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La musique dans tous ses états, une question de tempo.

De la Musique à toute vitesse ou à toute lenteur

Thème BTS « À toute vitesse ! » et « De la musique avant toute chose ? »

vendredi 3 janvier 2020, par Lionel Labosse

À l’occasion de la mise au programme des thèmes de BTS « À toute vitesse ! » et « De la musique avant toute chose ? », voici quelques éléments de réflexion d’un béotien sur la vitesse et la musique. Je précise d’emblée que je ne sais pas lire la musique ni jouer d’un instrument ; je suis juste un peu mélomane ; mais ce sera le cas d’une grande partie des enseignants de Culture générale et expression en BTS pour le thème « De la musique avant toute chose ? », alors lançons-nous ! Certains passages de ce cours sont paraphrasés d’articles de Wikipédia. Après un premier article consacré aux 6 morceaux de la liste du Bulletin officiel sur le thème « À toute vitesse ! », voici quelques propositions de cours sur vitesse et musique : de la Musique à toute vitesse ou à toute lenteur.

Prologue : lançons les thèmes en début d’année avec Carmen

Cet extrait de 5 minutes de la « Chanson bohême » du début de l’acte II de Carmen (1875) de Georges Bizet (1838-1875) (55 à 59’ de l’opéra complet) m’a fourni une excellente introduction pour le cours de cette année 2020-21. La production de l’opéra de Vienne, avec Nadia Krasteva (Carmen), Massimo Giordano et Anna Netrebko a été supprimée de Youtube, et je l’ai remplacée par une version de concert lors du festival en plein air Musiques en fête 2018. Voici les paroles, qui constituent aussi un bon exercice de diction pour ce début d’année carnavalesque (mais le masque ne se met pas sur les yeux !).

« Les tringles des sistres tintaient
Avec un éclat métallique,
Et sur cette étrange musique
Les zingarellas se levaient.
Tambours de basque allaient leur train,
Et les guitares forcenées
Grinçaient sous des mains obstinées…
Même chanson, mêmes refrain,
La la la la la la !
Les anneaux de cuivre et d’argent
Reluisaient sur les peaux bistrées ;
D’orange ou de rouge zébrées,
Les étoffes flottaient au vent ;
La danse au chant se mariait,
D’abord indécise et timide,
Plus vive ensuite et plus rapide…
Cela montait, montait, montait, montait !…
La la la la la la !
Les bohémiens, à tour de bras,
De leurs instruments faisaient rage,
Et cet éblouissant tapage
Ensorcelait les zingaras !
Sous le rythme de la chanson,
Ardentes, folles, enfiévrées,
Elles se laissaient, enivrées,
Emporter par le tourbillon !
La la la la la la ! »

Musique & cinéma

Voici quelques suggestions par ordre chronologique, en commençant par trois scènes inoubliables de Charlie Chaplin (1889 -1977), qui avait un sens unique du timing.
 La Ruée vers l’or (1925) propose dans sa version sonorisée par Chaplin de 1942, une utilisation du Vol du bourdon de Nikolaï Rimski-Korsakov lors de deux scènes dans la cabane des chercheurs d’or, d’abord brièvement à la minute 6, et surtout vers 1 h01, lorsque la cabane menace de tomber dans le vide (attention, selon le support le minutage peut varier). Il est un peu inutile que je vous mette un lien car ces films sont assez vite retirés de Youtube, mais il y a un bref extrait incomplet de la 2e scène qui a des chances de passer inaperçu.
 Les Temps modernes (1936) : la scène de la machine à manger. La bande son mélange une musique dont la mélodie est du cinéaste lui-même, arrangée par David Raksin et les bruitages de la machine et ses ratés. C’est donc un travail qui poursuit les recherches de Honegger pour Pacific 231 (à partir de 2’30 sur cet extrait).

Dans le même genre, vous avez la scène d’ouverture du Dictateur (1940) avec la célèbre Danse hongroise nº 5 (1867-1880) de Johannes Brahms (1833-1897), qui aurait pu faire partie de la liste du BO.

À l’âge de 19 ans, Brahms devient ami avec le jeune compositeur prodige violoniste virtuose hongrois Ede Reményi, et l’accompagne au piano dans une tournée dans des lieux populaires. Cette musique lui inspire avec le temps sa série de compositions et d’arrangements de 21 Danses hongroises pour piano à quatre mains, inspirées pour la plupart d’airs populaires folkloriques de danses verbunkos et csárdás hongroises, arrangées avec des airs de musique tzigane (en vogue à l’époque) caractérisées entre autres par de brusques changements de temps lents et rapides typiques du folklore musical hongrois. Pour cette Danse hongroise n°5, Johannes Brahms juxtapose la composition Erinnerung an Bartfeld (Souvenir de Bardejov) du compositeur hongrois Béla Kéler, avec des alternances de parties lentes et mélancoliques et de parties rythmées, rapides, enjouées (source Wikipédia). On apprécie la chorégraphie parfaite d’un des plus magistral plan-séquence de l’histoire du cinéma.

