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Ventilation du cœur, pour les lycées

Broderies, de Marjane Satrapi

L’association, 2003, 136 p., 15 €

vendredi 8 juin 2007

Eh ! bien non, nous ne vous révélerons pas le secret du titre. Pour savoir ce qu’est une « broderie », il faudra déguster ce petit bijou d’humour et de liberté d’une dessinatrice qui connaît un grand succès en France, à l’occasion de la sortie de son long-métrage Persepolis, d’après son premier livre pour L’Association.

Résumé

« Parler derrière les autres est la ventilation du cœur ». Voici une sentence de la grand-mère de la narratrice, qui avait été mariée trois fois « grâce à ses yeux mi-clos » dus à la consommation d’opium. Broderies évoque ces discussions entre femmes, à Téhéran, à l’époque du Shah sans doute bien que ce ne soit pas précisé, quand l’auteure, était petite fille, autour d’un samovar où les petits et grands secrets étaient étalés à la barbe des hommes. Les anecdotes et confidences s’enfilent comme des perles sur le collier de la frustration de ces femmes. L’une a trompé son mari sur sa virginité, l’autre, malgré un mariage et la naissance de quatre filles, n’a « jamais vu d’organe masculin » ; celle mariée à 13 ans avec un homme de 56 ans son aîné, qui s’échappe et « fait cent mille prières pour qu’il meure », une autre a épousé sur photo un milliardaire qui s’est révélé « contre-nature », c’est-à-dire « pédé » ; une enfin, un escroc. On parle prépuce (« la petite peau qui pend »), chirurgie esthétique ; on fait l’apologie des hommes mariés dont tous les défauts sont pour son épouse, on rêve à « la possibilité de vivre en Europe, de ne plus porter de voile »…

Mon avis

Dans cet album aussi libre par le fond que par la forme, la parole de ces dames sur la sexualité est des plus libres qui soient. Les mots ne leur font pas peur, ni les choses. « Vagin », « testicule », « éjaculation » et tous leurs amis sont de la fête, jusqu’au « truc blanc » qui flotte vous ne devinerez jamais où ; et tout cela nous donne une image des femmes musulmanes à cent mille lieues des idées reçues, raison pour laquelle Marjane Satrapi n’est pas en odeur de sainteté dans son pays d’origine. Le dessin accompagne la parole, il reste très sage, en noir et blanc et sans cadres, mais avec des échelles variées. On regrettera l’absence de mention du lesbianisme ou de mention positive de l’homosexualité masculine. À ce propos, un ami qui connaît bien le pays m’a dit qu’une amie à lui était en train de faire une thèse sur le lesbianisme en Iran, et la seule restriction est que les autres étudiants doivent sortir quand c’est à son tour de parler de son sujet de recherche ! Citons quelques formules, pour que vous sachiez quel brûlot vous vous apprêtez à proposer à vos élèves : « Pourquoi on ne fait pas comme les Occidentaux ? Chez eux, comme le problème du sexe est résolu, ils peuvent penser à autre chose ! C’est pour cela qu’ils progressent !!! » ; « Quand le serpent vieillit, la grenouille l’encule ». Bref, un ouvrage libérateur, à réserver aux élèves de 3e ou de lycée particulièrement avertis.

 Chez le même éditeur, voir Ma circoncision, de Riad Sattouf.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Marjane Satrapi sur Wikipédia


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