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Une liste officielle très inégale

« Paris, ville capitale ? » Les chansons sur Paris de la liste du Bulletin Officiel

D’Offenbach à Claude Nougaro en passant par Joséphine Baker & Mistinguett

samedi 26 août 2023, par Lionel Labosse

Passionné de chansons, je ne pouvais pas manquer de vous faire un article sur les chansons sur Paris, dans le cadre de ce thème de BTS « Paris, ville capitale ? ».
La liste du BO dans la catégorie « Musique » ne propose qu’une seule œuvre de musique classique (Offenbach) et une trentaine de chansons, parmi lesquelles l’oubli de Léo Ferré, auteur de l’emblématique « Paname » fait comme un couac, alors qu’on a droit, comme d’habitude, à toute la variétoche insipide estampillée Télérama-Radio-Paris, que je me suis tapée avec de plus en plus d’écœurement en fin de liste. On notera aussi la coquille sur le nom de, je cite, « Claude Nourago » (un virago masculin ?). De fait, sa chanson qui date de 1968 est sur cette liste la plus récente qui puisse apporter quelque chose à nos étudiants. Tout ce qui suit a parfois de la valeur, mais aucun intérêt en ce qui concerne le thème proposé.
Léo Ferré est incontournable, sans doute le plus prolifique chansonneur de Paris, qui lui a enfin attribué une placette en 2009, parce que ses admirateurs l’ont quémandée, ce que Léo n’aurait jamais fait. Les crétins wokistes qui se sont emparés de la ville autrefois Lumière sont tellement empressés à baptiser des « Gare Rosa Parks » qu’ils n’avaient même pas pensé à rendre hommage à celui qui a si bien chanté Paris. Il y a tant de chansons de Léo Ferré sur Paris, si l’on compte les siennes, les poèmes qu’il a mis en musique (Baudelaire, Verlaine, Apollinaire, chansons de Caussimon incluses) et celles qu’il a écrites pour d’autres chanteurs et jamais enregistrées, que j’y consacrerai sans doute un article à part, en plus d’un autre article sur mes chansons préférées en dehors de la liste (car elle présente tant d’oublis majeurs que c’est est pathétique), mais pour faire la nique aux inspecteurs qui ont censuré son génie, je commence quand même cet article par la chanson qui a popularisé le surnom « Paname » repris par tous les djeunes depuis des lustres.

Je vais tâcher de prendre les chansons de la liste du BO d’abord dans l’ordre chronologique, avec le moins de commentaires possible, sans perdre de vue le thème « Paris, ville capitale ? ». Les chansons les plus récentes sont pour la plupart des bluettes bâtardes bâties sur l’anatole comme dirait Philippe Chevallier (La Chanson exactement. L’art difficile de Claude François), dont on se demande quelle mouche a piqué les inspecteurs de les choisir. Peut-être un stagiaire a-t-il terminé la liste en vitesse. Jamais je n’infligerais de telles bouses à mes étudiants. Quant on pense au thème, on est par exemple estomaqué que la question de la banlieue ne soit pas abordée par une seule des 30 chansons proposées. C’est terminus Porte des Lilas avec Gainsbourg ! Pourtant, quand on parle de « capitale », on ne peut pas la considérer hors-sol ! J’invite donc mes collègues à ignorer totalement les chansons de fin de liste (sauf s’ils y trouvent un intérêt que je n’ai pas su y trouver, car je ne prétends pas avoir le goût parfait !) et à faire leur propre choix. Je m’efforcerai de publier un autre article en ce sens.
J’entame cet article à l’époque de la sortie d’une dinde de la variétoche Téléramacron contre une chanson de Sardou qui est – Ô infamie – « de droite ». La chaîne « Piano Jazz Concept » se livre à une analyse musicale comparée des deux œuvres. Tout cela pour rappeler qu’en chanson comme en sciences, le consensus n’existe pas ; Pierre peut adorer une chanson que Marie trouve à chier. Voir mon article sur Let’s Talk About Love. Pourquoi les autres ont-ils si mauvais goût, de Carl Wilson, qui étudie le cas Céline Dion (en plus du livre sur Claude François signalé ci-dessus). On est bien dans notre thème, car la pouffiasse qui crache non pas tant sur Sardou que sur son public de gueux, de bouseux, c’est l’incarnation du parisianisme et de la boboïtude, ce racisme de classe, ce racisme « de gôche ». Après avoir écouté toutes ces chansonnettes inconsistantes, j’ai envie de dire à ces chanteurs, du moins à ceux qui savent chanter : mais puisque vous n’êtes pas capables d’inventer une mélodie nouvelle de qualité, que ne reprenez-vous plutôt une vieille chanson pour en faire quelque chose de nouveau à la Claude François ? Si c’est vrai que l’instrumentation de la chanson de Michel Sardou est datée, eh bien dépoussiérez-la !


