de communauté en nous régalant de cafés et croissants au café d’en face » (p. 162).

« L’amour de la nature », de Teresa Noëlle Roberts. est une réjouissante nouvelle écolo-SM-SF (un nouveau genre !) où une garce dominatrice se voit soumise à son tour par une dryade qui l’empêche de bétonner un coin de nature : « La dryade changea alors de forme. La lumière dansait autour d’elle et quand les yeux de Lily furent habitués, elle était aussi grande qu’un jeune arbre, l’entrejambe au niveau de la bouche de Lily. Son musc remplit le nez de Lily, un musc profondément femelle, mais différent de toutes les femmes que Lily avait connues » (p. 180).

Lionel Labosse


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