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Pour une fusion Muslim / Gay pride
« Muslim Pride », Islam Pride ou Marianne Pride ? contre la rhinocérite !
Des idées à rebrousse-poil qui font reprendre du poil de la bête
jeudi 25 août 2011
Le 15 avril 2011, le sociologue Raphaël Liogier a lancé l’idée d’une « Muslim pride » à l’occasion d’une rencontre à l’Institut des Cultures d’Islam. Deux jours auparavant, il avait accordé une entrevue-fleuve au site « oumma.com ». Je voudrais marquer ici ma sympathie pour ce projet, en rebondissant, comme il le suggère lui-même, sur la proposition du sociologue. C’est l’occasion de dire mon ras-le-bol de l’islamophobie bon-teint et du racisme ambiant, autrement dit de la lépénisarkozemmourisation des esprits et des langues, qui s’accommodent de la contagion d’une « laïcite aiguë », maladie à la mode. J’espère aussi convaincre mes amis de gauche qui se sont laissé abuser par l’incessante manipulation de certains politiciens et de certains médias, et en sont venus à franchir la frontière entre une laïcité tolérante et un esprit laïcard anticonstitutionnel et islamophobe. De même que, lorsque Mitterrand eut légalisé l’homosexualité, l’hystérie anti-pédophile remplaça l’homophobie qui était sport national à l’époque, la haine des femmes musulmanes voilées, le sport national consistant à les traiter de tous les noms, remplace désormais, pour les gens qui ne peuvent vivre sans haïr, à la fois la haine des juifs, et celle des femmes, deux haines qui ne passent plus dans les dîners en ville. Comme il n’est plus permis de dire « les femmes sont des salopes », on – y compris des femmes, bien sûr – se défoule en ajoutant « les femmes musulmanes voilées sont des salopes ». Et au lieu de « les juifs sont le cancer de la France », on – y compris des juifs, bien sûr – se défoule en crachant : « les musulmans sont le cancer de la France ». De même qu’il est des socialistes qui ne sont de gauche que par haine des riches, il est des laïcs qui ne sont laïcs que par haine des croyants. Appelons-les laïcards. Je profiterai de cet article pour présenter l’essai Islam Pride, Derrière le voile de l’écrivaine tunisienne Hélé Béji, paru en 2011 chez Gallimard.
Au cours de ce débat du 15 avril 2011 avec ce brillant et caustique prof à Sciences Po Aix, j’ai pris conscience avec émotion de la raison pour laquelle j’éprouve depuis quelques années ce malaise existentiel, ce désenchantement qui me maintient en marge de mes contemporains – et plus encore. Les médias, y compris ceux de service public comme France Inter nous le serinent assez pour qu’on le sache : 70 à 75 % des « Français » [1] sont en gros d’accord avec l’axe Le Pen / Sarkozy / Zemmour et pensent que ça suffit comme ça les musulmans qui prient dans la rue et volent à la tire dans le métro (vous me pardonnerez de traduire en langage courant le raccourci que le savoir-vivre de notre merveilleux pays exprime en langage plus châtié). Et parmi ces 70 à 75 % de Français, c’est fatalement hélas 70 à 75 % (enfin, un peu moins) de mes collègues de travail (oui, dans l’Éducation nationale), hélas 70 à 75 % de ma famille, hélas 70 à 75 % de mes amis, enfin beaucoup moins. Il y en a qui liront ces lignes et seront très vexés, mais puisque « Muslim pride » il y a, eh bien ! voici mon coming out : je ne fais pas partie de ces Français infectés de cette nouvelle rhinocérite, et je ressens la même angoisse face à cette majorité bruyante que l’angoisse que, adolescent homosexuel, je ressentais devant les 70 à 75 % de ma famille, de mes amis et de la société qui étaient homophobes – et ne me savaient pas homosexuel – je le savais si peu moi-même. Ce en quoi l’idée de Liogier me semble particulièrement pertinente, car le parallèle est saisissant, jusqu’au parallèle entre l’amalgame pédophile / homosexuel d’un côté, et terroriste / musulman de l’autre. Mes amis gauchistes ont compris qu’il est scandaleux de pratiquer le premier amalgame, mais certains persistent à pratiquer le second, en oubliant de se mettre à la place de nos compatriotes d’origine musulmane (croyants ou non), pour comprendre à quel point ce parallèle est blessant, et raciste. Attention, je ne veux en aucun cas prétendre comme certains gauchistes, que tout immigré est forcément un ange, et que la France doit accueillir à bras ouvert et sans aucune règle les millions de ressortissants du tiers-monde qui ont envie de s’y installer. Ce sont là deux dossiers distincts.
