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Entre l’arbre et l’écorce…

Palestine & Israël

Notes de voyage, octobre 2017

mercredi 21 février 2018

Je voulais depuis longtemps voir la Palestine & Israël, mais ce nombril du monde intimide, alors j’ai saisi l’occasion offerte par l’ouverture par différentes agences, de voyages organisés sur le « sentier d’Abraham ». Un article de Trek magazine présente fort bien le projet. Vu de l’extérieur, on craint de tomber en pleine guerre, et de se cantonner à l’un des deux camps, celui d’Israël, alors ces voyages nous assurent de tâter des deux côtés. Une collègue habituée à Tel Aviv m’avait fait deux remarques, d’une part que paradoxalement il y avait moins de chances d’être victime d’un attentat, car si un terroriste sortait une arme là-bas, trois types (dont peut-être une femme) lui sauteraient dessus immédiatement, au lieu de se carapater comme des lapins parisiens ; d’autre part, c’était truffé de beaux mecs. Alors banco. Avant de partir, comme tout bon Français moyen vaguement gauchiste (quoique je sois désormais perdu sur l’échiquier politique), mon cœur penchait plutôt à 60 % vers les Palestiniens, et au risque de choquer, ce voyage m’a plutôt retourné cet organe au profit de l’autre bord, puis quelques lectures ciblées ont rétabli un équilibre parfait ! Bref, ne me vouez pas aux Gémonies à la lecture de cet article, mais envoyez-moi un message si vous estimez que je déraille !

Le sentier d’Abraham

Quand je choisis un voyage, je prends ce qui se présente. Les petites agences que je fréquente proposent peu de voyages, peu de dates, et si vous ajoutez la contrainte de se caler sur les vacances scolaires, je ne peux plus guère faire le difficile, étant donné que j’ai déjà eu la chance de visiter un certain nombre de pays. Et comme ce produit (le « sentier d’Abraham ») en est à ses balbutiements, j’ai opté pour un séjour de type randonnée de 12 jours, que j’ai prolongé de 4 jours à Tel Aviv. J’espère vous choquer en utilisant le mot « produit », car vous êtes sans doute des gens très bien, commerce équitable, alternatifs, bio, etc. : la preuve, vous fréquentez ce site ! Eh bien nos amis Palestiniens ne sont pas choqués, car ils cherchent désespérément à développer une économie viable, alors arriver à vendre du tourisme dans un pays que les gazettes présentent à longueur d’année sous un jour terrifiant, ce n’est pas une paire de manche. « Produit » n’est donc pas un terme si méprisable. Attention : il y a déjà un tourisme massif en Palestine, et Bethléem et la vieille ville de Jérusalem sont pris d’assaut par un tourisme de pèlerinage comme je n’en avais jamais vu nulle part, en groupes nombreux venus de partout où il y a des chrétiens, c’est-à-dire des cinq continents, Afrique, Océanie et Asie inclus, sans oublier force Brésiliens. Lire l’article de Wikipédia tourisme en Israël, dont la version anglaise donne le chiffre de 3,5 millions de touristes en 2013, mais je me demande si cela prend en compte les juifs ayant la double nationalité qui prennent surtout leurs vacances en Israël et ont leur activité professionnelle dans leur autre pays ? De nombreux groupes de chrétiens, des gamins au 3e âge, sillonnent les autres lieux de pèlerinage, les monastères accrochés à flanc de falaise, etc. Mais les touristes qui descendent sur Bethléem en essaims vrombissants, souvent n’ont rien vu de la Cisjordanie dans le car qui les mène depuis Jérusalem, et n’ont pas rencontré un Palestinien vivant, n’ont guère fait couler le flot de leur argent dans des poches palestiniennes, d’où cette initiative, sans doute, pour un tourisme plus immersif. À Bethléem, on vous regarde avec des grands yeux quand vous voulez payer en shekels (monnaie officielle d’Israël), car les monnaies les plus courantes sont dollar étasunien, euro ou dollar jordanien. La poste palestinienne existe, et si vos correspondants ont de la patience, ils finiront par recevoir une carte avec un timbre oblitéré « State of Palestine ». Le courrier doit passer, j’imagine, par le pont Allenby, puis par la Jordanie.