Le Bon, la Brute et le Truand

Diamétralement opposé au plan séquence, mais tout aussi virtuose, faisons un saut dans le temps, vers le western spaghetti, avec Le Bon, la Brute et le Truand (1966) de Sergio Leone (1929-1989) et sa scène finale, exemple mythique de montage rapide de plans brefs. (Durée 6’ à partir de 2’45). La séquence du duel à trois est célèbre dans l’histoire du cinéma, en rupture radicale avec la forme classique du duel, au point qu’un néologisme est nécessaire pour le nommer : truel. On parle aussi d’impasse mexicaine. Sergio Leone sut la mettre en valeur à travers des prises de vues d’un genre nouveau, avec pendant six minutes des plans fixes, d’abord panoramiques sur fond de centaines de tombes, puis de plus en plus serrés et rapides, scrutant le moindre signe des acteurs, un rictus, un mouvement des yeux ou du doigt, dans un montage qui fera école. Le western de Sergio Leone est novateur en ce qu’il joue constamment sur les ruptures de rythme, de l’extrême lenteur à la grande vitesse, en parallèle avec l’alternance de plans larges et de travellings avec des gros plans ou des très gros plans, et des plans jouant sur la profondeur de champ, comme celui-ci :

Le Bon, la Brute et le Truand (1966) de Sergio Leone.
© Sergio Leone

Le lieu du tournage, un cimetière nous renvoie à notre article sur le chœur. Voici ce que nous apprend Wikipédia, et cela intéressera nos étudiants qui cherchent souvent à savoir si les auteurs trouvent par hasard leurs effets les plus géniaux : « La préparation du duel à trois et du cimetière de Sad Hill requit un soin extrême et une grande implication de la part des scénographes italiens et espagnols, coordonnés par Carlo Leva. Leone voulait un cimetière qui puisse évoquer l’arène d’un amphithéâtre romain. Il n’en existait aucun. Le responsable espagnol des effets pyrotechniques […] prêta 250 soldats qui construisirent en deux jours le type de cimetière voulu, avec 10 000 tombes. Pour Leone, l’idée de l’arène était cruciale, comme un clin d’œil morbide, puisque les spectateurs de ce duel étaient tous morts ». Cette séquence n’aurait pas eu autant d’impact sans la partition d’Ennio Morricone (1928-2020). La musique devait exprimer avec ses staccatos de claquoir l’éclat de rire des cadavres à l’intérieur de leurs tombes, agrémentés de croassements de corbeaux lors des silences. Les trois premiers gros plans sur les acteurs demandèrent une journée complète de travail, pour que le spectateur ait l’impression de regarder un ballet. La musique donnait un certain lyrisme à toutes ces images, alors la scène de suspense prenait une valeur chorégraphique. Écoutons la musique également célèbre du générique de début, interprétée par l’Orchestre symphonique national du Danemark, sous la direction de la sublime Sarah Hicks :

Le finale de Et pour quelques dollars de plus (1965) présentait déjà cette référence à l’arène antique, mais sans public, et l’on pouvait la prendre pour une arène de corrida. On la retrouvera en mode dégradé dans Il était une fois dans l’Ouest (1968). Quant au 1er opus de la trilogie du dollar, Pour une poignée de dollars (1964), il présentait une arène plus classique, la rue principale du village de western. Dans chacune de ces scènes on peut voir une illustration du rapport entre vitesse, image et musique au cinéma. Étonnamment ce n’est que dans le 1er de ces quatre westerns mythiques qu’on trouvera une illustration du motif traditionnel de la virtuosité au « six coups ».

La Danse macabre de Camille Saint-Saëns

Ce morceau célèbre peut rebondir sur le Caprice N° 24 de Niccolo Paganini que nous avons vu dans le 1er cours.
<https://www.youtube.com/watch?v=eBP...>
Écoutons une leçon de musique orchestrale « Les Clefs de l’orchestre » par Jean-François Zygel, avec l’orchestre Philharmonique de Radio France dirigé par Christian Vasquez. Durée 39’ (suivi par L’Apprenti sorcier de Paul Dukas. La Danse macabre en elle-même dure 10 minutes). Quelques éléments de cours puisés dans Wikipédia :
La Danse macabre, opus 40, est un poème symphonique en sol mineur composé en 1874 par Camille Saint-Saëns (1835-1921) d’après le poème d’Henri Cazalis Égalité-Fraternité paru en 1875. Le poème symphonique est une composition orchestrale, généralement en un seul mouvement, de forme libre, inspirée par une idée extra-musicale poétique ou descriptive, très en vogue au XIXe siècle. Jouée pour la première fois à Paris le 24 janvier 1875. La première audition en 1875 surprit par l’emploi du xylophone, inutilisé à l’époque dans un orchestre symphonique. Saint-Saëns lui-même citera le thème principal dans son Carnaval des animaux (1886), n° 12 « Fossiles », avec l’indication « Allegro ridicolo » (1’22).
Scénario : Minuit sonne. Satan va conduire le bal. La Mort paraît, accorde son violon, et la ronde commence, presque furtivement au début, s’anime, semble s’apaiser et repart avec une rage accrue qui ne cessera qu’au chant du coq. Le sabbat se dissout avec le lever du jour.
Tout comme dans le Carnaval des animaux, tous les instruments viennent jouer un rôle, ce sont de véritables acteurs. La harpe sonne les douze coups de minuit, les pizzicati des violoncelles représentent la Mort qui frappe du talon pour réveiller les défunts, avant « d’accorder » son violon solo sur le Diabolus in musica (nom donné, d’après le système de Guido d’Arezzo, à la quinte diminuée ou « triton », ici : la-mi bémol) et de lancer la danse sur un tempo de valse. Le xylophone représente le son des os des squelettes qui dansent et s’entrechoquent durant la nuit. Les violons marquent la cadence sur des quintes criardes et rappellent le vent d’hiver et la quinte diminuée du début (la-mi bémol) pourrait aussi suggérer la sécheresse et l’aigreur de la saison.
Trois thèmes sont développés : l’un rythmique, exposé par la flûte ; le second mélodique, énoncé par le violon solo ; enfin, la citation du motif mélodique du premier vers de la Séquence liturgique Dies iræ, mais il s’agit ici d’un Dies iræ transposé en mode majeur sautillant qui sonne bizarrement à la trompette, appuyée par les cymbales ; les esprits infernaux semblent ridiculiser cette phrase solennelle de la liturgie des morts. Ces trois motifs sont valsés. Le thème A se développe sous la forme de variations, le thème B est traité en fugue et, à un certain moment, les deux se superposent. On soulignera aussi le déchaînement de l’orchestre, à grand renfort de clameurs dues aux cuivres, exprimant l’aspect frénétique, forcené, de ce monde souterrain. Et, quand le hautbois fait entendre le cocorico, les morts se dispersent.
Voici les parties du poème d’Henri Cazalis citées dans le programme de Saint-Saëns :
« Zig et zig et zig, la mort en cadence
Frappant une tombe avec son talon,
La mort à minuit joue un air de danse,
Zig et zig et zag, sur son violon.

