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Des trouvailles stupéfiantes

Ingénieux ingénieurs

Pourquoi faire simple quand on peut faire compliqué ?

vendredi 6 avril 2007

Il ne se passe pas un jour sans que l’on s’agace ou s’émerveille, c’est selon, de l’ingénieuse ingéniosité des ingénieurs qui réfléchissent si fort à l’amélioration de la vie quotidienne, qu’ils en font un saut d’obstacle humoristique ou exaspérant. Contribuez à ce catalogue en m’envoyant un témoignage (cliquez sur mon nom en sous-titre, ci-dessus). Voir aussi la malicieuse « Liste Des Trucs Que Les Ingénieurs Devraient Inventer Au Lieu De Rester Là à Glander », sur echolalie.org (lien ci-dessus). Évidemment, les lecteurs du philosophe Alain me reprocheront le côté ronchon de ces élucubrations : « L’impatience d’un homme et son humeur viennent quelquefois de ce qu’il est resté trop longtemps debout ; ne raisonnez point contre son humeur, mais offrez lui un siège. » (Alain, Propos sur le bonheur, I, « Bucéphale »). Mais le simple fait d’évacuer les rancœurs sur le Net n’est-il pas une façon économique de mettre à distance ces récriminations ? Souffrez que je vous offre un siège…

Bonnets sans pompon

Depuis des années j’épuise la patience de ma mère pour m’offrir un bonnet, mais un bonnet SANS pompon. Ce putain de truc inutile qui prend de la place et empêche de ranger le bonnet dans une poche quand on entre dans un lieu chauffé. Et désolé, mais en ville je ne tiens pas à avoir l’air d’un abruti de skieur. Il est arrivé que, de guerre lasse, elle achète un bonnet pomponné, quand elle ne le fait pas tricoter sur mesure, et dépomponne le bonnet !

Bonnets avec pompons, Paris.
© Lionel Labosse

Pour vous prouver l’étendue du problème, voici l’étalage d’une boutique de bonnets à Paris, où vous pourrez constater que sur peut-être cent bonnets, vous n’avez le choix qu’en couleurs, mais aucun [censuré] d’ingénieur n’a eu le cerveau traversé par cette intuition qu’un pourcentage de la population non négligeable est affecté de cette maladie mentale : la préférence congénitale pour l’absence de bonnet ! Voici au contraire une boutique rarissime, qui exhiba à mes yeux affamés d’absence de pompons, un dimanche (fermé !) cette brochette de bonnets apomponnés pour femmes. Salauds !

Bonnets sans pompons, Sens.
© Lionel Labosse

Écouter la radio en voiture

Après une période de vingt ans sans voiture, ayant fini par comprendre ce qui se tramait derrière l’obsession pseudo-écolo des khmaires verts des grandes villes et de tous les décideurs corrompus par l’UE et les instances de l’État profond, j’ai racheté une voiture, loué un box, et vive la liberté de se déplacer sans être menacé à tout moment de 135 € d’amende pour avoir désobéi à tel ou tel oukase. J’ai tâché de lire le mode d’emploi du véhicule de 300 pages, qui en fait duplique en 6 exemplaires toutes les informations pour les adapter à chaque sous-modèle, ce qui le rend indigeste. Et comme je ne roule pas tous les jours, le moment opportun il me sera impossible de mémoriser où se trouve l’anti-brouillard ou le lave-glace. Il faudra m’arrêter et potasser le mode d’emploi avec le plafonnier que je ne sais pas faire fonctionner non plus (en vingt ans, ils ont rendu incompréhensible tout ce qui était intuitif). La table des matières ne contient même pas « autoradio ». Je voulais écouter Radio-Courtoisie pour me tenir éveillé, et sur le périphérique, je mets la radio tout en regardant la route. Une minute plus tard, ça migre tout seul sur BFM, ses pubs et sa propagande. Je remets la radio sur Radio-Courtoisie, et rebelote. Après quelques minutes de ce jeu de ping-pong, je me mets à enregistrer sur les 12 boutons la même Radio-Courtoisie, espérant que le robot s’avoue vaincu. Alors là, comme BFM a disparu, eh bien cela se met automatiquement au bout d’une minute sur Skyrock, et je n’échappe pas à la propagande covidiste : « Ça va, ça vax ». Je manque l’accident, mais mon stratagème ne mène à rien, c’est l’éternel retour à la voix covidiste. Je finis par couper la radio, au risque de m’assoupir. Parvenu à destination, j’explique cela à ma nièce, qui jette un œil. La lecture du mode d’emploi du véhicule ne nous apprend rien. C’est écrit de façon incompréhensible, et impossible de distinguer ce qui correspond à ce modèle. Les symboles et acronymes ne sont pas explicités. Je vois bien qu’il existe trois bandes pour la FM, deux fois six stations, plus un troisième avec un acronyme impossible à mémoriser et à comprendre. Ma nièce finit par trouver la solution : mettre Radio-Courtoisie sur le smartphone, et écouter en bluetooth. Eurêka ! Hélas, le lendemain, je rentre chez moi. Impossible de connecter en bluetooth. Comme une radio classique se trouve connectée (ne me demandez pas comment !) je roule, jusqu’à ce que cela tourne en pub et propagande covidiste. J’éteins, puis m’arrête sur une aire de repos. Là, en tripotant comme un malade à la fois le smartphone et le dispositif hyper-compliqué de la voiture, je finis par brancher cette radio sur bluetooth, mais par hasard, avec impossibilité de me rappeler quelle touche ou combinaison de touches a permis le miracle… Je ne touche à rien, mais cela recommencera la prochaine fois !

Saint Bonaventure priant (1629) de Francisco de Zurbarán (1598-1664)
Muséographie fatale aux plus de 45 ans, à la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde.
© Lionel Labosse

Étiquettes dans les musées

Si vous avez dépassé 45 ans, sans doute avez-vous remarqué que 99 % des conservateurs de musées ou expositions ont entre 20 et 44 ans, et qu’aucun d’entre eux ne connaît les affres de la presbytie, qui ne touchent, il est vrai, qu’une catégorie négligeable de la population cliente des musées, les plus de 45 ans. Ces braves conservateurs positionnent donc systématiquement les cartons d’identification des œuvres au bas de celles-ci, de façon que les vieux cons de visiteurs se niquent le dos pour tâcher de lire les cartels, alors qu’en général les œuvres sont séparées d’au moins un mètre et que la place ne manque pas, comme vous pouvez le voir sur ce Saint Bonaventure priant (1629) de Francisco de Zurbarán, chef-d’œuvre de la Gemäldegalerie Alte Meister de Dresde ; un tableau qui me fait penser à mon ami Roland Longpré. De plus, bien que la place ne manque pas, ces cartels sont en général imprimés en caractères minuscules, de façon qu’un vieillard de 45 ans ne puisse pas les lire sans chausser ses lunettes. Ledit vieillard doit donc passer son temps à se pencher, chausser et déchausser ses lunettes, bousculer les autres visiteurs par ses gesticulations, alors qu’un chouia de réflexion de ces connards de conservateurs suffirait à lui simplifier la visite. Cerise aigre sur le gâteau ciré, en général quand vous vous penchez, vous déclenchez la sonnerie de sécurité qui, allez savoir pourquoi, est plus sensible en bas qu’à hauteur du tableau. En Allemagne où les gardiens de musée sont particulièrement psychorigides, cela m’est arrivé de me faire engueuler et de tâcher en vain d’expliquer par gestes à ces cerbères ce que j’explique ici par écrit. Mais il est peu de métiers organisés de façon à faire remonter les observations pour l’amélioration du service. Pourtant les expositions et musées sont un secteur marchand à la clientèle âgée, et cela devrait compter. Il est vrai qu’avec les smartphones et audioguides, celui qui préfère voir les œuvres par lui-même n’est plus qu’un parasite auquel il convient de le lui faire comprendre par ces souffrances. Le même problème existe dans tous les domaines, et l’on est confondu de la proportion de cons ou d’imbéciles aux postes de décision, selon Le Principe de Peter. Les billets de train ou d’avions sont un must dans le genre, avec des quantités d’informations parasites, pubs ou autres, et en général la seule information importante, date et heure de départ et numéro de siège, écrite en tout petit, alors qu’en plus, quand vous cherchez ce genre d’information, vous êtes souvent pressé et encombré de valises, et que sortir vos lunettes est plutôt sportif… Une rare exception pour les musées se trouve à la Pinacothèque de Brera de Milan.