Pride : la bonne molécule contre la rhinocérite ambiante
On a vu, effectivement, entre la première gay pride à laquelle j’ai assisté, en 1987 ou 1988 (et encore, je n’osais pas encore descendre du trottoir), qui réunissait dans les 5000 personnes à Paris, et les gay pride à partir de la fin des années 90, qui regroupaient plusieurs centaines de milliers de personnes, sans oublier les nombreuses marches en province, une évolution exceptionnelle de la tolérance sociale de l’homosexualité en France. Car l’homophobie, c’est un rejet basé sur la peur, comme son étymologie le suggère, mais aussi et surtout sur l’ignorance. Quand on voit en vrai défiler des milliers d’homosexuels, on ne peut plus ignorer qu’ils existent, et qu’ils sont nos concitoyens, que leur exubérance ou leur conformisme, leur Pacs et leur « homoparentalité », qu’on le veuille ou non, font désormais partie de notre « identité nationale ». Il est donc souhaitable qu’il se passe la même chose avec les musulmans victimes aujourd’hui d’un rejet massif – 70 ou 75 % – de l’opinion « française ». Un proche de province à qui je proposais récemment de céder mon appartement pendant les vacances pour découvrir Paris, a refusé en affirmant, je vous le donne en mille : « Non, parce que dans ton quartier, il y a trop de noirs et d’arabes ». Et ses préjugés, qui désormais s’expriment – effet de la rhinocérite ambiante – clairement, sont d’autant plus incompréhensibles que les seuls noirs et arabes que semble avoir rencontrés ce proche, c’est à la télé. Il ne comprend pas non plus que je consacre mes vacances à pérégriner dans des pays où il y a encore plus de noirs ou de musulmans qu’en France. Partager comme moi leur quotidien dans ce quartier cosmopolite l’obligerait à les trouver normaux, banals, et à ne plus vivre dans la douce moiteur de la fièvre rhinocéritique qui s’est emparée de notre peuple, et qui lui sert d’opium en ces temps de crise favorables à la désignation de boucs émissaires. À aucun moment ne lui est venue l’idée que si, moi qui vis dans un quartier aussi bigarré, moi qui suis prof dans un lycée public de Seine-Saint-Denis on ne peut plus « melting pot », je supporte assez mes honorables voisins africains ou mes élèves de toutes origines [2], pour éprouver un plaisir à côtoyer leurs semblables même pendant mes vacances, un plus grand plaisir qu’à le côtoyer lui en tout cas [3], c’est que ce seraient des gens agréables à côtoyer !
Les musulmans harcelés au nom des Lumières
Haïr les patrons et les puissants n’étant plus à la mode, il reste la haine du « pas comme moi », ce qu’Albert Memmi appelait hétérophobie. Le juif et l’homo n’étant plus de mode non plus, le bouc émissaire du pauvre – d’esprit – reste le noir, le tzigane, l’arabe, et le musulman. Et le plus terrifiant – mais n’est-ce pas une loi éternelle ? – c’est que l’islamophobie précisément, se propage au nom des valeurs des Lumières. Car l’islamophobe n’est pas islamophobe, il est d’ailleurs souvent de gauche, ma bonne dame, laïc, et même bouffeur de curetons, et il adooore cette pièce de Ionesco, comment vous l’appelez déjà ? qui dénonce tellement bien la montée du fascisme. De curetons, notez bien, mais pas de rabbins, faudrait pas confondre courage et témérité. Mais c’est au nom des Lumières et de l’émancipation des femmes, pardon, de La Femme, que l’on occupe les médias depuis une dizaine d’années avec les tissus que les musulmanes ont ou n’ont pas le droit dans notre pays de droits de l’homme, de se mettre sur le visage, mais aussi sur tout le corps. Et puis quand on aura fait le tour des femmes, ce sera celui des garçons, haro sur la babouche, la djellaba et le burnous. Pourtant dans mon quartier précisément, et dans mon boulot de prof, j’ai bien cru remarquer que les gens qui posaient le moins de problèmes, qui sont le plus calmes, travailleurs, respectueux des lois, ce sont, ma foi d’athée, les croyants pratiquants (pas seulement les musulmans) [4], ces petits bonshommes que je croise parfois à 5h du matin, moi rentrant de mes folles nuits, eux se pressant à la mosquée, avant de choper souvent un bus de nuit pour arriver au taf une heure ou deux avant les « souchiens », pour nettoyer leur merde, une « France qui se lève tôt » qui n’a pas les honneurs de ses concitoyens, lesquels pour la plupart n’ont plus ce courage, mais ont celui de vomir sur les immigrés sans à aucun moment se demander si la vie qu’« on » leur fait est vivable. La mafia des passeurs, l’exploitation par des patrons voyous, les files d’attente humiliantes et inhumaines devant les préfectures, les marchands de sommeil, les vols perpétuels, le harcèlement policier (et jamais le harcèlement de l’inspection du travail contre les exploiteurs, notez bien), tout ça, le « Français » qui crache sur les « immigrés » (ou ceux qu’il fantasme tels), n’en a jamais entendu parler.