Timbre oblitéré de l’État de Palestine, novembre 2017.
© Lionel Labosse

Il faut commencer par balayer – dans une certaine mesure – l’idée reçue d’un passage à la frontière long, difficile et humiliant. Que ce soit pour prendre l’avion (à l’escale à Varsovie en ce qui me concerne), et pour le passage à la frontière, à l’aller comme au retour, j’ai rarement franchi plus rapidement une frontière en dehors de l’espace Schengen. On vous pose une ou deux questions, sans doute, sur ce que vous venez voir en Israël, et l’agence de voyage nous avait recommandé de ne pas évoquer de randonnée en Palestine, ni de mentir, mais d’évoquer seulement les lieux saints principaux que nous devions voir, de façon à se fondre dans la masse. Par contre, il est certain que si j’avais eu mon passeport précédent avec le tampon iranien, si j’avais arboré au retour un des keffiehs que j’ai achetés à l’usine Hirbawi d’Hébron au lieu de les serrer dans mon bagage de soute, ou si j’avais un nom ou un aspect arabo-musulman, j’aurais pu rester bloqué une heure ou plus, et les témoignages en ce sens ne manquent pas, avec des interrogatoires délirants, car Israël est un État ouvertement discriminatoire et raciste, et sa situation particulière rend facilement paranoïaques ses ressortissants, surtout s’ils sont affectés à la sécurité. Shlomo Sand utilise l’expression « système d’apartheid » ou « régime d’apartheid » pour évoquer « la politique de colonisation massive en Cisjordanie et à Gaza » (Comment le peuple juif fut inventé, pp. 547 & 579).
Mais revenons à nos moutons moutonnant le paisible chemin d’Abraham. J’ai été déçu par la formule que j’ai achetée. Nous avons marché comme des malades entre Jéricho et Hébron, sous un soleil de plomb (fin octobre, à l’ouverture du circuit au public, le reste de l’année étant trop chaud), avec notamment trois jours d’affilée dans la caillasse du désert de Judée, où il n’y avait rien de culturel à voir. C’est en cela que j’ai été déçu. Je m’explique : j’adore la randonnée, surtout quand ça dépote, et j’en ai fait de costaudes un peu partout dans le monde ; là n’est pas la question. Mais dans le désert, surtout quand il n’y a rien de végétal, d’historique ou d’humain à voir et qu’on grille au soleil, ça me gave. J’ai quand même découvert un animal d’ailleurs cité dans la Bible ; le daman, aussi croisé en Afrique australe. La Palestine constitue la limite nord de son expansion de ce pachyderme à l’allure de marmotte. J’ai d’ailleurs inventé un moyen de retenir son nom : c’est la « marmotte daman », ce qui ressemble à « Mahmoud Abbas » de loin ! Non que ce ne soit pas « beau », je n’ai pas dit ça, c’est même magnifique, comme vous pouvez le constater sur cette photo, mais c’est l’idée d’être gavé de ce type de paysage pendant trois jours alors que, n’ayant pas l’intention de multiplier les voyages en Palestine, cela me privera peut-être pour toujours d’un aperçu sur l’ensemble de la contrée. Notre petit groupe a même raté le Chêne de Mambré, nommé dans la Bible (enfin ça ne doit pas être l’original !), et qui était prévu dans le « descriptif » du voyage : « Avec ses tentes, Abram alla s’établir au Chêne de Mambré, qui est à Hébron, et là, il érigea un autel à Yahvé. » (Gn, 13-18).

Désert de Judée.
Aux alentours de Mar Saba.
© Lionel Labosse

Il se trouve qu’en plus, juste à cet endroit-là (désert de Judée), nous fûmes hébergés par un prétendu bédouin qui nous a nourris au déjeuner (donc en pleine marche) de trois boîtes de conserve de maïs et de thon pour 8 personnes… c’était fort peu pour satisfaire nos appétits gloutons. Bref, certains Palestiniens ne sont pas encore au top question réception du touriste. Ajoutez à cela que sur le chemin nous croisâmes force moutons auxquels nous ne fîmes, révérence parler, nulle offense, me contentant pour ma part de manger des yeux… le berger ! Durant tout le parcours, nous n’eûmes en fait de viande que du poulet, du poulet et encore du poulet, quoique nous en eussions croisé fort peu de troupeaux. Donc nos amis Palestiniens devraient réfléchir à cela. Créer un sentier de randonnée, c’est une chose, mais vendre cela comme un produit touristique dans des agences de randonnée, c’est autre chose. Les vrais randonneurs stakhanovistes du Sentier, les purs et durs de la Rando, eux n’ont pas besoin d’agence de voyage. Ils déroulent les kilomètres et prendraient pour une offense un taxi qui leur raccourcirait un tronçon. Mais les gens qui comme votre serviteur paient des agences pour leur mâcher le travail, ils en veulent pour leur argent. Quand on achète en agence un produit « Chemin de Saint-Jacques de Compostelle », on s’attend à ce qu’on nous fasse grâce des portions les moins passionnantes que nous nous taperions si nous partions seul sac au dos. En l’occurrence, pour un pays mouchoir de poche, ma première motivation n’était pas de marcher comme un âne, mais de voir les villes dont les noms font rêver, et je n’en ai vu que trois, alors qu’en supprimant deux de ces trois jours de marche dans le désert, on aurait pu visiter aussi Naplouse et Ramallah par exemple, pêcher au lac de Tibériade, etc. Depuis mon retour, j’ai vérifié que d’autres agences ont compris le truc, et proposent désormais de tels trips. Je n’en veux pas vraiment à l’agence à qui j’ai acheté le « produit », car c’est une erreur disons de jeunesse. Bref, on ne va pas en Palestine que pour marcher, les enfants ! Bien, c’est entendu, alors maintenant que nous sommes en Palestine, allons-y !

