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Fellation, sodomie, pédérastie : qu’en pensent les surréalistes ? Pour éducateurs et lycéens

Recherches sur la sexualité (1928-1932). Archives du surréalisme n°4

Gallimard, Actual, 1990, 216 p., épuisé.

samedi 13 décembre 2014

Après plusieurs articles sur les Œuvres complètes de Paul Éluard avant Les Mains libres, puis des Mains libres à la Libération, enfin de la Libération à la fin ; un article consacré à Nusch, Portrait d’une muse du Surréalisme, de Chantal Vieuille, un article sur l’Autoportrait de Man Ray, un autre consacré au film Peter Ibbetson, un article sur Kiki de Montparnasse, bande dessinée de Catel & Bocquet, enfin un article sur le contexte artistique des années 30, voici des notes de lecture sur Recherches sur la sexualité (1928-1932). Archives du surréalisme n°4, un ouvrage que j’avais déjà lu quand j’écrivais l’essai Altersexualité, Éducation et Censure (2005). Recherches sur la sexualité a été publié sous l’égide d’Actual, un groupe fondé pour regrouper les archives du surréalisme. José Pierre, qui présente ce volume, fut le président d’Actual, et il sait de quoi il parle, ayant participé aux activités surréalistes dans les années 1950 et 60. Cinq numéros de ces Archives ont été publiés, dont voici les titres : Bureau de recherches surréalistes ; Vers l’action politique ; Adhérer au Parti communiste ? ; puis Les Jeux surréalistes. L’ouvrage est passionnant parce qu’il nous offre une photographie de la sexualité telle qu’elle se vivait et se parlait dans ce milieu intellectuel des années 20-30. Les surréalistes s’y montrent tels qu’ils furent, sans fard sans doute. L’homophobie de Breton a été abondamment vilipendée de façon posthume en oubliant que pour l’époque il était plutôt en avance même sur ce sujet à propos duquel les militants de la onzième heure le trouvent, 80 ans après, en retard ; celle d’Éluard n’a pas suscité autant d’indignation… Le lecteur averti relèvera entre les lignes chez Breton bien plus d’homosexualité refoulée que d’homophobie…
Dans mon essai susnommé, j’avais cité (p. 98) à titre d’exemple, cette condamnation expéditive dans une note de bas de page de l’ouvrage de Frédéric Martel Le Rose et le noir, Points Seuil, 1996, p. 92 : « Malgré Aragon et surtout Crevel, les surréalistes se sont montrés particulièrement haineux contre les invertis, Breton en tête ». Et avec la propension de l’intelligentsia à se faire écho sans cesse, l’affaire est pliée. Qu’on se le dise et répète : les surréalistes sont homophobes, point barre, ou plutôt point Godwin ! Cette conclusion hâtive me semble aussi rigoureuse que celle d’un élève qui me demanda un jour : « C’est vrai que Voltaire était antisémite ? ». Que répondre ? Remettre les choses en perspective, étudier les pièces du dossier, et n’étant que des nains sur des épaules de géants, se garder de croire que nous aurions été meilleurs qu’eux…

Plan de l’article

Préface de José Pierre
Théâtralité : Breton metteur en scène
Le fracassable oiseau de nuit
Jouissance et présence de la femme
Du lesbianisme et de la « pédérastie »
« Réclame pédérastique »
De la sodomie considérée comme un des beaux-arts
Du libertinage
Succubat et autres spécialités
Les enfants : « c’est à tuer immédiatement
Passes d’armes

Préface de José Pierre

Dès les premières lignes de la préface, José Pierre, juge et partie, trahit le même point de vue à la fois macho et hétérosexiste que ses aînés qui participèrent à ces débats : « Aujourd’hui, il y a belle lurette que – du moins sur les plages – les femmes ne nous cachent plus rien » (p. 8). Cela ne l’empêche pas de nous informer sur le contexte de ces « Recherches ». Il rappelle que pendant cette enquête, dont les séances s’échelonnent au petit bonheur la chance entre 1928 et 1932, le surréalisme traverse sa plus grave crise, avec la publication du Second manifeste en 1930, et la rupture avec Aragon en 1932 (ce dernier ne participe d’ailleurs qu’aux séances 2 et 3, en 1928). Seules les deux premières séances furent publiées dans le numéro 11 de La Révolution surréaliste, et de la façon la plus discrète possible, en petits caractères en fin de volume, tant la question de la sexualité est inouïe à l’époque. Il s’agit pour José Pierre, d’« un document qui, beaucoup plus encore qu’au public pourtant averti de La Révolution surréaliste, s’adresse aux surréalistes eux-mêmes » (p. 10). Le point de vue, selon le préfacier, est à l’opposé d’une tentative d’analyse freudienne : « il n’est point question ici pour ceux qui parlent d’expliquer, mais de rendre compte de leur expérience et des pensées qui l’ont accompagnée ». Il s’agit donc « de constituer somme toute les archives de la sexualité surréaliste – ou plus exactement des archives surréalistes de la sexualité » (p. 10). On notera l’usage de nombreuses périphrases, révélateur de la censure ou de l’autocensure en vigueur à l’époque. Par exemple, à la question inaugurale (« Dans quelle mesure l’homme se rend-il compte de la jouissance de la femme ? » ; cf. ci-dessous), Breton répond « C’est une question d’examen plus ou moins vraisemblable de l’état local dans lequel l’homme l’a laissée » (p. 37). Dans la partie publiée à l’époque, on relève, à titre d’exemple, le remplacement de « impuissance » par « défaillances » (p. 44). Autre remarque lexicale : le mot couramment utilisé est « pédérast(i)e » ; on ne rencontre que deux occurrences de « homosexuel(le) » comme adjectif, dans la dernière séance (« La sodomisation n’est pas homosexuelle »).

Théâtralité : Breton metteur en scène

Le texte est très théâtral selon José Pierre, et le metteur en scène en est André Breton, le seul à être présent à toutes les séances. José Pierre ne tardera pas à être entendu, puisque ce livre publié en 1990 inspirera à Michel Didym une pièce intitulée La Rue du Château, du nom de la rue de Paris où eurent lieu ces séances dans l’immeuble sis au n° 54 [1] (Avignon 1993, puis Théâtre de la Tempête, 1996). Le préfacier se livre à cet éloge : « cet art de la maïeutique, tel qu’on voit Breton le pratiquer ici, s’accorde mal avec l’image du magister autoritaire et rogue que perpétuent […] les folliculaires de bas étage et les laissés-pour-compte du surréalisme ». Tout au plus reconnaît-il, « À propos des pédérastes », « deux dérapages » (p. 17). Quitte à passer pour un folliculaires de bas étage, je m’inscris en faux : Breton est insupportable dans ces dialogues, autant qu’omniprésent, et agit en tête à claques qui castre à satiété le débat. Éluard, qui ne participe qu’à cinq séances, en a peut-être déjà retiré, comme le suggèrent certaines de ses interventions, ce qui lui aura permis d’arguer au moment de leur première rupture en 1936 : « Ma décision a été entraînée par son affreuse manière de discuter, quand il est devant des gens. […] Tout cela manquait trop souvent, à cause de Breton, de sérieux […] J’étais depuis longtemps décidé à ne plus supporter les puérilités, ni l’inconséquence, ni la mauvaise foi. » (voir ici). Mais Éluard est sans doute un « laissé-pour-compte du surréalisme » ! D’ailleurs notre préfacier se met le doigt dans l’œil à propos du pape et de son sous-pape : « L’amitié qui lie Breton à Éluard est d’une autre sorte, où la tendresse a son mot à dire. Lorsqu’ils parlent des femmes et de l’amour, rien, semble-t-il, ne les sépare » (bien que José Pierre soit conscient de la désapprobation par Breton du libertinage éluardien).