Les laïcards – j’ai souvent rencontré cet argument ou plutôt cette idée reçue parmi mes amis – ne peuvent pas conceptualiser qu’une femme puisse choisir volontairement de porter un vêtement islamique. Ils n’en démordent pas, et sont capables de se mettre dans une colère noire dès que vous leur dites le contraire. Il ne s’agit plus d’argumentation mais de conviction tripale. Ils vous expliquent à la façon de Robespierre que les femmes doivent être les égales des hommes à coups de latte dans la gueule si elles ne sont pas d’accord avec la façon dont a décidé qu’elles devaient le faire une Assemblée Nationale très majoritairement masculine et comptant en ses rangs 0 % des 4 millions de Français d’origine musulmane. Ça, c’est de la démocratie, de l’Égalité, de la Liberté, de la Fraternité ! Ça m’a toujours paru très étrange, ce féminisme qui pense que les femmes sont trop idiotes pour pouvoir penser par elles-mêmes, dès lors que ces pensées diffèrent des nôtres. Pour ces amis laïcards, la tolérance, c’est tolérer des gens qui pensent comme nous. Voltaire doit se retourner dans sa tombe ! Notez que cet argument (Je cite : « elles ne peuvent pas vouloir se bâcher la gueule, elles y sont forcées par des hommes ») oublie d’expliquer pourquoi malgré ces méchants hommes qui les forceraient, les femmes portant un vêtement islamique enveloppant (au-delà du foulard, sans parler du « niqab ») restent en fort petit nombre dans nos rues ; d’autre part, quand on leur parle de Sainte Thérèse de Lisieux, jamais ils ne penseraient que cette illuminée puisse avoir été illuminée de force par de méchants mâles. Mais ce qui est concevable pour de braves bonnes sœurs ne l’est pas pour des musulmanes, chez nos amis laïcards, pas du tout islamophobes. En ce qui concerne Voltaire, citons cet extrait de sa célèbre « Prière à Dieu » extraite du bien nommé Traité sur la Tolérance : « Tu ne nous as point donné un cœur pour nous haïr, et des mains pour nous égorger ; fais que nous nous aidions mutuellement à supporter le fardeau d’une vie pénible et passagère ; que les petites différences entre les vêtements qui couvrent nos débiles corps, entre tous nos langages insuffisants, entre tous nos usages ridicules, […] que toutes ces petites nuances qui distinguent les atomes appelés hommes ne soient pas des signaux de haine et de persécution ; […] que ceux qui couvrent leur robe d’une toile blanche pour dire qu’il faut t’aimer ne détestent pas ceux qui disent la même chose sous un manteau de laine noire ». Il est bien évident, pour nos amis laïcards, que la tolérance de Voltaire et ses propos sur les vêtements, excluaient les femmes musulmanes portant des vêtements qui ne plaisent pas à la majorité des gens.