Astérix en Palestine

Bon, vous devez croire que j’ai eu l’impression de faire tintin dans ce voyage, mais ce n’est pas vraiment le cas. On peut se demander pourquoi Goscinny, auquel le Musée d’Art et d’Histoire du judaïsme rend hommage en 2017, n’a jamais consacré un album à la Palestine. Non, on ne se le demande pas vraiment, car entre l’arbre et l’écorce, difficile de mettre le doigt. Donc permettez-moi de faire mon Astérix en Palestine, et cette partie de l’article s’annonce déplaisante, car je vais m’y faire l’avocat du diable et déverser dans votre oreille humainement sensible, le fiel d’idées politiquement peu correctes. Mais commençons par les évidents travers de la colonisation Israélienne, car mon propos n’est pas du tout de les nier !
Quand on entend parler abstraitement depuis des décennies de la Palestine, d’Israël et de la bande de Gaza, on imagine un pays à feu et à sang. J’ai donc été surpris, dans la petite partie sud de la Palestine que j’ai parcourue, de constater qu’entre les villes, il n’y a pas grand-chose de viable, et que ce rien est pris d’assaut par les Israéliens. En gros, entre les villes (dans la petite partie que j’ai vue, je le rerépète), il y a de la caillasse, des champs d’olivier, des moutons et leurs bergers et quelques puits confisqués par les Israéliens, qui en détournent l’eau pour inonder leurs plantations et leurs pelouses à eux tandis que les Palestiniens économisent chaque goutte d’eau. Là où les colonies sont mélangées aux faubourgs palestiniens (entre Bethléem et Hébron notamment) il suffit de regarder le toit des maisons. S’il y a une citerne en plastique noir, c’est une maison palestinienne. S’il n’y en a pas, c’est israélien. En été, tandis que les colons arrosent leur pelouse et plongent dans leurs piscines, les Palestiniens attendent qu’on leur ouvre le robinet pour remplir leur citerne. Je me permets de recopier des phrases du Guide du Routard : « Selon les standards régionaux établis par la Banque mondiale, les Palestiniens sont les plus démunis de la région face aux ressources en eau. Ils consomment en moyenne 70 l par personne et par jour » (France : 150 l). « Environ 40 000 Bédouins ne disposent que de 20 l par jour, soit l’équivalent d’une consommation de survie dans les camps de réfugiés du Darfour ! Les Israéliens utilisent autour de 250 l par tête et par jour. Les inégalités sont encore plus flagrantes dans la vallée du Jourdain, où les Palestiniens et colons cohabitent. Dans les environs de Tuba, les Palestiniens consomment 30 l par personne et par jour, alors qu’à 10 km de là les colons de Béka’ot atteignent les 400 l quotidiens par personne. » (édition 2016/17, p. 363).
Ce que j’ai vu de plus choquant durant cette marche, c’est le Wadi Nar, qui charrie dans la vallée du Cédron les ordures de Jérusalem, et diffuse ses odeurs putrides en contrebas du monastère Mar Saba. Si l’on peut résumer le concept, Israël pompe l’eau des Palestiniens et leur envoie sa merde. Mais il semble que l’on soit conscient du problème et qu’on y travaille, car globalement, la pollution des sols et des nappes phréatiques engendrée par ce mépris ne touche pas que les Palestiniens, de même que la pollution de l’air inhérente à la situation politique, l’absence quasi totale de transports en communs, l’utilisation exclusive de véhicules individuels en Cisjordanie, etc. (cf. cet article). À part cela il y a bien sûr les checkpoints que les Palestiniens doivent franchir deux fois par jour pour aller de Bethléem à Jérusalem par exemple, ou à l’intérieur d’Hébron, la seule ville palestinienne à l’intérieur de laquelle sont installés des colons israéliens, avec beaucoup de franco-israéliens paraît-il. Pour visiter le Tombeau des Patriarches, le seul lieu saint commun à l’islam et au judaïsme, il faut passer par les fourches caudines de l’armée israélienne (où beaucoup de soldats sont franco-israéliens), que ce soit pour le côté musulman ou pour le côté juif. Hébron est un cas d’école : les musulmans ne peuvent pas emprunter tel chemin, mais tel autre, forcés à faire des détours. La rue principale du souk est recouverte d’un grillage, car si les boutiques sont palestiniennes, les étages supérieurs sont israéliens, ce qui doit engendrer des assemblées de copropriétaires croquignolesques… Il paraît que les juifs jettent des détritus par la fenêtre. Des soldats surveillent… Hébron est donc divisée en H1 et H2, secteurs palestinien et israélien. En parlant d’Hébron, je suis tombé par surprise sur la carte de « L’archipel de Palestine orientale » de Julien Bousac en visitant les locaux de l’association France-Hébron. Et sous cette carte, des hommes jouaient… aux cartes. Il ne fallait pas rater la photo de ce Jeu de cartes

