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Harcèlement, comment s’en sortir, pour les 4e/3e

Cauchemar au collège, de Karine Reysset

Je Bouquine, novembre 2012, 39 p., 6,5 €.

samedi 9 mai 2015

Sur un rythme haletant, sans une ligne de gras, ce « roman » inclus dans une revue destinée aux dix / quinze ans, correspond plutôt à la définition d’une nouvelle, toute tendue vers son dénouement. Un adolescent est victime d’une couple de jumeaux diaboliques, qui le prennent pour cible de leur manie de harcèlement, s’attaquant à la fois à sa mère et à sa sœur handicapée. Comment se sortir d’une telle machination quand l’institution ne vous aide guère ? L’homosexualité n’est que le prétexte, il est donc plutôt question d’homophobie, ce qui n’empêche pas l’exposé d’une morale humaniste.

Résumé

L’histoire se passe dans un milieu aisé. Lucien a des parents divorcés, un père géologue toujours fourré aux quatre coins du monde, une mère infirmière, et une petite sœur handicapée en fauteuil, qu’il adore et à qui il se dévoue. Il est créatif, a des goûts ringards par rapport à ses camarades. Un jour, il s’étonne d’être invité par des jumeaux, Amandine & Gaël, qui viennent de changer de collège. Leur père est un des chirurgiens qui font la pluie et le beau temps à l’hôpital où sa mère est infirmière. Amandine demande à danser avec lui, et lui fait du rentre-dedans auquel il ne répond pas assez vite à son goût. Elle lui demande : « Tu préfères mon frère, alors ? », et comme il est désarçonné, reprend : « Ma parole, tu rougis ! ». C’est le début d’un harcèlement tous azimuts. Gaël lui demande d’être ami sur sa page Facebook ; il accepte, et le lendemain, « la moitié de la classe souhaitait devenir mes amis » (p. 16). Les ennuis commencent avec des séries de points d’interrogation postés sur sa page, puis une question : « C’est vrai que t’es gay ? » (p. 19). On évoque ses copines homo, ce qui pourrait être vrai, mais Lucien ne s’était jamais posé la question ; pire, on s’en prend à sa sœur, et son meilleur ami, au début du moins, refuse de lui parler. Il reçoit des menaces d’un numéro inconnu. On lui vole des poèmes et musiques écrits pour sa sœur et on les diffuse pour le ridiculiser, etc. Heureusement, une fille de la classe ainsi que ses amies lesbiennes, et son meilleur ami qui a fini par réaliser qu’il avait eu tort de croire les rumeurs, prennent sa défense, parlent à une prof, qui tente d’agir aussi. Lucien craque et fait enfin ce qu’il aurait dû faire depuis le début, parler à ses parents. Le problème est que les parents des deux petits diaboliques ont le bras long, et d’une part empêchent la direction d’agir, d’autre part, font pression sur la mère. Grâce à une contre-attaque par les mêmes moyens technologiques, les jumeaux seront mis hors d’état de nuire, mais on aura eu chaud.

Mon avis

Cette nouvelle incluse dans une revue bénéficie des exigences éditoriales de ladite revue : pas un mot inutile, pas de gras ; on file au vif du sujet. On apprécie l’étude au scalpel d’un cas d’école de harcèlement, avec la répartition du groupe classe en quatre catégories, telles que définies dans cet article « Du suicide et des boucs-émissaires… », à savoir, le pervers (les jumeaux et leurs parents), le bouc-émissaire (Lucien), les normopathes (les élèves), les rebelles (les amis de Lucien, et Anne, la fille de la classe qui prend parti pour lui contre le troupeau normopathe). Cela va jusqu’à la contamination du stigmate, puisque ses amis sont harcelés à leur tour : « tous deux ne m’avaient pas laissé tomber, ils m’avaient apporté leur soutien, ils devaient payer pour ça » (p. 38). L’embrouillamini monté en quelques lignes aurait pesé 300 pages chez un romancier bavard, mais plutôt qu’une nouvelle, on a ici le condensé d’un roman. La question de l’homosexualité, finalement, n’est qu’accessoire ; c’est un prétexte comme un autre, mais dans ce condensé d’efficacité, le paragraphe final (avant l’épilogue) est remarquable de tact : « Je me suis surpris à regarder davantage les filles, et aussi les garçons, je dois l’avouer. Peut-être pour me tester. Je n’ai reçu aucune révélation, ni dans un sens ni dans l’autre. Oui, j’en suis arrivé à me poser ce genre de questions. Amandine a réussi à semer le doute dans mon esprit. Je me suis enfin décidé à interroger Julie et Margot. Après avoir éclaté de rire, elles m’ont confirmé qu’elles étaient bien ensemble, qu’elles croyaient que je l’avais compris depuis longtemps. Désormais ça me saute aux yeux, amour et amitié peuvent être tellement proches. Mais je n’y attache pas beaucoup d’importance. »

Pour la petite histoire, rappelons que Je Bouquine est une revue du Groupe Bayard, groupe de presse catholique et 5e groupe de presse en France. Ne mettons pas tous les cathos dans le même sac. Les excités anti-dgêndeurs n’ont pas grand-chose à voir avec les chrétiens humanistes.

 Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

 De la même auteure, lire Les Yeux de Lisa.
 Lire l’article de Jean-Yves Alt sur ce livre.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Karine Reysset sur le site de Ricochet


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