 1866 : La Vie parisienne est un opéra bouffe de Jacques Offenbach, livret de Henri Meilhac & Ludovic Halévy, créé au théâtre du Palais-Royal le 31 octobre 1866 en cinq actes, puis réduit en quatre actes le 25 septembre 1873 au théâtre des Variétés. C’est une œuvre qui pourra illustrer aussi bien le thème « Invitation au voyage… ». C’est la première œuvre de théâtre lyrique que j’aie vue de ma vie. Mes parents nous avaient emmené voir le spectacle lors de la réouverture du théâtre du Châtelet en 1981, je crois que c’était vers Noël. Nous allions très rarement au spectacle en famille, mais quand j’ai eu des neveux, c’est une tradition que j’ai perpétuée…
Le 1er acte voit l’arrivée de voyageurs à la « gare de l’Ouest » (Montparnasse puis Saint-Lazare selon les versions), et c’est le célébrissime air du Brésilien (ténor), qui n’est pas un personnage principal, mais simplement un voyageur parmi une nouvelle fournée qui descend d’un train et envahit la gare. Il revient à Paris en s’exclamant cet air, que les metteurs en scène illustrent des trouvailles les plus amusantes, comme dans cette version de l’Opéra national de Lyon en 2007 (Jesus Garcia, ténor ; mise en scène Laurent Pelly). Les paroles raviront nos étudiants, tant elles ont peu vieilli. Les autres airs seront moins appréciés en dehors de leur contexte, comme à l’acte 2 l’air « Dans cette ville toute pleine de plaisirs » qui contient les célèbres paroles « Je vais m’en fourrer jusque là ». Pour des raisons de droits il est difficile de trouver sur YouTube des extraits avec une qualité visuelle qui rende la projection en classe agréable, mais on pourra aussi projeter le final « Par nos chansons et par nos cris », pour montrer un exemple de French cancan. Si les étudiants y prennent goût, pourquoi ne pas se lancer dans l’Opéraoké Challenge avec le chef de chœur Christophe Grapperon. Cela permet de comprendre que la transe n’est pas tombée de la Lune avec les musiques électroniques ! Il s’agit du final du 3e acte « Feu partout, lachez tout » dont voici une version décadente sans doute dans l’esprit d’Offenbach.
 1902 : « Viens poupoule » de Félix Mayol (1872-1941) (cf. ci-dessous 1939).
 1926 : Jeanne Florentine Bourgeois, dite Mistinguett, (1875-1956) a créé « Ça c’est Paris » (Paris, c’est une blonde), musique de José Pailla et paroles de Lucien Boyer & Jacques Charles. C’est une « chanteuse à gouaille » typique de Paris, ce qui compense sa voix imparfaite, comme elle-même le chantera avec autodérision dans « C’est vrai » (qui parle aussi de Paris comme ville capitale), comme expliqué dans cette vidéo « La vie secrète des chansons ». Elle est fille d’ouvriers. La chanson est reprise, avec des commentaires parlés, parfois égrillards, par Maurice Chevalier sous le même titre, en précisant parfois « Paris, c’est une blonde », ce qui rend les recherches Internet difficiles car les mots « blonde » et « Paris » figurent dans les titres de maintes rengaines de Maurice Chevalier.