L’amalgame perpétuel
Les « Français », intoxiqués par la télé, confondent « immigrés » et « musulmans » d’une part, et d’autre part « immigrés », « musulmans » et « délinquants ». Aujourd’hui 20 avril 2011, j’ai entendu au 13 h de France Inter, un reportage de rue comme les aiment les journalistes fainéants à la déontologie aux pieds d’argile : une mégère interrogée « sur un marché parisien », bavait à peu près ceci : « les immigrés ne respectent pas notre mode de vie. S’ils ne faisaient pas leurs prières dans la rue, s’ils n’attaquaient pas les personnes et ne volaient pas, tout irait bien ». Après ce « témoignage », le journal de France Inter n’a donné la parole à aucun(e) sociologue qui aurait pu expliquer que la petite délinquance (pas la grande) a toujours été le fait des pauvres, que les familles immigrées constituent les plus grands contingents de pauvres en France, et cela souvent sur plusieurs générations (c’est-à-dire que ce sont en général surtout pas les immigrés, qui rasent les murs par peur de la police, mais les enfants ou petits-enfants d’immigrés, parfaitement Français, qui inspirent à la madame son sentiment d’insécurité), et que c’est donc logique qu’une proportion importante des petits délinquants ressemblent de loin à des immigrés. Mais comment peut-on faire un tel amalgame ? Cette femme, sous le prétexte que les violeurs sont des hommes, traiterait-elle son mari et tous les hommes de violeurs ? Pour en finir avec ce 13h de France Inter, juste après ce reportage honteux, le sujet suivant était la question d’un « mouvement du 21 avril » ou quelque chose comme ça, censé lancer un débat pour des primaires à gauche dans le but d’éviter un nouveau 21 avril compte tenu de la « lepénisation des esprits » ! Cette même « lepénisation » à laquelle venait de contribuer l’innocent journaliste ! Il n’est pas facile, évidemment, lorsque la politique est remplacée par de la com, de rester dans les rails de son métier pour un journaliste, surtout quand en prime, ses chefs sont nommés directement par le pouvoir en place…
Pour prendre un exemple personnel, dans la rue où j’habite, il y a des petits morveux (population étrangement composée à 99 % de garçons), notamment des dealers, qui nous pourrissent la vie, car ils s’installent quasiment toutes les nuits à bavarder bruyamment, à fumer, boire de l’alcool, quand ce n’est pas faire pétarader un scooter ou autres engins à moteur les plus bruyants possibles. Il est bien évident que ces crétins, dont les grands parents étaient sans doute musulmans pour la plupart d’entre eux (mais il y a aussi des Roumains qui zonent dans cette rue), sont le contraire de musulmans, et que faire l’amalgame entre islam et délinquance, c’est une imposture intellectuelle que des journalistes devraient aider leurs auditeurs à comprendre par un travail d’information (sans parler de l’amalgame islam / terrorisme déjà évoqué supra). D’autre part, je ne cautionne pas l’afflux délirant d’immigrants qui n’immigrent que pour abuser de la générosité du pays, et n’ont rien à offrir, tout à prendre, et profitent de l’incurie des pouvoirs publics. J’ai développé cet autre ras-le-bol d’une immigration qui n’a plus rien à voir avec l’immigration de travail, dans cet article. Mais revenons-en au sujet : l’initiative de Raphaël Liogier tombe à pic pour commencer à inverser la tendance, pour que nous ne nous fassions pas bouffer par le fameux principe du pasteur Martin Niemöller.
« Muslim pride », « Arab pride », « Marianne pride » ?
Je voudrais maintenant amender la proposition de Raphaël Liogier de « Muslim pride », pour participer au débat qu’il a lancé.
1. Une « gay » ou « muslim pride » n’est pas une manifestation classique. Que l’on se base plutôt sur les gay pride étasuniennes, qui sont des parades festives et non des manifestations de cégétistes. Que l’on ne suive surtout pas l’exemple des gay pride parisiennes, instrumentalisées par l’intelligayntsia, quelques militants noyautés par des partis politiques, lesquels ont eu la géniale idée marketing, à partir du moment où les gay pride se sont mises à réunir plus de cent mille personnes, de brandir une banderole devant la marche, et de faire croire que tous ceux qui se trouvent en-deçà de la banderole à faire les fous et les folles sont des militants politiques obsédés par le mot d’ordre inscrit sur la banderole, que la plupart n’ont d’ailleurs même pas vue, puisqu’elle est tournée vers les caméras, dans le carré des pipoles ! Pour une « muslim pride », une telle attitude serait catastrophique pour deux raisons : premièrement, il y a encore moins UNE communauté musulmane [5] qu’il n’y a une communauté altersexuelle, et agir ainsi serait la certitude de déchirements qui aboutiraient à des défilés séparés ; deuxièmement, si le but est de donner une image positive des musulmans, autant donner une image festive, colorée, diverse, ouverte, et non une image récriminante et revendicative. L’avantage d’une simple parade, c’est que chaque association, chaque groupe, défile autour d’un char par exemple, en tirant au sort l’ordre de passage qui change chaque année. Personne ne tire la couverture à soi.