Stand on the right

Pour une fois, une belle initiative, non pas d’un ingénieur, mais d’un responsable d’un service public qui fait son travail. Évidemment, ce n’est pas en France, mais dans le métro de Londres. Au milieu de tous les immenses escalators du métro, on a eu l’idée géniale d’installer des panonceaux « Please, stand on the right », de sorte que les gens pressés ne sont pas gênés par les bouseux et les égoïstes. C’est tellement simple, c’est un peu comme les auto-collants invitant dans les transports, les passagers à utiliser leurs téléphones avec parcimonie ou discrétion. Il n’y a guère plus que dans les TER que l’on en trouve. Pour les autres transports, non, il semble définitivement acquis que les indiscrets doivent empêcher les gens civilisés de lire pendant leurs trajets. C’est ainsi que dans l’Eurostar, j’ai fini par engueuler comme du poisson pourri une connasse qui, au lieu d’envoyer des textos, avait décidé de faire subir à tous les passagers de son wagon sa discussion d’attachée parlementaire sur une visite qu’elle préparait à Aulnay-sous-Bois. Et cela n’en finissait pas. Après une première demande polie, comme elle recommençait dix minutes plus tard, je n’ai eu d’autre solution que de l’agonir d’injures, et elle a fermé sa gueule, et j’ai pu continuer à lire mon Zola, tandis que mon voisin continuait son Tocqueville, m’ayant lâchement laissé endosser le rôle du râleur de Français macho…

« Please, stand on the right »
Dans le métro de Londres
© Lionel Labosse

Fauteuils à deux accoudoirs

Ce n’est sans doute pas la première fois que je le remarque, mais c’est rarissime, et cette fois j’ai pensé à prendre la photo d’un double accoudoir entre deux fauteuils d’orchestre. Qui n’a jamais connu une sourde rixe avec un voisin de cinéma ou de théâtre pour l’usufruit de l’accoudoir unique qui sépare les fauteuils ? Situation annexe du fameux « manspreading », où c’est forcément un être humain de sexe mâle qui annexe l’espace, jamais une femme comme dans la situation purement fictionnelle et machiste qui suit. Vous arrivez en second, et la place est déjà prise, la matrone qui s’étale à côté, bien qu’elle soit haute comme une commode, agrippe l’accoudoir comme si c’était son coffret à bijoux. Vous serrez les coudes, mais elle ne perd rien pour attendre, la morue ! Vous guettez l’instant où elle se grattera le bout du nez, et hop ! Illico presto, que je reprenne possession de l’accoudoir. Mais un moment d’inattention, une page à tourner du livre que vous parcourez d’un air innocent, et c’est le mignon d’à côté qui vous a ravi l’accoudoir que vous accapariez sans vous poser de question. Œil en coin : là, on partagerait bien accoudoir, et plus si affinité. Vous posez votre coude timidement et vous étudiez à le faire coulisser insensiblement d’un millimètre à l’heure vers celui du minet. Hélas, à peine la pression se fait-elle sentir, qu’il retire son coude comme s’il avait reçu une commotion ! Mais non euh, on partage ! Du coup, vous foutez un grand coup de coude à la mégère : celui-là, il est rien qu’à moi ! Bref, tout cela n’arrive pas dans une salle de spectacle sur cent où l’architecte a pensé que chaque spectateur sauf les manchots avait deux bras ! Voici donc un rarissime exemple de fauteuil à deux accoudoirs, photo prise à la Philharmonie de Cologne.

Philharmonie de Cologne : fauteuil d’orchestre à deux accoudoirs.

Fontaine, je ne boirai pas de ton eau

Appliquons ce titre d’une des plus belles chansons de Nicolas Bacchus à une caractéristique de la pingrerie française. Au tournant du XVe siècle, Ruy Gonzáles de Clavijo évoquait en ces termes les « fontaines […] avec des vases en laiton ou en cuivre pour que les gens puissent s’en servir pour boire », qu’il avait admirées dans le Tabriz du temps de Tamerlan, et qu’on peut encore admirer à chaque coin de rue en Iran. Au XXIe siècle à Paris, capitale la plus touristique du monde, cherchez les fontaines. Un jour d’été, assoiffé dans les jardins du Carrousel, épicentre touristique à l’entrée du Musée du Louvre, j’ai mis longtemps à repérer une vieille borne verte. Je m’approche, et constate que la grille est sèche et moussue. Le robinet ne fonctionne pas. Rien de rien autour. Au fil des rues, on a bien de la chance si l’on tombe sur une des fameuses 120 fontaines Wallace. Les ingénieux technocrates qui dirigent notre désormais ville « de gauche », si prompts à toutes les opérations médiatiques du type « Paris plages », n’ont toujours pas réussi à donner de la bête eau à boire aux Parisiens, aux Français et aux touristes qui sillonnent Paris. Des fontaines, des robinets avec de l’eau qui coule tout droit dans les gosiers asséchés des touristes qui ont payé si cher pour visiter la ville lumière, M. Delanoë, Mme Hidalgo, c’est donc impossible à conceptualiser ? La France du XXIe siècle serait-elle donc irrémédiablement incapable de se montrer à la hauteur de l’Iran du XVe siècle ? Il en va de même des toilettes et pissotières, remplacées par les coûteuses sanisettes JC Decaux, fermées la nuit. Tout cela assorti d’affiches avec des photographies de traces d’urine sur un bâtiment et le slogan « tant de sanisettes ouvertes de 8h à 22h ». C’est très con, les vessies, ça ne dort pas la nuit, messieurs-dames les édiles. De bêtes pissotières ouvertes jour & nuit, là aussi, nos énarques et polytechniciens sont incapables de conceptualiser si bas… D’ailleurs Jun’ichirō Tanizaki, avait tout dit sur le sujet en 1933 dans Éloge de l’ombre.

Goûters caca

Facturette « goûters caca »
© Lionel Labosse

Cette facturette parle d’elle-même : non, je n’ai pas acheté ces sublimes chocos bio qui m’ont coûté tripette, non ! J’ai acheté des « goûters caca ». Ainsi du moins en a décidé l’ingénieux ingénieur qui a limité à tant de caractères l’intitulé du produit sur les facturettes de ma supérette préférée. C’est juste pour le fun, mais je viens d’autre part de remplacer mon vieux téléphone, qui tombait tout le temps en panne. À la place j’en ai pris un qui avait une belle gueule design. Je n’ai pas pris garde à la notice, car dix ans après mon précédent achat, je croyais naïvement que les choses avaient évolué et qu’il était inutile de demander des détails sur les performances du produit, sachant que je fais partie des gens qui de toute façon n’utilisent pas 1 % des potentialités des produits hi-tech. Or non, en dix ans, le voyant clignotant quand j’ai eu des messages, a disparu. Le choix des heures où la sonnerie vous réveille et des heures où elle est en sourdine, macache ! Et cerise sur le gâteau, mes amis voient leur nom rogné dans le répertoire. Les voilà eux aussi réduits à l’état de « goûters caca ». Haut ! Je ne comprends pas vraiment le sens du progrès !

Parallèle ou perpendiculaire ?