 1930 : Freda Josephine McDonald, dite Joséphine Baker, est une chanteuse, danseuse, actrice, meneuse de revue française d’origine américaine, née en 1906 à Saint-Louis (Missouri, États-Unis) et morte en 1975 à Paris. En 1925 elle est une des vedettes de la Revue nègre, un spectacle musical créé à Paris. Par son succès et la personnalité de Joséphine Baker qui en est l’étoile montante, [la Revue nègre] permet entre autres une diffusion plus large de la musique de jazz et de la culture noire en Europe. « Ce spectacle constitue un événement au sens où, d’une part, il révèle pour la première fois en France une authentique « culture noire » détachée des pesanteurs colonialistes, et d’autre part, il permet à un genre d’essence populaire d’émerger en un lieu (théâtre des Champs-Élysées) réservé aux expériences artistiques de type moderniste » (Wikipédia). Dans notre époque wokiste indigéniste, des théories d’incultes vont crier au racisme, mais il faut écouter et voir la très émouvante « C’est lui » (1934, extrait de Zouzou, film de Marc Allégret) pour comprendre à quel point Paris était la ville de la liberté pour les noirs, notamment étasuniens : « Un jour, j’ai réalisé que j’habitais dans un pays où j’avais peur d’être noire. C’était un pays réservé aux Blancs. Il n’y avait pas de place pour les Noirs. J’étouffais aux États-Unis. Beaucoup d’entre nous sommes partis, pas parce que nous le voulions, mais parce que nous ne pouvions plus supporter ça… Je me suis sentie libérée à Paris » (Wikipédia). Une vidéo émouvante du théâtre aux armées la montrent interprétant « J’ai deux amours », sa chanson emblématique (1930), paroles énigmatiques de Géo Koger et d’Henri Varna, musique Vincent Scotto. Joséphine Baker entre au Panthéon le 30 novembre 2021. Pour l’anecdote, j’ai souvent rencontré à la piscine de mon quartier un de ses nombreux enfants adoptifs.


 1932 & 1939 : Maurice Chevalier (1888-1972), d’origine ouvrière de Ménilmontant, arborant souvent un canotier et un nœud papillon, Maurice Chevalier avec son accent parisien volontairement forcé représente au long de sa carrière une certaine image de la France et du Français à l’étranger, et notamment aux États-Unis : celle du Parisien typique, gouailleur, souriant, désinvolte et charmeur, d’où sa reprise (ci-dessus) de la chanson de Mistinguett, son pendant féminin. « Paris sera toujours Paris » (ci-dessus) date de fin 1939, et évoque l’ambiance du début de la Seconde Guerre. Il serait bon de méditer sur ces vers : « On aura beau par des oukases / Nous couper l’veau et même le jazz / Nous imposer le masque à gaz / Des mots croisés à quatre cases / Nous obliger dans nos demeures / À nous coucher tous à onze heures ». Ça ne vous rappelle pas le national-covidisme ? Paris est-il toujours Paris, ou bien n’est-ce plus qu’une ville de sans-couilles ?
« Viens poupoule » est créée par Felix Mayol en 1902 d’après une chanson allemande arrangée par Henri Christiné & Alexandre Trébitsch. Cette chanson fera la fortune de Mayol, et sera reprise par de nombreux interprètes et encore de nos jours fait danser les anciens. Je préfère cette version par Philippe Clay à celle de Mayol (de 1932) ou de Maurice Chevalier (1932 aussi), parce qu’elle reprend les couplets finaux caviardés car un peu salaces ou politiques. Notez les couplets 3 et 6, très actuels et très « parisiens » pour épater nos étudiants. Le 3e évoque les « bons apaches », les racailles de l’époque, qui font fuir les agents. Le 4e évoque « Constitution ! Dissolution ! » Ce bref document de l’excellente chaîne « Vieux disques » contient un montage de deux « phonoscènes » colorisés des années 1906, l’un des ancêtres du cinéma parlant, avec des commentaires de Maurice Chevalier lors d’une émission des années 1950, où il imite et rend hommage au chansonnier maniéré. Cela trouera le cul (façon de parler) de nos étudiants qui découvriront que des choses qu’on croit inventées par Choupinet & Annie Dingo existent depuis des lustres.