Le fracassable oiseau de nuit

Une citation fameuse de Breton est reproduite p. 27 de la préface, car elle constituerait la conclusion de Breton sur la sexualité : « De nos jours, le monde sexuel, en dépit des sondages entre tous mémorables que, dans l’époque moderne, y auront opérés Sade et Freud, n’a pas, que je sache, cessé d’opposer à notre volonté de pénétration de l’univers son infracassable noyau de nuit. » (Préface aux Contes bizarres d’Achim von Arnim). Cette citation a attiré mon attention car elle semble avoir été parodiée par l’expression énigmatique « impliable oiseau de nuit » qui se trouve dans le poème « L’évidence ». Lucile Chastre, lors de sa conférence de visite du fonds Éluard au musée de Saint-Denis, a alléché mes élèves en discernant dans ce vers une allusion érotique à quelque instrument impliable de l’anatomie masculine, en regard d’un tableau de l’artiste thèque Toyen, amie d’Éluard, tableau assez proche du tableau intitulé Message de la forêt, à voir dans cet article représentant une chouette mais aussi le mystère féminin. J’ai trouvé une explication sur ce tableau dans le dossier de presse (excellent !) de l’exposition « Paul Éluard, Poésie, amour et liberté » ayant eu lieu au Palais Lumière à Évian en 2013 (hélas, page supprimée depuis la rédaction de l’article). Il s’agit d’une série de trois tableaux sur le même thème, dont un, celui qui est reproduit dans ce dossier de presse, se trouve au musée de Saint-Denis. En 2018, lors d’un voyage à Vienne, j’ai pu admirer et photographier au musée du Belvédère inférieur un autre tableau de Toyen sur le même thème, intitulé Voix de la forêt (1934). Le voici.

Toyen Marie (Čermínová), Voix de la forêt (1934).
Vienne, musée du Belvédère inférieur.
© Lionel Labosse / Österreichische Galerie Belvedere

Bref, revenons-en à nos moutons : cette expression parodique d’Éluard semble une réponse du berger à la bergère, du libertin au romantique. En effet, l’expression de Breton était devenue proverbiale ; il vous suffira de taper « infracassable noyau de nuit » avec des guillemets sur un moteur de recherche : 18 000 occurrences !

Jouissance et présence de la femme

« Un homme et une femme font l’amour. Dans quelle mesure l’homme se rend-il compte de la jouissance de la femme ? Tanguy ? » Voici la phrase inaugurale de la première séance du 27 janvier 1928, révélatrice de la méthode de Breton, qui pose une question précise et interpelle tel participant (je n’y vois nulle maïeutique). La première séance traite de cette question en l’absence de toute femme. Elles ne seront présentes qu’à partir de la séance 8 (sur 12), fin novembre 1930. Nusch Éluard est présence en compagnie de son futur mari à cette seule séance. Ils se sont rencontrés en mai de la même année. Une certaine « Madame Lena » est présente à la séance 9 ; Jeannette Tanguy est présente aux séances 8 et 10, Katia Thirion à la séance 9, Madame Unik à la 8, et Simone Vion à la 8 et à la 9. Cela fait six femmes présentes à 3 séances ! On peut vérifier que sur cette question inaugurale, la présence de Jeannette Tanguy à deux séances ne permettra pas de vérifier la réponse de son mari. À la séance 8, elle ne répondra qu’à des questions anodines, et à la séance 10, elle ne dira pas un mot ! C’est dire la considération dont bénéficient les femmes dans le surréalisme ! Dans la discussion qui suit cette première question, Breton a cette saillie révélatrice « Il est impossible de la constater, à moins d’entretenir avec une femme des rapports verbaux très discutables ». « La » renvoie au fait que la jouissance des deux partenaires étant simultanée, il y aurait confusion de « l’émission de fluides séminaux » (p. 38). Lors de la deuxième séance, Louis Aragon met les pieds dans le plat :
« Louis Aragon. — Ce qui me gêne dans la plupart des réponses formulées ici est une certaine idée que je crois y démêler de l’inégalité de l’homme et de la femme. Pour moi rien ne sera dit sur l’amour physique si l’on n’a pas d’abord admis cette vérité que l’homme et la femme y ont des droits égaux.
A.B. – Qui a prétendu le contraire ?
L.A. – Je m’explique : la validité de tout ce qui précède me paraît jusqu’à un certain point infirmée par la prédominance fatale du point de vue masculin »
(p. 73).
Il faudra attendre la 8e séance, début novembre 1930, pour que les femmes soient admises, quatre en même temps ! Nusch (avec Paul, pour sa première participation à lui aussi), Jeannette Tanguy, Madame Unik (elle n’interviendra qu’une seule fois. Est-ce la mère ou Josie Unik, dont j’ignore si elle est déjà l’épouse du très jeune Pierre ?) et Simone Vion. La séance est décevante, car au lieu de poser les questions cruciales restées en suspens faute de présence féminine, on pose des questions techniques, auxquelles des réponses très brèves sont données. L’une de celles-ci nous intéresse, car à la question de savoir « quelle est ta représentation sexuelle gratuite préférée », Breton répond « Des seins », puis comme Nusch et P. Unik répondent « Les yeux », Breton « proteste violemment contre les réponses de Nusch, Unik. Les yeux ne sont pas sexuels » (p. 150 ; cette intervention est présentée en italiques, comme une didascalie). Cela évidemment nous ramène à nouveau au poème-dessin « L’évidence », où l’œil est au centre des préoccupations sexuelles, et dont on a vu que le texte contenait une parodie d’une formule de Breton… La seule influence de cette présence féminine est que Pierre Unik, posant une de ces questions bateau, a l’élégance de préciser « d’une femme ou d’un homme », là où jusqu’à présent, on se contentait de dire « d’une femme » (p. 154). Un extrait est révélateur de la gêne mutuelle occasionnée par l’entrée des femmes :
« Paul Éluard. — Je demande qu’on passe la parole à une femme pour une question.
Approbations.
Nusch. — Comment aimez-vous faire l’amour ?
Albert Valentin. — Il s’agit d’un sexe introduit dans l’autre ?
P.É. — Faire l’amour, ça veut dire, vous savez très bien, éjaculer.
A.V. — Que veut dire faire l’amour ?
Interruptions diverses et confuses. […]
Yves Tanguy. — Je peux faire l’amour de toutes les manières. Je préfère sodomiser.
Nusch. — Assise sur l’homme.
Jeannette Tanguy. — Toute seule.
Simone Vion. — Je ne réponds pas. Je n’y attache pas une grande importance, surtout au commencement d’un amour.
A.B. — Tout compte fait, c’est la sodomie qui me paraît faire la somme de toutes les possibilités, bien que je n’aime pas ça.
P.É. — Toutes les positions où la femme est active.
A.B. — Ça, c’est la paresse.
P.É. — Quelle est la caresse que vous préférez ? À la fois active et passive ?
A.B. — Je fais des réserves sur le mot caresse et sur cette question. […]
Nusch. — Caresser le sexe de l’homme. Que l’homme caresse mes seins.
A.B. — Aucune caresse sur moi. J’ai horreur de ça. J’aime caresser le ventre des femmes. […]
P.É. — J’aime à caresser le cou, les seins et les aisselles. J’aime uniquement à ce qu’on me caresse les seins. »
(p. 156).
Lors de la séance 9, des femmes reviennent (mais pas Nusch, dommage !), et on profite enfin de leur présence pour reposer une question déjà posée, celle des représentations associées à la masturbation. Je note la réponse d’une certaine « Madame Lena » (qui avouait avoir eu 150 partenaires quelques pages auparavant, à comparer avec les 3 ou 20 revendiqués par les deux seules femmes ayant répondu) : « Quand je me masturbe, je jouis jusqu’au bout et cela en pensant à une femme que j’ai beaucoup aimée — ma sœur » (p. 168). Puis on cause homosexualité (voir infra).

