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Bombe à retardement, pour les 4e
Les Dents du bonheur, de Dorothée Piatek
Éditions petit à petit, 2008, 72 p., 7 €
lundi 14 avril 2008
Il n’est pas question d’altersexualité au sens strict dans ce roman court, mais de la déflagration causée chez un enfant par la révélation retardée de son adoption (il s’agit d’une adoption plénière). À ce titre, Les dents du bonheur est à proposer en lecture croisée avec des livres abordant l’alterparentalité, dont certains auteurs négligent parfois trop l’une des trois fonctions parentales (géniteurs, parents et co-parents) (cf. cet article). Dorothée Piatek nous rappelle la violence que recèle autant l’abandon d’un enfant que la confusion des fonctions parentales, notamment l’oubli des géniteurs par les parents s’ils ne sont pas les mêmes. La réflexion sur ce qu’on appelle « homoparentalité » et les aménagements législatifs nécessaires gagnerait en profondeur à être étendue à toutes les situations alterparentales, c’est une des leçons que nous pouvons tirer de ce livre fort en émotion.
« Une bombe a éclaté dans ma tête quand j’avais sept ans » (p. 1). Les parents de Gabriel lui ont annoncé qu’ils l’avaient adopté. « Moi, j’étais programmé pour une annonce à l’âge d’un an ou pour jamais ». Gabriel établit le rapport avec le chien Hubert, adopté à la SPA : « Je me demande s’ils ont raqué aussi pour m’avoir » (p. 5). Il a avalé sa rancune jusqu’à sa majorité, sans en parler à personne, et a entamé seul la difficile recherche de ses parents, dans une démarche qu’on pourrait assimiler à la psychogénéalogie. Son enquête lui donne accès à un maigre dossier, une lettre de sa « génitrice » (qu’il appellera ainsi avec mépris, p. 25, de même qu’il traite son géniteur de « connard ») donnant de vagues informations sur ce dernier, étudiant aux Beaux-Arts, et précisant : « ton père ignore ton existence » (p. 19). Un autre indice lui est fourni par une marque morphologique : les « dents du bonheur » (écartement des incisives, ou diastème), qu’il croit héréditaire [1] : « Douze années à regarder les dents des femmes que je croisais dans la rue pour espérer y retrouver ma mère » (p. 13). Cette recherche l’obsède, au point qu’il néglige toute autre préoccupation : le lycée, qu’il sèche pour les nécessités de sa recherche, et les filles : « Les filles, en ce moment j’en ai vraiment rien à foutre, je ne les vois même pas » (p. 24). Son langage est volontiers ordurier, comme son comportement ; il extériorise ainsi la violence qu’il a ressentie. Sa recherche, plus ou moins couronnée de succès, lui donnera l’occasion de remettre en cause son ressentiment pour ses parents adoptifs et pour sa sœur, et de mieux accepter sa vraie famille : « J’ai réalisé à cet instant […] que je n’avais pas été le seul à avoir mal dans cette maison » (p. 59). Une autre grande leçon de ce roman, à l’heure où l’on voudrait imposer des tests A.D.N. pour prouver la filiation de certains de nos concitoyens.
– Voir un article intitulé « Elle m’a fait un bébé dans le dos », ainsi qu’un article de Marcela Iacub : Pour un statut de géniteur sous X. Un article sur le site du Sénat fait le point sur la question délicate de la recherche de paternité / maternité d’un enfant en adoption plénière.
– Dorothée Piatek est également l’auteure de Je marchais MALGRÉ MOI dans les pas du diable. Voir une autre critique de cet ouvrage sur Lirado, et l’analyse de Thomas Savary.
– Lire la critique de La Décision, d’Isabelle Pandazopoulos, qui prend la question de l’abandon d’enfant sous un angle fort différent.
Voir en ligne : Le site de Dorothée Piatek
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[1] La portée symbolique du titre, l’allusion à l’hérédité ou les autres interprétations des « dents du bonheur » seront des pistes pédagogiques porteuses.