Accueil > Livres pour les jeunes et les « Isidor » HomoEdu > Albums > Tango à deux papas et pourquoi pas ? de Béatrice Boutignon
Les pingouins ne sont pas si manchots, à partir de 4 ans
Tango à deux papas et pourquoi pas ? de Béatrice Boutignon
Le Baron perché, 2010, 40 p., 5 €.
mercredi 1er septembre 2010
Cet album est basé sur un buzz médiatique récurrent, histoire de couples de manchots mâles ayant élevé un petit dans un zoo ici ou là (voir cet article du Monde par exemple). (À moins qu’il ne soit l’adaptation plus ou moins autorisée de l’album Et avec Tango, nous voilà trois !). Béatrice Boutignon en a tiré un album séduisant basé sur le refrain « et pourquoi pas ? » qui est fort approprié pour faire découvrir aux enfants la diversité sexuelle présente aussi bien chez les animaux que chez les hommes. Et bien sûr couper le pied aux arguments homophobes du type « ce n’est pas naturel » !
Résumé
À New York, Marco visite fréquemment un zoo. Il donne des prénoms à ses animaux préférés dont les noms latins sont sans doute trop barbares. Il est fasciné particulièrement par la manchotière, dans laquelle il repère parmi les couples de mâles et de femelles, deux mâles que les gardiens ont baptisés Roy et Silo. Ce couple particulier prépare un nid, mais ne voit pas venir d’œuf. Les gardiens ont essayé de leur présenter des femelles, mais apparemment le manchot est très plan-plan dans sa monogamie, fût-elle homosexuelle ! Un gardien a l’idée de glisser un œuf abandonné dans le nid, et ça marche ! Au bout de 34 jours, la petite Tango brise sa coquille et découvre comme le lecteur ses deux papas penchés vers lui, lesquels se révéleront pas du tout manchots dans les joies de la puériculture. Le superbe dessin en contre-plongée se prête à interprétation. Le point de vue est externe, celui d’un autre poussin qui contemplerait cette insolite nativité. Importance du regard d’autrui dans la construction de l’image de soi…
Mon avis
On a envie de ne pas être manchot pour applaudir ce bel album qui fera découvrir aux enfants la diversité sexuelle. Béatrice Boutignon a du talent, ses aquarelles sur le vif sont dans la lignée des peintres naturalistes français, et son texte tient la route. On pinaillera juste sur deux ou trois choses. Premièrement, que l’éditeur ait cru bon d’alourdir d’un long commentaire militant la 4e de couverture, alors que l’histoire se suffisait à elle-même, surtout pour de jeunes enfants. Méfions-nous de l’instrumentalisation des faits divers, et contentons-nous de raconter des histoires ! Deuxièmement, puisque l’histoire est anthropomorphe, pourquoi ne pas avoir montré ce petit manchot femelle, Tango, se confronter à ses congénères, s’inquiéter de n’avoir pas de maman ? D’autant plus que si l’on en croit les naturalistes, le Manchot à jugulaire (espèce pullulante choisie pour cet album, plutôt que le Manchot de Humboldt, endémique en Patagonie, en voie de disparition, qui eût été plus vraisemblable en raison de l’acharnement des zoos à le faire se reproduire) rejoint vers l’âge de un mois une « crèche », c’est-à-dire un « rassemblement de petits sous la garde d’un ou deux adultes, qui ne sont pas forcément leur parents » (source : Wikipédia). Il y aurait eu là prétexte à développer une alterparentalité qui s’écarterait de l’homoparentalité militante, évoquant peut-être la concession à l’africaine… On aurait pu aussi, en dehors de ce couple, faire allusion à cette particularité de l’espèce manchot, que les mâles couvent les œufs : quel modèle anti-sexiste ! Mais assez d’arguties ! Je ne veux pas gâcher votre plaisir, et surtout celui de vos petits pingouins et pingouines, comme le chante Juliette Gréco !
– Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».
– Lire un article de Thierry Robillard pour Sida Info Service et la critique de Sophie Pilaire pour Ricochet.
– Cet album nous fait songer à Corydon, d’André Gide, l’un des premiers essais consacré à l’homosexualité, qui basait sa réflexion sur des observations zoologiques, ce qui parut plus tard ridicule. Pas tant que ça, finalement !
– Attention, en octobre 2013 paraît chez Rue du monde la traduction française de l’album original : Et avec Tango, nous voilà trois !, de Justin Richardson, Peter Parnell & Henry Cole, dont celui de Béatrice Boutignon semble l’adaptation (sans qu’aucune source ne soit citée dans son album !).
– Il fallait le prévoir, en 2013, c’est au tour du Manchot de Humboldt de faire la une de l’actualité pour sa propension à l’homoparentalité. C’est Humboldt qui va se retourner dans sa tombe !
Voir en ligne : Le site de l’auteure
© altersexualite.com 2010
Retrouvez l’ensemble des critiques littéraires jeunesse & des critiques littéraires et cinéma adultes d’altersexualite.com. Voir aussi Déontologie critique.