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Chronique d’un timide, pour les 6e.

Qui suis-je ?, de Thomas Gornet

École des loisirs, Médium, 2006, 102 p, 8,5 €.

mercredi 6 juin 2007

« Dans la cour de mon collège, tous les garçons se traitent de « pédés » et d’« enculés ». / Et je suis amoureux de Cédric Martineau » (p. 83). Cette phrase résume tout l’intérêt de ce petit roman sans prétention qui peut ne pas être inutile pour des élèves de 6e ou de 5e.

Résumé

Vincent Latan, 14 ans, est en troisième. Il fait la chronique de ses émois amoureux durant l’année scolaire, entre les incessantes insultes homophobes de Momo et Christophe, l’amitié maladroite de Myriam et d’Aziz — dont les perches n’atteignent pas le narrateur — et sa famille à côté de la plaque, avec son père, « le type qui passe de temps en temps dans l’appartement et qui te gueule dessus » (p. 55), et son frère lourdingue. L’événement est l’arrivée en cours d’année de Cédric, dont Vincent tombe amoureux, sans oser le lui dire. Les scènes de cour de récréation et de vestiaires multiplient les mêmes chassés-croisés, les mêmes allusions homophobes (« — Alors, Vincianne ? On fait ses adieux à son homme ? », p. 75), jusqu’aux grandes vacances.

Mon avis

Qui suis-je ? est le nouveau roman sans surprise de l’École des loisirs, qui reprend le moule favori chez cet éditeur (parmi d’autres) de la chronique de l’année de troisième, l’inévitable petit nouveau arrivé en cours d’année dont le narrateur tombe amoureux, avec le même nombre de pages (100) et le même contenu que ses prédécesseurs (voir Tous les garçons et les filles, Meilleur ami de Jérôme Lambert, et J’ai pas sommeil, de Cédric Érard. C’est sans doute le mieux réussi — ce qui justifie un Isidor — car le ton est moins blasé (les parents et les profs sont uniformément nuls, comme de juste, mais leur sort est réglé en moins de phrases), le personnage est encore plus falot (nul en sport comme il se doit, mais n’éprouve pas le besoin de jouer sur l’indignation de l’homosexuel forcément supérieur et incompris du vulgaire), et rien ne dépasse du récit qui puisse agacer, aucune anecdote plus palpitante qu’une assiette de purée renversée (p. 13) ou la découverte du gel (dans les cheveux) par le narrateur. Certaines scènes suscitent l’émotion, comme lorsque Vincent se retrouve dans sa chambre avec Aziz ou Cédric. Quelques métaphores ressortent, dont le narrateur se félicite à la ligne suivante : « C’est beau, en même temps, comme image » (p. 80), ainsi que le vocabulaire djeune qui fait mouche : « J’ai acquiescé tout en trouvant ça débile, justement, mais bon. » (p. 59). Bref, un récit tout simple qui peut s’avérer utile pour des élèves de 6e, de façon à les faire réfléchir dès leur entrée au collège, au caractère blessant des injures homophobes trop présentes dans la cour de récré. Le narrateur annonce la suite de ses aventures palpitantes : « Quant à mon père, j’en parlerai dans un autre bouquin » (p. 89). Gageons qu’Aziz s’y révélera moins timide…

 Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

 Voir l’avis de Jean-Yves sur « culture et debats ».

Thomas Gornet / Isidor HomoEdu
Thomas Gornet reçoit son diplôme Isidor HomoEdu

Le diplôme « Isidor » a été remis à Thomas Gornet le 17 mai 2008. Photo prise par votre serviteur. Voir notre brève. Du même auteur (et comédien), voir la pièce L’œil de l’ornithorynque, son deuxième roman : Je n’ai plus dix ans, et le 3e : L’amour me fuit. Il a aussi coécrit Le Jour du slip / Je porte la culotte.

 Après que j’ai écrit cet article, on m’a signalé, dans le dernier catalogue de l’École des Loisirs, cet extrait d’une entrevue de Thomas Gornet :
« J’ai écrit ce livre parce que j’aurais eu envie de le lire à quinze ans, mais aussi en réaction. En tapant sur Internet : homosexualité, littérature jeunesse, on tombe sur un site fait par un prof, je crois, qui s’appelle homo-edu. C’est une base de données avec des critiques de livres, entre autres. Et là, qu’est-ce que je vois ? Le type descend en flèche les deux romans que j’ai le plus adorés : Tous les garçons et les filles et J’ai pas sommeil, en pointant leur côté franco-français (des prénoms gaulois – sic) et bourgeois… Le type du site a écrit, par ailleurs, un roman que j’ai lu. Je me suis dit que je ne parlais ni ne pensais ainsi à seize ans. Et j’ai écrit Qui suis-je ? J’ai essayé que le lecteur se rende compte avant le personnage qu’il est homosexuel. Ça m’est arrivé de voir ce genre de gamins, je les repère tout de suite, ils sont cernés par de gros cons, on voudrait les protéger et rendre les gros cons moins cons, mais, hélas, j’ai peur aussi avec ce livre qui se veut militant de donner de mauvaises idées aux homophobes... »

Lionel Labosse


Voir en ligne : Le blog de Thomas Gornet


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