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Un déjeuner avec le sénateur Michel Raison, autour de M&mnoux
jeudi 14 février 2019
Le sénateur Michel Raison avait rendu de nombreuses visites à ma grand-mère Irma ainsi qu’à sa sœur, toutes deux centenaires, à l’époque où il était député de Haute-Saône (2002-2012). Il est à ce titre un personnage secondaire de mon roman M&mnoux. Je n’avais pas osé le contacter pour compléter la documentation sur ma grand-mère et le village de Menoux, qu’il connaît bien et où il a des liens. Comme je lui en ai envoyé un exemplaire, il m’a répondu un mot fort sympathique et invité à déjeuner au Sénat. Avec une bonhomie toute m&mnaorienne, il m’a fait visiter les lieux, dont j’avais tout oublié depuis ma dernière visite aux journées du patrimoine, et j’ai eu l’occasion de déjeuner en tête à tête en ce 14 février, jour de la Saint-Valentin (en tout bien tout honneur ; vous connaissez ma position sur le mariage, je ne vais pas me marier avec un sénateur de droite !) [1] dans une des belles salles du restaurant du Sénat, après bien sûr un apéro (avec modération) à la buvette. J’ai eu l’occasion de serrer force louches – car M. Raison est un homme affable – de sénateurs & sénatrices, mais aussi de simples mortels. Je me suis rendu compte que même lorsque l’hémicycle est rempli à un dixième de parlementaires qui papotent ou consultent leurs smartphones, en prêtant une vague attention à l’orateur dont le temps est minuté par un chronomètre (imaginez Victor Hugo déclamant un discours contre les misères ainsi minuté !), le sénat grouille en fait de sénateurs qui bossent en commission, en bibliothèque ou dans leurs bureaux, pour préparer les prochains débats. Et ils peuvent aussi suivre les orateurs en direct grâce aux écrans répartis dans tout l’édifice. Bref, sénateur, ce n’est pas une sinécure, et il faut ajouter à cela les charges des week-ends en circonscription. Michel Raison n’est pas un professionnel de la politique, il a fait ça un peu par hasard après une vie de paysan bien remplie, et il envisage d’arrêter en 2020. Si j’ai bien compté ça lui fera 23 ans de mandats électifs, avec quelques doubles casquettes, ce qui me semble un exemple à suivre pour fixer un maximum raisonnable de mandats étalés dans le temps, de façon à éviter des carrières de cumulards de la politique politicienne, néfastes à une politique au service des citoyens.
Bref, je ne vais pas divulguer tout ce dont nous avons causé (il n’a pas la langue dans sa poche, parfois sur certains de ses camarades !) mais ce qui m’a amusé c’est qu’à plusieurs reprises, en me présentant à des collègues sénateurs, il leur disait : « Tu sais, ce monsieur est le petit-fils de mon amie Irma de Haute-Saône, cette centenaire dont je t’ai sans doute dit le mot », etc. En effet, comme ma grand-mère avait toute sa tête et pas sa langue dans sa poche, il avait sympathisé avec elle, au-delà d’un hommage pour ses cent ans auquel il avait été invité en tant qu’élu, et il s’arrêtait parfois en passant devant la maison (il lui a même rendu visite à l’hôpital). Quand il avait été élu maire de Luxeuil, en effet, elle l’avait su, et au lieu de le féliciter, s’était fendu de cet apophtegme nietzchéen : « Ben j’ai dit il n’a pas fini d’en voir ». Je m’imaginais les aphorismes de ma grand-mère (« Ainsi parlait grand-mère Irma », cf. M&mnoux p. 482) circulant de bouche à oreille au Sénat, façon Bienvenue, mister Chance ! Voici quand même un élément de notre discussion que je peux évoquer car il s’agit d’actes publics. Michel Raison se plaignait que les médias aient hypertrophié un rapport dont on l’avait chargé et qui lui avait semblé fort peu important, à propos de la limitation de vitesse à 80 km/h, alors qu’un rapport bien plus important sur la production laitière avait été ignoré à la fois au Sénat et par les journalistes. Il a plusieurs fois échoué à faire passer un amendement visant à mieux répartir les médecins sur le territoire, et j’ai compris que même des parlementaires, s’ils ne sont pas très proches du gouvernement, peuvent être impuissants à faire évoluer des situations dont souffre la population, même s’ils font tout leur possible. CQFD.
Michel Raison s’est prêté de bonne grâce au jeu des photos, une au pied du grand escalier, et une autre devant cette fameuse lettre de Napoléon aux sénateurs que j’avais photographiée pour cet article sur les accents sur les capitales.
Il avait aussi publié un post sur sa page facebook, à propos de M&mnoux.
J’ai trouvé ce monsieur fort simple et sympathique. Normal, il a des attaches m&mnaoriennes !
À l’époque de mon avant-dernier livre, ce sont des députés UMP qui m’avaient invité à une audition dans le cadre de leur groupe parlementaire à l’Assemblée, alors que mes propositions étaient censurées par le monde gay et par la gauche, qui ne supportaient pas le moindre couac dans la pensée unique de cette prétendue communauté… Bref, il y a des gens à droite qui sont plus proches du peuple et moins sectaires que certains à gauche…
– Lire le « Livre d’or » de M&mnoux.
[1] On rigole, mais c’est toujours un peu gênant quand vous vous trouvez par hasard dans un restaurant ce jour-là entouré de couples d’amoureux. Ma mère étant née ce jour, si je veux lui offrir des fleurs, je dois choisir dans un catalogue en évitant soigneusement tous les bouquets connotés « Saint-Valentin », ce qui n’est pas évident ! Il y a d’autres dates symboliques énervantes pour un anniversaire, c’est un natif du 1er avril qui vous le dit ! Et ce jour-là, je vous le garantis, le dessert mis en valeur qu’on vous proposait à la table était un très kitsch macaron en forme de cœur rose, alors que le restaurant du Sénat est sans doute le moins susceptible de réunir des couples de Valentins ; cela vous aurait même une connotation illégale, avec la loi interdisant de recruter un familier comme assistant parlementaire, et autres affaires de harcèlement sexuel !