Jeu de cartes.
© Lionel Labosse

Le reste de la Cisjordanie est réparti en 3 zones. Cf. article de Wikipédia Territoires palestiniens occupés. En gros la zone A ce sont les villes et la bande de Gaza, sous autorité palestinienne, sauf Hébron ; la zone B, c’est l’autorité conjointe, la police restant israélienne, elle comprend les petites villes et les camps de réfugiés ; la zone C, c’est l’autorité israélienne, sur l’ensemble des zones non-urbanisées et donc sur les colonies israéliennes, elle constitue 60 % de la surface. Parmi les vexations dont nous fûmes témoins, l’armée nous interdit d’emprunter un chemin de randonnée, sous prétexte que ce jour-là il y avait des exercices prévus. Pourtant le checkpoint était ouvert et nous étions parvenus au départ du chemin de Mar Saba. Les Palestiniens expliquent que tout dépend de la façon dont le soldat (ou la soldate, mais c’est plus rare) est luné. D’ailleurs j’ai appris (je crois que c’est dans le guide du Routard) que les soldats israéliens avaient une sorte de clause de conscience inspirée par la thèse de Hannah Arendt sur la banalité du mal, leur permettant de refuser un ordre s’ils le jugent contraire à leur conscience. Nous avons vu sur le chemin telle école (de fortune) rasée parce qu’elle se trouvait à 20 mètres de l’emplacement autorisé, où se dresse la nouvelle école, tout ça avec notre fric, comme la fameuse histoire de l’aéroport international Yasser Arafat de la bande de Gaza, détruit par l’armée israélienne. Mais le fric versé par un certain nombre d’États a bien été versé aux entreprises qui l’ont construit. Cela laisse à penser qui est la dupe de qui dans ce conflit. Il y en a qui doivent bien tirer les marrons du feu ! Nous avons vu des puits dans le désert, interdits aux Palestiniens, avec intervention de l’armée dès qu’on essaie de récolter l’eau qui fuit. Le Palais d’Hicham à Jéricho avec sa mosaïque enfouie sous le sable bien qu’elle soit peut-être la plus vaste du monde, faute de moyens pour la restaurer. Le long des routes, de grands panneaux rouges expliquent en arabe, hébreu et anglais, que les espaces situés en zone A sont interdits aux citoyens israéliens, ce qui est une dérision, vu que tout le reste est potentiellement interdit de fait aux citoyens palestiniens, au bon vouloir des soldats, sans qu’aucun panneau ne daigne l’indiquer.

Mur de séparation à Bethléem. Avant sur-graffitage. Novembre 2017.
© Lionel Labosse

Le fameux mur de séparation, dans la partie qui parcourt Bethléem, est recouvert de peintures murales constamment renouvelées. Les plus célèbres sont celles réalisées par Banksy entre 2005 et 2008, depuis longtemps recouvertes, mais qui font l’objet d’un important commerce de souvenirs & cartes postales (sans doute sans copyright, l’artiste étant anonyme). Lire cet article « Banksy, le Mur et la Palestine » de Jean-Pierre Filiu. L’annonce début décembre 2017 du transfert de l’ambassade américaine à Jérusalem a entraîné immédiatement un sur-graffiti sur un graffiti de Donald Trump que j’avais photographié un mois auparavant. Vous pouvez voir l’image d’origine parmi mes photos (lien ci-dessous), et l’état sur-graffité sur le site de France Culture (photo Thomas Coex, AFP). Le sur-graffiti, paradoxalement, pourrait laisser croire que le phylactère rendu illisible était favorable à Trump, ce qui est loin d’être le cas !

Mur de séparation à Bethléem. Après sur-graffitage. Décembre 2017.
Photo Thomas Coex, AFP.
© Thomas Coex, AFP / France Culture

J’avais l’impression de pédaler dans la choucroute dans la compréhension du complexe israélo-palestinien, jusqu’à ce que des amis me recommandassent de concert la lecture de Comment le peuple juif fut inventé, de Shlomo Sand (lire l’article). L’occupation israélienne de la Palestine n’est donc ni légale, ni juste, je le concède. Il semble que le système électoral israélien soit la cause de l’insolubilité du conflit. Comme dans tout suffrage à la proportionnelle, chaque élection législative aboutit à une absence de majorité absolue, et place de fait les partis juifs orthodoxes en position d’arbitres de tous les gouvernements, avec à la clé la certitude qu’on leur accordera les miettes de la colonisation. Les juifs ultra-orthodoxes qui se consacrent à l’étude des textes bibliques ont été dispensés du service militaire depuis la création de l’État jusqu’à une loi votée en 2014, et qui devait être appliquée 3 ans après, mais – cela n’étonne pas grand monde – est reportée d’année en année et ne sera peut-être jamais appliquée (cf. article de La Croix). Si l’on en croit cet article, ces ultra-orthodoxes se reproduisent comme des lapins et leur proportion parmi la population augmente d’année en année. Comme ils ne travaillent guère de façon productive, ils vivent aux frais des laïcs, se logent dans les colonies, qui sont meilleur marché, et vivent sous la protection des laïcs qui accomplissent leur service militaire. Si leur proportion montait à 25 % de la population, comme l’indique l’article, la situation deviendrait explosive et pourrait atteindre un point de non-retour. On pourrait imaginer que les laïcs fuient le pays, et que ces fous religieux se retrouvent livrés à eux-mêmes face à une situation de guerre civile larvée que leur fanatisme entretient depuis des lustres. Si même Benyamin Netanyahou a fait voter cette loi, c’est dire si la situation est grave ! L’obsession des journalistes et des politiciens propres sur eux en Europe à invoquer le spectre de l’« extrême droite » pour définir les partis eurosceptiques européens est assez pitoyables quand ces mêmes personnes sont totalement aveugles à la véritable extrême droite actuelle par le monde, qui infecte un pays démocratique, Israël, et tous les pays par l’islamisme, qui est avant tout un mouvement d’extrême droite dont les terroristes qui s’en réclament pratiquent une violence aveugle digne des nazis. Voyez cet article « Netanyahu présente un kahaniste homophobe et insultant » de The Times of Israël, et cet article du Temps à propos du jeune député extrémiste Bezalel Smotrich. Le journaliste utilise l’expression « il incarne la nouvelle droite israélienne », alors que tous les propos de ce danger public le classent clairement dans une extrême-droite qui n’existe plus en Europe de l’Ouest.
Une cause d’étonnement dans ce pays est de croiser dans n’importe quel endroit des hommes et des femmes qui se trimballent avec un fusil en bandoulière, parfois en civil, sans doute de retour ou en chemin vers une période de service. À y réfléchir, cela assure ni mieux ni plus mal la sécurité que de payer, comme on le fait en France, un grand nombre d’immigrés pour assurer la « sécurité », alors qu’ils ne sont la plupart du temps pas armés. J’ignore s’il arrive qu’un de ces jeunes gens armé pète un câble et fasse un carton dans la foule sans raison, mais je ne me souviens pas d’un fait divers semblable aux tueries de masse qui ont lieu régulièrement aux États-Unis ou ailleurs, ou alors il y a longtemps. Cela dit, la population d’Israël est de moins de 9 millions d’habitants, soit 1/37e de la population étasunienne ; il est donc normal que les tueries de masse y défraient moins la chronique… Le massacre d’Hébron de 1994 constitue un cas particulier, car son auteur situait son acte dans une succession de massacres ayant eu lieu dans la même ville, non que ce ne soit pas aussi répugnant, mais du moins cet acte n’est pas imputable à la folie, mais à la furie nationaliste & religieuse.