Le vent d’hiver souffle, et la nuit est sombre,
Des gémissements sortent des tilleuls ;
Les squelettes blancs vont à travers l’ombre
Courant et sautant sous leurs grands linceuls,

Zig et zig et zig, chacun se trémousse,
On entend claquer les os des danseurs, […]

Mais psit ! tout à coup on quitte la ronde,
On se pousse, on fuit, le coq a chanté
Oh ! La belle nuit pour le pauvre monde !
Et vivent la mort et l’égalité !
Les variations de rythme sont au cœur de ce morceau, ce qui permet d’illustrer le thème de la vitesse et de la lenteur. Pour information, La Danse macabre (The Skeleton Dance) est aussi un court métrage d’animation en noir et blanc de la série des Silly Symphonies réalisé par Walt Disney, sorti en 1929. Sans doute pour des raisons de droits, il ne reprend pas le poème symphonique de Saint-Saëns, bien qu’il en utilise le contenu narratif.

Autres proposition de cours sur vitesse et musique

 Replongeons-nous dans le Boléro de Maurice Ravel, évoqué dans cet article. À l’époque c’était à la limite de la musique expérimentale, et on ne peut pas comprendre la suite sans cette étape.
 Continuum (1968) de György Ligeti (1923-2006).

Continuum (1968) de György Ligeti, extrait de la partition.
© Emmanuel Bigand & Philippe Lalitte / Belin

C’est par Les Bienfaits de la musique sur le cerveau, d’Emmanuel Bigand que j’ai connu la pièce pour clavecin Continuum (1968) de György Ligeti (durée 4’ 15) qui « n’est écrite qu’avec une seule valeur rythmique répétée régulièrement à un tempo extrêmement rapide. Cependant les changements de hauteurs introduits de façon imprévisible suggèrent à notre perception des groupements qui contredisent la régularité rythmique réelle. Comme ces changements ne sont pas effectués au même moment à la main droite et à la main gauche, il en résulte des accents qui brisent la périodicité. Ce processus, varié tout au long de la pièce et modulé par des changements de registres, produit des illusions auditives dont le résultat esthétique est indiscutable » (p. 131). À vous d’apprécier avec l’interprétation du jeune Justin Taylor, sur un clavecin ancien qui fournit un contraste supplémentaire avec cette impression de vitesse. Un extrait commenté de la partition est donné dans le livre, pour que les mélomanes puissent mieux suivre.

Chanson et vitesse

Voici un extrait de La Chanson exactement. L’art difficile de Claude François, de Philippe Chevallier, 2017 :
« Un dernier moyen de mettre en péril le système ou de tester sa résistance est l’accélération. Ce qui met en danger la machine, c’est en fait sa propre machination : l’emballement. Poussée au-delà de ses limites, elle peut casser. Certaines chorégraphies mettent ainsi en scène le corps au bord de la rupture : pantin désarticulé (Reste) ou corps en train de se noyer (Soudain il ne reste qu’une chanson). Nous l’avons vu, c’est une constante de nombre de reprises des années 1963-1964 : Claude François accélère le tempo, transformant des comptines en courses de fond. Ce sport où il excellait en Égypte avait alors déjà ce « goût de la mort » qu’il retrouvera dans l’expérience des concerts, toujours proches de l’ultime. La Ferme du bonheur, en plus d’un changement de tonalité, en devient méconnaissable ; et la diction impeccable de Si tu veux être heureux est d’abord un défi à la vitesse qui caractérisera ses prestations scéniques, accélérations permanentes, délirantes, au-delà du raisonnable et même du musical – si le chanteur peut chanter et danser à cette vitesse, l’oreille peut-elle encore l’écouter ?