Du lesbianisme et de la « pédérastie »

José Pierre regrette à propos de René Crevel, que « plus encore que son état de santé […] son homosexualité notoire empêche peut-être qu’il soit associé à de tels entretiens » (p. 20). La question de l’homosexualité est abordée de butte en blanc, comme toutes les autres questions, dès la séance première. L’intégralité de ce premier échange (p. 39) permettra de saisir le contexte de la fameuse citation homophobe de Breton, qui a été reproduite partout, avec les conclusions excessives mentionnées ci-dessus.
« Benjamin Péret. – Queneau, comment imaginez-vous l’amour entre femmes ?
André Breton. – L’amour physique ?
B.P. – Naturellement.
Raymond Queneau. – J’imagine qu’une femme fait l’homme et l’autre la femme, ou le 69.
B.P – As-tu à ce sujet des renseignements directs ?
R.Q. – Non. Ce que j’en dis est livresque et imaginatif. Je n’ai jamais interviewé aucune lesbienne.
B.P. – Que penses-tu de la pédérastie ?
R.Q. – À quel point de vue ? Moral ?
B.P. – Soit.
R.Q. – Du moment que deux hommes s’aiment, je n’ai à faire aucune objection morale à leurs rapports physiologiques.
Protestations de Breton, de Péret et d’Unik.
Pierre Unik. – Au point de vue physique, la pédérastie me dégoûte à l’égal des excréments et, au point de vue moral, je la condamne.
Jacques Prévert. – Je suis d’accord avec Queneau.
R.Q. – Je constate qu’il existe chez les surréalistes un singulier préjugé contre la pédérastie.
A.B. – J’accuse les pédérastes de proposer à la tolérance humaine un déficit mental et moral qui tend à s’ériger en système et à paralyser toutes les entreprises que je respecte. Je fais des exceptions, dont une hors ligne en faveur de Sade et une, plus surprenante pour moi-même, en faveur de Lorrain.
Pierre Naville. – Comment justifiez-vous ces exceptions ?
A.B. – Tout est permis par définition à un homme comme le marquis de Sade, pour qui la liberté des mœurs a été une question de vie ou de mort. En ce qui concerne Jean Lorrain, je suis sensible à l’audace remarquable dont il a fait preuve pour défendre ce qui était, de sa part, une véritable conviction.
Max Morise. – Pourquoi pas les curés ?
A.B. – Les curés sont les hommes les plus opposés à l’établissement de cette liberté des mœurs.
B.P. – Que pense Tanguy de la pédérastie ?
Yves Tanguy. – Je l’admets sans que cela m’intéresse.
B.P. – Quelle représentation as-tu de deux hommes faisant l’amour et quels sentiments en éprouves-tu ?
Y.T. – Je me les représente dans tous les cas possibles. Sentiment d’indifférence.
P.N. – Prévert, que pensez-vous de l’onanisme ? »

Si homophobie il y a, cet extrait montre que la question est traitée dans un flux de questions en coq-à-l’âne, et qu’on y répond sans censure, comme à toutes les autres questions. Enfin sans censure, c’est à voir, car les notes de cette première séance, qui a été publiée à l’époque, révèlent quelques variantes. Pour cet extrait, deux retiennent notre attention. Une phrase a été rayée : « Breton : Je proteste avec la dernière violence », et cette mention, avant les « exceptions », dans la saillie de Breton : « Pour faire des exemples : je citerai M.M. Max Jacob et J. Cocteau », dont la rature est due sans doute à la volonté d’éviter un coming out avant la lettre. Certes, Breton se montre fermé, mais pas plus que sur d’autres points abordés, et il faut tenir compte du contexte. Quand on lit l’intervention du jeune Pierre Unik, on doit remarquer que Breton n’est pas le plus homophobe sur la question, et que les « exceptions » qu’il concède sont déjà, pour l’époque, un signe d’ouverture. Il n’en reste pas moins que Prévert et Queneau sont bien plus ouverts sur la question (lire ce qu’en avait écrit Agnès Vinas lors de son enquête sur Zazie dans le métro). D’ailleurs sur la question suivante, l’onanisme, Breton se montre aussi relativement fermé : « L’onanisme, dans la mesure où il est tolérable, doit être accompagné de représentations féminines. Il est de tous âges, il n’a rien de triste, il est une compensation légitime à certaines tristesses de la vie. » Queneau se fait un malin plaisir d’observer : « Je ne vois pas de compensations ni de consolations dans l’onanisme. L’onanisme est aussi légitime en soi et absolument que la pédérastie. », ce qui entraîne les protestations de Breton, Unik et Péret ! On note d’ailleurs que le mot « déficit » qui condense le jugement de Breton contre la « pédérastie », est réutilisé par Pierre Naville à propos de l’onanisme : « Cela a toujours le sens d’un déficit ? » (p. 40).
La question de la « pédérastie » revient souvent sur le tapis entre la poire et le fromage. Dans la suite de la 1re séance, on note dans ce bref échange que Breton ne sort pas de ses gonds à la question orientée de Prévert, et enchaîne aussitôt sur un autre sujet : « Que pensez-vous de la masturbation et de la fellation mutuelles de deux hommes (non-sodomie) ? [2] Sont-ils pédérastes ? A.B. – Oui. La pédérastie est pour moi associée à l’idée de sodomie. C’est là un cas embryonnaire de pédérastie. Naville considère-t-il que, durant l’amour passionnel, on peut être victime d’un succube ? » (p. 43).