2. Le quartier de la Goutte d’Or et celui voisin de la Chapelle voient chaque année l’organisation d’une sorte de « Ganesh pride » bon enfant, fin août, début septembre, qui attire toute la communauté hindouiste de la région, et beaucoup de curieux, du quartier ou de plus loin. C’est un exemple à suivre. La tradition d’offrir des boissons et de la nourriture est une excellente idée, qui doit coûter cher à cette communauté, mais du coup personne ne vient se plaindre des petits dégâts causés notamment par les étranges coutumes de cette fête (le fait de briser un grand nombre de noix de coco). Les musulmans parviendraient-ils à trouver un thème fédérateur qui permette de rassembler sans exclure ? Mes compétences sont limitées en la matière, et puis ce n’est pas à moi d’en discuter ; voyons voir, comme on dit !
3. « Muslim pride », « Arab pride » : j’hésite. Il faudrait trouver un nom fédérateur, positif, festif. Et que nos concitoyens comprennent bien qu’il ne s’agit pas d’une revendication communautariste, mais de l’acte de présence d’une partie importante de la communauté française et étrangère vivant en France. Une « Arab pride » ne ferait pas de mal en cette année 2011 du printemps arabe, qui s’est heurté (au début) à un accablant silence de notre intelligentsia, pourtant habituée à nous faire part de ses états d’âme sur tout et n’importe quoi. Mais ce que j’ai en tête depuis des années, c’est une sorte de fête mutuelle des communautés, je ne sais pas ce qui serait le mieux, sur une semaine ou sur un week-end, un défilé commun, doublé d’une sorte de foire aux expositions, enfin tout est à imaginer, mais chaque ville pourrait organiser quelque chose comme ça qui permettrait aux citoyens de mieux se connaître les uns les autres. Allons, lançons-nous : pourquoi pas « Marianne pride », avec à la clé un concours de la plus belle Marianne ? En burqa rose ou en string noir, avec un képi ou une kippa… Une Marianne résolument arc-en-ciel. Comme chaque communauté, religieuse ou autre, a ses propres dates festives, ce type de fête s’ajouterait à des fêtes spécifiques, comme le Nouvel An chinois, etc.
C’est incroyable cette fixation actuelle sur un prétendu « communautarisme » et sur une conception de la laïcité qui tourne le dos à la Loi de séparation des Églises et de l’État. La « laïcite aiguë » est une maladie contagieuse ! Il n’y a pas la moindre contradiction entre le fait de se sentir plus ou moins appartenir à telle ou telle communauté (et souvent plusieurs à la fois), et le fait d’être Français, et Européen. La fameuse « identité nationale » que l’on cherche piteusement à trouver actuellement est aussi facile à isoler que le sucre dans le café : c’est l’accumulation d’un tourbillon de gènes identitaires que nous portons chacun, et qui fait de nous des êtres différents et semblables (on a appelé ça « melting pot » aux États-Unis). Il se trouve simplement que le café actuel est plus sucré que le café d’antan. La laïcité, ce n’est pas l’interdiction des cultes, mais au contraire leur libre pratique ou non-pratique, dans la liberté, l’égalité, et la fraternité, comme le stipule l’article 1er : « La République assure la liberté de conscience. Elle garantit le libre exercice des cultes ».
4. Le parallèle avec la gay pride permet de faire ressortir la notion de tolérance, qui est souvent comprise de façon négative, quand elle consiste à admettre avec condescendance un fait qu’on ne peut pas éviter. Il faudrait retrouver une conception positive de la tolérance, qui serait un respect réciproque des particularités d’autrui quelles qu’elles soient. Permettez-moi de citer un extrait de mon roman Karim & Julien, dans lequel la question de la loi de 2004 est discutée en profondeur par les protagonistes : « Je croyais naïvement que la démocratie consistait dans le respect des opinions et des différences. Si on n’a plus le droit d’être différent que dans la mesure où on a une façon semblable à tout le monde d’être différent, je ne vois pas ce que peut encore signifier le mot « tolérance ». Je ne peux pas exiger d’un(e) musulman(e) qu’il tolère le string, le sling, les backrooms et le libre exercice de mon cul, si on lui interdit le hijab, le niqab, la djellaba, et le libre exercice de son culte. Le même roman se terminait par une scène de gay pride utopique, une sorte de séquence ADN de cette « muslim pride » (ce pour quoi j’ai tout de suite percuté lorsque j’ai eu vent de cette initiative). Le bénéfice de telles « muslim pride », « catho pride », « yiddish pride », « bouddha pride », etc., fondues dans le melting pot d’une « Marianne pride » serait immense, car il favoriserait cette tolérance réciproque. La tolérance, figurez-vous, fait partie de ce qu’on appelle en économie des « biens non-rivaux » : contrairement à un gâteau, plus on distribue de part de tolérance, plus on s’en tartine réciproquement, plus la réserve de tolérance s’accroît ; alors pourquoi en être si chiche ? En outre, cela favoriserait de façon démocratique l’émergence d’un islam de France indépendant. Il n’est nul besoin de réviser pour cela la loi de 1905 : qu’on cesse de harceler les musulmans, et ils financeront leurs lieux de cultes sans que s’en mêlent des sectes fondamentalistes étrangères.