Ses musiciens, triés sur le volet, sont rodés aux cadences infernales, mais ils sont bien les seuls à pouvoir suivre Claude François jusque-là, comme le montre une prestation télévisuelle mémorable, sa dernière, dans l’émission « Musique and Music » de Jacques Martin le 28 février 1978 [15 jours avant sa mort !]. Le tempo follement accéléré de Magnolias for ever (la chanson, de 4 minutes 15, est jouée en 2 minutes 45) prend de surprise le chef d’orchestre Pierre Porte et provoque la déroute de l’orchestre local. Ses musiciens, eux – Michel Assa (basse), Fernand Boudou (clavier), Émile « Bonbon » Boza (percussions), Benjamin Cohen (batterie), Sylvano Santorio (guitare), Slim Pezin (guitare) –, ont l’habitude et se calent sur le chanteur sans trop de difficulté, même si la tension se lit sur les visages – Slim reconnaîtra que certains tempos du chanteur touchaient à la limite du possible, même pour un musicien chevronné comme lui. Dans leur dos, la section des cuivres fait ce qu’elle peut, mais à leur gauche, la section des cordes ne suit pas malgré les efforts désespérés de Pierre Porte pour les remettre à deux reprises dans le coup. Dès les premières secondes, la contrariété se lit sur le visage de Claude François, qui laisse éclater sa colère une fois terminée la chanson malgré les efforts du présentateur pour le calmer. Claude François ? « Une brute », dira de lui Jacques Martin. C’est-à-dire l’exact opposé d’un chanteur consensuel et familial. Ce défi de la vitesse semble s’être imposé lors de la préparation de son dernier Olympia, en 1969, cassant définitivement la forme traditionnelle du récital :
« Je prends un risque, celui d’être adoré ou détesté. Je vais essayer de chanter quinze chansons sans une minute de battement. C’est mauvais pour le souffle mais tellement agréable pour le spectateur. Les applaudissements ne servent à rien et s’arrêter entre chaque chanson ne fait que casser le rythme. »
Sur scène, à partir de 1973, Claude François décidera d’accélérer tous les tempos, dans une tension nerveuse croissante – gare à qui croisait sa route à la fin d’un concert – et pour un résultat qui sera ou superbe (les Tuileries en juin 1975) ou catastrophique (le Palais d’hiver de Lyon en février 1978, son dernier concert), la scène ne permettant pas la correction. Fréquemment ouvert dans les années 1970 par la même chanson Cherche, avec une batterie sur tous les temps – reprise frénétique de Joe Tex (Show Me), qui est d’abord un exercice d’endurance épuisant les meilleurs batteurs et percussionnistes – et refermé sur un pot-pourri d’une quinzaine de titres enchaînés à toute vitesse, pratiquement toujours les mêmes également, le tour de chant est chaque soir à la fois répété et remis en jeu.
C’est sur scène que Claude François consent à s’approcher de cette transe noire qu’empêchait le reste du temps un dispositif de production soigneusement programmé et verrouillé. Le concert d’adieu (momentané) au Forest National, en janvier 1974, se terminera par 12 minutes 17 grandioses, indescriptibles, dans une cacophonie instrumentale digne du free jazz le plus échevelé, à l’issue de laquelle le chanteur se jeta dans le public. Il y a plus d’expériences-limite chez Claude François, chaman égyptien, que chez Georges Bataille, chartiste bourguignon, c’est une évidence » (pp. 211-13).

Je mets ici cette vidéo d’une chanson rapide de Claude François, « Reste », que j’ai découverte grâce à ce livre, mais qui n’est pas mentionnée dans cet extrait. Elle est reprise dans le film Cloclo de Florent-Emilio Siri (2012), comme un tournant dans la carrière du chanteur, qui aiguillonné par Paul Lederman, se renouvelle grâce aux « Claudettes », censées amener le public masculin (1h 03’). Cette chanson, de même que « Comme d’habitude », a été inspirée par la rupture du chanteur avec la jeune France Gall.

Claude Nougaro, autre chanteur qui avait le rythme dans la peau, chante « Quatre Boules De Cuir », qui alterne vitesse du combat et lenteur du KO :
« Quatre boules de cuir tournent dans la lumière
De ton œil électrique, Boxe, Boxe,
Ô déesse de pierre
Quatre boules de cuir, mes poings contre les siens,
Moi le jeune puncheur, Boxe, Boxe,
Lui, le vieux Kid Marin
Kid Marin c’est un grand et Dieu sait que je l’aime
Mais ses gants et mes gants ne pensent pas de même
Ô déesse de pierre, pour atteindre ton cœur,
Il n’est qu’une manière, Boxe, Boxe,
Il faut être vainqueur

Quatre boules de cuir sur quatre pieds de guerre
Bombardent le plexus, Boxe, Boxe,
L’angle du maxillaire
Quatre boules de cuir dans la cage du ring
Son crochet je l’encaisse,
Il esquive mon swing
Kid Marin, j’en ai marre de notre réunion
Je vais te faire voir
Qui des deux est champion
Quatre boules de cuir et soudain deux qui roulent
Répandant leurs châtaignes
Dans le cri de la foule

La joue sur le tapis, j’aperçois les chaussettes
De l’arbitre là haut
4… 5… 6… 7…
Enfant je m’endormais sur des K. O. de rêve
Et c’est moi qu’on soutient
Et c’est moi qu’on soulève

Et voici les vestiaires, on débande mes mains
Kid Marin vient me voir, ça ira mieux demain

Ô déesse de pierre, je prendrai ma revanche
Et j’aurai ton sourire, comme une maison blanche
Oui, j’aurai ton sourire, point final de mes poings
Même si dans les coins, Boxe, Boxe,
J’y vois encore luire,
Quatre boules de cuir. »

Mais c’est bien sûr plutôt « À bout de souffle » (1965) qu’on préférera. Claude Nougaro colle ses mots sur un standard de jazz, le célèbre instrumental Blue Rondo a la Turk de Dave Brubeck (1920-2012), l’un des rares morceaux de jazz à avoir été composé en 9/8, selon Wikipédia que nous suivons ici. À écouter / voir sur cette vidéo d’époque (ce sera une belle occasion de faire découvrir le jazz à quelques étudiants). On peut distinguer dans ce morceau l’influence de Béla Bartók (1881-1945) qui a beaucoup utilisé dans sa musique des métriques impaires (7/8, 9/8…). Certains phrasés du Blue Rondo a la Turk peuvent rappeler certaines Danses bulgares des Mikrokosmos (1926-39) de Bartók, particulièrement la 6e. On reconnaît dans les accroches de la chanson comme de Bartok, l’inspiration de Continuum de György Ligeti (cf. supra.) Or ces musiques sont souvent conçues au départ comme des exercices pédagogiques, comme le morceau fameux de Marcel Dadi (1951-1996), guitariste et auteur d’une méthode d’enseignement de la guitare, qu’il explique avec son morceau mythique « Le Derviche tourneur ».
Tout à fait autre chose, Jacques Higelin (1940-2018) dans « Poil dans la main » chante sur un rythme enlevé de zouk le goût de la paresse et de l’immobilité. Le montage vidéo réjouira les potaches…