Avez-vous déjà essayé de savoir où vous en étiez d’un voyage en train sur une grande ligne ? Il se trouve exceptionnellement — comme d’habitude — que votre train a une heure de retard, et par pure curiosité, vous voulez savoir si vous êtes à Moncul-Chalindrey ou à Luxure-les-Bains. Malheureusement, votre train file enfin à une vitesse lui permettant de rattraper un quart de l’heure perdue, et les pancartes défilent trop vite pour qu’on puisse les saisir au vol… Il aurait fallu qu’un ingénieux ingénieur pense qu’au lieu de les installer parallèlement au train, on pouvait les mettre — ou en mettre une ou deux — perpendiculairement ! Et en plus, se payer le luxe d’en installer une lumineuse sur le fronton de la gare, pour qu’on la voie mieux de nuit…
De même les panneaux interactifs indiquant les écarts entre les bus ou les métros. Dans le métro, ils sont installés sur les quais, de façon que tous les obstacles (autres panneaux, pubs…) empêchent de les voir sans se tordre le cou. Mais c’est dans le hall qu’il faudrait les installer, ou dans les escaliers, c’est-à-dire à l’endroit où le voyageur shakespearien se demande « courir ou ne pas courir ? » Dans les bus, de même, au lieu de cacher ces panonceaux sous les abris, pourquoi ne pas les mettre sur le côté, visibles de l’extérieur, de façon qu’on les voie de loin et qu’on n’ait pas à s’insinuer entre la grosse dame et le petit monsieur pour les apercevoir ? De plus, on a souvent le choix à un carrefour, entre deux bus et une station de métro, situés en diagonale. A qui cela n’est jamais arrivé que, le temps que vous alliez voir le panonceau du bus X pour apprendre que le prochain était à 15 minutes, le bus Y, qui vous amène à peu près au même endroit en 3 minutes de plus, vous passe sous le nez… le prochain dans 15 minutes itou ! De dépit, vous descendez dans le métro, mais ce n’est qu’arrivé à 60 mètres sous terre que vous vous rendez compte que vous avez raté d’un cheveu le précédent, et le suivant est à dix minutes…

Microsoft et le développement durable

J’ai fait une expérience instructive dont je vous fais profiter. Pour imprimer un document contenant une illustration, j’ai voulu utiliser, plutôt que mon imprimante personnelle, ancienne et peu performante, celle du lycée. Il s’agissait d’un document établi avec Word 2001 sur Mac. Au lycée, j’ai utilisé premièrement un PC avec Word 2003. Je n’avais donc à imprimer qu’une seule page. En Word 2001, la partie de texte que j’avais au-dessus de l’illustration, pour 22 lignes, faisait 11 cm. J’ai constaté qu’en Word 2003, le texte prenait plus de place, j’ai donc dû réduire la taille de l’illustration. De plus ­— et là ça n’a plus de rapport avec Word, mais avec les réglages par défaut de cet ordinateur dans mon lycée, que je suis incapable de modifier comme sans doute 70 % des utilisateurs — pour imprimer cette page unique, j’ai cliqué sur « Fichier / imprimer », et au lieu de me laisser le choix, immédiatement les 23 pages de mon fichier complet ont été imprimées (je mets tout un cours dans un seul fichier), sans possibilité d’arrêter soit par l’ordi, soit par l’imprimante. Or non seulement je n’avais pas besoin de cela, mais en plus la cartouche était naze. Donc 23 feuilles de papier gâchées. Gaspillage voulu, organisé par les fabricants de machines, avec la complicité des politiciens qui nous font de beaux discours sur le développement durable. Quel politicien aurait l’idée d’obliger les fabricants de ces machines à avoir un gros bouton rouge « stop » qui permette de tout arrêter ? Dans tous les bureaux du monde, y compris dans les bureaux des partis politiques et des ministères, et des commissions qui travaillent sur le développement durable, ce type de mésaventure ne doit arriver qu’un à deux milliards de fois par jour. Coût ?
Mais ce n’est pas fini : comme on est à la pause et qu’il est impossible d’obtenir le remplacement de la cartouche, je change d’ordinateur, et d’imprimante. Celui-ci utilise Open office 2007. Je dois à nouveau réduire la taille de mon illustration, et le texte est encore plus long. On est passé, pour être précis, de 11 à 14 centimètres entre Word 2001 et 2007. Attention, ne me prenez pas pour un benêt : j’atteste que la police et la taille et la marge étaient rigoureusement les mêmes, d’ailleurs les 21 lignes de mon texte étaient réparties strictement pareil. La seule différence est l’interligne, qui — et là aussi j’ai vérifié : le réglage était bien au minimum — est donc de 27 % plus large ! Multipliez ça par des milliards de pages imprimées et photocopiées tous les jours, et dites-moi combien de zéros après le 1 il y a sur le chèque que les fabricants de papier ont glissé dans la poche de Microsoft. Et quand je dis Microsoft, croyez-vous réellement que, dans tous ces bureaux, aucun technocrate ne se soit jamais rendu compte de cette escroquerie au gaspillage ?
Alors bien sûr, signalez cela dans votre bureau, et on tentera de vous culpabiliser, en vous démontrant que vous n’êtes qu’un ringard à mettre au rencard parce que vous ne savez pas comment régler la machine pour qu’elle imprime feuille à feuille ; sur lequel des cent boutons de la photocopieuse appuyer pour que les 100 copies lancées par inadvertance s’arrêtent en urgence ; comment bidouiller Word 2007 sur un ordi qui n’est pas le vôtre pour que l’interligne soit diminué, etc. La culpabilisation technoterroriste fait partie intégrante du système de gaspillage, et des ingénieurs en psychologie comportementale doivent bosser dur dessus… Donc quand un politicard me cause développement durable, ça me fait doucement rigoler… jaune !

La pendule qui fait tic-tac

J’ignorais que les criminels de guerre nazis se fussent reconvertis dans l’ingénierie des horloges et réveil-matin. Pour chronométrer vos performances au cent mètres, vous avez un chronomètre, ou une montre un peu perfectionnée avec plein de boutons, du genre qui vous sert une fois tous les tremblements de terre. Ça se complique déjà quand l’ingénieux ingénieur a fait en sorte que ladite montre acnéique vous pète un « bip » en plein dans les oreilles toutes les trente minutes, voire 12 bips stridents d’affilée à minuit, au moment précis où vous parveniez enfin à vous endormir en oubliant que cette fois-ci vous n’aviez tenu que sept minutes trente-sept secondes avec Raymonde, tellement épuisé que vous aviez posé la montre sur la table de chevet, renonçant à lire les vingt-huit pages de la notice mal traduite du chinois pour savoir comment déconnecter l’insupportable bip, et songeant à reprendre le jogging pour renforcer vos capacités.
Mais le pire, ce n’est pas ça, car cette fichue montre, vous pouvez toujours la jeter par la fenêtre ou du moins la mettre au réfrigérateur ou dans la cave pour ne plus l’entendre. Le pire, c’est l’horloge qui fait tic-tac. Quel fichu ingénieur de mes deux, quel criminel de guerre ennemi de l’humanité a eu l’idée de mettre systématiquement des trotteuses aux horloges, vous savez, ces hideux macarons qui font tant plaisir à tante Ursule pour son anniversaire quand on ne sait pas quoi lui offrir, et qu’on accroche dans la cuisine ou dans le salon, oubliant que c’est dans le canapé qu’on vous fera coucher parce que la chambre reste le domaine sacré du cousin Jérôme même si on ne le voit qu’à Noël… La même trotteuse orne également les réveil-matin. Dans quel contexte de la vie moderne, dites-moi, a-t-on besoin de compter les secondes dans une cuisine ou dans une chambre ? Et de les compter non seulement avec les yeux, mais avec les oreilles ? Eh bien ! non contents de la trotteuse, nos ingénieurs sont parvenus à imiter de façon électronique l’horripilant tic-tac de « l’horloge au salon qui dit oui, qui dit non » chère à Jacques Brel, mais qu’on pouvait au moins arrêter le temps de dormir en mettant son doigt dans la course du balancier. Et vous qui étiez allé chercher le calme à la campagne ! L’ingénieux ingénieur hait le calme. Comment voudriez-vous aimer le calme quand vous pouvez montrer votre maîtrise de la technologie en inventant pour chaque instant du quotidien, même la nuit, un bidule qui fait bip-bip !