 1938 : Charles Trenet (1913-2001) écrit et enregistre « Ménilmontant ». C’est selon Wikipédia une « chanson de french-swing-zazou-parisien au tempo modéré en 1938, influencée par l’important succès des accordéons et des flonflons des guinguettes et bals musettes parisiens, et du swing-jazz blues-cool jazz américain de l’ère du Jazz d’entre-deux-guerres d’alors. Surnommé « le Fou chantant » il interprète l’enregistrement original accompagné par Wal-Berg et son orchestre, alors qu’il est une idole pour la jeunesse parisienne d’alors, à un des sommets de l’important succès de sa longue carrière ». Trenet évoque le début des années 1930, lorsqu’il quitte sa ville natale de Narbonne du sud de la France, pour Paris, où il commence sa carrière d’artiste-journaliste. Il a aussi pu s’inspirer de l’histoire de Maurice Chevalier, ou d’Édith Piaf, qui ont commencé leurs carrières dans les cafés-concerts de Ménilmontant… Les paroles évoquent l’ambiance et la vie de quartier typique, telle que la décrit Éric Hazan dans L’Invention de Paris : « Comme les années sur la souche d’un arbre, les quartiers entre deux enceintes sont contemporains, même si le remplissage ne se fait pas à la même vitesse sur toute la circonférence – toujours en retard à l’ouest et sur la rive gauche. Même époque et donc même conception de la ville, et c’est pourquoi il y a bien des points communs entre Belleville et Passy, inclus dans la même strate, tardivement annexés à Paris et qui ont tous deux gardé des traits de villages de l’Île-de-France – la grande rue commerçante, l’église et le cimetière, le théâtre qu’on dirait aujourd’hui municipal, la place centrale animée où l’on achète les gâteaux du dimanche ». Ce qui frappe dans les paroles de la chanson, c’est que le Paris évoqué est un Paris-village, diamétralement opposé au Paris des monuments. Mais cela était aussi devenu dans les années 50, un autre Paris de carte postale, relayé par de nombreux films.
On peut écouter la version de Django Reinhardt & Stéphane Grappelli et la belle version de Catherine Ringer en 2012 lors d’une émission de téloche typique de notre époque décadente. On peut faire observer les insupportables plans de coupe sur les bobos parisiens, pour rester dans le thème, mais la Ringer est super ! On pourrait évoquer les vers étonnants de « Y a d’la joie » du même Trenet : « Miracle sans nom à la station Javel / On voit le métro qui sort de son tunnel / Grisé de ciel bleu de chansons et de fleurs / Il court vers le bois, il court à toute vapeur / Y a d’la joie / La tour Eiffel part en balade / Comme une folle elle saute la Seine à pieds joints / Puis elle dit : / Tant pis pour moi si j’suis malade / J’m’ennuyais toute seule dans mon coin ».


 1948 / 1952 : Yves Montand (1921-1991) interprète À Paris (chanson), de Francis Lemarque (1917-2002). Je n’ai jamais trop apprécié Yves Montand, que j’ai vu sur scène à l’Olympia quand j’étais jeune. Cette girouette de la politique nous cassait les couilles à la télévision avec ses revirements, de stalinien à reaganien. Que ne se contentait-il de chanter ! Il avait cependant un excellent répertoire. Contrairement à Montand qu’on a souvent cru juif à cause de son nom italien « Livi », Francis Lemarque était juif, né Korb d’une famille de juifs populaires, mais était surtout un vrai titi parisien amoureux de Paris, né rue de Lappe. Il lui a fourni une trentaine de chansons, dont plusieurs magnifiques comme celle-ci. Lemarque a toujours suscité ma sympathie. Il était modeste, avait été résistant (car sans doute pas perçu comme juif grâce à son pseudonyme) et avait des engagements gauchistes mais pas donneur de leçons. Wikipédia nous apprend que « Francis Lemarque écrit et compose cette chanson populaire sur un air d’orgue de Barbarie, d’accordéon, et de flonflons ». C’est effectivement un Paris nostalgique, mais il y croyait sans doute aussi sincèrement que Trenet croyait à Ménilmontant, parce qu’ils y avaient vécu ou y étaient nés du temps du Paris populaire. La chanson évoque quand même beaucoup la Seine, et la Bastille, c’est un Paris plus « capitale » que la chanson de Trenet.
« Les grands boulevards » (paroles Jacques Plante, musique Norbert Glanzberg) date de 1952. On peut en visionner dans les archives de l’INA une version sur scène de 1959, pas très spectaculaire mais dans son jus. Vu qu’il est loin du micro on peut se demander si l’enregistrement est vraiment « live ». L’auteur de la musique Norbert Glanzberg est un juif né en Ukraine, à la trajectoire émouvante : « Pourtant en 1942, après avoir réussi à se soustraire aux rafles, il est victime d’une dénonciation et jeté en prison pour 6 mois. La comédienne Marie Bell organise sa fuite avec l’aide d’un gardien de prison corse. Jusqu’en 1944, il est caché par Georges Auric et pour finir par le poète René Laporte à Antibes, où il fait des rencontres avec la résistance intellectuelle : Éluard, Prévert, Aragon, Elsa Triolet et l’éditeur René Julliard. Il présente Maurice Chevalier à Julliard, qui éditera après la guerre ses mémoires ». Après sa carrière en variété, il reviendra à la musique classique. Quant à Jacques Plante, né et mort à Paris, il se retira longuement en Suisse et y étudia… les papillons ! Comme quoi les amoureux de Paris peuvent être des immigrés ou de famille immigrée, et aimer aussi la campagne.