Jacques Brel

Dès le début de sa carrière fulgurante, Jacques Brel (1929-1978) est connu pour son « crescendo brélien », perceptible par exemple dans « La Valse à mille temps » (1959). S’appuyant sur les trois temps traditionnels d’une valse, la chanson débute lentement sur ce tempo, puis, tout en s’accélérant progressivement, entraînée par le tourbillon de l’accordéon et les intonations de Jacques Brel, évoque une « valse à quatre temps », puis vingt, puis cent et enfin « à mille temps ».

« Une valse à vingt ans
Une valse à cent temps
Une valse à cent ans
Une valse ça s’entend
À chaque carrefour
Dans Paris que l’amour
Rafraîchit au printemps
Une valse à mille temps (ter)
De patienter vingt ans
Pour que tu aies vingt ans
Et pour que j’aie vingt ans
Une valse à mille temps (ter)
Offre seule aux amants
Trois cent trente-trois fois l’temps
De bâtir un roman »
La vidéo pourrie d’époque me semble très exploitable en classe, et nous rappellera la chanson « La Foule » d’Édith Piaf, étudiée dans le Corpus « Et si la vitesse était féminine ? ».
Parmi les autres exemples de crescendo brélien, l’un des plus époustouflants scéniquement dans cette version vidéo est « Vesoul » (1968). Une belle chanson méconnue sur le thème de l’immédiateté, qui exploite la lenteur du tempo, est la « Chanson sans paroles » (1962). À l’époque des relations amoureuses torchées par texto, que peuvent dire à nos étudiants ces paroles :
« Mais le temps que s’allume
L’idée sur le papier
Le temps de prendre une plume
Le temps de la tailler
Mais le temps de me dire
Comment vais-je l’écrire
Et le temps est venu
Où tu ne m’aimais plus »
Parmi les chansons au rythme lent et qui font l’éloge du temps de vivre, l’une des plus belles est la dernière chanson enregistrée par Jacques Brel (1929-1978), « Les Marquises », ici dans une vidéo illustrative :

Selon Wikipédia, « La chanson est enregistrée en une seule prise et en direct avec un orchestre de quarante musiciens exécutant les arrangements de François Rauber lors de la dernière séance d’enregistrement ». On est à l’opposé de la façon de travailler d’un Alain Bashung.
Extrait des paroles :
« Ils parlent de la mort
Comme tu parles d’un fruit
Ils regardent la mer
Comme tu regardes un puits
Les femmes sont lascives
Au soleil redouté
Et s’il n’y a pas d’hiver
Cela n’est pas l’été
La pluie est traversière
Elle bat de grain en grain
Quelques vieux chevaux blancs
Qui fredonnent Gauguin
Et par manque de brise
Le temps s’immobilise
Aux Marquises »
Cela fait songer à Éloge de l’immobilité, de Jérôme Lèbre.

Rock progressif, krautrock

Le rock progressif est un sous-genre de la musique rock qui s’est développé depuis le Royaume-Uni depuis la fin de la décennie 1960. Tirant son origine du rock psychédélique, ce courant a pour particularité de conférer au rock une plus grande crédibilité artistique. Il se caractérise par l’éloignement du format de la musique populaire au profit de techniques musicales et instrumentales plus associées aux musiques jazz et classique, ainsi que par ses expérimentations rythmiques et harmoniques auxquelles s’ajoute une certaine liberté dans le choix des instruments : claviers et synthétiseurs, notamment, occupent une place importante au sein des formations progressives. L’ajout de plusieurs instruments jugés étrangers à la musique rock — la flûte traversière, le saxophone, le violon, le vibraphone, voire l’harmonium, notamment — est également courant. Écoutons Tubular Bells (1973), le morceau mythique de Mike Oldfield (né en 1953), publié alors qu’il avait 20 ans, dans une version interprétée à la BBC, le 30 novembre 1973, diffusée sur BBC2 le 1er décembre. Regardez bien le début, puis à la fin le crescendo / décrescendo, où l’on voit apparaître les fameuses cloches tubulaires éponymes, avant que le jeune Mike ne termine seul à la guitare (ayant abandonné la basse), avec sa gueule d’ange aux longs cheveux (23’15). Les fans visionneront cette autre version de concert, à Montreux en 1981.

Le krautrock est un genre musical ayant émergé à la fin des années 1960, essentiellement représenté par des groupes originaires d’Allemagne de l’Ouest. Il est souvent considéré comme un sous-genre musical du rock progressif. Motorik est un néologisme apparu dans les années 1970 et utilisé pour décrire la rythmique propre à certains groupes de krautrock. Il décrit une rythmique hypnotique, répétitive et lancinante, rappelant la répétitivité de la conduite sur autoroute, d’où le terme « motorik », mot allemand signifiant littéralement « activité du moteur ». Autobahn est un album du groupe Kraftwerk sorti en novembre 1974 qui marque le début de la carrière internationale du groupe fondé en 1970 par Florian Schneider-Esleben (1947-2020) et Ralf Hütter (né en 1946). Le premier joue de la flûte et du violon, le second du piano et de l’orgue. Ils se sont rencontrés en classe d’improvisation pendant leurs études au conservatoire de Düsseldorf en 1968, réunis par leur goût pour la musique expérimentale électronique. Autobahn contient notamment le titre « Autobahn », un morceau de motorik long de 22 minutes mêlant bruits de klaxons synthétiques et synthétiseurs (source Wikipédia). L’impression de vitesse n’est pas mise en avant, mais le danger perce parfois, qui brise la sérénité paradoxale du conducteur d’automobile, telle qu’elle est exprimée par Françoise Sagan.