Les vestes pour intellectuels

Le prêt-à-porter, c’est bien connu, c’est pour le peuple. Le peuple est un ventre à pattes possédant des viscères internes et des viscères externes. Les viscères externes du peuple femelle sont un rouge à lèvres, un tampon hygiénique, un miroir et une brosse, tandis que le peuple mâle possède pour tout viscère externe un portefeuille et un téléphone portable. L’ingénieux ingénieur s’occupe de tout ! Le peuple femelle aura donc un sac, afin d’éviter que les viscères externes n’entrent en conflit avec la rotondité de certains viscères internes, et pour qu’un passant empressé de l’autre sexe puisse proposer sa main à une représentante alléchante du peuple femelle. Mais pour que le peuple mâle ait toujours une main libre à proposer au peuple femelle, l’ingénieux ingénieur a inventé la veste à poche, avec une poche à gauche de la taille du portefeuille et une poche en bas à droite de la taille du téléphone. Quant aux pédés qui veulent porter sur eux un livre pour lire dans les transports en commun ou en faisant la queue à la caisse du magasin, ou sur un banc public en regardant les ragazzi passer distraitement, ils ne constituent pas une clientèle suffisante.
Avez-vous déjà tenté d’acheter une veste pourvue d’une telle poche ? Si possible à l’intérieur pour que le livre, s’il venait à dépasser, ne soit ni mouillé en cas de pluie, ni ne laisse apparaître à tous les passants et surtout à vos élèves, que vous vous intéressez à quelque chose comme La Légende du sexe surdimensionné des Noirs, de Serge Bilé, par exemple ! Eh bien ! bonne chance. Chaque année, pour ma part, j’y passe une journée, et je dois renoncer la mort dans l’âme aux modèles et aux couleurs qui me plaisent, pour me rabattre sur le bon vieux duffle-coat informe, genre livreur de pommes de terre en Beauce profonde. Choix de couleur : noir clair ou bien si vous préférez, noir foncé. Et la poche, large et profonde, bien en bas, sur les hanches. Essayez donc de poser vos fesses sur un vélo en hiver et de pédaler avec un bouquin dans c’te poche, en laissant fermé votre manteau… Ça coince, le livre empêche le vêtement de suivre la bielle des cuisses. Dur, dur, d’être intello ! C’est sûr que pour un ingénieux ingénieur, près du cœur, ça ne peut être que la place du portefeuille !

Clara, la connasse de Fnac .com

Inutile de chercher sur « Fnac.com », vous n’obtiendrez aucune réponse à votre question. Malgré le poids économique du groupe, la Fnac ne peut pas mettre en place une cellule pour répondre aux clients. À la place, comme c’est devenu fréquent dans le commerce, on a la photo de « Clara », la connasse, forcément femelle, qui répond, ou plutôt ne répond pas aux questions. Mieux, faites l’expérience de mettre une phrase un peu longue dans le cadre, comme « Est-ce que les magasins sont ouverts le 8 mai, ou bien vous préférez appliquer une politique sociale et laisser vos employés à leur vie de famille ? » En bonne connasse, « Clara » donne la réponse suivante : « Désolé (sic), mais votre phrase est trop longue et je ne pourrai vous l’analyser. Essayez, s’il vous plaît, d’être un peu plus concis, merci. » Comme vous êtes un sire concis, vous essayez donc avec « Tu suces ? » et vous êtes étonné de la réponse ! En tout cas on rigole bien avec les ingénieux ingénieurs de la Fnac, mais bien sûr, en tant que client, on n’existe pas. Comme dit l’autre, on vit une époque formidable !
Ce n’est pas que dans le commerce : l’Éducation nationale innove également dans le respect de la femme. Pour défrayer les examinateurs du bac et autres joyeusetés, c’est-à-dire leur distribuer des clopinettes, il faut désormais qu’ils se connectent eux-mêmes à un service. Je vous le donne en mille, les énarques du ministère ont nommé ledit service « Stefanie », avec le slogan qui tue : « Connectez-vous, Stefanie s’occupe de tout ». On peut même joindre la « hotline Stefanie ». Je le jure ! À croire que le chef de service qui a pondu cette idée novatrice arrondissait ses fins de mois de khâgneux besogneux dans le Minitel rose !

Tourniquets inutiles

À l’entrée de l’exposition consacrée à Honoré Daumier à la BNF, après m’être acquitté de mon écot auprès d’un des plus charmants caissiers ever in the world, je bute sur une de ces machines modernes réincarnant le supplice de la roue : pour entrer dans le sanctuaire, il faut tirer telle tourniquette pour que telle clopinette choie. Mes yeux de quadra m’indiquent bien qu’il y a de l’écrit au niveau de la tourniquette, mais c’est trop bas, et d’ailleurs j’ai décidé d’être analphabète pour cette expo plastique : faut-il savoir lire le français pour entrer à cette expo ; raquer ne suffit-il donc plus ? Je tente en vain de branler le lecteur de code barre que je distingue vaguement, puis cherche quelque fente où glisser la phallité de mon ticket… macache ! Ne voyant aucun préposé, je me glisse entre l’arbre et l’écorce, comme on dit, et me fait repérer par le cerbère de l’entrée, qui me sermonne au lieu de me proposer de l’aide. Je me ridiculise au passage parce que sur les trois septuagénaires qui me suivaient, deux avaient réussi à comprendre le mode d’emploi. Mais je me demande à qui profite le crime, qui tire son pot de vin de cette coûteuse machine (il y a d’ailleurs deux tourniquets), dont l’utilité est nulle est le désagrément patent ? On en voit pulluler dans les expos, dans les piscines, un peu partout, en général doublées de l’employé chargé, au lieu de vous prendre le ticket dans la main, de le déchirer, et — non sans, dans ce délicieux intervalle, vous avoir laissé rêver d’une façon caressante qu’il pourrait avoir — de vous le rendre. Ce n’est plus l’employé qui vous touche la main, c’est le directeur du service à qui l’on a graissé la patte pour l’inutile veau d’or qui déshumanise notre société.

Comment on tue le service public

Ayant acheté des billets de train par Internet, je m’inquiète de ne pas les avoir reçus au bout de 7 jours. Il va bientôt être trop tard pour protester, et puis comme justement les ingénieurs technocrates qui ont mis ça en place créent les conditions pour qu’on ait « envie » de réserver par Internet, une réclamation à faire suppose une heure de queue plus une heure de déplacement pour trouver le bon guichet où l’usager puisse encore — rendez-vous compte de l’anachronisme : au XXIe siècle ! — se retrouver face à face avec un androïde du type non-bionique. Je m’installe donc devant l’ordinateur, résigné à perdre une demi-heure. Je tente dans un premier temps de répondre simplement au courriel de confirmation de réservation, car je remarque qu’il n’indique pas « noreply » — ça coûte combien au contribuable, la voiture de fonction du ministre de la Francophonie ? Premier courriel de réponse automatique, dans la demi-seconde : « Madame, Monsieur / Nous accusons réception de votre message. Nous y répondrons dans un délai de 48 heures maximum. / Si votre demande nécessite des recherches complémentaires, ce délai peut être rallongé. Vous en serez tenu informé. / Nous vous remercions de votre confiance. / Sincères salutations (c’est moi qui souligne).
signé : Service d’Aide en Ligne / Du lundi au vendredi / de 9h00 à 18h00 / (Sauf jours fériés). »
Trois minutes plus tard, voici un deuxième courriel automatique : « Madame, Monsieur, / Vous nous avez envoyé un message en utilisant la touche "reply" ou "répondre" de votre logiciel de messagerie à partir de votre mail de confirmation. / Les mails de confirmation sont gérés par un automate et ces messages ne sont donc pas traités. / Pour obtenir une réponse à vos mails dans les meilleurs délais, nous vous conseillons d’aller à l’adresse suivante : http://www.voyages-sncf.com/go/expedia/contact.htm / Ceci est un message automatique, merci de ne pas répondre. / Cordialement (c’est moi qui souligne).
_ Signé : L’Équipe Voyages-SNCF.com
Je vais donc sur le site en question, et envoie ma réclamation après être tombé sur une usine à gaz ma foi, soyons honnête, relativement correcte (« ils » sont capables de faire bien pire, et de nous obliger à passer par dix pages, et 20 cases à cocher, etc., avant d’envoyer le message. Ceux qui ont fait ça ne sont que des tortionnaires du Net débutants). La réponse automatique parle également de 48 h, mais signale que le « service » (sic, pardonnez l’humour involontaire de l’expression) est ouvert également le samedi. J’ignore combien d’heures il me faudra encore consacrer à récupérer mes billets et si ce sera possible… Réponse deux jours plus tard : il est bien évident que je n’ai pas reçu la réponse de « Natacha » avant les 48h réglementaires (Monsieur Lionel (sic))… Je vais donc faire la queue très exactement de 16h à 16h28 à la gare du Nord. L’employé a la chance d’être top mignon, ce qui essuie d’un coût mes velléités ronchonnantes, et il règle le problème en 5 minutes : il me faut payer à nouveau les billets, et — miracle — il remplit lui-même un dossier de remboursement… en espérant que ça marche. Quel manque à gagner, Messieurs-dames les technocrates qui dirigez la France : le temps perdu par ce beau gosse à régler mes petites affaires privées, moi qui ne suis qu’un gros connard d’usager… c’est pas rentable. Remplacez tout ça par des automates à voix synthétique, et foutez-moi tous ces fonctionnaires au chômage ! Vive la République ! Vive la Frinance !
Le Français moyen a-t-il seulement remarqué avec quelle efficacité toutes les files d’attentes des services publics ont été optimisées dans les dix dernières années, que ce soit au téléphone ou in situ. Quel que soit l’endroit, poste, gare, Vélib, vous devez patienter entre 15 et 45 minutes. Du côté de l’employé, ça veut dire que le passage aux trente-cinq heures s’est accompagné d’une multiplication de la rentabilité par deux et du stress par dix. Huit heures au guichet, désormais, c’est huit heures, pas une minute de moins, à répondre en gardant le sourire, à des gens de plus en plus furieux parce que, avant de jouir du privilège de parler à un employé humain, on les a humiliés sous les fourches caudines d’usines à gaz : « tapez dièse » ; « tapez six » ; « tapez votre numéro d’abonné » ; « toutes nos lignes sont occupées, veuillez rappeler ultérieurement » (ceci après, et non avant, les cinq opérations précédentes). De cela, aucun politicien de gauche comme de droite n’en est même conscient. Aucun politicien ne le vit au quotidien, car ils ne vont jamais en personne à la poste ou à la gare, et quand ils ont le moindre problème, un secrétaire le règle pour eux ; et d’ailleurs ce secrétaire le règle avec un service commercial, et non un service clientèle, or il est bien certain que, dans le même temps que les services aux particuliers ont été rognés, ceux aux sociétés ont été améliorés. Et ne pensons même pas aux files devant les services pour les immigrés. Les rares occasions que nous, citoyens privilégiés, ayons de baigner dans cette ambiance, c’est quand nous tentons par nous-même d’établir un visa pour la Chine ou l’Inde, avant de rebrousser chemin et de recourir aux services d’un courtier en visas…
Que conclure ? Qui cela donne-t-il le plus envie d’assassiner, de l’employé de base, du PDG, ou de l’[CENSURÉ] de haut fonctionnaire ou de politicien qui laisse faire ou qui accélère cette déshumanisation inexorable des « services » (pardonnez l’expression) publics ? Gros soupir… Voir mon article La Gare du Nord et la goutte d’eau. Si vous entendez un politicien d’envergure nationale traiter de cette question, faites-moi signe… Les journalistes aussi s’en branlent, ils ne traitent que les gros dossiers (tentative de suppression de la carte famille nombreuse), ou les marronniers (réactions d’usagers en cas de grève).
 Pour l’anecdote et par honnêteté, je dois reconnaître à ma grand honte que j’ai retrouvé quelques jours après l’enveloppe contenant les billets. Je l’avais posée sur un coin de table, pensant sans doute avoir affaire à une pub, et mon attention avait dû être détournée. La SNCF utilise en effet des petites enveloppes atypiques, du format exact de leurs billets, et sans la moindre mention d’identification visible, sans doute pour ne pas tenter les voleurs. La saga ne s’arrête pas là, car un mois et demi plus tard, ne constatant aucun remboursement, je fais à nouveau la queue au même guichet à deux reprises. L’une pour me conseiller d’appeler plutôt le lendemain tel service, la suivante parce que le lendemain tel service m’apprend que l’employée s’est trompée, et que le service des contentieux billets n’est disponible… qu’aux guichets ! Comme par hasard, l’opération venait d’être faite la veille…