« Réclame pédérastique »

Dans la séance 2, la question est posée à Louis Aragon, absent de la 1re séance : « R.Q. — Je voudrais savoir ce qu’Aragon pense de la pédérastie ? L.A. – Je répondrai plus tard. » (p. 61). De fait, la question revient effectivement, et je transcris intégralement ce nouvel échange, dans lequel la réponse de Man Ray nous intéresse particulièrement :
« Jacques Baron. – Noll, que penses-tu de la pédérastie ?
Marcel Noll. — Je ne pourrais parler que des pédérastes. Je n’éprouve qu’une antipathie foncière, organique à l’égard de ces gens. Aucune similitude de préoccupation morale entre eux et moi.
J.B. – Man Ray ?
Man Ray. – Je ne fais pas grande distinction physique entre l’amour d’un homme avec une femme et la pédérastie. Ce sont les idées sentimentales des pédérastes qui m’ont toujours éloigné d’eux : les conditions sentimentales entre hommes m’ont toujours paru pires qu’entre homme et femme.
Raymond Queneau. — Je trouve ces conditions sentimentales aussi acceptables dans les deux cas.
André Breton. – Queneau, êtes-vous pédéraste ?
R.Q. – Non. L’avis d’Aragon sur la pédérastie ?
Louis Aragon. – La pédérastie me paraît, au même titre que les autres habitudes sexuelles, une habitude sexuelle. Ceci ne comporte de ma part aucune condamnation morale, et je ne trouve pas que ce soit le moment de faire sur certains pédérastes les restrictions que je fais également sur les « hommes à femmes ».
J.B. – Je suis de cet avis.
Marcel Duhamel. – Je ne crois pas que le point de vue moral ait à intervenir dans cette question. Je suis en général gêné par les affectations extérieures et les gestes efféminés des pédérastes. Néanmoins il m’est arrivé d’envisager sans répugnance, pendant un laps de temps très court, le fait de coucher avec un jeune homme que j’aurais trouvé particulièrement beau.
Jacques-André Boiffard. – Tous les pédérastes ne se livrent pas à ces manifestations extérieures. Des gestes de certaines femmes sont plus ridicules, gênants que ceux de certains pédérastes. Je ne condamne absolument pas la pédérastie d’un point de vue moral. J’ai envisagé également le fait de coucher avec un homme sans répugnance. Je ne l’ai d’ailleurs pas fait.
A.B. – Je m’oppose absolument à ce que la discussion se poursuive sur ce sujet. Si elle doit tourner à la réclame pédérastique, je l’abandonne immédiatement.
L.A. – Il n’a jamais été question de faire de la réclame à la pédérastie. La discussion prend ici un tour réactionnel. Ma réponse, que je désire commenter, ne m’est venue à propos de la pédérastie que parce qu’il en était question. Je veux parler de toutes les habitudes sexuelles.
A.B. – Veut-on que j’abandonne la discussion ? Je veux bien faire acte d’obscurantisme en pareil domaine.
R.Q. – Breton, condamnez-vous tout ce qu’on appelle les perversions sexuelles ?
A.B. – À aucun degré.
R.Q. – Quelles sont celles que vous ne condamnez pas ?
A.B. – Toutes les perversions qui ne sont pas celle dont nous venons trop longuement de parler.
R.Q. – Que pense Aragon de l’usage des préservatifs ?
L.A. – J’en ai une représentation enfantine. Je crois que cela s’achète chez les pharmaciens. »

Il est intéressant de noter que, peut-être, si Breton met la pédale douce lors de cette deuxième passe d’arme, c’est que la présence de Man Ray et Aragon renforce le camp gay-friendly, si je puis dire, mais aussi que c’est le maître des lieux Marcel Duhamel, qui s’approche le plus de ce que Breton qualifie de « réclame pédérastique » ! On voit mal Breton exclure celui qui loge la moitié des présents ! La 4e séance fait intervenir un certain Jean Genbach, prêtre défroqué, dont les réponses décoiffent. « A.B. — J’aimerais savoir ce que pense Genbach de la pédérastie. J.G. — Ça, je trouve que c’est très bien s’il y a amour passionné et irrésistible. Je ne conçois pas que l’on oppose un sexe à l’autre ». Bizarrement, Breton ne réagit pas, et passe à la question suivante.
Lors de la séance 9, Albert Valentin profite de présences féminines pour poser une question cruciale, fort mieux et fort différemment que précédemment. Du coup, réponses plus intéressantes, mais comme Breton se tait, ce dialogue n’est quasiment jamais cité ! Et malgré sa saillie pas piquée des hannetons, c’est toujours Breton et jamais Éluard qu’on traite d’homophobe ! Dommage que Prévert et Queneau n’aient pas été présents : ça aurait tourné au pugilat !
« Dans quelle mesure intéressent et préoccupent les femmes les rapports entre deux hommes, et dans quelle mesure y sont-elles favorables, et de quelle façon imaginent-elles ces rapports ? Et d’autre part, dans quelle mesure sont-elles favorables aux rapports entre deux femmes et s’y sont-elles livrées ?
Katia Thirion. — Entre deux hommes, cette idée me dégoûte complètement. Je ne cherche pas à imaginer ces rapports. Entre deux femmes, je peux l’admettre à la rigueur, je ne m’y suis jamais livrée.
Madame Lena. — Pour les hommes je l’admets très bien et trouve cette pensée très excitante. J’aime deux hommes se caressant, sur le sexe par exemple, mais pas en train de s’enculer. Je désire très profondément voir. Je l’admets très bien pour les femmes, je suis tout à fait d’avis [favorable à ces rapports]. J’ai eu 16 femmes.
Simone Vion. — Ça ne me dégoûte absolument pas, j’ai eu de très bons amis parmi les pédérastes et cette idée ne me gênerait pas. Indifférente. Aucune représentation. Je me suis refusée littéralement à plusieurs femmes parce que ne [les] désirais pas, mais cela doit venir, assez bientôt. Je ne m’y suis jamais livrée.
Même question posée aux hommes.
Schwartz. — Entre deux femmes, je ne vois aucun inconvénient, ça m’excite un tout petit peu, pas d’une façon précise. Entre deux hommes, cela me laisse froid. Jamais livré encore. Une pointe de dégoût.
Pierre Blum. — Entre deux femmes, je l’admets très bien. Entre deux hommes, cela ne me choque pas, mais je n’aime pas les hommes efféminés. Jamais livré.
Schnitzler. — J’accepte tout. Pour moi, c’est le même acte, la même chose. Je m’y suis livré trois fois.
Humm. — Je ne suis pas arrivé à penser sans dégoût aux rapports entre hommes. Entre femmes, cela ne me plaît pas du tout, mais me dégoûte à peine. Jamais livré !
André Thirion. — Idéalement, les rapports entre femmes me plaisent, pratiquement me dégoûtent. Entre hommes, pratiquement cela me semble impossible, bien que j’aie essayé, sans aucun résultat.
Raymond Michelet. — La même chose que Thirion.
Albert Valentin. — Très favorable aux rapports entre femmes. J’aime y assister, même avec la femme que j’aime. Les pédérastes tant occasionnels que professionnels me dégoûtent plus que tout au monde. Jamais livré.
Paul Éluard. — La plus grand haine pour les lesbiennes mâles, la plus grande faiblesse pour les lesbiennes qui restent femmes. J’exècre les rapports entre hommes, à cause de la déformation mentale qu’ils causent. Jamais livré !
Victor Mayer. — Je déteste les lesbiennes qui veulent jouer le rôle de l’homme, les autres m’excitent. Les rapports entre hommes me dégoûtent, je trouve cela ridicule, risible comme le coït entre une étoile et un chien. Jamais livré.
André Breton. — Même réponse que Valentin. Les lesbiennes me paraissent très intéressantes.
Pierre Unik. — Les rapports entre femmes m’excitaient beaucoup, et m’excitent beaucoup moins. Je les vois cependant d’un œil favorable. Les rapports entre hommes me dégoûtent au plus haut point physiquement.
Comment vous représentez-vous les rapports entre deux femmes et entre deux hommes ?
Bauer. — Entre deux femmes, rapports érotiques du cercle. Entre deux hommes, je refuse de me représenter quoi que ce soit. Car la pédérastie à 100 % est ce qui isole l’individu de la collectivité.
P.É. — De toutes les façons : buccaux, masturbatoires, etc. Entre hommes : j’imagine. J’ai lu des livres. Ça ne m’intéresse pas.
P.U. — Entre femmes : se masturber mutuellement et s’embrasser sur la bouche. Entre hommes : je ne me représente jamais rien. C’est sans intérêt.
Simone Vion. — Jamais aucune représentation.
Raymond Michelet. — Entre femmes : masturbation, baisers. Entre hommes : pas de représentation qui prenne le pas sur l’autre.
K.T. — Entre hommes : j’imagine tout ce qu’il peuvent faire. Ça ne m’intéresse pas. Entre femmes : fellation. Et cela non plus ne m’intéresse pas.
A.T. — Les femmes se prenant les seins. Pour les hommes, aucune représentation.
Pierre Blum. — Les femmes : succubes. Pour les hommes, je n’y pense pas.
Humm. — Pour les femmes : tendresses, caresses — jusqu’à la fellation. Hommes : aucune représentation.
Madame Lena. — Hommes se caressant. Femmes : sexe sur sexe.
Schnitzler. — Les hommes : masturbation. Les femmes : masturbation et caresses.
Schwartz. — Femmes : caresses, sur tout le corps et sexe sur sexe. Chez l’homme, caresses sur tout le corps.
A. B. — Pour les femmes : rapports érotico-buccaux. Pour les hommes : sodomie intégrale. Cela me dégoûte complètement et je tiens les enculeurs mêmes pour des enculables, des défoncés.
Albert Valentin. — Pour les hommes : le dégoût l’emporte sur la faculté de la représentation. Pour les femmes : strictement d’ordre buccal (bouche contre sexe) et dans la mesure où je peux y assister. »