5. Dans le même ordre d’idée, si je défends cette conception ouverte de la laïcité, c’est aussi parce que je sens ma liberté d’opinion menacée. Quand le personnel politique en est à sortir du chapeau des droits de l’homme des lois pour interdire de siffler la Marseillaise ou de se torcher avec le drapeau, on n’est pas loin de faire renaître de ses cendres l’interdiction du blasphème, etc. En défendant les musulmans, je défends paradoxalement mon athéisme, qui peut parfois se teinter de quolibets bon enfant sur les religieux de tout poil, dans la lignée de notre bon vieux Brassens, avec par exemple sa chanson La religieuse. Ado, j’ai d’ailleurs cru un chouia moi-même, jusqu’à la communion à peu près, surtout, dois-je avouer en rougissant, alléché par la perspective des cadeaux, un peu comme Riad Sattouf raconte dans Ma circoncision comment il a vendu le bout de sa bite contre un Goldorak ! Puis j’ai crû, et je n’ai plus cru. Mais si à l’époque on avait harcelé les cathos comme on le fait actuellement des musulmans, le rebelle que je suis encore plus qu’athée, serait peut-être devenu par réaction un crapaud de bénitier. Le paradoxe des islamophobes, c’est qu’ils construisent de toutes pièces ce qu’ils prétendent combattre. Dois-je préciser que malgré l’angélisme apparent de ce texte, je n’éprouve pas le moindre plaisir à voir une femme en niqab dans les rues de Paris ? Pour tout dire d’ailleurs, moi qui habite dans le quartier le plus musulman de Paris, je n’en croise quasiment jamais (je veux dire avec les yeux, ou même seulement le bas du visage caché). Toutes les variantes de vêtements féminins et masculins « musulmans » [6] circulent dans ce quartier cosmopolite, qui possède aussi, un peu plus au nord-est, un mini-quartier juif pratiquant, avec des hommes surtout dans cette religion, vêtus d’une façon pas très orthodoxe, (ou plutôt si !), qui ne procure aucun plaisir non plus à l’athée que je suis, d’autant plus que je ne trouve pas ça hyper-sexy, mais passons (par contre toute personne qui a voyagé en Iran par exemple sait qu’on peut être vêtue à l’islamique et fort sexy). Je dis ça pour ceux qui, sans craindre la mauvaise foi, refusent de comprendre que défendre la laïcité c’est défendre à la fois la foi et l’absence de foi. Quand on oblige nos concitoyens musulmans à marcher au quotidien sur un tapis de bombes islamophobes, alors qu’en parallèle le moindre propos antisémite est traité comme une affaire d’État, on ne peut guère leur reprocher de se rebeller de temps en temps pour une histoire de caricatures, et Raphaël Liogier a fichtrement raison d’insister sur le fait que les musulmans se révoltent incroyablement peu par rapport à ce qu’ils endurent. Il ne faut pas les prendre pour des cons non plus, et s’imaginer qu’ils n’ont pas compris que notre condamnation républicaine et nos envolées lyriques contre le méchant racisme sont à deux vitesses. Bref, à tout prendre, une « Muslim pride » vaut beaucoup mieux que la guerre civile dans laquelle une classe politico-médiatique inconsciente semble nous engager.
6. Il y a évidemment une homophobie intrinsèque à l’islam, de même qu’il y a une homophobie intrinsèque au catholicisme et une autre au judaïsme. Cela ferait-il du mal aux plus radicaux des musulmans de découvrir que leur communauté est diverse, que des femmes en minijupe, que des homos, que des libres penseurs, que des amateurs de bon vin sont aussi « musulmans » qu’eux ?