Les circulaires écologiques

 Mon appareil à musique étant en panne, je cherche à le remplacer. Il me faudrait simplement un ampli tuner pas encombrant. Hélas, cela n’existe plus depuis belle lurette. Il y en a de trop encombrants et luxueux, ou alors, il faut racheter toute une mini-chaîne. Pourquoi pas, puisqu’elle est compacte ? Mais pourquoi m’obliger à racheter aussi une paire d’enceintes, alors que les miennes fonctionnent parfaitement ? Pour faire marcher le commerce et continuer à polluer la planète, pardi… Voilà une circulaire contraignante que les fameux « technocrates de Bruxelles », qui pourtant en pondent tous les jours pour nous enquiquiner, ont oubliée : empêcher la vente forcée d’enceintes. Et on nous fait croire à un souci de l’environnement… Foutaise ! L’environnement, on ne s’en soucie en haut lieu que lorsqu’il fait marcher le commerce, point barre !

Appel piéton à retardement

 Du mauvais côté de l’autoroute urbaine que constitue la rue Marx-Dormoy, dans le XVIIIe arrondissement de Paris, à minuit, j’appuie sur le bouton du feu rouge pour traverser. En effet, la nuit, ce feu qui n’est pas prévu pour un croisement mais uniquement pour les piétons — il s’agit d’un carrefour en T, avec une rue à sens unique divergente — ne fonctionne que si l’on appuie sur ce bouton. Ce qui veut dire que, au moment précis où j’appuie, cinq bonnes grosses minutes de circulation intensive peuvent s’être déroulées, ininterrompues. Eh bien, croyez-le si vous voulez, mais à partir du moment t où j’appuie, il s’écoule une minute entière jusqu’au moment t’ où le feu passe à l’orange, minute pendant laquelle je grelotte sur le trottoir désert, au risque de me faire tremper par l’orage ou agresser et violer sauvagement par une de ces hordes de sauvageons en bandes qui terrorisent le secteur, pendant que le train ininterrompu des voitures continue à défiler devant moi (une tous les dix mètres, ce n’est pas tant, mais il est risqué de jouer les toréadors !). Pourquoi cette minute supplémentaire ? Pour qu’un automobiliste arrêté en pleine course ne puisse pas identifier le responsable du geste criminel qui le stoppa, et l’écraser séance tenante ? Pour favoriser la convivialité entre piétons attardés, si rares en ce lieu et à cette heure ? Non, aucune raison autre que le fait que ce modèle de bouton d’appel n’est pas adapté au cas précis d’une fausse intersection. On a un seul modèle, valable aussi bien dans les carrefours, pour lesquels ce retardement se justifie, que sur les simples passages protégés.

