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Amours géopolitiques, pour le lycée

La Dame de Dubaï, série Ghost Money, de Thierry Smolderen & Dominique Bertail

Dargaud, 2008 à 2013, 62 p., 14 €

samedi 3 août 2013

Avec Ghost Money, nous plongeons dans un XXIe siècle à la fois futuriste et familier. Le prologue de La Dame de Dubaï nous ramène à l’époque de la guerre d’Irak et de la chasse aux terroristes islamistes consécutive aux attentats du 11 septembre 2001. Il y a surtout de méchants Étasuniens, et des boucs émissaires musulmans, convaincus de gré ou de force d’avoir été des terroristes, avec les tortures les plus abominables. Après ce prologue, nous passons en 2020. Les technologies ont fait quelques progrès, et les mœurs semble-t-il aussi, mais aux États-Unis, après 20 ans de règne des démocrates, les « néo-cons » font leur retour au pouvoir, et certains vétérans de la guerre d’Irak rêvent d’une revanche. La jeune Lindsey n’a pas a priori grand-chose à voir avec tout cela, mais son chemin croise celui de la richissime Chamza, et elle en pince pour elle, qui de son côté en pince pour un prince du troisième type… Mince alors ! La série comporte quatre tomes parus ; un cinquième et dernier est prévu. Le premier tome présente une thématique altersexuelle importante, la bisexualité sans complexes de la jeune héroïne. La vision des services secrets étasuniens est un peu manichéenne, mais après tout, n’est-ce pas de bonne guerre ?

Tome 1 : La Dame de Dubaï (2008)

Le prologue évoque les crimes de guerre de la guerre d’Irak, et avant elle, de la chasse aux terroristes, culminant avec les tortures du Camp de Guantánamo. Les prétendus terroristes arrêtés sont humiliés, déshabillés, voire violés, comme le suggère implicitement le dessin. L’un de ces hommes, Haddad, avoue n’importe quoi pour qu’on le laisse tranquille, avant de succomber, en l’occurrence qu’il aurait été le banquier de l’argent des tours. Vingt ans plus tard, « les néoconservateurs sont de retour au pouvoir » (p. 15) ; Lindsey, la narratrice, participe à une manifestation contre ces conservateurs, à Londres. Attentat, bousculade ; une main se tend alors que Lindsey allait être écrasée par la foule. C’est la main de Chamza, qui la hisse dans les locaux de l’université d’économie de Londres. Chamza emmène Lindsey boire un remontant dans un club de l’élite, puis la dépose chez son père. Ça y est : « J’étais tombée amoureuse. Et Dieu sait que je n’avais pas du tout envie de revivre un truc comme ça ! » (p. 19). Quelques jours plus tard, Chamza réapparait. Lindsey n’a trouvé aucune donnée concernant Chamza sur le net ; « il ne me viendrait jamais à l’idée de googler une amie » (p. 21), répond Chamza. Elle propose à Lindsey un petit aller-retour shopping à Dubaï, avec sa limousine-jet privé. À Dubaï, elles se baladent en débardeur et maillot de bain. Elles sont invitées par de séduisants bédouins à une soirée dans le désert. Chamza semble très proche de l’un d’eux, et au moment où Lindsey s’apprête à se consoler avec un beau jeune homme, se produit une attaque surprise. Chamza révèle l’identité de son amant du désert, Umar, le chef de l’émirat des Lumières, « le plus grand poète et philosophe du XXIe siècle » (p. 33). Cela ne brise pas le lien dissymétrique entre les deux jeunes femmes, l’une cherchant une amitié, l’autre un amour. Mais en tant que « petite amie de leur chef », Chamza intéresse les services secrets U.S. Ils croient que sa fortune secrète est le trésor d’Al-Qaida, l’argent des tours. L’équipe des vétérans se reforme, même si deux d’entre eux sont un peu timbrés. Ring est traité de « pédophile » par Google (c’est son nom), et Gellett aussitôt de se saisir de lui pour le sodomiser ! C’est cette belle équipe de bras cassés qui s’empare de Chamza en simulant un accident, et lui implante une caméra et un micro dans les yeux et les oreilles, pour espionner son ami.

Tome 2 : Les yeux de Chamza (2009)

