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Homo idéal à détruire, pour les 4e/3e
Amour mortel, de Gilles Abier
Actes Sud Junior, 2013, 182 p., 13 €
samedi 5 avril 2014
Un personnage homosexuel secondaire pimente un petit polar ado. Grégoire est si beau, si parfait, qu’on a envie de lui faire un sort rien que parce que l’homosexualité vaut mieux qu’un personnage politiquement correct. Heureusement, le récit s’en charge avant qu’on ait le temps de détester ce personnage fadasse. Reste une vision douce-amère du couple, à déguster pour nos petits collégiens.
Résumé
Lucie voit mourir sous ses yeux ou presque trois garçons dont elle est à peine tombée amoureuse. Coïncidence, ou malédiction ? Elle se console comme elle peut avec son meilleur ami Grégoire, jeune, beau, sexy et… homo, comme ne parviennent pas à se le mettre dans le crâne ses deux meilleures amies, Judith (antillaise) et Marion. Elle massacre tout ce qui se trouve dans sa chambre, puis se réfugie chez sa grand-mère, Denise, où Grégoire et Marion la rejoignent. Marion lui parle nonchalamment d’un article sur la psychogénéalogie, et comme ils se mêlent trop à son goût de ses affaires privées, elle les plante là. C’est alors que Denise, bouleversée par cette série de morts et cette idée de malédiction, fait une révélation à son fils et sa petite-fille : sur eux (en fait sur les filles de la famille, donc sur Lucie) pèse la malédiction d’une jeune femme qui a vu mourir un bisaïeul, tué par son frère (l’arrière-grand-père de Lucie) suite à une mésalliance. Lucie décide de tenter de retrouver la vieille dame, et obtiendra vite satisfaction, grâce à l’aide de Denise et de son père. Mais cela entraîne une découverte troublante : ces trois beaux gosses ne peuvent avoir été tués que par des gens qui savaient qu’elle venait de tomber amoureuse, donc par l’un de ses trois amis, ou un ami de ses amis…
Mon avis
On n’est guère bluffé par les ficelles un peu grosses de ce thriller ado, dont le coupable est dévoilé aux deux tiers de l’ouvrage, au point qu’on n’y croit pas… et si ! On ne croit pas davantage à ces adolescents de milieux friqués qui singent les adultes (dîners dans de bons restaurants, vêtements d’adultes, consommation d’alcools variés [1], etc.). Signe des temps, les meurtres sont consommés en temps réel, comme des tweets : à peine Lucie a-t-elle fait confidence qu’elle est amoureuse, que l’élu meurt aussitôt ! (ce qui, bien sûr, signe le meurtre et désigne le coupable dans le destinataire de la confidence !). On s’intéresse donc de préférence au thème qui fait l’objet de notre sélection. La vie amoureuse des personnages suit la mode. On apprend que l’on peut se quitter rien qu’en modifiant le profil de son compte Facebook, de « en couple » à « célibataire » ! Cela, en effet, évite les pertes de temps ! L’homosexualité est un thème secondaire, assez présent. Si le premier garçon ne prenait pas la peine de draguer Lucie, c’est qu’« il était persuadé que t’étais gay […] que tout le monde te prend pour une lesbienne » (p. 15). Grégoire est horriblement lisse, une vraie couverture de Têtu, haïssable donc, et l’on est soulagé que le récit s’occupe de lui latter la gueule. Je vous laisse un peu découvrir comment, mais il n’est pas anodin que l’auteur ait eu la bonne idée d’utiliser pour ce faire l’actualité du « mariage gay » : on crée un guet-apens en appâtant des homos d’un côté et des fachos de l’autre, devant une église de cathos intégristes. Comme on est dans un roman ado, ça marche du premier coup, et on obtient immédiatement l’assassinat projeté. Là encore, hénaurmes ficelles, mais qui permettront aux jeunes lecteurs de revisiter l’actualité gay avec un œil critique.
– Lire l’article de Jean-Yves Alt sur ce livre.
Voir en ligne : Site de l’auteur
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[1] J’ai appris un mot dans ce livre, qui eût mérité une note : « verre à dijo » (p. 95). Il semble que ce soient des verres d’alcool fort, mais le mot est absent même de mon dictionnaire d’argot (Larousse).