 1958 : Serge Gainsbourg, « Le Poinçonneur des lilas ». Il en existe plusieurs versions d’archives, dont ce scopitone réalisé par Jean Bacqué produit par Pathé, où Gainsbourg a des oreilles qu’on dirait décollées par le port du masque covidiste pendant 15 ans ! Le quotidien d’un employé du métro qui déprime en rêvant au vaste monde. On n’est guère dans le thème « Paris, ville capitale ? ». Une station de métro de la ligne 11 doit porter le nom de Serge Gainsbourg (métro de Paris), ouverture prévue en 2024. Un article revient sur l’origine de cette chanson des débuts de Gainsbourg, qui était alors peintre et pianiste. Vous y trouverez la version des Frères Jacques, qui sortit d’ailleurs avant celle de l’auteur, et l’auto-parodie « Le fossoyeur de Pacy sur Eure », que Gainsbourg enregistra pour fêter ma naissance, le 1er avril 1966 ! J’ai mis 57 ans à découvrir son hommage à ma sortie du métro maternel !


 1965 : Charles Aznavour (1924-2018) publie la même année « Paris au mois d’août » et « La bohème », excusez du peu ! La première est extraite d’un film dont il incarne aussi le protagoniste, car il était aussi bon comédien que chanteur ; la seconde est extraite d’une opérette dont il a composé la musique, Monsieur Carnaval, sur un livret de Frédéric Dard & des paroles de Jacques Plante (celui qui écrivit « Les grands boulevards » pour Montand). Ces deux chansons connurent un succès international, d’autant que Charles Aznavour enregistrait ses chansons en plusieurs langues. Au cours de sa vie il chanta en une dizaine de langues (ce qui ne veut pas dire qu’il en était locuteur). « Paris au mois d’août » n’a pas grand chose à voir avec notre thème, à part son succès international, mais la chanson ne dit rien de Paris, on se demande ce qu’elle fait dans cette liste. La Bohème (chanson) est plus représentative non pas de la jeunesse d’Aznavour (qui n’est pas l’auteur des paroles) mais du temps où Paris voyait venir à lui les artistes du monde entier, l’époque des peintres du tournant du siècle, peut-être jusqu’à l’enfance d’Aznavour, comme cet article sur le contexte artistique de 1937 peut l’évoquer, et je vous renvoie à Joséphine Baker ci-dessus. L’article de Wikipédia nous apprend que le chanteur l’enregistra en plusieurs langues, en anglais, en allemand, en espagnol, en italien. Une vidéo propose un montage de la chanson chantée par Aznavour et d’autres artistes en différentes langues. Même en Kabyle par Idir (1945-2020), pour faire pleurer certains de nos étudiants !