Avocat du diable !

Cela dit (depuis que je vous préviens que je veux me faire l’avocat du diable, il serait temps !) une occupation qui dure depuis 1948 (la « Nakba » que les Palestiniens commémorent le 15 mai) et 1967 selon le territoire, et donc des camps de réfugiés entretenus et financés par les Nations Unies depuis 70 et 50 ans, cela devrait nous amener à remuer nos méninges non pas à la surface, mais en profondeur, non ? Comme le montrent les livres de Sayed Kashua, les Palestiniens, qu’ils soient citoyens israéliens, citoyens palestiniens ou réfugiés, en Cisjordanie ou dans les pays arabes environnants, ne sont pas tous dans le besoin (le taux de pauvreté à Gaza était 3 fois supérieur à celui de la Cisjordanie en 2008 selon Amira Hass (n°157 de Manière de voir du Monde Diplomatique, février 2018, p. 65). D’où vient cette relative prospérité ? De l’argent déversé à flots par l’ONU, par l’UE, par les États-Unis, par la diaspora palestinienne, sans oublier les salaires touchés par les Palestiniens qui traversent les checkpoints deux fois par jour pour embaucher dans une colonie ou à Jérusalem. Selon Olivier Pironet (article repris dans le n°157 de Manière de voir, p. 62), « Les services de sécurité, financés en partie par Washington et les Européens, absorbent plus de 30 % du budget annuel de l’Autorité — établi à 3,2 milliards d’euros en 2014 —, une enveloppe qui dépasse la part cumulée des dépenses affectées à l’éducation, à la santé et à l’agriculture. » Le même article cite un professeur de sociologie selon lequel les richesses sont mal réparties : « La majeure partie de l’économie du pays se concentre entre les mains de grandes familles et de nouveaux riches, liés pour la plupart au pouvoir et profitant de ses réseaux, explique le professeur El-Sakka. Ils se trouvent à la tête d’entreprises qui contrôlent les secteurs de la téléphonie, de la construction, de l’énergie, de l’alimentation, etc. Certains d’entre eux investissent sur le marché israélien et dans les colonies industrielles. En retour, ils bénéficient de privilèges octroyés par Israël, comme la possibilité de passer prioritairement aux barrages militaires, au même titre que les officiels de l’Autorité. » À Ramallah, en particulier, ces « VIP » que l’on peut voir parader en centre-ville au volant de leurs voitures rutilantes habitent dans des quartiers huppés qui sont à mille lieues de l’univers des camps de réfugiés. » La minorité chrétienne palestinienne se réduit comme peau de chagrin, pour des raisons variées évoquées dans cet article-ci ou dans celui-là. Ce dernier article évoque une chute de 18 à 2 % de la population depuis 1948. Les chrétiens, souvent plus aisés et plus diplômés, et sans doute moins à l’aise dans les conditions précaires des camps de réfugiés, ont massivement choisi la voie de l’émigration, tandis que les musulmans s’accommodaient davantage de ces conditions, jouissant des aides déversées par les communautés et institutions internationales. Le n°157 de Manière de voir du Monde Diplomatique, étonnamment, ne consacre aucun article à la situation des chrétiens de Palestine ; juste un petit encadré p. 89 reprend à peu près ce chiffre : « 1,5 %. C’est la proportion des Palestiniens chrétiens en Cisjordanie, Gaza et Jérusalem-Est, estimés à environ 52 000 personnes. Avant 1948, ils constituaient environ 20 % de la population de Palestine ». Ces chiffres terrifiants semblent intéresser fort peu de spécialistes de la Palestine…
Ce que je me dis parfois quand j’ai trop fumé la moquette, c’est que toutes les parties en cause devraient réfléchir à ce que la situation actuelle a coûté, financièrement et politiquement, depuis 70 ans ; à ce qu’elle va coûter encore dans les 70 ans à venir. Si l’on chiffrait ce coût, et que l’on chiffrât, en parallèle un ou deux projets radicalement différents, est-ce que cela ne ferait pas avancer le schmilblick ? Vu que les territoires qui sont disputés sont en grande partie désertiques, serait-il inenvisageable d’en céder définitivement une partie à Israël, et que les pays arabes environnants cèdent une partie de leur territoire pour créer un véritable État palestinien ? [1] En échange de la paix et d’une partie significative de la Cisjordanie, Israël n’accepterait-il pas alors de mettre fin à ses lois discriminatoires, de s’israéliser, selon le mot de Shlomo Sand ? Bien évidemment, même si ce ne sont que déserts, une terre est une terre, et d’aucuns préféreraient mourir plutôt que d’y renoncer, comme l’explique à peu près Mahmoud Darwich. Pourtant, comme l’écrit à peu près Sayed Kashua (sans qu’on sache si c’est lard ou halouf), les Palestiniens tout comme les Arabes israéliens, tout autant qu’ils sont discriminés et maltraités par Israël, profitent d’une situation bien meilleure que s’ils étaient soumis à un gouvernement arabe. Au jour de la création d’un État palestinien, adieu protection sociale, liberté de religion et d’athéisme, liberté d’expression, droit de boire de l’alcool, droit de baiser, droit d’être homosexuel, droit des femmes, et bonjour l’oppression islamique habituelle avec ses victimes toutes désignées. Si la plupart des réfugiés en provenance de pays islamiques se précipitent vers des pays de tradition chrétienne et fuient comme la peste les pays islamiques, ce n’est pas pour faire du tourisme, mais parce qu’ils fuient une oppression plus ou moins inhérente à l’islam moderne ; ouh là ! Je vous avais prévenus !
 Sur la situation d’apartheid de facto vécue par les arabes israéliens, lire un article de Ilana Löwy : « Les « présents absents » : La situation impossible des Arabes d’Israël ».

