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Papa ce non-héros, pour les 4e.

Zarbie les yeux verts, de Joyce Carol Oates

Gallimard, Scripto, 2003, 217 p., 11,5 €.

jeudi 5 avril 2007

Une adolescente assiste à la déliquescence du couple parental. L’auteure nous la fait vivre de l’intérieur, par une narratrice insincère et partiale, jusqu’à ce qu’un faisceau concordant de signes mette fin à son aveuglement, et lui fasse prendre conscience de la gravité de la violence de son père, qui va de pair avec sexisme et homophobie. Un bon roman agréable, vite lu, vite oublié.

Résumé

Frankie les yeux verts, c’est Francesca, mais elle préfère le diminutif. À l’âge de 14 ans, elle se fait draguer dans une fête par un garçon de 18 ans, qui l’emmène dans un coin. « Je suis paniquée, mais excitée aussi » (p. 18). Elle réalise qu’elle n’est pas prête, mais Cameron tente de passer en force. « C’est comme un combat. Je lève vigoureusement mon genou. Je frappe le type en plein dans le bas-ventre. » Cela lui vaut son surnom, et une réflexion révélatrice : « Ma mère m’avait dit qu’à mon âge elle avait eu plus de chance que d’intelligence ». Peu de chance en définitive, pour sa mère Krista, qui a épousé un grand sportif devenu le célèbre journaliste sportif Reid Pierson. Brutal, imbu de lui-même, possessif, macho, homophobe : « il désapprouvait que sa femme fréquente des gens « bohèmes », qu’il qualifiait de « femmes ménopausées » et de « gays », deux catégories d’êtres humains méprisables à ses yeux » (p. 26). « Tes amies lesbiennes. Tu traînes avec tes lesbiennes » (p. 63). Krista se défend comme elle peut, mal. Elle négocie un départ en douceur, fait tout pour cacher la vérité à ses deux filles, dissimule les bleus que lui fait cette brute sous des écharpes et des pulls. Elle obtient de vivre dans un bungalow, se consacre à la sculpture, promettant de ne jamais demander le divorce, pendant que son mari m’as-tu-vu s’exhibe en compagnie de jeunes femmes splendides. Manipulées par leur père qu’elles admirent et par leur demi-frère Todd, brute épaisse à son image, les deux filles haïssent leur mère, jusqu’à ce que celle-ci disparaisse brusquement avec un ami. Quelques indices encourageront la Zarbie qui sommeille en Frankie à se poser quelques questions.

Mon avis

Le sujet n’est pas neuf, ni son traitement. Une adolescente assiste à la déliquescence du couple parental. L’auteure nous la fait vivre de l’intérieur, par une narratrice insincère et partiale, jusqu’à ce qu’un faisceau concordant de signes mette fin à son aveuglement. Le décalage entre ce que comprend le lecteur et ce que la narratrice relate sans le comprendre, permettra d’illustrer la différence entre point de vue interne et point de vue omniscient. En attendant il faut supporter le compte rendu de la vie quotidienne d’une famille de millionnaires étasuniens. Le surnom qui donne son titre au livre est censé désigner un esprit rebelle, mais le plus haut degré d’héroïsme de Frankie consiste à délivrer un renard et deux lièvres que des enfants d’amis avaient mis en cage. Elle aura plus de mal à se délivrer, avec sa sœur, de la cage dorée où elles vivent. On comprend ce que l’auteur a voulu faire, montrer de l’intérieur l’aliénation d’une adolescente qui dans un premier temps justifie la violence physique de son père. Le résultat sent pourtant le déjà lu. On apprécie bien sûr la silhouette à peine ébauchée de Mero Okawa : « Un lien profond entre Mero et moi. Un homme GAY/UNE femme hétéro » (p. 273). Malgré les calomnies du père : « Impliqué dans des histoires sordides avec de jeunes garçons » (p. 239), Zarbie parvient à penser par elle-même : « Oui, je pense. Homosexuel. Mais je ne classe pas les gens par catégories » (p. 284). Bref, un bon roman agréable, vite lu, vite oublié.

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Lionel Labosse


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