La 12e et dernière brève séance, est l’occasion d’une passe d’armes entre Éluard et Breton :
« Paul Éluard. — Comment conciliez-vous votre amour de la femme et votre goût de la sodomisation ? (Le goût de la sodomisation étant généralement homosexuel, la femme n’étant caractérisée que par la différence de sexe et pas pour sa ressemblance de derrière.)
Gui Rosey. – J’aime les femmes aux petites fesses chez lesquelles l’intromission du membre se fait aussi facilement que dans le vagin. Dans ces conditions, je double mon plaisir par le resserrement de l’anus et j’en profite pour caresser le clitoris de la femme.
Yves Tanguy. – La sodomisation n’est pas homosexuelle. C’est parce que c’est une femme que ça m’intéresse. Aucune explication.
A. B. — [La question de la] conciliation ne se pose pas. Je préfère la sodomie pour des raisons morales d’abord, par non-conformisme d’abord. Pas d’enfant avec une femme qu’on n’aime pas. Avec une femme que j’aime, l’abandon d’elle-même me paraît dans cette forme infiniment plus émouvant. »
(p. 186).
Pour en terminer sur l’homophobie de Breton, elle a donné lieu à des interprétations évidentes d’homosexualité refoulée. On consultera par exemple la fin de cette entrevue de Daniel Guérin, qui a aussi l’intérêt de nous replonger dans l’atmosphère de permissivité sexuelle de l’époque de ces entretiens, et de contrecarrer l’idée reçue selon laquelle la France entière était guindée avant 1968, entièrement corsetée par le catéchisme. Cela dit, quand on considère les tensions actuelles autour de la « théorie du genre », on peut se demander comment les générations futures verront notre époque. Quelle que soit l’époque, est-ce qu’on peut confondre une minorité agissante altersexuelle avec la majorité orthosexuelle ? On sait d’autre part qu’Aragon, après la mort d’Elsa Triolet, a vécu son homosexualité, et que ses liens avec Breton allaient au-delà d’une amitié banale (voir cet article). Quant à Breton, je me rappelle une entrevue radiophonique de Léo Ferré, déçu de n’avoir pas eu de préface de Breton pour son recueil Poète, vos papiers !…, qui évoquait comment Breton vieillissant s’entourait de jeunes gouapes… Bref, plutôt que de se gausser de l’homophobie des surréalistes, ne trouvez-vous pas qu’un tel document serait une excellente base de travail pour une séance d’éducation à la sexualité bien tempérée, en lycée ?