Le lavabo épileptique

Nouvel aéroport de Hong Kong, gagné sur la mer. Escale de quelques heures. Et si on en profitait pour un brin de toilette ? Confiant, je sors le dentifrice et me tartine généreusement les gencives d’une pâte plâtreuse, que je m’apprête à ôter par une ablution éclair. Lavabo high-tech, robinet profilé. Aucune poignée à l’horizon. Comment c’est-ti que ça marche ? Encore un de ces gadgets asiatiques pour faire honte aux Occidentaux de n’être pas « zen ». Surtout, ne pas perdre la face ; sourire façon Auguste. Afficher un air dégagé, sûr de soi. Fléchir (ô, insensiblement : ne pas perdre la face !) le genou pour trouver le levier de commande façon directives européennes pour la restauration (ne pas se passer les méchants microbes de main en main sur de prosaïques poignées). Nul levier. Avancer la pointe du pied en esquissant une salsa pour trouver la pédale ou le bouton salvateur sur le sol. Nada, ou plutôt « meyo ». Que nous a pondu cet ingénieur ? Ah, où avais-je la tête ? Mais c’est bien sûr, la bonne vieille cellule photoélectrique. J’agite négligemment sous le robinet une main dont l’opportune épilepsie trahit quelque peu l’hypocrisie de mon sourire. Latéralement, rien ne se passe. Verticalement, façon bénédiction urbi et robinet : encéphalogramme plat. En biais et en cadence, façon rappeur bling bling : rien non plus. Le sourire s’affaisse de plus en plus Bernard Buffet, et de guerre lasse, la main s’immobilise, désespérée, au milieu du lavabo, façon bénitier à sec en soif d’illumination divine, l’esprit résigné à essuyer les plâtres de cette humiliation post-coloniale. Eurêka, le jet se décide enfin à partir alors que j’avais fait une croix dessus, mais c’est pour un jet éclair, car il me faut répéter l’opération dix fois pour obtenir dix éjaculations écossaises et aqueuses suffisantes pour ôter le dentifrice. Ça tombe bien, les aéroports sont des lieux où l’on n’est jamais pressé. Notre ingénieux ingénieur a donc conçu un robinet anti-épileptique, qui ne se déclenche que si l’on immobilise sa main en-dessous pendant deux secondes. J’essaie ma trouvaille sur les quatre lavabos de ces toilettes, et constate que ça ne fonctionne que sur un seul. Les autres sont-ils en panne, ou conçus sur d’autres paramètres ? À Rome, au Palais Barberini, je suis tombé sur un détecteur de mouvements que j’avais pris pour un diffuseur d’arômes, avec trois petits trous, d’autant qu’il était placé en haut du robinet. Ma passion lavabologique ayant ses limites, je laisse à des spécialistes le soin de compléter cette étude. Le hasard des lignes aériennes fait que j’ai depuis l’occasion à deux reprises de passer par cet aéroport, qui plus est par ce satellite-là, et j’ai pu vérifier que les mêmes robinets fonctionnaient si l’on peut dire toujours, plusieurs années plus tard ! Putain (révérence parler), c’était trop simple, des robinets à l’ancienne, voire un mitigeur, ces machins mécaniques inusables fonctionnant cinquante ans de suite sans entretien ni autre énergie que l’huile de coude. Il fallait absolument nous pourrir la vie et polluer la planète !
Piscine Mathis à Paris, mais aussi vu souvent dans des hôtels bas de gamme ou autres piscines et collectivités : le robinet unique (froid) à bouton poussoir. Vous poussez, en vous arc-boutant, le mécanisme rigide (quitte à économiser l’énergie, autant empêcher les enfants et les vieillards ou autres cacochymes de l’utiliser). L’eau coule pendant exactement 3 secondes. Vous vous doutez que dans une piscine parisienne, le jour où vous avez la courante, il y a du papier, ou pas ? gagné ! Alors c’est dans ces conditions qu’il vous faut vous dépêtrer de ce machin… Ou encore, votre gamin, à la sortie, alors que vous vous êtes déjà rhabillé, a ce genre d’accident, et n’arrive pas à actionner le maléfique robinet. Il crie « maman », et vous empoigne par le superbe manteau que vous aviez déjà mis pour gagner du temps entre la piscine et l’anniversaire de Charles-Henri, le copain de maternelle de votre chéri… Et M… ! Il y a des ingénieurs qu’on aimerait cuire à petit feu dans de l’huile bouillante, hein !
Dans le lycée où j’exerce, le séchoir a mains a été posé sans réfléchir juste à ras de la porte d’entrée, qui s’ouvre face à vous, alors que la planche qui supporte le lavabo s’arrête également à ras de la porte. Chaque fois que vous vous séchez les mains, vous risquez donc d’être éborgné par le collègue qui déboule lui aussi en vitesse pour réussir à caser dans le quart d’heure de récré la pause cigarette, le café, le pipi, les photocopies urgentes, la réparation de la photocopieuse qui ne marche jamais quand on en a besoin, la communication syndicale sur la prochaine grève, etc. Pourtant, il y aurait eu dix emplacements plus pratiques pour poser ce fichu séchoir ! Mais au moins n’est-ce pas un ingénieur qui a commis cette bourde ! Ce paragraphe est donc hors-sujet, et je le retire complètement.
Pour en rajouter sur le sujet, vous avez sans doute mille fois expérimenté, dans les pays pauvres notamment, par quarante degrés à l’ombre, après avoir dégusté une sublime mangue, vous vous précipitez aux toilettes, chic, il y a même du savon, vous vous en badigeonnez les mains sur le coulis de mangue, mais patatras ! Pas d’eau ! Glups ! Variante : vous arrivez à l’opéra pour la soirée de lancement d’un nouveau produit, veste blanche immaculée. Vous voulez vous laver les mains avant le buffet, et vous tombez sur un bidule qui distribue du savon liquide. Une légère pression du bout du doigt sur le bout du bec, mais patatras ! un jet de savon verdâtre vous saute au visage et laisse une traînée sur la jolie veste ! Retour dans les pays pauvres. On vous invite par un écriteau dans les W.-C. à mettre votre papier à la poubelle pour ne pas bloquer les canalisations. Mais au lieu d’une corbeille ouverte, on a choisi une poubelle à pédale. Il faut vous lever et vous contorsionner, ou vous résoudre, comme les cent personnes qui vous ont précédé, à soulever le couvercle avec votre main souillée… et vive l’hépatite A ! Parfois c’est plus simple, il n’y a pas de poubelle ! Avez-vous remarqué dans les toilettes publiques que les employés font scrupuleusement attention à distinguer les toilettes hommes des toilettes femmes par la seule distinction de la présence ou de l’absence d’une poubelle ? La poubelle comme marque de la féminité, il fallait y penser ; la femme étant censée être poubelle que l’homme. Bien entendu, jamais n’est venu à l’esprit à ces employés ou à celui de leurs chefs que premièrement il se pourrait que, une fois de temps en temps, un mâle pourvu de couilles ait à jeter un truc dans les toilettes, et qu’il serait mieux pour le réseau qu’il ne le jette pas dans la cuvette ; et que deuxièmement, vu la configuration des lieux, il arrive extrêmement souvent que des femelles avec utérus et menstruations soient amenées à utiliser les toilettes des hommes, soit parce qu’il y a la queue à celles des femmes, soit qu’elles soient inutilisables ou en travaux, et qu’une poubelle n’y soit pas inutile pour éviter qu’elles ne foutent leur tampon dans les conduites et que cela coûte une réparation à la collectivité. Et puis à notre époque de revendication à tout bout de champ de l’égalité, qui donc osera dénoncer la discrimination dont sont victimes les gauchers dans ce monde de droitiers ? Le rouleau de PQ est toujours à droite, ainsi que la douchette ! Pour botter en touche, les architectes devraient prévoir des toilettes à porte latérale, en étudiant la profondeur pour que tout cela soit situé devant, au milieu ! À l’aéroport de Cebu aux Philippines, le nom et la photo de l’employé de chaque toilette était affiché dans lesdites toilettes ! Ça c’est de la qualité !
 Si vous voulez savoir tout ce qu’on peut faire dans les toilettes publiques de moins banal que de s’exonérer du trop plein de nourriture, eh bien ! lisez cet article. Pour finir, une photo prise en Ouzbékistan, à Samarcande. Observez bien. Au premier plan, la serrure et la porte vous indiquent bien que ces deux (oui, deux !) urinoirs sont installés avec la lunette à l’intérieur d’une seule toilette ! On peut donc poursuivre la conversation en même temps que la grosse commission… En janvier 2014, soit plus de six mois après ma photo, un vrai blogger professionnel obtient une audience mondiale en prenant le même type de photo à Sotchi, mais avec deux cuvettes.

Toilettes publiques à Samarcande
Près du Gour Emir.


En 2013 sur les îles de Jersey et Guernesey (photo ci-dessous), j’apprécie la mise au disposition du public de nombreuses toilettes publiques gratuites, ouvertes jour et nuit, dans les villes et sur les plages ; on vous indique même, en cas de problème, où sont situées les toilettes les plus proches. Seul bémol, un ingénieur particulièrement crétin a mis au point un système exclusif présent, à l’exclusion de tout autre, dans TOUTES les toilettes des îles : un grand trou dans lequel vous placez votre main. Une cellule photo-électrique déclenche un jet de savon (impossible de l’éviter), puis trois secondes d’eau bouillante, puis un séchoir. Et on a supprimé le bon vieux robinet qui devait se trouver à côté. Seule explication possible à mon humble avis : le décideur qui a mis en place cela a des intérêts dans la distribution de boissons : le seul avantage du procédé est d’empêcher absolument qu’on puisse boire de l’eau…

Lavabo automatique Guernesey

Pour en rester dans le registre des toilettes, de même que le robinet mécanique tout bête qui marche, à l’instar du bon vieux tire-bouchon qui marche (pardon, qui fonctionne !) existent depuis des lustres, et sont remplacés par des innovations à la mords-moi-le-nœud, les ingénieux ingénieurs nous persécutent aussi avec les poignées de porte diaboliques. La bonne vieille poignée ronde ou droite qu’on tourne bêtement, associée au bon vieux loquet qu’on abaisse dans une bête clenche, c’était trop simple pour eux : il nous ont inventé la poignée ronde avec un petit bouton plus ou moins vicieux au milieu du gros bouton, qui s’appuie ou se tourne, allez savoir, et dont il est impossible de savoir si elle est vraiment fermée, sans risquer de la désenclencher. Que celui qui ne s’est jamais retrouvé exposé à la vue d’une salle de restaurant entière le pantalon en accordéon sur les grolles parce qu’en plus, ladite poignée diabolique était hors de portée de sa main, me jette la première pierre plutôt que de lancer la première bombe atomique sur l’ingénieux ingénieur de mes deux qui a osé ça !