 1966 : Mireille Mathieu (née en 1946), « Paris en colère » (et non « Paris est en colère » comme sur le BO) est une chanson dont les paroles sont de Maurice Vidalin et la musique de Maurice Jarre, interprétée par Mireille Mathieu et sortie en 1966, alors qu’elle avait 20 ans. Cette chanson est la B.O. du film Paris brûle-t-il ? de René Clément et sortit en 1966 (l’année de ma naissance). J’avoue avoir été injuste quand j’étais jeune avec Mireille Matthieu, symbole de la chanson potiche d’après les quolibets de Coluche dans les années 80, que je prenais au premier degré. Cette fille & petite file d’ouvriers (son père était maçon tailleur de pierre) mérite en fait le respect. J’ai redécouvert cette chanson sous la tyrannie covidiste d’Emmacruel Nécron, pendant les manifs organisées par Les Patriotes. Sacré chanson ! Récemment elle n’a pas eu peur de comparer macron à Poutine ! À l’instar d’Aznavour, Mireille Mathieu a enregistré des chansons en plusieurs langues, par exemple en espagnol. Mais il semble qu’elle ait chanté des chansons originales, par exemple en allemand, et pas seulement des traductions des ses chansons françaises. En fait sa carrière allemande semble bien plus prolifique que sa carrière française.


 1968 : Jacques Dutronc (né en 1943) , « Il est cinq heures, Paris s’éveille ». Cette chanson n’a pas pris une ride. C’est le Paris des fêtards, celui de Rétif, inchangé. Le parolier Jacques Lanzmann déclare dans cet article : « Mes chansons sont pas du tout dans le sens du parisianisme. Au contraire elles le dénoncent et le critiquent. J’en fais une satire que Dutronc met très bien en musique. Dans « Paris s’éveille » avouez que ça n’a rien à voir avec le parisianisme, c’est une chanson d’amour sur Paris au petit matin. » La chanson évoque plusieurs lieux de Paris, pas forcément les plus touristiques.
 1968 : Claude Nougaro (1929-2004) sort sous le coup de l’émotion des émeutes étudiantes de mai 1968 « Paris Mai ». Voir Wikipédia Paris Mai (chanson). Les paroles sont de Nougaro, la musique de Eddy Louiss. La chanson paraît d’abord en 45 tours, avant d’être incluse la même année dans l’album Paris Mai (album) qui contient des chansons phares comme La pluie fait des claquettes, Quatre boules de cuir, Toulouse, Chanson pour le maçon. Chanson poétique en alexandrins bourrés d’images énigmatiques & d’épiphanies qui s’ancrent dans la mémoire, à suivre avec les paroles. Chacun interprétera à sa façon ces vers : « Le casque des pavés ne bouge plus d’un cil / La Seine de nouveau ruisselle d’eau bénite /Le vent a dispersé les cendres de Bendit / Et chacun est rentré chez son automobile. »
« Et je te prends Paris dans mes bras pleins de zèle / Sur ma poitrine je presse tes pierreries / Je dépose l’aurore sur tes Tuileries / Je survole à midi tes six millions de types / Ta vie à ras le bol me file au ras des tripes /J’avale tes quartiers aux couleurs de pigeon, / Intelligence blanche et grise religion ».
« Mais » ce qui nous reste en tête après l’audition de cette chanson, n’est-ce pas la puissance de profération du refrain, révolte de la voix et du corps ? Cette chanson de transe me renvoie à La Naissance de la tragédie, de Friedrich Nietzsche : « Par le chant et la danse, l’homme manifeste son appartenance à une communauté supérieure : il a désappris de marcher et de parler et, dansant, il est sur le point de s’envoler dans les airs ». Les couplets sont apolliniens, le refrain dionysiaque.


 1973 : Serge Lama (né en 1943), « Les p’tites femmes de Pigalle » est une chanson écrite et interprétée par Serge Lama sur une composition de Jacques Datin, parue en 1973. Extraite de l’album Je suis malade, elle sort également en single. La chanson reçoit un Oscar de la chanson française en 1974. Je n’ai jamais trop apprécié ce chanteur, dont je trouve les textes lourdingues. Celui-ci, esthétiquement parlant, me semble un des moins mauvais, mais sur le fond, cette chanson est une curiosité très datée malgré sa mélodie agréable. On se demande pourquoi les inspecteurs l’ont choisie alors qu’ils ont ignoré Léo Ferré. Le seul intérêt que j’y vois quand même est que vu l’apologie de la prostitution, cette chanson déplaira aux wokistes ! C’est pourquoi je la proposerai peut-être à mes étudiants, pour voir ce qu’ils en pensent !