De la sodomie considérée comme un des beaux-arts

À la question de Prévert « Que pense Breton de la sodomie entre homme et femme ? », il répond « Le plus grand bien. J.P. – Vous y êtes-vous déjà livré ? A.B. – Parfaitement » (p. 44). Lors de la séance 6, en présence d’Artaud, Breton s’adresse spécifiquement à l’éphèbe Unik :
« Que penserait Pierre Unik de se faire sodomiser par une femme ? »
Pierre Unik. – Je pense que c’est très bien. Ça ne m’est jamais arrivé. Ça m’exciterait beaucoup.
A.B. – Comment pensez-vous que la femme pourrait procéder ?
P.U. – Je suppose en introduisant son clitoris dans mon rectum. […]
A.B. – Mais quelle singulière idée certains d’entre nous se font des dimensions du clitoris même anormal et des possibilités mécaniques de cet organe ! »
(p. 136).
Lors de la même séance, des questions essentielles sont inventoriées : « Quel effet cela vous fait-il de voir une femme uriner ? » (Queneau) ; « Qu’est-ce que Duhamel pense d’entendre une femme péter ? » (p. 137). « Que pensez-vous du viol ? », question qui clôt la séance avec des réponses expéditives.
Lors de la séance 7, un certain Jean Baldensperger ouvre le bal sur la question de la zoophilie (le mot utilisé par Breton, qui estime d’abord le sujet inintéressant, est « bestialité ») : « J’avais une ânesse qui vit toujours avec laquelle pendant un an j’ai eu des rapports très étroits » (p. 139). Du coup, la curiosité des présents est suscitée, et l’on pose plein de questions. Quand on en vient à évoquer la masturbation, Baldensperger revient à la charge : « C’était une masturbation de compensation. C’était bien mieux avec l’ânesse » (p. 143). La conversation dévie :
« Jean Baldensperger. — Consentiriez-vous à coucher avec une femme dégoûtante ?
A.B. – Assurément.
J.B. – Je ne pourrais pas faire l’amour avec une femme qui aurait de grandes plaques de merde entre les cuisses.
A.B. – C’est votre affaire. Il y a des gens qui aiment beaucoup ça (le marquis de Sade et tous les grands érotomanes). J’estime que Baldensperger s’exprime à ce sujet comme un enfant. Je ne vois pas quelle différence on peut faire entre les plaques de merde dont il parle pour une femme qu’on aime et les yeux de cette femme. Qu’on m’explique. »
(p. 142).
Du coq à l’âne, Breton en vient à évoquer Flaubert : « Flaubert envoyait son sperme à une femme sans une lettre. Je trouve que c’est la pureté même » (p. 145), puis l’épilation : « C’est une honte qu’il y ait encore des sexes qui ne soient pas rasés ! » (p. 146). On clôt la séance sur des considérations techniques. Breton : « Il est bien entendu qu’il y a très peu (très très peu) de clitoridiennes pures. 5 %. Les clitoridiennes vaginiennes-utériennes (normales) représentent 60 %. Les vaginiennes 30 %, les utériennes 5 % » (p. 147). Ouf ! Dès la séance suivante, les femmes font leur entrée. Il était temps ! Mais au lieu de vérifier ce qui a été dit en leur absence, on préfère parler chiffres : « Combien de fois avez-vous été capable de jouir sans sortir de la chambre ? ». Parmi les réponses diverses, notons celle de Breton : « 4 ou 5 fois (à 32 ans, dans l’espace de 14 heures) », de Nusch : « 5 fois (de minuit à 11 heures du matin à 23 ans 1/2) », d’Éluard : « J’ai honte. 11 fois. hilarité générale. Vous rirez de moi à la question suivante. J’ai 35 ans. Ça devrait vous faire réfléchir. 11 fois en temps ordinaire. 7 fois avec une femme qui avait ses règles. 11 fois à 20 ans de 9 heures du soir à 1 heure de l’après-midi. » (p. 157). On voit que s’il ne compte pas les syllabes de ses vers, ses coups sont comptés au carré ! Puisque nous en sommes là, entrons dans les détails réservés aux dames : « Paul Éluard. — Je peux retenir d’ailleurs ma jouissance actuellement assez longuement pour avoir l’impression de répondre aux démonstrations inévitables de la femme. Mon pessimisme n’a jamais envisagé la possibilité de franchise absolue dans les rapports sexuels. Quand j’étais jeune, je pouvais aussi continuer, après avoir joui, à être actif. Cela m’est presque impossible maintenant, mais comme conséquence je suis bien plus long à jouir maintenant que dans ma jeunesse et n’ai jamais eu envie si peu que ce soit d’imaginer, malgré mon pessimisme, que la femme qui me montrait sa satisfaction n’avait pas joui. » (p. 158). À la question de Breton (9e séance) « Avec combien d’êtres on a fait l’amour ? Approximativement ? », lui-même répond « 35 », les autres, femmes et hommes, entre 3 et 400, et Éluard le recordman « Entre 500 et 1000. Je pourrais le faire à peu près exactement » (p. 165 ; je suppose que « le », c’est « le compte »). La sodomie revient au programme de la 10e séance. C’est Breton qui demande : « Quel plaisir prendrait Tanguy à se faire enculer par une femme au moyen d’un godemiché ? » Passons la réponse de l’intéressé, mais Éluard intervient : « Je ne me suis jamais fait enculer, et je ne pourrais céder à une pareille entreprise que si je la croyais nécessaire à la femme que j’aime au point de vue érotique » Breton précise : « Question que je défends absolument d’une manière théorique, la femme ne pouvant y prendre aucun plaisir physique et l’homme que je suppose, non plus ». Du coup Éluard enfonce — si je puis dire — le bouchon : « Est-ce que tu pourrais, aimant une femme très perverse, te livrer à un homme si elle en éprouvait le désir ? — A.B. — La question ne se pose pas parce que je n’aimerais pas cette femme, mon goût de la perversité chez les femmes s’arrêtant là » (p. 179). La 11e séance et la 12e, très brèves, tournent à la plaisanterie. Exemple de Breton : « Les hommes ayant une pine entre deux couilles, comment se fait-il que les femmes n’aient rien entre les seins ? » (p. 181). Il est question de se « branler et jouir dans l’oreille d’une femme » ; « question purement surréaliste », précise Breton (p. 183). La 12e et dernière séance se termine en eau de boudin de façon révélatrice :
« Paul Éluard. — Pourriez-vous supporter toujours exclusivement la fellation ?
A.B. – Non.
Y.T. – Non.
Gui Rosey. – Non.
Paul Éluard. — Exclusivement la sodomisation ?
A.B. – Non.
Y.T. – Non.
G.R. – Non. »
(p. 187).

Du libertinage

« Pierre Unik. – Pensez-vous que le libertinage chez un homme enlève à cet homme toute possibilité d’aimer ?
A.B. – Sans aucun doute. […]
Man Ray. – Breton peut-il s’intéresser à deux femmes à la fois ?
A.B. – J’ai dit que c’était impossible. Et Man Ray ?
M.R. – Oui, mais à plus de deux. »
(p. 75).
Ce court dialogue est révélateur des a priori de Breton et de ce qui le sépare des autres surréalistes. Quand la question « Êtes-vous monogame ? » est posée par Max Ernst (5e séance, p. 118), Breton répond d’un mot, « Évidemment », et Queneau rétorque : « Non, jamais. (Agitation) Aucune femme ne pourra me satisfaire ni me rendre monogame. Et puis merde ! » Pour Breton, « C’est nier l’amour de la façon la plus absolue ». Le débat s’envenime, et p. 120, on aboutit à ça :
« Raymond Queneau. – Je mourrais bien pour l’amour ou pour la révolution, mais je sais bien que je ne rencontrerai ni l’un ni l’autre.
A.B. – C’est le propos contre-révolutionnaire type et c’est le propos contre l’amour type. […]
Benjamin Péret. – Dada.
Jacques Prévert. – Merde ! [rayé du manuscrit : « Je te torche le cul avec Dada »]
A.B. – Je proteste encore une fois contre ce mode de discussion
Pierre Unik. – Je proteste contre le mot Dada. C’est trop facile. »

La réclame monogame ne va pas de pair avec le mariage, qui « n’intéresse que médiocrement » Péret (p. 122), et que l’ensemble des débatteurs de la 5e séance s’accorde pour juger une « Question d’ordre purement juridique qui ne m’intéresse absolument pas ». Sur la beauté, les points de vue divergent. À Pierre Unik qui déclare « Je trouve toujours belle une femme que j’aime », Breton rétorque : « La considération de la beauté physique d’une femme est tout ce qu’il y a d’important au monde. Elle pourrait avoir du génie et incarner toutes les qualités morales qui m’importent le plus, il suffirait d’un détail physique qui me déplaise en elle pour qu’elle ne m’intéresse à aucun degré ».
Lors de sa première intervention, à la 8e séance, Paul Éluard s’oppose à Breton : « Si tout le monde répond comme Breton, il s’agit d’une enquête sur les rapports entre la sexualité et l’amour. Toutes les questions que je fais, je refuse d’y répondre s’il s’agit de l’amour » (p. 153).