Et le tempo dans tout ça ?

Selon Wikipédia, le tempo est la vitesse d’exécution d’une œuvre ou plus exactement la vitesse de la pulsation. Son unité de mesure est le battement par minute (BPM). Rarement précisé avant 1600 et dans les musiques extra-européennes, le tempo est souvent indiqué depuis le début du XIXe siècle (avec l’invention du métronome) en nombre de pulsations par minute ; et, moins précisément, par un terme évocateur ou descriptif, en italien dans le contexte de la musique baroque, classique et romantique et en anglais dans le contexte du jazz.
Le « tempo » se distingue du « temps », qui désigne l’écoulement temporel entre deux pulsations. C’est ainsi qu’un tempo rapide détermine des temps courts tandis qu’un tempo lent détermine des temps longs. Le tempo échappe à une détermination rigoureuse et varie selon l’importance et la qualité de l’orchestre, le tempérament du chef d’orchestre ou de l’interprète, les caractéristiques acoustiques de la salle, les réactions du public. Affirmer que le tempo d’une interprétation est juste est donc bien aléatoire (fin de la citation de Wikipédia, remaniée).
Voici un tableau inspiré de celui proposé par Wikipédia :

Terme italienSignificationPulsations / minute
Larghissimo Très lent < 40
Largo Large (lent) 40 - 60
Lento Lent 52 - 68
Adagio À l’aise 60 - 80
Andante Allant 76 - 100
Moderato Modéré 88 - 112
Allegretto Assez allègre 100 - 128
Allegro Allègre, gai 112 - 160
Vivace Vif 140
Presto Rapide 140 - 200
Prestissimo Très rapide > 188

Sur la question de savoir s’il existe une limite basse de la lenteur de la musique, voici un article vertigineux de Mathieu Pasquini « Jusqu’où est-il possible de jouer lentement de la musique ? » sur le blog ART & BIZ Café, qui donne de nombreux exemples plus ou moins loufoques et conclut que l’œuvre de John Cage (1912-1992) « Organ²/ASLSP » (« as long as possible ») serait la plus longue à être « performée », avec une note ou un accord joués tous les 1 à 7 ans mais dans la même église, de façon que le public puisse s’y rendre, et une fin programmée… en 2640 ! Parmi les œuvres que l’on pourrait faire expérimenter aux étudiants est la fameuse Compositions 1960 #7 de La Monte Young (né en 1935), composée de deux notes maintenues « pour un long moment », comme l’indique la partition manuscrite, qui peut être jouée par plusieurs instruments simultanément ; d’ailleurs l’auteur de l’article suggère de lancer en même temps plusieurs interprétations sur Youtube.

« Compositions 1960 » #7, La Monte Young.
© MoMA

Il existe peu d’exemples de musique larghissimo. J’ai trouvé le début de la Suite Polymorphe de Roland Dyens (1955-2016), dont on appréciera le côté apaisant.

Dans le tempo lent, il est très difficile de trouver des pièces vraiment « largo » et « lento ». Mais un exemple emblématique est le 1er mouvement (introduction) du poème symphonique de Richard Strauss (1864-1949) Ainsi parlait Zarathoustra : le Lever du jour, composé en 1896 d’après Nietzsche. Après avoir demandé aux étudiants d’exprimer leurs impressions, ou leurs visions, on leur communiquera ce commentaire issu d’un dossier de l’académie de Poitiers (et sans doute on constatera la disparité des impressions !)

« L’introduction dépeint le lever du jour sur la montagne, depuis le premier rayon de soleil jusqu’à l’illumination grandiose des sommets. Au début, il fait encore nuit, et c’est l’orgue, sur une note très longue, qui décrit l’obscurité encore présente. Puis, les 3 notes des trompettes évoquent les premiers rayons du soleil, suivies du martèlement des timbales. La répétition de ce motif amène progressivement un éclaircissement global symbolisant l’illumination des montagnes (transformation de la mélodie du mode mineur au mode majeur). La fin est triomphale avec des cuivres éclatants, les roulements des timbales et l’ensemble de l’orchestre au paroxysme de sa puissance explose littéralement puis ralentit et s’arrête sur un coup de cymbales, maintenant l’accord, prolongé quelques secondes par l’orgue. »
On pourra prolonger avec le visionnement du célébrissime générique de 2001, l’Odyssée de l’espace (1968), de Stanley Kubrick.