Us et coutumes israéliens

Ce qui frappe à Jérusalem, c’est la proportion de juifs en habit religieux. Alors qu’en Cisjordanie, les femmes arabes sont pour la plupart simplement voilées, c’est seulement à Jérusalem qu’on en voit avec des costumes encore plus occlusifs, comme une surenchère costumière avec les juifs orthodoxes. Heureusement qu’il subsiste quelques chrétiennes dans certaines villes palestiniennes, sinon le costume féminin serait affligeant de conformisme. Sayed Kashua mais aussi des amis qui ont voyagé dans le pays confirment qu’il s’agit d’une régression récente, qui serait sans doute empirée par la création d’un véritable État palestinien. Et la répartition des métiers est à l’avenant ; les femmes sont surtout enseignantes et professions médicales. Dans certains quartiers de Jérusalem, les juifs orthodoxes constituent la quasi-totalité de la population. Ils ne sont pas réputés rouler sur l’or car se consacrent beaucoup à la religion et peu au travail, et vivent de subsides ; leur seule occupation, notamment pendant le shabbat, est de proliférer, au point que leur population est en constante augmentation et mettrait en danger la sécurité de l’État, s’ils parvenaient à conserver l’exemption du service militaire. En effet, si l’on retranche 20 % d’Arabes qui n’ont pas le droit au service militaire, et bientôt 25 % (selon les projections) d’intégristes exemptés, cela fera bientôt 55 % de la population surchargée d’un service de garde nationale, tandis que les autres se tourneraient les pouces en tournant les pages de la Torah ou du Coran. Cela est d’ailleurs une bonne nouvelle car de deux choses l’une, soit les juifs seront contraints & forcés de trouver une façon moins militaire d’asseoir leur domination sur les Arabes, soit les ultra-orthodoxes se rendront compte en participant à l’armée, de ce qu’engendre leur position, et adouciront peut-être leur intransigeance au contact des laïcs. Chez les Palestiniens aussi, à cause de la difficulté de se déplacer et de la rareté des divertissements, se reproduire comme des lapins est le sport national, et s’occuper nuit et jour des enfants est le divertissement n°1. Chez les juifs laïcs de Tel Aviv, les enfants sont avantageusement remplacés par des chienchiens, avec la confrérie des promeneurs de toutous qui va avec (de jeunes gens qui promènent de conserve 5 ou 6 chiens en laisse). Il existe même une « Dog TV », ainsi qu’une portion de plage pour chiens, juste à côté de la plage fermée réservée aux intégristes (à Tel Aviv).

