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Le gay est un voisin comme un autre, à partir de la 4e

Premières chaleurs, de Jean-Philippe Peyraud

Casterman, Ligne de Vie (5 volumes, 2001 à 2005), 5 x 50 p. ou 256 p., 16 €

mardi 10 juillet 2012

Ces 5 volumes, dont je prends connaissance sur le tard, sont la chronique légère et malicieuse de la vie d’un groupe de copains parisiens trentenaires. Sur le modèle des séries TV, il y a un homo de service, Jean-Bath, personnage attachant. Les garçons sont peu regardants sur la fidélité, et ça tombe bien car les filles en pincent pour les jolies fesses des garçons !

1er volume (2001) : « du mois de mai… »

Dès la page 8, le beau Marco se fait mater son « p’tit cul moulé » par la serveuse, motif récurrent de la série. La p. 11 voir débarquer Jean-Bath, retour de Londres, qui a rendez-vous avec son ex, « le beau Miguel » (dixit Marco, dont on se demande si le « p’tit cul » est destiné aux serveuses !), et s’est fait faire un piercing à l’arcade. Le rencart, d’ailleurs, tournera court (p. 47). Dans cet album, les garçons et les filles font bande à part, sauf le couple avec enfant. Côté filles, Abie et Nina sont demi-sœurs, mais Abie a un accent british, parce que leur père, en « Européen convaincu », a laissé des traces de son passage dans, euh, pardon, à des femmes un peu partout en Europe ! (p. 22). Globule, pendant la grossesse de Nini, a des idées printanières, et cite Wilhelm Reich et la « révolution sexuelle » (p. 28). Véro, un peu névrosée, a elle aussi des vues sur le « joli p’tit cul du voisin » ! (p. 40). On est touché par la cohabitation de Gaby l’hétéro et « mon gros Jean-Bath », un vrai petit couple qui s’ignore ! (p. 47).

2e volume (2002) : « Du mois de juin… »

Gaby est très occupé, et ne veut pas se faire détourner de ses objectifs, « surtout pas les filles ». Il surprend Maxime avec des indices de présence féminine, mais celui-ci refuse de dire de quoi il retourne. Jean-Bath a repéré un beau mec avec clébard, et bronze au bord du canal dans l’espoir de le revoir. Il se plaint de « six mois que je fais abstinence » (là, on se demande si l’auteur ne confond pas homo et hétéro, parce qu’à Paris, un homo de moins de trente ans qui se plaint de ne pas trouver d’amant… enfin bref !) On s’amuse des considérations de Gaby sur le fait d’avoir un portable, ce qui était en 2002 peut-être encore un sujet. On croise le père d’Abie et Nina, ancien soixante-huitard rayonnant. Jean-Bath se confie : « Y a plein d’homos qui rêvent d’avoir des enfants… pas moi. » Nini accouche à l’hôpital, et Jean-Bath a la bonne surprise d’y retrouver l’homme au chien, avec lequel il parvient à conclure grâce à plusieurs subterfuges. On connaît enfin la réponse au mystère Maxime. La naissance de Léopolda est l’occasion de considérations intéressantes sur les « intersexués ». Rare dans une BD ! Marco a trouvé une nouvelle copine, mais n’a pas le courage d’annoncer à Delphine qu’il la quitte.

3e volume (2003) : « Du mois de juillet… »

Scène de ménage à Monoprix entre Gaby et Jean-Bath. Gaby découvre la « société de surconsommation » : « que peut-on attendre d’une société qui se soucie plus de la façon de se nettoyer le trou de balle que de la qualité des aliments qu’elle ingurgite » Gaby a un peu le blues, et Jean-Bath le console : « Je suis là, moi, mon petit canard ». Maxime et Nina se sont engueulés mais ils s’aiment. Marco n’a toujours pas parlé à Delphine. Véro est catastrophée parce que le père d’Abie et Nina et sa femme lui ont proposé de vivre en trouple. Une teuf chez Gaby et Jean-Bath est l’occasion de psychodrames divers. Marco se retrouve enfin face à Delphine et se prend une tarte bien méritée ; Véro fait une crise parce que les W.C. n’ont pas de porte ; un invité non identifié évoque une fille qui « récupérait mes capotes usagées dans la corbeille pour s’inséminer » (p. 24). Enfin, on découvre que la nouvelle conquête de Marco n’est autre que la serveuse qui matait son « p’tit cul moulé » dans le n°1 ! Jean-Bath retrouve Miguel, juste venu lui annoncer qu’il a une petite angoisse de contamination VIH.