La première partie de cet opus 2 suit les aléas habituels du récit d’espionnage, entre Shanghaï, où Chamza est en convalescence-prison, Kaboul, où l’émir des Lumières survit au jour le jour en échappant comme il le peut aux attaques étasuniennes, et l’îlot sur lequel l’équipe d’agents secrets (qui multiplient les bourdes sordides) est installée, suivant dorénavant l’action par les caméras installées dans les yeux de la protagoniste, étape ultime de la vidéosurveillance. Ils font des recherches sur Lindsey, apprennent qu’elle est « bisexuelle », et vérifient grâce à la vidéosurveillance des rues de Londres, qu’elle a été rencontrée par hasard par Chamza, et que c’est peut-être pour ça qu’elle a confiance en cette amie. Après un mois de silence, Lindsey est conviée à Tashkit, ville d’origine de Chamza (qui rappelle Tachkent, en Ouzbékistan, même si le dossier de presse évoque plutôt des repérages « en Chine et en Arménie »). Lindsey découvre que son amie est la fille du président Azimatov, « fondateur de la république tashkite » (p. 33), auto-proclamé « le moins aligné des chefs d’États non-alignés » (p. 37). Son père ne semble pas au courant de la fortune considérable de sa fille. Les deux amies communiquent par pression de la peau, comme si Chamza avait l’intuition de ce qu’on a fait à ses yeux. Une action terroriste a lieu en Allemagne, qui tendrait à prouver que l’émir des Lumières ne serait pas impliqué, mais cela semble plutôt contrecarrer les plans des barbouzes, qui tiennent absolument à leurs coupables idéaux. Lindsey lit un de ses livres, un recueil de nouvelles érotiques. Chamza villégiature dans le sud de la France, la maison de sa feue mère où elle n’était pas allée depuis vingt ans. Elle y retrouve Francis, un ami de sa mère, qui s’amuse avec des robots « dildotronics » de beaux jeunes hommes nus lui permettant de pratiquer le « cybersexe ». L’espionnage étasunien est surpris de constater que la fameuse banque « blackcloud » parvient à brouiller son espionnage. Chamza a éprouvé le besoin de s’y rendre physiquement en 4e vitesse après avoir vu par hasard un reportage TV sur l’émir de son cœur. L’opus se termine sur une mystérieuse attaque terroriste à Dubaï, pendant la conférence des non-alignés, précédée de spéculations à la baisse de ladite banque, sur les valeurs de Dubaï. Lindsey est seule, au plus près de l’attaque, témoin de nombreuses morts autour d’elle. Qu’est donc allée faire Chaza de si urgent à cette banque ?

Tome 3 : Mourir à Dubaï (2011)

L’action est on ne peut plus palpitante dans cet opus 3. On apprend que les services secrets, dirigés par une « Mme Ferris » nympho, attirée par la « jeunesse et joli cul » du moins vieux de l’équipe, protègent un secret autour des attentats du 11 septembre 2001. Ils tentent de charger Chamza et sa mère, pour manipuler le président Azimatov, en lui faisant croire que Chamza n’est pas sa fille. Chamza rejoint l’émir dans son repère secret, mais celui-ci est prévenu par sa sœur que son cousin et sa fille ont été exécutés par les barbouzes, et qu’il faut se méfier de Chamza. Cela n’a pas empêché que Chamza, à trois jours de ses 28 ans, soit dépucelée par l’émir, sous les yeux des services secrets. Mais il n’y pas qu’eux qui observent la scène, loin de là ! Chamza ne sait pas d’où provient la fortune dont elle a hérité, elle sait seulement qu’elle doit le savoir le jour de ses 28 ans. Lindsey, au terme d’une échappée digne des meilleurs scénarios d’espionnage, est kidnappée par Gellett, et les services secrets lui font croire que c’est l’émir qui a fait le coup. Pour l’instant ils ont la main, car tous dans le camp arabo-musulman, croient ferme que leurs amis les trahissent. Lindsey a réussi à surprendre le secret des caméras dans les yeux de son amie, mais ne parvient pas à le lui faire savoir discrètement, car celle-ci est trop irritée par ce qu’elle croit la trahison de son amant… On est fort loin dans ce tome 3 des thématiques altersexuelles…

Tome 4 : La Prisonnière tashkite (2013)

Ce tome confirme que les auteurs, malgré les repérages en Arménie, pensaient plutôt au dictateur de l’Ouzbékistan, Islom Karimov, à ses filles, son népotisme, et son allégeance intéressée aux États-Unis, lui permettant de faire ce qu’il veut pourvu qu’il ait l’air de combattre le terrorisme islamiste. Chamza est internée dans une prison secrète. Son père croit qu’elle n’est pas sa fille, mais celle du banquier Haddad. Cependant les Américains sont partagés, et soupçonnent que la piste de l’émir des Lumières cache une autre piste interne aux États-Unis. Lindsey, comme Chamza elle-même, croient à la trahison de Umar, d’autant plus qu’il revendique l’attentat de Dubaï. Pendant ce temps-là, le hacker chinois qui a surpris les caméras dans les yeux de Chamza, retrouve Lindsey, et ils parviennent à informer Chamza du fait qu’elle est espionnée. Le jour des 28 ans de Chamza arrive enfin, et d’étranges événements surviennent, en tout cas il semble que la révélation, qu’il faudra attendre dans le tome 5, ne soit pas celle que la plupart des personnages attendent (mais pas le lecteur, qui a bien compris depuis le tome 1 qu’il s’agissait de dénoncer la manipulation islamophobe de l’opinion). Peu d’altersexualité dans ce tome.

 Le tome 1, La Dame de Dubaï, bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

Lionel Labosse


Voir en ligne : Site de Thierry Smolderen


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