L’une de mes motivations pour prolonger à Tel Aviv cette randonnée palestinienne est qu’on y trouvait un concentré de ce que la planète offrait de plus beau en matière de mâles. Par le vaste monde, j’avais souvent admiré la beauté de ces jeunes Israéliens en « gap year » (parenthèse utile), et j’en avais tiré une hypothèse fumeuse, adaptation de la théorie de l’évolution à la généalogie juive : puisque la judéité se transmet par les femmes, ce sont les femmes qui choisissent leurs mâles, or les moins croyantes choisissent forcément les plus beaux mecs de l’endroit où elles vivent, juifs ou pas, alors que les pratiquantes se replient forcément sur le 2e choix, d’où la conclusion selon laquelle les Israéliens ouverts sur l’étranger – donc ceux qui résident plutôt à Tel Aviv qu’à Jérusalem – seraient particulièrement beaux. Mais arrivé sur place, cette poésie de torses en V se heurta à la réalité plus majoritaire & prosaïque des torses en A de sédentaires ravis. Tel Aviv n’est qu’une cité balnéaire, disons 4 kilomètres d’une plage magnifique où l’on peut se baigner sans doute toute l’année (début novembre, c’était parfait), et où l’on peut se poser le cul sur la plage et regarder un panorama pas dégueu à s’en faire mal aux yeux. C’est Nice avec une mer plus chaude, et sans doute plus de sécurité que sur la promenade des Anglais.

Panorama, plage de Tel Aviv.
Quel beau coucher de soleil !
© Lionel Labosse

Si la plupart des juifs orthodoxes n’attirent guère le regard, je dois avouer avoir eu un petit faible pour le seul accessoire de la panoplie hassidique dont j’ignorasse l’existence jusque-là, et que j’ai découvert avec étonnement. On dirait un accessoire SM. Vous connaissez le caftan, le talit, châle de prière, les tsitsit, franges portées par les mâles à la ceinture, la kippa bien sûr, et le téfiline ou phylactère, ce petit cube qui se porte sur le front. Ce que j’ignorais c’est que ce téfiline se portât aussi au bras, attaché par ces fameuses lanières, et je dois dire que c’est plus sexy que le schtreimel, les papillotes, le gros manteau bleu marine, etc. Bref, voici une photo prise au mur des Lamentations. Ceux qui flashent sur le look juif orthodoxe kifferont le film Tu n’aimeras point de Haim Tabakman (2009).

Le charme discret du téfiline.
© Lionel Labosse

À propos, je dois reconnaître, malgré mon athéisme et mon peu de considération pour les fanatiques de toutes religions, que le lieu est assez émouvant. Difficile de retenir un élan de compassion pour ces héritiers d’un peuple massacré pour son appartenance réelle ou supposée à une religion, qui à l’instar de Job, persistent à croire et manifester leur croyance par gémissements & gesticulations. Bien sûr, cette émotion est tempérée quand on prend connaissance de l’histoire méconnue de la destruction du quartier des Maghrébins lors de la guerre des Six Jours. Dans les lieux sacrés judaïques, si l’on vous propose des kippas, il n’est pas obligatoire de les porter, du moins personne ne m’a fait de réflexion à ce sujet. C’est une question que je m’étais posée lorsque j’avais vu des présidents français en porter une au mur des lamentations. Cela dit si ç’avait été obligatoire, je m’y serais sans doute plié, d’une part parce que des gens ont été massacrés pour cette religion, d’autre part parce que les obligations vestimentaires qu’ont à subir les hommes sont symboliques par rapport à celles que subissent les femmes sans en faire six caisses.
Vous trouverez dans mon article sur la crucifixion la photo d’un pavage de l’Église de la Flagellation censé représenter la piste du jeu de dés des soldats du Christ. Quelle mythomanie ! J’ai découvert que le lieu du Golgotha était en fait devenu une église (du Saint-Sépulcre), rien à voir avec le décor traditionnel des crucifixions, comme celle de Mantegna, qui représentent plutôt le Mont des Oliviers comme lieu du supplice. L’endroit où j’ai ressenti un plaisir esthétique sinon spirituel, c’est au pied dudit Mont des Oliviers, le sépulcre de la Vierge Marie. C’est une crypte à laquelle on accède par un large escalier enterré. Au moment où je suis arrivé, il n’y avait pas de groupe touristique, mais quelques pèlerins d’un côté, qui chantaient en répons avec un prêtre de l’autre côté (l’église est perpendiculaire à l’escalier). Les fumées d’encens nimbaient les nombreuses suspensions accrochées à la voûte en berceau. Bref, il y en avait pour les cinq sens, et c’était fort apaisant. Le chant comme manifestation religieuse me séduit plus que les génuflexions et autres aplaventrations. Après avoir grimpé jusqu’à l’église de l’Ascension (la vraie !), je suis redescendu et j’ai longé la vieille ville jusqu’à Bethleem road, non loin de l’ancienne station de chemin de fer transformée en lieu de promenade et de restauration. Il existe une nouvelle station de chemin de fer, et c’est paraît-il une alternative pittoresque au bus pour rejoindre Tel Aviv, mais si j’ai vu passer le train dans les environs de la ville sainte, le guide du Routard ne m’a pas permis de trouver cette nouvelle station, sauf à comprendre que ce n’était pas dans le centre ! Le tramway de Jérusalem par contre est très pratique pour relier le quartier des hôtels bon marché, la vieille ville, le centre et le terminal des bus.