 1990 : « Dans la salle du bar tabac de la rue des Martyrs » est une chanson du gauchiste sympathique François Hadji-Lazaro (1956-2023), leader des groupes Pigalle et Les Garçons bouchers. On trouvera sa nécrologie sur cet article. C’est un Paris peu reluisant, mais qui existe.


 1991 : Marc Lavoine (né en 1962) est d’origine populaire, fils d’ouvrier. « Paris » (Paroles Marc Lavoine, musique Fabrice Aboulker) est une jolie petite bluette nostalgique vite oubliée qui n’arrive pas à la cheville des grandes chansons ci-dessus. Dommage, le gars est sympathique, on voudrait aimer, mais on sent tellement l’envie de ne choquer aucune idée reçue pour passer à la radio… de la gentille soupe. Il devrait plutôt faire un disque de reprises. Peut-être l’a-t-il fait ?
 1992 : Les garçons bouchers, « Province-Paris ». La liste du BO nous suggère une chanson intitulée « Pigalle », qui n’existe pas ! Il existe en revanche le groupe Pigalle, fondé par François Hadji-Lazaro, et la chanson « Province-Paris » interprétée par ce groupe, l’un des deux fondés par François Hadji-Lazaro. Confondre le nom d’un groupe et le titre d’une chanson, cela nous rappelle le lapsus du ministre Frédéric Lefebvre en 2011 sur « Zadig & Voltaire ». Bon, chanson gentillette gauchiste déjà ringarde à l’époque de sa sortie. Aucun intérêt. Je souligne le fait que les inspecteurs qui pondent les listes du BO pour le thème BTS ne savent pas toujours de quoi ils parlent. Heureusement que nous les tâcherons de la base sommes là pour faire le boulot. Pourquoi ne pas avoir mentionné quelques chansons phares, suivies d’un « et autres chansons » qui encourage l’enseignant à user de sa liberté pédagogique ? Cette volonté de tout lister ne prélude-t-elle pas à un encadrement stalinien (je veux dire macronien) de la liberté de choix, comme cela a été fait en pré-bac ?
 1994 : Les Négresses vertes, « Enfer et paradis ». C’est grandiloquent, ça se veut très vaguement critique, mais on n’en retient rien ; on a l’impression qu’on ne veut surtout fâcher aucune personne qui tient le stylo à subventions dans sa main. Le seul lieu parisien nommé dans le texte, c’est le « Paradis Latin ». Bon, et alors ?
 1996 : Étienne Daho (né en 1956) chante « Les bords de Seine » en duo avec Astrud Gilberto (1940-2023). Bluette sans intérêt avec des paroles bilingues en français et portugais que je n’ai même pas envie de comprendre. Au suivant.
 1997 : Louise Attaque a connu un succès phénoménal avec son premier album qui incluait « Les nuits parisiennes ». Jolie chanson énergique, mais strictement aucun rapport avec le thème « Paris, ville capitale ? », le mot « parisiennes » est là au hasard, on pourrait écrire « bordelaise » à la place. Cette sympathique chanson semble avoir été choisie au hasard parce que le mot « parisiennes » était dans le titre.
 2002 : Camille (chanteuse) (née en 1978) chante « Paris », bluette inconsistante avec une voix inaudible, dont le seul intérêt est d’exprimer un désamour pour la ville de merde qu’est devenue Paris déjà en 2002 : « Paris, tu paries, Paris, que je te quitte / que je change de cap, de capitale / Paris, tu paries, Paris, que je te quitte / je te plaque sur tes trottoirs sales ». Il faut supposer que le simple fait d’exprimer cette évidence était considéré en 2002 comme une provocation « d’extrême-drouâteuh », donc accordons à cette chanteuse le bénéfice du doute…
 2007 : Thomas Dutronc (né en 1973), a chanté sur son premier album publié en 2007 « J’aime plus Paris », écho anémié au chef-d’œuvre de son père et surtout au brulot de Léo Ferré « Paris je ne t’aime plus ». Seul intérêt : avoir un discours « de droite » sur Paris, mais pas trop, pour pouvoir continuer à recevoir les éloges de Télérama. Ben oui, Paris est devenue une ville de merde sous la gauche, donc ouvre ta gueule, si tu as des couilles. Ben non, on ose à peine effleurer le sujet.
