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Aimer, le juste milieu, pour les 4e / 3e
Les Yeux de Lisa, de Karine Reysset
l’école des loisirs, Médium, 2013, 104 p., 8,5 €.
samedi 14 février 2015
À l’occasion de ses 17 ans, Manon reçoit un courrier de Lisa, accompagné de photos, qui lui rappellent le souvenir cuisant d’un séjour à la mer en Normandie qui s’est mal terminé. Les prolongements pourtant ne sont pas tant désagréables, puisque Manon en a gardé un petit ami rétrospectif, Timeo, et finalement, peut-être une amie pour la vie, Lisa. Les Yeux de Lisa est le récit d’une amitié en dents de scie, à la limite de l’amour, entre deux jeunes filles dont l’une aide l’autre à se réconcilier avec la vie.
Résumé
« La première fois que j’ai vu Lisa, je l’ai prise pour un garçon » […] « Je rêvais de lui en secret, mon cœur battait la chamade dès qu’il entrait dans mon champ de vision » (p. 13). C’est à la piscine que Manon transforme ce « il » en « elle » (belle page 14) ; puis Lisa intègre sa classe au lycée. Elles ont l’occasion de faire un exposé ensemble, et deviennent amies, à condition que Manon respecte le côté « animal sauvage » (p. 15) de Lisa. Lisa admire et jalouse la famille de Manon. Elle lui apprend qu’elle vit dans un foyer, tout en entretenant un certain mystère sur son parcours. Manon obtient l’autorisation de sa mère pour partir à la mer, à condition d’être chaperonnée par sa cousine tout juste majeure, Ambre, et accompagnée de son amie et voisine Clémentine. Le « quatuor de bric et de broc » (p. 24) prend le train pour un séjour calamiteux. Clémentine remarque tout de suite : « Elle aime les filles, ta copine » (p. 28). La scoumoune commence quand la cousine se défile à la gare d’avant leur destination pour rejoindre un mec, en emportant la plus grande tente. Les trois mineures galèrent sous la pluie normande pour trouver une place dans un camping miteux pas trop regardant sur leur âge, et y installer leur tente deux places pour trois… Cela n’empêche pas de s’amuser, ni de s’engueuler, car Clémentine et Lisa sont comme chat et chien. Lisa dit à Manon : « si j’étais un mec, tu serais mon genre », ce qui la trouble au point qu’elle lui fait la bise, alors que d’habitude « Quand on se voyait le matin, on se disait « salut ! » et point barre » (p. 37). Les trois filles sortent en boîte, et Manon se fait serrer par un « ange Gabriel », mais Lisa interrompt son flirt. En rentrant au camping, elles constatent que leur tente a été cambriolée. Quand Lisa pense à Gabriel, « ses lèvres et la fossette de Lisa se sont comme juxtaposées » (p. 61). Lisa se confie enfin à son amie car malgré les difficultés, ce séjour la détend. Elle lui apprend peu à peu son histoire, l’inceste de son père et sa tentative de suicide. Si elle s’est « déguisée en garçon » (p. 89), c’est pour échapper au désir de son père, mais peine perdue. Les filles se font agresser par trois garçons une nuit, et Lisa défend sauvagement son amie. Elles retrouvent la mère de Manon, dont Lisa apprécie toujours plus l’affection. Lisa disparaît pourtant sans laisser d’adresse, du moins jusqu’à cette lettre reçue un an après, qui permet de boucler le retour en arrière. Lisa a rejoint sa grand-mère à Lisbonne, et apprend à Manon qu’elle a « peut-être rencontré quelqu’un […]. Elle s’appelle Paola ». C’est en recevant la lettre seulement que Manon prend conscience « que j’ai été amoureuse de Lisa-fille d’une certaine manière. Je me l’étais caché à moi-même. Amour amitié, ça peut être tellement proche. Je n’ai pas honte, ce sont de beaux sentiments. Peut-être aurais-je dû plus m’écouter, et surtout l’écouter, elle » (p. 101).
Mon avis
En dépit d’un style un peu appliqué, Les Yeux de Lisa est un roman fort agréable qui, sans prétention, touche au plus juste des sentiments confus de l’adolescence. En peu de pages, en peu de temps, l’évolution d’une amitié est esquissée, et les retrouvailles d’une jeune fille en perdition avec le bonheur. On apprécie le récit d’une ambiguïté sexuelle sans volonté de démonstration, avec cette fin ouverte sur un devenir à construire. Lisa ne se sent pas lesbienne au début du récit, et Clémentine le perçoit avant elle-même. Les relations difficiles avec les garçons, la tentative de viol, sont racontées aussi simplement que le comportement parfait du bel Italien Timeo. Pour Manon, l’heure de choisir entre les filles et les garçons n’est pas venue, et pour les lecteurs, ce livre aidera sans doute à discerner des contours dans le flou des sentiments.
– Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».
– Lire notre article sur Cauchemar au collège, nouvelle de Karine Reysset publiée dans la revue Je Bouquine n°345, en novembre 2012.
Voir en ligne : Karine Reysset sur le site de Ricochet
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