Tel Aviv

Au Musée d’art de Tel Aviv, si tous les cadors du XXe siècle sont représentés, j’ai surtout été intéressé par My favourite room (1892), un « cabinet d’amateur » de James Ensor (1860-1949), avec mise en abyme entre autres de son tableau fameux intitulé « Squelettes se disputant un hareng saur » (1891) visible aux Musées des beaux-arts royaux de Bruxelles.

My favourite room (1892) de James Ensor.
Musée d’art de Tel Aviv
© Lionel Labosse / Musée d’art de Tel Aviv.

Deux œuvres m’ont rappelé la carte de « L’archipel de Palestine orientale » de l’ami Julien. Il y a d’abord Druksland, de Michael Druks (né en 1940), autoportrait en forme de carte géographique, qui en dit long de l’attachement mental des Israéliens et autres Palestiniens à leur « land ». Et Gaza canal de Tamir Zadok, qui imagine le creusement d’un canal qui ferait une île de la bande de Gaza. On peut visionner cette video. Sinon, Tel Aviv vaut pour quelques immeubles de style Bauhaus, alternant avec les hôtels de luxe qui jalonnent la plage. Beaucoup de Français habitent ou villégiaturent à Tel Aviv, au point que certains programmes immobiliers ont des boutiques de vente uniquement en français ! Côté gay, il n’y a comme établissements pour ainsi dire qu’un petit sauna, avec l’attitude occidentale type, et des bars qui semblent en sursis, où un simple gin-tonic grève votre budget vacances ! L’essentiel du trafic se fait par les réseaux de rencontre semble-t-il, et certaines soirées, dont une palestinienne (à Tel Aviv) d’après ce que des amis m’ont révélé après mon voyage (les salauds !)
Autre découverte au cours de ce voyage : le goût du jus de grenade, autant en Israël qu’en Cisjordanie. On la sort du réfrigérateur, on la presse avec une petite machine à bras (un seul coup suffit à exprimer le jus d’une demi-grenade), et on la boit. Quel délice ! Je n’avais jamais goûté à cela de ma vie ! Au retour, j’ai découvert qu’il s’en vendait en épicerie, 7 € et quelque le litre de jus bio, tuerie qui vaut le coup.
Beaucoup de vélos électriques dans cette ville plane alternent avec des vélos manuels, et cela présage de nombreux accidents à court terme à Paris quand des vélos de ce type seront loués à partir de 2018 lors du renouvellement de Vélib. Si l’on n’est pas attentif, on voit de loin arriver un vélo, et on cale son allure piétonnière sur la vitesse normale d’un vélo, hélas, il va deux fois plus vite, et l’on risque la collision. Les utilisateurs devront redoubler de prudence.

Immeuble Bauhaus, au débouché de la rue Allenby, sur la plage.
© Lionel Labosse

Côté urbanisme, le bord de plage n’est qu’une succession d’hôtels de luxe, avec parfois quelques résidences plus accessibles. Non loin de la résidence hôtelière que j’avais dégotée, en plein centre, pour à peu près 100 € la nuit, je pouvais admirer cet homme renversant. Cette chambre comprenait une kitchenette, avec un four à micro-ondes qui s’est révélé peu utile. En effet, dans les épiceries locales, on ne trouve pas les chaînes de distribution, ni le standing international. Peu de produits surgelés, ni de plats cuisinés à réchauffer. C’est fort étonnant. Peut-être un résultat d’un certain boycott dont Israël est l’objet ? Restent les produits frais, et les traditionnels mezzés moyen-orientaux, qui constituent la moitié de ce qui se déguste en terrasse, le coût de la vie étant très élevé. Le reste de la ville est constitué d’immeubles de deux ou trois étages sagement rangés le long de rues en damier, ce qui semble aberrant vu l’exiguïté du territoire. L’une de ces rues (oh, pas une avenue, une simple rue résidentielle !) porte une plaque au nom d’Émile Zola, que vous verrez dans mon article sur la mise en abyme dans les Rougon-Macquart. Si j’avais à peupler un pays si exigu, j’enverrais sans doute une mission d’étude en Corée du Sud, un pays qui se confronte également à un problème d’espace vital, croisé à un conflit avec un frère ennemi limitrophe, avec l’autre mur de séparation de la planète. En construisant comme les Coréens des forêts d’immeubles de 30 à 40 étages, on résoudrait la question du logement aussi bien qu’avec les colonies, avec sans doute un meilleur confort et plus de sécurité. Mais s’agit-il de raison ou de passion ?

 Poursuivez avec un peu de littérature israélienne, juive & arabe, et la Bible.

Lionel Labosse


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[1En fait une « mission Clapp », « commission de conciliation », avait rendu un rapport allant dans ce sens à l’ONU en 1949, rapport enterré. Les réfugiés refusèrent violemment dès 1949, toute offre d’installation définitive dans les pays d’accueil ; ils refusèrent même de construire en dur dans les camps. Lire à ce propos l’article d’Alain Gresh repris dans le n°157 de Manière de voir du Monde Diplomatique, p. 94.