 2008 : Julien Doré (né en 1982) propose dans son 1er album une chanson aux paroles incompréhensibles, « Soirées Parisiennes », qui évoque d’après ce que j’ai compris du texte, la décadence des bobos parisiens qui passent leurs soirées dans les boîtes, où sans doute ils applaudissent cette chanson sans intérêt qui raconte leur décadence. Je n’infligerai par ça à mes étudiants, n’en déplaise à notre nouveau ministre de l’éducation qui doit apprécier ce genre d’univers où l’on peut croiser entre deux ministraillons, des amis décadents comme Pierre Palmade.
 2009 : Mickey 3D propose « Paris t’es belle », extrait de son album La Grande Évasion. Une bluette vite écoutée, vite oubliée
 2011 : Vanessa Paradis (née en 1972) susurre de sa voix insupportable de Lolita « La Seine », bluette inconsistante extraite de la BO du film d’animation Un monstre à Paris. Passons.
 2014 : Avec « Paris by night » de Bénabar (né en 1969), on est dans la variétoche bobo insipide. C’est vraiment de la soupe, et je suppose que Télérama et Radio-Paris doivent être dithyrambiques sur ce genre de navets. J’aime trop mes étudiants pour leur faire subir cette soupe.
 2016 : Louane & Ibrahim Maalouf, « Un automne à Paris » est une œuvre de commande et de propagande de l’Éducation nationale, sur un texte d’Amin Maalouf, oncle du compositeur. Tiens, ces attentats ont si peu ému les Français qu’il a fallu allonger du fric pour qu’émerge une chanson ? Les paroles sont d’une niaiserie édifiante. Il est bien évident que tant qu’on veut témoigner de ces opérations sous faux drapeaux en faisant fi de la vérité, qui pourtant est disponible par exemple dans ce livre, on pond de la mélasse à mougeons. Mais on comprend que les autorisés aient dans l’urgence commandité une chanson sirupeuse pour bien colmater le cercueil de la vérité officielle sur des attentats qui avaient tout du faux drapeau. Chut, laissons les mougeons dormir ! En inscrivant sur la liste ce genre de chansons de propagande, le ministère ne fait que poursuivre sa tâche. Libre à nous de choisir d’autres chansons.
 2017 : « Paris métèque », de Gaël Faye (né en 1982) est une chanson gauchiste bisounours aux paroles d’un style confus qui ne voit strictement rien de Paris, s’en bat complètement les couilles, à part que c’est une ville qui accueille des gentils immigrés du monde entier. Pour faire bisounours, on nomme rapidos « des juifs errants et des roms […] Des chemins d’Erevan, aux sentiers de Crimée », mais pas un mot des mafias du trafic d’êtres humains qui règnent actuellement sur l’immigration. Ben oui, mon pote, sauf que les immigrés ou fils d’immigrés du XXe siècle, eux, Aznavour, Yves Montand, Francis Lemarque, ils aimaient juste Paris, ils ne récitaient pas le catéchisme de la division et de la haine copié-collé des plaquettes des associations bidons financées par Georges Soros ! « Et souvent je t’en veux, dédaigneuse et hautaine / Capitale de la monde à jouer la mondaine / Laisse-nous consteller la vraie nuit que tu ignores / Cesse donc de faire briller les milles feux de ton décor ». Qu’est-ce que ça peut bien vouloir dire ?
Pour ceux qui aiment, je signale cependant un document pédagogique sur cette chanson. Si j’avais l’esprit provocateur, je ferais écouter aux étudiants cette chanson en parallèle avec celle de Joséphine Baker. Elle, elle proclamait que si elle avait émigré à Paris, c’est qu’elle y était mieux traitée que dans son pays natal. Quel progrès !

Lionel Labosse.


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La vignette est un détail de la lithographie « Le quadrille à Bullier » (non datée) de Gustave-Edward Barry, Musée Carnavalet.