Succubat et autres spécialités

La question du succubat taraude nos amis surréalistes : « Il y a cette différence que dans l’onanisme, on choisit et qu’on se montre même très difficile, tandis que dans le succubat, on n’a pas le choix. », affirme très sérieusement André Breton (p. 42), et ce motif sera souvent remis sur le tapis. Par exemple, dans la quatrième séance, toujours aussi droit dans ses bottes, Breton pontifie : « Le succubat n’est pas une chose imaginaire. Il s’agit d’interventions nocturnes bien définies » (p. 102). La question revient à l’occasion d’un récit de rêve de Max Ernst (5e séance, p. 112) à propos de la question de la différence entre jouissance et éjaculation : « J’enculais un homme en rêve et je me réveillais juste au moment de la réjouissance. Au moment de la jouissance, je me rendais compte de tous les complexes qui pourraient se constituer de ce fait de jouir en enculant un homme habillé qui se met sur mes genoux, c’était même un monsieur tout à fait précis que je ne veux pas nommer. J’ai poursuivi à l’état de rêve jusqu’au moment de l’éjaculation. C’est un homme qui, physiquement, moralement et à tous points de vue me fait vomir ». Breton fait alors la remarque qu’il s’agit là d’incubat, et ajoute : « C’est comme si un incube s’était trompé d’adresse », naïveté qui en dit long sur sa conception de l’homosexualité !
Sinon, on est ravi d’apprendre sur les participants des informations aussi utiles à la science que « les attitudes passionnelles qui vous sollicitent le plus ? Queneau. – Eh bien, la sodomie, la position dite « en levrette », le 69. Les autres indifféremment. Je pose la même question à Breton. AB. – La femme assise de face perpendiculairement à l’homme couché, le 69, la sodomie » (p. 46). Les questions diverses sont effleurées de façon frustrante. « l’amour physique d’un homme avec deux femmes » n’entraîne aucun autre commentaire que « j’aime » / « j’aime pas » (p. 49), puis on passe au « bordel », sur lequel les avis divergent. La question moins politiquement correcte « Quel est l’âge que vous aimez le mieux chez une femme ? » n’obtient que huit réponses chiffrées étalées de 14 à 40 ans. Queneau répond « De 14 à 50 ans », et Prévert, laconique, « 14 ans » (p. 53). Ce genre de réponse, aujourd’hui, classerait immédiatement les deux écrivains parmi les pédophiles… Des questions autrement provocatrices sont posées, souvent par Breton : « Que penserait Unik de faire l’amour dans une église ? […] B.P. – Je voudrais à cette occasion profaner des hosties et, si possible, déposer des excréments dans le calice. R.Q. – Péret aimerait-il faire l’amour avec une religieuse ? » (p. 52). Lors de la deuxième séance, à une question sur le candaulisme (le mot n’est pas employé, mais sous-entendu par la question « La présence de tiers incommode-t-elle […] »), Man Ray répond : « – Un étranger me gênerait, mais non un ami. Une femme jamais » (p. 69). On n’en doutait pas ! Quelques instants plus tard, deux répliques intéressantes à propos des positions favorites des débatteurs :
« Louis Aragon. – Je suis extrêmement limité. Les diverses attitudes me sollicitent également, comme autant d’impossibilités. Ce que j’aime le mieux, c’est ma pollution pendant la fellation active de ma part. En fait, je fais presque toujours l’amour de la manière la plus simple.
Man Ray. — Pas de préférences. Ce qui m’intrigue le plus, c’est la fellation de l’homme par la femme, parce que c’est ce qui s’est présenté pour moi le plus rarement »
(p. 70).
Aragon se confiera sans pudeur (dans un dialogue publié !) sur ses difficultés intimes (« je n’ai jamais que des érections incomplètes », p. 72) ; quant à la fellation, comme l’onanisme, on ne peut que constater la relative gêne des participants dans leur vie privée, exprimée à maintes reprises. Ça n’allait pas de soi ! À la question : « Qu’est-ce qui vous excite le plus », Man Ray répond : « Les seins et les aisselles » (p. 70). À la question « Quel est votre premier souvenir sexuel ? », plusieurs réponses font état de camarades d’école montrant leur sexe, ou pour Duhamel, d’un « petit garçon [qui lui] mit à l’improviste la main sur la braguette ». Man Ray est plus prolixe, imparfait du subjonctif inclus : « J’avais passé l’âge de la puberté. Un ami plus âgé, qui devait avoir 16 ans, m’a expliqué comment on fait l’amour. Curieux d’essayer, j’attirai une petite fille de 10 ans en lui promettant un livre illustré afin qu’elle me montrât son sexe. J’essayai alors de la pénétrer. Elle se plaignit que je lui fisse mal. J’avais, de crainte d’être seul, emmené mon frère, âgé de 9 ans, et le persuadai d’essayer à son tour. Il le fit et elle le serra dans ses bras en me disant : « J’aime mieux ton frère, il me fait moins mal » (p. 76). Lors de la 10e séance, Éluard revient, et l’on repose la question de l’onanisme (on tourne en rond !) Le jeune Pierre Unik est interrogé de façon insistante et maïeutique ; socratique presque, par Éluard, mode de questionnement rare dans ces séances. Extrait :
« Paul Éluard. — Quand t’es-tu masturbé ?
Pierre Unik. — Ça m’a été appris par un type nommé Cordebarre [sic !], en classe.
P. É. — Il t’a montré ?l=lb
P. U. — Il m’en a parlé seulement. Il m’a expliqué comment faire. J’ai immédiatement associé au mot onanisme lu dans le dictionnaire, qui m’avait frappé à cause des maux funestes que ça entraînait. Je me suis fait des objections et je lui en ai fait part.
P. É. — Sur la santé ?
P. U. — Oui. Comme plusieurs autres camarades m’en ont parlé, j’ai essayé.
P. É. — Je me suis masturbé, je n’ai pas eu d’éjaculation (12 ans). Je me suis masturbé pendant six mois sans éjaculation. Mais avec jouissance »
(p. 177).

Les enfants : « c’est à tuer immédiatement »

À la 4e rencontre, autre dialogue étonnant, avec une réponse ambiguë de Breton :
« Pierre Naville. – Avez-vous répugnance à faire l’amour avec une femme de race non blanche ? […]
A.B. – Avec toute femme non blanche, pourvu que ce ne soit pas une négresse.
P.N. – Répugnance d’ordre purement physique ?
A.B. – Oui, et en outre l’idée des enfants, toujours possible »
(p. 99).
Cela amène la question d’avoir des enfants, qui entraîne une réponse antinataliste unanime, et semble-t-il sincère, car je ne sache pas que les surréalistes, Éluard mis à part, eussent eu des enfants. Voici un extrait graphique de la bande dessinée de Catel & Bocquet Kiki de Montparnasse, qui illustre bien cette question. Il s’agit d’une discussion entre Kiki et Henri-Pierre Roché, marchand d’art et auteur de Jules et Jim.

Kiki de Montparnasse
B.D. de Catel & Bocquet.