J’ai toujours été envouté par les Gymnopédies d’Erik Satie (1866-1925), la 1re Gymnopédie notamment, mais on l’indique plutôt comme un tempo de 72 ou 76 bpm, ce qui la classe en « adagio ». Composées et publiées en 1888, elles sont inspirées du roman historique Salammbô, de Gustave Flaubert (1862) et des Gymnopédies, danses rituelles pratiquée par de jeunes danseurs nus à Sparte lors de fêtes religieuses du temps de la Grèce antique. Les Gymnopédies sont des pièces éthérées, nostalgiques, minimalistes, abstraites, sereines, mystérieuses, qui inspirent la rêverie mélancolique, parfois considérées comme des précurseurs de la musique d’ambiance. Les Gnossiennes (1890), la 1re Gnossienne notamment, prolongent l’expérimentation des précédentes, sur un rythme plus rapide. Le mot « gnossien » dérive du crétois Knossos ou gnossus, qui lie les Gnossiennes à Thésée, à Ariane et au Minotaure de la mythologie grecque. Selon le philosophe musicologue Vladimir Jankélévitch, pour Erik Satie « le temps gnossien, c’est le temps immobile, stoppé dans l’ostinato d’une chorégraphie et d’un rythme exclusifs de tout développement ». Les deux morceaux durent 4 minutes et quelque, et on peut les tester sur les étudiants. Sinon nous avons en magasin la « Marche funèbre » de Frédéric Chopin (1810-1849), ou 3e mouvement de la sonate pour piano n°2 opus 35. La voici (de 11’30 à 19’30) dans une interprétation de Seong-Jin Cho en 2015. Doublement intéressant car le 4e mouvement qui suit cette marche lente est un Finale Presto (et bref, durée 1’30) qui offre un saisissant contraste, dont Wikipédia nous dit : « C’est le mouvement qui nécessite le plus de technique, en effet, les deux mains jouent simultanément la même mélodie sans s’arrêter. »

Pour le tempo adagio, on fera découvrir le célèbre Adagio d’Albinoni qui comme chacun sait n’est pas d’Albinoni (1671-1751), mais est en réalité l’Adagio en sol mineur (1958) de Remo Giazotto. Interprété ici par le Zagreb Philharmonic Orchestra en octobre 2017, direction Elisabeth Fuchs avec le photogénique violoncelliste croate Stjepan Hauser.

Pour l’andante, je propose la cavatine Casta Diva extraite de Norma (1831) de Vincenzo Bellini (1801-1835). L’aria est une « pièce de musique écrite pour une voix seule dans un opéra ou dans toute autre forme musicale italienne, accompagnée par une basse continue ou un ensemble d’instruments jusqu’au grand orchestre ». La cavatine est une « courte pièce vocale pour soliste utilisée dans les opéras ou les oratorios du XVIIIe siècle et du XIXe siècle, et qui ne comporte qu’une ou deux sections sans reprises ». Norma est une grande prêtresse druide qui use de son rôle de prêtresse interprète devin des signes des dieux de la mythologie gauloise, pour tenter d’empêcher une guerre entre Gaulois et Romains par cette prière pacifiste et invocation mystique à la paix à la déesse de la lune argentée, à qui elle coupe une branche de gui sacré à titre d’offrande. Elle a un conflit d’intérêts parce qu’elle espère encore reconquérir l’amour de Pollione, le Proconsul romain, dont elle a eu secrètement deux enfants. Voici les paroles au début :
« Oh, pure déesse argentant Ces arbres sacrés, Donnez-nous un beau visage, sans nuages et sans voile !, Tempérez les cœurs ardents, et le zèle audacieux, Répandez sur la terre cette paix que vous faites régner au ciel ! ».
Écoutons-la par Maria Callas (1923-1977) en 1958 à l’opéra de Paris. On peut lire une analyse musicale exhaustive de cette cavatine.

J’ignore quels sont les tempi du Requiem de Mozart, mais je sais que ce chef-d’œuvre joue de l’alternance des rythmes lents et rapides. L’introit je crois, ravira nos étudiants, car après une introduction orchestrale fort lente, le chœur intervient vite, mais sur un tempo lent dont les paroles latines sont faciles à suivre :
« Requiem aeternam dona eis, Domine et lux perpetua luceat eis. Te decet hymnus Deus in Sion et tibi reddetur votum in Jerusalem. Exaudi orationem meam, ad te omnis caro veniet. »
En français : « Seigneur, donne-leur le repos éternel et fais luire pour eux la lumière sans déclin. C’est de Sion que notre louange doit s’élever vers toi et de Jérusalem qu’il faut t’offrir nos sacrifices. Exauce ma prière, toi vers qui iront tous les mortels. Seigneur, donne-leur le repos éternel et fais luire pour eux la lumière sans déclin. »
Le « Kyrie » qui suit accélère le rythme, puis le « Dies Irae » amène un climax. Tout cela dure 14 minutes dans la version de Sir Colin Davis (2004) choisie pour ses sous-titres en français (de 1’40 à 15’50). On y ajoutera le « Tuba mirum », avec la basse impressionnante et si lente et tous les solistes. On ne peut pas s’arrêter ! Enfin j’espère que les étudiants nous supplieront de poursuivre ! Plus loin (25e minute précisément), la succession du « Confutatis » et du « Lacrimosa » illustre à la perfection le parti que l’on peut tirer de l’alternance d’un tempo rapide et d’un tempo lent. La narration romancée de la composition de cette partie avec l’aide de Salieri constitue un morceau de bravoure du film Amadeus (1984) de Milos Forman.
Pour le moderato, voici le 1er mouvement du Concerto pour Piano n° 2, op. 18 de Sergueï Rachmaninoff, dans l’interprétation du jeune pianiste russe Alexander Malofeev (né en 2001), accompagné par le Baltic Sea Philharmonic, sous la direction de Kristjan Järvi en 2017 (il avait 16 ans !) Voici le commentaire de Wikipédia pour ce 1er mouvement : « Aux premières mesures, le musicien émerge peu à peu de sa torpeur. Une fois éveillé, il se remémore les épisodes qui l’ont mené vers la crise. En une gigantesque anamnèse, il voit défiler son passé, les moments douloureux de son existence ; d’où le ton grave et torturé de ce premier mouvement. » Pour la technique pianistique (là pas seulement pour le 1er mouvement) : « Il est reconnu pour sa difficulté et notamment pour la taille des mains qu’il demande au pianiste, avec des dixièmes à jouer d’une seule main. » Durée : 11’15 pour ce mouvement.
Pour le presto, on va retrouver le début de ce cours, et mes compétences en musique sont insuffisantes. Je me contenterai de citer l’article sur Le Pianiste, de Wladyslaw Szpilman / Polanski :
« Le 20 mai, un de mes collègues, un violoniste, est arrivé chez nous après le déjeuner. Nous nous disposions à jouer une sonate de Beethoven que nous n’avions pas exécutée ensemble depuis longtemps, ce qui nous procurait à l’avance un grand plaisir. D’autres amis étaient là aussi, et Mère, désireuse de me rendre le moment encore plus agréable, avait réussi à trouver du café. C’était une belle journée ensoleillée. Nous étions tous d’excellente humeur, savourant le café et les délicieux gâteaux qu’elle avait préparés. Nous savions que les Allemands étaient aux portes de Paris mais personne ne s’en inquiétait vraiment – la Marne était là, après tout, cette ligne de défense immuable sur laquelle tous les mouvements viennent s’immobiliser, tout comme dans le point d’orgue de la deuxième partie du scherzo en si mineur de Chopin, lorsque la vague tempétueuse des croches finit par mourir sur l’accord final… À ce point, les Allemands reflueraient vers leur frontière aussi rapidement qu’ils avaient avancé, annonçant la fin du conflit et la victoire des Alliés » (p. 54).