4e volume (2004) : « Départ sans préavis »

L’épisode commence par une scène d’essayage pendant les soldes au rayon fringues d’une galerie marchande. Vous allez croire que ce sont les filles qui y jouent les dindes, eh bien ! non : ce sont les garçons, et que j’en profite pour tâter le petit bedon de Gaby qui ne rentre plus dans sa taille, et que j’ouvre la cabine en plein essayage pour le mater en slip ! C’est là qu’on apprend que comme ça marche bien avec une certaine Tiphaine, Gaby va emménager avec elle et donc « quitter Jean-Bath », ce qu’il n’ose pas lui avouer. Globule se souvient de l’époque où ils partageaient un appart à huit. Les deux derniers qui se séparent, c’est un peu la fin d’une époque (p. 5). Au moment où Gaby veut annoncer son départ, Jean-Bath lui confie que son petit copain du moment le quitte, et Gaby n’ose pas, du coup suit une scène amusante où Tiphaine et ses potes lui reprochent de ne pas oser le quitter : « le problème c’est que c’est jamais le moment » (p. 23). Abie va faire une gaffe : comme Gaby lui a proposé de le remplacer dans la coloc, elle en parle aussitôt à Jean-Bath avant que Gaby ait abordé le sujet avec lui (p. 36). Pendant ce temps, Véro, qui avait trouvé un mec, le quitte parce qu’il lui reproche d’être obsédée par les oukases des magazines féminins. Il aime ses formes (elle est très mince) et ne veut surtout pas qu’elle maigrisse. Excédé, il lui lance : « Va te faire liposucer, salope ! » (p. 40). La scène de ménage et de rupture entre Gaby et Jean-Bath, où celui-ci reproche à celui-là de ne pas lui avoir annoncé son départ, est tendre et amusante. On voit exposées des photos d’une quasi-vie de couple. Pendant ce temps, Maxime et Nina passent à l’étape 2 de leur vie commune, l’installation des brosses à dents dans le verre commun ! (cela ne vous rappelle pas la couverture d’un essai récent sur la vie de couple ?)

Premières chaleurs, de Jean-Philippe Peyraud
4e volume (2004) : « Départ sans préavis ». Les brosses à dents.

5e volume (2005) : « Troubles de voisinage »

Ce dernier volume est un peu plus déjanté que les précédents. On commence par une discussion philosophique sur… les urinoirs : « Mon rêve (Marco), c’est un urinoir dans mes chiottes. Outre le fait que ça évite d’en foutre partout, c’est un repère simple et efficace qui délimite bien la féminité de la masculinité » (p. 7). Pendant la discussion, une belle inconnue est repérée par le petit groupe. Elle se lève et file direct sa carte à Maxime, que ça va titiller pendant tout l’album, jusqu’à le mettre dans une situation ridicule et cocasse avec Nina. Véro teste des mecs plus zarbi les uns que les autres dans des « soirées speed dating ». Abie subit une crise inattendue : alors qu’au début elle psychote sur l’idée de rencontrer son ex qui se trouve habiter le même immeuble, calculant les moments où elle fréquente l’escalier, elle tombe sur un autre ex, qui emménage aussi dans l’immeuble ! Le hasard la fera tomber sur le premier, sur la péniche où elle est hôtesse, et elle réalisera que sa haine n’est qu’un désir refoulé pour… leurs « fesses absolutely incredible, bien fermes et musclées, comme Robert Conrad dans Les mystères de l’Ouest » ! (p. 18). Du coup, à la fin de l’album, elle se tape successivement les deux en l’absence de leurs femmes respectives (alors qu’elle doit emménager sous peu avec Jean-Bath). Bravo, les jeunes pères ! La série se clôt (définitivement ?) sur le dernier candidat de Véro dans une soirée. Pour une fois ça colle entre eux, mais… il lui avoue qu’il est homo et que c’est pour faire plaisir à sa maman qu’il est venu. Il lui demande de jouer le rôle pour la soirée, et elle accepte !

En conclusion, cette série très simple, un peu bavarde, va bien au-delà du « gay de service », elle prône une conception disons… altersexuelle de la vie amoureuse ! Elle figurera très bien dans les C.D.I. Des lycées et collèges, comme lecture récréative.

 Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

Lionel Labosse


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