7. Faut-il préciser pour terminer qu’une « Muslim pride » ne serait pas plus un défilé de musulmans qu’une gay pride un défilé d’homos ? C’est une parade ouverte à tous ceux qui soutiennent une cause, et Raphaël Liogier, lui-même de culture plutôt chrétienne, et spécialiste en tant qu’universitaire plutôt du bouddhisme, l’a bien spécifié dans son article et dans sa conférence. Ce ne doit surtout pas être une « manif ». C’est ainsi que je m’y sentirais autant à l’aise qu’à la ganesh parade que je vais voir tous les ans, où à la gay pride. D’autre part, par « muslim », dans tout cet article, je n’ai pas entendu « musulman croyant pratiquant ». Pour moi, comme d’ailleurs on l’entend couramment, ce mot a changé de sens, et de même que « juif » désigne à la fois, ensemble ou séparément, une pratique religieuse et / ou une imprégnation culturelle, « chrétien » une appartenance à une vague sphère culturelle autant que pour une minorité une religion pratiquée, « musulman » peut constituer un élément identitaire non seulement de croyants, pratiquants ou non, mais aussi de non-croyants imprégnés de cette sphère culturelle. Et puis, comme on disait jadis, quand on s’attaque à eux, ne sommes-nous pas tous des musulmans allemands ?
Islam Pride, essai d’Hélé Béji paru en 2011
En 2011 est paru l’essai Islam Pride, Derrière le voile de l’écrivaine tunisienne Hélé Béji (Gallimard, 150 p., 9,5 €).
C’est un livre fort bien écrit, dont je tirerai peut-être quelque extrait à étudier l’an prochain dans une séquence sur l’éducation des femmes [7]. L’auteure fait le grand écart entre une répulsion épidermique, et des mots très durs contre les porteuses de voile, et une critique d’un certain féminisme européen incapable selon elle de faire l’effort de comprendre que la prise de voile est le symptôme d’un féminisme atypique, rétrograde, mais que la démocratie se doit d’accepter comme digne de considération et de dialogue. C’est donc un livre très fort, à faire lire absolument à nos élèves dans le cadre de l’étude de la question de l’homme dans l’argumentation. Ce qui est formidable dans ce livre, c’est que l’auteure défend farouchement ses convictions, même si, comme je vais le démontrer ci-dessous, elle va parfois trop loin, mais que d’un autre côté elle déploie un effort immense et convaincant pour comprendre la pensée d’autrui, un autrui vécu comme monstrueux par une grande partie de l’intelligentsia. Hélé Béji nous permet de comprendre l’incompréhensible (pour beaucoup de gens). On peut se demander la part de stratégie dans l’exhibition de ces deux partis pris centrifuges, mais je vais tâcher de critiquer des deux côtés, tout en rappelant que je trouve ce livre utile autant qu’admirable en tant qu’œuvre de l’esprit.
Il y a dans l’argumentation d’Hélé Béji deux choses inacceptables, c’est premièrement qu’elle ne précise à aucun moment ce qu’elle entend par le mot « voile ». Elle désigne à la vindicte publique, avec les mots les plus méprisants, indistinctement la « burqa » et on ne sait trop quoi, sans faire la moindre distinction entre les différents avatars du hijab, avec des formules lapidaires qui semblent dictées par sa volonté de faire accepter son livre chez Gallimard, dans un contexte d’intelligentsia majoritairement islamophobe. On relève ici ou là des formules à l’emporte-pièce comme « spectres encapuchonnés de noir » (p. 36), « tristesses de nonnes coupées dans des cornettes de veuves » (p. 44), « chasubles informes », « bonnets hideux », « le voile est la cendre noire jetée sur la lumière de la tradition » (p. 97). Je cite encore une de ces formules péjoratives : « cet aspect mortuaire que le voile « moderne » donne aujourd’hui à celles qui s’en compriment le cou, les joues, le front, comme si les doigts des Parques resserraient sur elles l’étau de leur strangulation » (p. 28). Aucune précision des termes entre voile et burqa, et pas la moindre allusion à la loi de 2004 sur l’interdiction des signes religieux à l’école : était-elle pour ou contre ? On l’ignore ! On aurait envie de se transformer en Victor Hugo : « J’ai dit au dur tchador : Tu n’es qu’un chiffon noir ! » (« Réponse à un acte d’accusation », Les Contemplations, I, 7.