La bonde étanche

Le monde merveilleux du lavabo est un domaine de prédilection des ingénieurs recalés à tous les concours. Après les différents systèmes de remplacement du bon vieux robinet par des gadgets inutiles, inefficaces et couteux, je vous présente la bonde qui fuit. Cela fait un siècle qu’on sait fabriquer des bondes d’évier étanches, pardon pour le pléonasme. Eh bien, quasiment chaque fois que, lors d’un voyage, je veux laver quelques vêtements dans le lavabo de l’hôtel, je tombe sur une bonde qui fuit ou de taille inappropriée. Je fais tremper mes vêtements, je reviens trois minutes plus tard, et l’évier s’est déjà vidé. J’ai depuis belle lurette inclus dans ma valise de voyage une bonde souple en plastique qui s’adapte à tous les éviers, mais nos ingénieurs ont parfois prévu des systèmes exclusifs inamovibles, qui non seulement fuient, mais empêchent d’utiliser un système alternatif efficace. Dans plus d’un hôtel sur deux, en outre, on a droit aux deux minuscules robinets éloignés l’un de l’autre, qui dépassent à peine dans la vasque. On se blesse les articulations chaque fois qu’on se lave les mains, et comme parmi le personnel des hôtels il existe rarement une personne à qui on a appris qu’un chauffe-eau a un thermostat qui se règle, on se brûle les doigts. Et je vous passe les systèmes d’eau chaude défaillants, qui vous obligent à rester 20 minutes à faire couler l’eau, glacée, brûlante, glacée, brûlante, ad lib. (plus souvent glacée, glacée, glacée…), avant de renoncer à vous doucher. Comme le W.C. est situé dans le même réduit que la douche, vous avez en même temps bloqué tout l’étage, qui vous regarde sortir de l’habitacle avec des mitrailleuses dans les yeux, et bien sûr, la personne suivante aura la chance que le système se mette enfin miraculeusement à fonctionner… Vous y retournez, et ça re-marche pas !

Sparadrap convivial

 Je me suis coupé un doigt avec un sécateur, juste au bout. Dur de taper sur le clavier. Dur aussi de manipuler le petit pansement qui va protéger ce gras du doigt. D’autant plus dur que l’ingénieur n’a pas pensé un instant qu’on puisse avoir besoin dudit pansement pour un doigt… Donc qu’on n’ait qu’une main pour l’ouvrir ! Il faut déchirer l’étui comme on peut, avec les dents, sacrer, hurler parce qu’on saigne à nouveau, en gâcher un, en prendre un autre, devenir un expert de la préhension dentaire, et rêver à des ingénieurs un peu plus ingénieux… Quoique, à la réflexion, difficile à imaginer autrement, le pansement. N’a-t-il pas prévu, l’ingénieur, que j’ose interpeller le premier bel infirmier d’occasion qui se présenterait pour soigner mon bobo ? À tenter !

Tapis volant

 Le susdit doigt coupé ne m’empêche pas de faire mon marché. À la caisse d’un magasin, une pièce m’échappe de cette main moins habile. Elle tombe sur le petit tapis roulant constitué d’une succession de rouleaux de trois centimètres de diamètre. Suffisamment séparés les uns des autres pour que la pièce s’infiltre, au désespoir de ma ladrerie. La caissière a beau être désolée, elle n’a pas accès à l’enfer du tapis. Pièce irrémédiablement perdue ! À moins que, plus ingénieux qu’il n’y paraît, l’ingénieur n’ait voulu concourir à l’extinction du paupérisme de cette corporation exploitée !

James Abonde

 À la bibliothèque municipale, je veux consulter mon compte pour savoir si j’ai oublié de rendre un livre. Après avoir tapé les 20 chiffres de mon compte lecteur, on me demande un mot de passe. Panique à bord. Je laisse l’ordinateur en plan, fais la queue et demande késako le mot de passe. « À Dieu ne plaise, les 4 première lettres de votre nom ! » Vérification faite, c’était marqué sur l’écran, en haut. Un ingénieur plus ingénieux aurait agi plus simplement : il aurait remplacé la notion de « mot de passe » par « tapez les 4 premières lettres de votre nom » ! Simplement ? Un ingénieur ? Tu rêves !

Les consignes de sécurité Vélib

Aillet, je me suis abonné à Vélib, malgré mes ronchonnages sur le choix politique — de gauche ! — de la société Decaux, et surtout sur l’illusion de la gratuité, qui en réalité ne fait qu’aggraver la course à l’invasion de notre paysage urbain par la publicité, et la course à l’inflation des prix à la consommation pour payer ladite pub. Je reçois le dépliant rappelant les consignes de sécurité, avec 19 items illustrés d’autant de photos. L’une des photos montre une brave dame avec un joli casque, et la légende : « Port du casque recommandé ». Sur les 18 autres photos représentant toutes une personne adulte conduisant un Vélib, combien croyez-vous qu’il y en a qui portent un « casque recommandé » ? Réponse : aucun, zéro, nada. Nous sommes en France : les règles, les lois, les conseils, c’est bon pour les blaireaux assez nunuches pour s’y soumettre, un peu comme ceux qui croient au Père Noël… Imaginez quelqu’un qui serait assez con pour monter par la porte avant des bus plutôt que de bousculer tout le monde à l’arrière ? ou pour respecter l’interdiction de fumer dans les baqueroumes ? Tant qu’il n’y a pas un flic derrière nous, hein… [1]

Vélorution

 Écolo du dimanche, j’utilise les pistes cyclables parisiennes. Sur le boulevard de Clichy, 8 m pour les piétons, deux pistes d’1 m pour les vélos. Dames à téléphone, messieurs à chiens ou à nourrissons, touristes en rangs, en plein sur l’étroite piste. Circulation difficile, courtoisie à rude épreuve. Un ingénieux ingénieur aurait-il pensé à une pancarte demandant aux piétons d’éviter ces pistes ? Que nenni ! Mention glop, quand même, pour le concepteur de la piste du boulevard de Magenta (côté pair). Elle permet ingénieusement (si rare !) de brûler la plupart des feux rouges sans enfreindre la Loi ! Mention pas glop pour les intégristes de la vertitude qui, depuis quelques années, s’emploient à transformer Paris en un labyrinthe pour les automobiles. Exemple pratique : pour aller à Saint-Lazare à partir de La Chapelle, j’enfilais la rue de Maubeuge, la rue Ambroise Paré, boulevard de Magenta, et hop, re-rue de Maubeuge, et le tour était fait. Mais lesdits intégristes écolos ont décidé d’interdire à tout prix les « itinéraires malins », et cette interdiction s’applique aussi aux vélos. Ils ont rendu impossible le passage de la rue Ambroise Paré au boulevard Magenta, sauf à jouer les vététistes urbains. Il faut donc abonder les bouchons de Barbès, puis prendre la rue du Faubourg Poissonnière, puis — Saint-Graal — rue de Maubeuge. Trop facile : ils ont également mis à contresens une courte portion de la rue du Faubourg Poissonnière, de sorte que l’itinéraire susmentionné est devenu impossible. Ils nous font tourner en bourrique. Je me suis retrouvé au métro Poissonnière, et un grand détour a été nécessaire pour relier Saint-Lazare, encore heureux que je connaisse à peu près Paris. Le top du top dans le genre — et je vous engage à vous rendre sur place pour voir ça de vos yeux car c’est à peine croyable — est l’aménagement d’une piste cyclable non protégée et à contresens dans la rue de Provence, entre la rue La Fayette et la rue Caumartin. La rue de Provence n’étant large que de trois mètres, je vous laisse imaginer ce que cela donne à chaque fois que l’on croise une voiture, et elles sont fort nombreuses, et les conducteurs sont persuadés que nous roulons à contresens tellement une telle aberration passe l’entendement. En ce qui me concerne, j’ai failli m’emplafonner un livreur et un enfant jouant au ballon, le problème des vélos étant leur silence. Le sombre crétin qui a pris la décision de cet aménagement mérite que la famille du premier mort dont il sera responsable — c’est inéluctable — entame un procès et ne lâche pas jusqu’à ce qu’il croupisse en prison. Voici la chose, sans voiture :

