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Deux papas, c’est possible ? pour les 6e / 5e.

Le Bouc émissaire (l’Instit), de Gudule

Hachette, Bibliothèque verte, 1998, 159 p., épuisé.

mardi 24 avril 2007

Le Bouc émissaire est la « novélisation » d’un épisode de la série télévisée L’Instit, de Pierre Grimblat, d’après un scénario de Florence Aguttes et Alain Schwarzstein. Une histoire très morale, truffée d’images d’Épinal, mais ne gâchons pas notre plaisir, car avant même le Pacs, il était courageux d’aborder avec une telle ouverture d’esprit un sujet qui déchaîne toujours les passions.

Résumé

Éric et Killian, les deux fils de Stéphane, ont librement décidé de vivre avec leur père et le compagnon de celui-ci, David. Leur mère, Nathalie, subit l’influence de son nouveau mec, Vincent, caricaturalement homophobe. Il veut la persuader de récupérer la garde des enfants, qui lui incombe officiellement, ce qui leur permettrait de s’installer en Martinique, où on lui propose un emploi ; et il n’hésite pas pour cela à jouer de violence et de calomnie. C’est à ce moment-là que Zorro, pardon, Victor Novak, alias l’Instit, arrive, sur son fier destrier : « Le nouveau venu respire la sympathie. Son visage ouvert, son sourire communicatif inspirent une confiance immédiate. Il émane de lui une chaleur humaine à laquelle personne ne peut rester insensible » (p. 12). Victor assiste à une scène parlante, la non-rencontre entre les parents de Killian à la sortie de l’école : le père « Grand, très beau, les yeux et les cheveux du même noir que ceux de Killian » porte sur son ex-épouse « Un regard appuyé, lourd, profond » (p. 25). Bref, voilà notre Victor embarqué dans l’histoire. Vincent et Nathalie débarquent dans le bureau de la directrice, et demandent à changer Killian d’école, sous prétexte que « Stéphane Vermer est pédé et qu’il vit avec un type » (p. 53) Victor s’efforce de comprendre la situation en se défiant des préjugés qui étouffent la directrice et la sœur aînée de Nathalie, qui se trouve être sa logeuse. Tous les amalgames sont faits, entre exhibitionnistes, pédophiles, pervers et homosexuels. Victor fréquente Stéphane et David, dans leur résidence bourgeoise (on croit voir le film !) et se rend compte par lui-même qu’il a sous les yeux une famille modèle, à laquelle on accorderait le mariage sans confession : « Derrière lui dans la baie vitrée, les rideaux s’écartent et trois silhouettes se dessinent contre le carreau. Un homme encadré de deux enfants ; un « père » et ses fils, vivant en parfaite harmonie » (p. 76). Victor devra pour finir gérer une cabale homophobe des camarades de classe des enfants, en improvisant un cours digne d’HomoEdu, ainsi qu’un graffiti sur le mur de l’école : « ÉRIC, FILS DE PÉDÉ ! » (p. 131).

Mon avis

Il est facile, maintenant, de se moquer du ton chevaleresque, des positions manichéennes et des images d’Épinal du Bouc émissaire ; mais qu’on se replonge dans notre sélection, et qu’on regarde ce qui était disponible, en France, en 1998, en littérature jeunesse, pour aborder clairement la question de l’homosexualité et de l’alterparentalité. Il n’y avait quasiment rien, surtout pour les petits niveaux. Pour avoir une idée des réactions des élèves en classe quand on abordait le sujet, voir une contribution datée de 1998, dans laquelle il est justement question de la réception du téléfilm, qui a sans doute eu une influence sur l’adoption du Pacs. Les choses ont changé depuis, certes, mais la lecture de ce livre reste une base idéale pour lancer une réflexion nécessaire en 6e ou en 5e, et pas en attendant une situation d’urgence, comme dans le scénario ! La séance éducative est un modèle du genre, et nul doute qu’elle a dû choquer certains téléspectateurs. Il pourrait être intéressant de faire étudier ce texte à des niveaux plus élevés, pour une réflexion sur littérature et morale. Je me demande ce que les historiens des mœurs penseront dans le futur de la période que nous sommes en train de vivre. Quand on observe notre liste d’ouvrages, on est frappé qu’une telle évolution ait été possible en si peu d’années… Quant à savoir ce que Gudule a apporté à ce roman en tant qu’auteur, il faudrait comparer le roman avec le téléfilm… autre piste possible. Ce qu’on remarque, c’est une justesse de ton, quelques touches d’humour gudulien, et l’étrillage systématique des poncifs, par exemple quand Élisabeth, la mère de Stéphane, réfute la « bien triste réputation » des mères d’homosexuels, « trop exclusives, trop protectrices » (p. 100). J’ignore si cette réplique-là figurait dans le téléfilm, mais il me semble important qu’elle figure dans le livre, tant la culpabilisation des mères demeure la pierre d’achoppement des partisans de la « tolérance » du bout des doigts.

 Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

 Lire l’entrevue de Gudule et ses autres romans : Aimer par cœur (L’Instit), L’envers du décor, Étrangère au paradis, L’amour en chaussettes, La vie à reculons, Le chant des Lunes, Le bal des ombres, et la série autobiographique de La vie en Rose, Soleil Rose et La Rose et l’Olivier. Pour les adultes avertis et potaches, voir aussi La Ménopause des Fées. Gudule a également écrit la préface de mon roman Karim & Julien paru en mars 2007.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Site officiel de Gudule


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