Voici ce scherzo de Chopin interprété par David Kadouch avec ce commentaire de France musique : « [Chopin] fait du scherzo une œuvre poétique et dramatique, loin du mouvement de scherzo beethovénien ou classique (conçu comme un “divertissement”). Le premier scherzo, qui commence Presto con fuoco, en est un parfait exemple : après deux accords joués fortissimo, c’est un déluge de montées-descentes frénétiques, plein de force dramatique. La partie centrale Molto piu lento, jouée en si majeur, est un retour au calme temporaire avant la reprise du thème qui vaut à ce Scherzo le surnom de “Banquet infernal”. » À nous de voir si la métaphore de Szpilman est pertinente.

Autres termes relatifs à la vitesse en musique

 accelerando (ou accélérando) : Tempo qui accélère progressivement.
 rallentando : Indique au contraire un ralentissement passager dans le mouvement (ou le tempo), et pour toutes les parties à la fois.
 ritardando : Signifie qu’on doit ralentir progressivement la mesure (synonyme approximatif du précédent).

Pour illustrer ces premières notions, on pourra proposer Csárdás (1905) de Vittorio Monti (1868-1922), ici interprété télégéniquement par notre ami Stjepan Hauser avec Caroline Campbell aux Arènes de Pula, en Croatie, en août 2018 (durée 5’30), mais aussi pour boucler la boucle, retrouvons sans Chaplin, notre Danse hongroise n°5 (1867-1880) de Johannes Brahms (1833-1897), ici dans une version bal accordéon par le photogénique autant que lithuanien accordéoniste Martynas Levickis, ou dans sa version originale pour piano à quatre mains par Sophie Chambat, Laura Nicogossian à la cathédrale de Dax. Pour « rallentendo », revoir la fin de Pacific 231 d’Arthur Honegger.
 ad libitum : Cette expression peut signifier soit qu’une œuvre peut être jouée avec une certaine liberté dans le tempo (d’une façon similaire au rubato) plutôt que d’une façon métronomique stricte, ou bien que l’on peut répéter à volonté un passage de l’œuvre, la plupart du temps à la fin de celle-ci. C’est un procédé courant dans la chanson où il achève les morceaux avec un decrescendo.
Un excellent exemple d’accelerando et ad libitum en fin de chanson nous est fourni par Ingrid Courrèges avec « Libres au réveil », son pastiche de « Emmenez-moi » de Charles Aznavour, dont le refrain émouvra les amants de la liberté : « Ramenez moi l’esprit des Lumières Ranimez moi ce pays qui sommeille Que la France soit solidaire Si elle veut être libre au réveil ».


 rubato : « En musique, « rubato » (mot italien signifiant « dérobé ») est une indication d’expression, commandant d’avancer certaines notes de la mélodie ou d’en retarder d’autres pour abandonner la rigueur de la mesure. Ces variations de vitesse sont appliquées selon l’inspiration de l’interprète ou du chef d’orchestre. À l’origine, le tempo rubato affectait uniquement la mélodie, l’accompagnement ne connaissant pour sa part aucune variation de vitesse. Par la suite, mélodie et accompagnement furent affectés dans une même mesure. » (Wikipédia).
 récitatif : « La mélodie du récitatif vise à se rapprocher au maximum du débit de la parole et de ses inflexions. Sa fonction est, dans un opéra (mais également, dans d’autres formes, telles que la cantate, l’oratorio, la passion, etc.), de permettre à l’action d’avancer [ce en quoi il a rapport à la vitesse]. En effet, lors d’un aria duo, trio ou chœur, le déroulement dramatique s’interrompt et le temps réel du dialogue parlé n’est pas respecté. »
 pianissimo : (symbole pp) : Superlatif de piano : très doucement.
 fortissimo : (symbole : ff) Très fort, en parlant de la manière de jouer la musique.
 crescendo : En renforçant, en enflant par degrés les sons de la voix ou des instruments.
 decrescendo : contraire du précédent, en diminuant progressivement l’intensité des sons, de la voix ou d’un instrument.
 leitmotiv : Thème qui revient fréquemment dans une partition (mot utilisé à partir de 1860 pour les œuvres de Franz Liszt et Richard Wagner). NB : Le pluriel « leitmotivs » est recommandé par les réformes de 1990. Le pluriel à l’allemande en « leitmotive » est considéré comme savant

Lionel Labosse


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