« Jacques Prévert. – C’est à tuer immédiatement.
A.B. – Pourquoi ? S’il était gentil ?
J.P. – Il n’aurait pas le temps d’être gentil, puisque je le tuerais avant. […]
A.B. – J’y suis absolument opposé, si cela m’arrivait malgré tout je m’arrangerais pour ne jamais le voir. L’Assistance Publique a du bon. La triste plaisanterie qui a commencé avec ma naissance doit se terminer avec ma mort. Toutefois, je me réserve le droit de changer d’avis. Il me semble en effet possible que dans un cas d’amour passionnel où toutes choses sont par définition inconsidérées, l’avis d’une femme prévale contre le mien. [intervention de P. Unik…]
A.B. – Il ferait beau voir que cet enfant vînt à protester contre sa naissance. Il prendrait de grands coups de pied dans la gueule.
P.U. – Je ne veux pas que quelqu’un vive à la suite d’un acte de moi. […] Je ne reconnais à personne le droit d’employer l’expression « avoir des enfants ». Il n’y a pas de pères.
A.B. – Les enfants n’ont pas de pères, mais certaines gens se reconnaissent des droits sur les enfants au nom de la paternité »
(p. 104).
Il est amusant de noter la contradiction de Breton, qui trouve triste la plaisanterie de sa naissance, puis réclame pour ce qu’il vient de faire « de grands coups de pied dans la gueule », qu’il eût, peut-être, souhaité que lui infligeât quelque jeune surréaliste présent ! Le côté potache l’emporte, car à la suite de ce dialogue, tels des lycéens acnéiques, nos amis surréalistes en viennent à la question de faire l’amour avec une femme enceinte, puis « avec une femme qui a ses règles », ce a quoi Duhamel répond, par exemple : « Cela me gêne en raison du côté serviette hygiénique » (p. 106).

Passes d’armes

Aragon, qui n’intervient que lors de deux séances et sera bientôt exclu du groupe, a quelques passes d’armes avec Breton. Par exemple, à propos du fait que l’éjaculation soit ou non accompagnée de jouissance, Breton intervient : « Ce ne sauraient être là que des cas pathologiques », et Aragon ne laisse pas passer : — Je tiens à signaler que pour la première fois au cours de ce débat le mot « pathologique » entre en jeu. Cela semble impliquer de la part de certains d’entre nous une idée de l’homme normal. Je m’élève contre cette idée. » Dans la 3e séance, c’est à propos de la définition de la pudeur que Breton intervient pour recadrer Aragon, ce que celui-ci réfute avec brio (p. 81) ; puis la discussion se poursuivant, il fera remarquer : « Ma pudeur ici n’est pas par rapport à cette femme, mais par rapport à André Breton » (p. 83). Lors de la 4e séance, c’est Jean Genbach, nouvel invité, qui fait les frais de l’irascibilité papale : « C’est la première fois qu’un débat de ce genre entraîne une obstruction délibérée d’un personnage. Il n’y a pas lieu de poursuivre » (p. 97). On est loin de la maïeutique ! Marcel Duhamel sauve la situation, mais Genbach ne sera plus invité. Il déclare avoir « fait cinq fois l’amour dans [s]a vie » (p. 98), et précise qu’il ne compte que les relations qu’il a avec une femme qu’il va trouver de son plein gré ; trois fois avec une prostituée et « deux autres fois l’amour avec une femme que j’aimais » (p. 99). Outre cela, il raconte que la veille du débat, « Une femme est venue me dire : « Votre cravate me plaît, je désire vous sucer la queue » (p. 100). Est-ce le fait de l’intervention de Breton ? le débat prend un tour surréaliste au sens vulgaire du terme :
« Pierre Naville. – Si je demandais par testament que Genbach fasse l’amour avec mon cadavre, le feriez-vous ?
J.G. – Certainement.
Marcel Duhamel. – Préféreriez-vous faire l’amour avec cette vieille femme ou avec un cadavre ?
J.G. – Avec le cadavre, à condition que personne ne le sache, dans des conditions ténébreuses.
A.B. – La femme que vous aimez serait morte . Ne l’ayant jamais possédée, vous auriez un moyen facile de la posséder étant morte, la posséderiez-vous ?
J.G. – Je ne crois pas. Je voudrais baiser son sexe avec adoration, par exemple, pour la momifier ou la pharaonniser »
(p. 100).
On se demande si c’est du lard ou du cochon, car la discussion se poursuit sur les messes noires et revient au succubat, mais on ressent de la part de Breton, voire des autres, une volonté de se moquer du personnage.
À propos de l’âge où les participants ont perdu leur pucelage (5e séance, pp. 114 sq.), Breton montre encore ses limites. Comme P. Unik (il est né en 1909, on est en 1928…) déclare ne pas se le rappeler, Breton tranche : « Je propose qu’on ne consulte plus Unik pendant toute la soirée sur aucun sujet ». Les participants relatent pour la plupart des dépucelages prostitutionnels plus ou moins sordides entre 13 ans (Prévert, Péret) et 19 ans (Breton). La mémoire finit par revenir à Unik : « c’était entre 15 et 16 ans, au bordel », mais Prévert ne semble pas sûr de son souvenir : « J’ai dû perdre mon pucelage à 13 ans avec une femme dans un endroit où il y a le lycée Fénelon, un passage. Avec une femme infecte […] ». Est-il délirant d’interpréter l’attitude castratrice de Breton avec cet éphèbe de 19 ans, avec lequel il semble rivaliser dans le dégoût de la « pédérastie », comme une homosexualité refoulée ?
Le cas le plus particulier est celui d’Antonin Artaud, qui ne participe qu’à la séance 6, mais la domine de sa présence : « Je trouve la sexualité très répugnante en soi. Je m’en délivrerais volontiers. Je voudrais que tous les hommes en fussent là. Je suis excédé d’être l’esclave de ces sollicitations infectes. Néanmoins je reconnais que dans certains cas on peut s’y livrer comme à une espèce de mort, mais ce doit être une forme de désespoir peu recommandable » (p. 127). C’est lui qui pose les questions, en commençant par séparer amour et sexualité, ce qui ne plaît guère à Breton ni aux autres. Quand Éluard arrive, dans la séance 8, les passes d’armes sont feutrées. À une question anodine de Breton : « Dans un conte de Boccace, lu à une époque où j’étais sans expérience de l’amour, on voit un homme s’endormir accouplé à une femme. C’est une chose folle. », Éluard et d’autres prétendent que ça leur est plus ou moins arrivé, et Breton de conclure, catégorique : « Le personnage qui s’endort en faisant l’amour ne peut exister » (p. 160). Tête à claques, vous dis-je !

 Si cet article vous a paru trop cru, lisez l’article d’Alain Monnier « Au commencement était la femme… » sur l’importance de l’érotisme dans la lecture de Les Mains libres. Il se trouve sur la page de cours de Lettres volées.
 Présentation du dossier original sur le site André Breton.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Article de Xavière Gauthier (1971)


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Retrouvez l’ensemble des critiques littéraires jeunesse & des critiques littéraires et cinéma adultes d’altersexualite.com. Voir aussi Déontologie critique.


[1Il s’agissait d’un logement collectif procuré par Marcel Duhamel à ses amis surréalistes désargentés, vendu en 1928 à George Sadoul et André Thirion. Ces explications matérielles ne figurent pas dans la préface, et c’est regrettable, car vu le ton de certains échanges, il n’est pas indifférent de savoir que tel participant est mécène, tel autre logé à titre plus ou moins gracieux ! Voir cet article à la date de 1924.

[2Une note de bas de page précise la version plus explicite du manuscrit : « de deux hommes se branlant et se suçant dans un lit sans se pénétrer ».