Vélos autrisés en contresens dans une rue étroite, Paris.
© Lionel Labosse

Espérons qu’avec le succès de Vélib, les édiles verts, qui, j’en suis persuadé, n’utilisent réellement le vélo que lorsqu’il y a des caméras, et pour aller du Marais à l’Hôtel de Ville, se rendront compte que ce genre de plaisanterie a assez duré ! À propos, si je suis globalement très favorable à la politique de contrôle de la pollution automobile, ayant visité des métropoles en danger pour n’avoir pas endigué le phénomène, comme Le Caire, Hanoï ou Katmandou, certains excès de zèle desdits édiles parisiens me laissent perplexe. Un exemple, boulevard de Sébastopol, devant le square Émile Chautemps, le trottoir large et dégagé permettait l’installation idéale d’une base Vélib, aussi bien que la large esplanade déserte sur le côté sud de ce square. Que nenni, la base se trouve à quelques mètres, rue Salomon de Caus. Elle a entraîné la suppression de plusieurs places de stationnement. Pourquoi cet acharnement ? Les édiles en question ont-ils des actions chez Vinci ? Pour finir sur une note positive et altersexuelle, félicitons-nous de cette mesure favorable au renforcement de la fermeté des fessiers parisiens [2]. Vincent Baguian le notait dans une chanson hétérosexuelle : « Les vélos d’Amsterdam font des beaux culs aux dames ». Eh bien, soit, que les vélos de Paris fassent des beaux culs aux dames et aux messieurs itou !

Fisc-flamme

 Ah ! les impôts ! Quel plaisir que cette annuelle déclaration. Je l’ai dit, je suis près de mes sous, et puis en plus, je suis maintenant un bon citoyen consommateur, avec l’ADSL et tout qu’est-ce qui faut. Je veux donc économiser 20 € et un timbre en « télédéclarant ». Commence alors un parcours du combattant. Le machin qui reçoit ma volonté de déclarer ma fisc-flamme fait la fine bouche quand il me tâte le navigateur dans l’obscurité de mon tréfonds. Qu’à cela ne tienne, je parviens, au bout de deux ou trois jours de tâtonnements, à télécharger gratos un navigateur que de toute façon je jalousais à mes amis plus web-ingambes. Et là, je jouis enfin du droit de m’abonner à la télédéclaration. Las ! ça bloque derechef au dernier moment, parce que j’ai pas dansé la bonne java dans mon système de bombe atomique interne. J’ai un système qui m’a coûté bonbon y a moins d’un an, mais qu’était déjà d’occase d’au moins six mois, et Madame Fisc a décidé qu’on ne pouvait déclarer sa fisc-flamme qu’avec le dernier top mode système, c’est-à-dire en gros que Madame Fisc a décidé d’enrichir Bill. Qu’à cela ne tienne, je prends mon clavier le plus beau, et j’écris à Mme Fisc cette missive :

« Malgré plusieurs heures de manipulations, je ne parviens pas à faire ma déclaration sur mon ordinateur. Il semble qu’il manque toujours la toute dernière version du meilleur logiciel. Bref, cela est assez énervant. J’avais entendu dire qu’il y avait un téléphone spécial pour les gens comme moi qui n’ont qu’un seul nombre à mettre dans leur déclaration, mais je ne le vois pas figurer sur le formulaire. Pourriez-vous enregistrer ma déclaration ? »

 Réponse de ladite Madame Fisc

« Je ne peux effectuer votre déclaration sur Internet à votre place. Il existe un service d’assistance pour la déclaration par Internet le 08 820 326 326 ( 0,12 € TTC minute ). Si le problème persiste, veuillez nous retourner votre déclaration papier, nous la saisirons à votre place. Salutations. » Signé : Serge D. Agent des impôts (Ah ! Madame Fisc est un Monsieur Fisc !). Petite note humoristique : le logiciel qui coince ou décoince s’appelle « Java ». L’étymologie de cette île principale de l’Indonésie — Java — est un mot sanscrit qui signifie « millet ». Où l’on voit que les gabelous modernes ont de l’humour quand il s’agit de prélever leur dîme sur notre blé !

La boîte de bâtonnets parallélépipédique

Ah ! la jolie boîte ! Un parallélépipède parfait, de plastique souple et dont la transparence laisse apparaître, religieusement rangées, les têtes rondes de 200 « bâtonnets coton » destinés à curer mes oreilles victimes de je ne sais quelle cochonnerie attrapée dans la mer. Et puis, pas chiche pour un sou, le fabricant l’a bourrée ras la gueule, la boîte, de ces jolis bâtonnets à « tiges légères et souples » et « embouts 100 % pur coton ». Première étape, j’ouvre la boîte après avoir sectionné la bande de papier adhésif. Je maintiens fermement le corps et délicatement je retire le couvercle, sans en renverser un seul bâtonnet. Deuxième étape, j’approche sans méfiance ma main pleine de gros doigts du milieu de la rangée supérieure, et là, patatras, c’est le mikado des bâtonnets ! Les « tiges légères et souples » sautent de la boîte comme des puces, et moi qui n’en voulais qu’une, voilà un quart de la boîte par terre, impropres à la consommation. Eh, messieurs les ingénieux ingénieurs : les bâtonnets, rangez-les en hauteur, et dans une boîte plus large que haute !

Le râleur des rollers

Aillet, c’est décidé, après un gadin mémorable l’an dernier qui avait failli me défoncer la mâchoire, j’enfile à nouveau mes rollers, et adieu Paris, à moi la banlieue et ses jolies pistes ombragées le long des canaux, loin de la pollution automobile. Déjà, pour la rejoindre, la piste, pas évident. Je la connaissais à vélo, mais les pavés, crevasses, cailloux, gravillons, que des roues de 700 regardent de haut, pour les petites roues des rollers, sont des mines anti-personnelles. Et nos ingénieurs des ponts pisseux et des chaussées défoncées, allez savoir pourquoi, s’amusent à nous mettre des pavés sous les roues. C’est si joli pour l’œil, ces pavés inégaux, et tellement plus poétique que le hideux bitume, hein, ma bonne dame ! Alors ils nous en foutent partout, au grand plaisir des élus locaux, auxquels ça rappelle le bon temps des barricades, peut-être, ou du Paris-Roubaix qu’ils regardaient à la télé. Mais pour les rollers, le pavé, voilà l’ennemi. Et encore, sans être un pro, j’arrive à passer, en prenant mes précautions, une section pavée, mais cela demande une attention extrême et une tension du corps, il faut guetter la moindre irrégularité du sol, et fléchir les jambes de façon à amortir ces inégalités. S’il y en a une tous les 300 mètres, la ballade à roller perd tout son charme. Comment un novice peut-il s’en sortir ? Impossible.

Et voilà pourquoi ces magnifiques berges aménagées des bords du canal Saint-Denis, inaugurées en 2006, sont désertes de rollers. L’élu local a déjà du mal à satisfaire les cyclistes ; comment voulez-vous qu’il s’inquiète aussi des rollers, qui ne constituent pas une part significative de son électorat ? Et au lieu de recevoir dans son bureau les divers usagers des futures voies, l’élu préfère sans doute recevoir les représentants des sociétés de voirie qui vont lui présenter de jolies photos de revêtements variés qui feront bien mieux en photo couleur sur la gazette municipale, que l’uniforme bitume gris. Alors on vous trouve des trucs pas mal, des sections de trois mètres de large avec deux mètres cinquante de pavé puis cinquante centimètres de revêtement lisse. Et quand vous croisez un piéton, où croyez-vous qu’il marche ? Croyez-vous qu’il ait l’idée de s’écarter ? Qu’est-ce qui est passé dans l’esprit de l’ingénieur qui a pondu cette idée ? Aux passages sous les ponts, vous trouvez aussi des sections en pente entièrement pavées, avec une étroite bande lisse au ras de l’eau. Je pratique aussi la natation, certes, mais pas en même temps que le roller ! Bref, en une demie-heure sur ces berges, je n’ai pas croisé un seul patineur. Et après on vous dira que les jeunes font chier à zoner en bas des immeubles… ben oui, pas étonnant si les loisirs qu’ils affectionnent sont rendus impraticables !

Lionel Labosse


Voir en ligne : echolalie.org


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[1Voir un article de fond : « Vélib & « Vitre cassée » ».

[2Il y aurait beaucoup à dire cependant sur la concession de ce service qui aurait dû être public, à la société Decaux. Ce sera l’objet d’un prochain billet d’humeur.