On dirait qu’il n’est question que de la loi d’interdiction de la burqa dans les lieux publics, mais Hélé Béji évoque à toutes les pages une sorte de raz-de-marée, alors qu’on sait bien que la burqa est tout sauf un raz-de-marée, du moins en France ! Pas une seule étude statistique citée, à l’appui d’affirmations gratuites. Hélé Béji semble oublier que la notion d’esthétique n’est pas objective, que la couleur noire n’est pas universellement liée au deuil, que certains êtres humains, pas forcément musulmans, trouvent le noir une couleur gaie, que beaucoup de femmes musulmanes portant de simples foulards les choisissent multicolores, etc. Il est des hommes pour fantasmer sur de tels costumes, de même qu’il est des hommes ou des femmes qui fantasment sur les habits de nonnes, d’infirmières, de C.R.S, d’égoutiers ou de pompiers ! Enfin, dans les pays de tradition chrétienne orthodoxe, comme la Géorgie par exemple, le seul vêtement possible pour les religieux mais aussi parfois pour les femmes croyantes, est aussi noir, et d’un design fort peu olé-olé, mais a-t-on jamais fait une telle fixation sur un sens possiblement macabre de ces habits qui certes ne sont guère balnéaires ?
Bref, la réalité n’est pas si monocorde, même dans le microcosme des femmes musulmanes portant le hijab. Même en Iran, la variété des vêtements féminins est saisissante, et certaines femmes arrivent à concilier hijab et coquetterie ! Si vous repreniez les phrases de ce livre en remplaçant « burqa » par « habit juif traditionnel », je me demande si ces phrases ne seraient pas considérées comme intolérablement antisémites. Et pourtant, objectivement, quand on regarde non pas une femme musulmane, mais un homme en vêtement juif traditionnel, pas en Israël mais à Paris, ça n’évoque pas précisément la gay pride, et contrairement au hijab musulman, aucune fantaisie, aucune variante, aucune couleur nes sont acceptées. Mais pardon, il s’agit d’hommes et non de femmes, et seules les femmes sont soumises ; les hommes sont forcément maîtres et dominateurs, même dans le domaine religieux… Je me rappelle avoir vu des caricatures de je ne sais quel Léonard de Vinci du dessin de presse, assimilant des femmes voilées intégralement à des poubelles. C’est une façon bien délicate de défendre la dignité de la femme, qui ressemble plus au défoulement d’un misogyne refoulé heureux de cette occasion unique de chier sa haine des femmes. Enfin, il peut arriver de trouver qu’une musulmane vêtue de façon traditionnelle soit un boudin : si on le pense, ça veut dire qu’on est un hétéro ou une lesbienne, mais si on le dit, on est une malotrue ou un macho ! Terminons cette saillie par une citation de Jean-Paul Sartre, auteur peu suspect d’esprit colonialiste et clérical, dans Le Sursis (1945, La Pléiade, p. 782) : « Il regardait les femmes voilées et, quand elles lui rendaient son regard, il goûtait sa beauté dans leurs yeux ». Certes il s’agit d’un personnage, et Sartre adopte dans cette livre une stricte focalisation interne, mais le trait est révélateur.
Hélé Béji oublie également de citer les autres féministes qui, avant elle, ont tenu à peu près le même discours à l’époque de la loi sur le voile à l’école, comme Shirin Ebadi ou Marjane Satrapi [8]… Peut-être se sent-elle coupable de se réveiller après la bataille ? Enfin, pas une seule allusion non plus au renouveau de la foi et du costume afférent côté masculin, ce qui est accepter le matraquage médiatique qu’elle réfute d’autre part. D’aucuns peuvent trouver cette tenue sexy, d’autres hideuse, et on peut la comparer au vêtement masculin juif, tout aussi présent dans certains quartiers de Paris. Personnellement… enfin, chacun ses fantasmes !
On relèvera donc surtout les arguments contre la fin de non-recevoir des féministes européennes, et la démonstration que la burqa (ou le voile, on ne sait jamais de quoi Hélé Béji parle exactement) n’est qu’un élément parmi d’autres de l’individualisme post-moderne, ce qui justifie le titre. « Légiférer contre la burqa ? L’interdire, elle seule, dans une société ultrapermissive qui regarde d’un œil blasé tous les débordements ? À quel titre poursuivre tel abus et pas tel autre ? Quelle instance va en décider ? Qui va sanctionner ces jeux voyants dont la société ne sait plus se passer ? Qui peut empêcher chacun de s’enticher du fanatisme de soi ? Pourquoi l’islam n’y participerait pas, lui aussi ? Le voile religieux prospère grâce au règne des pouvoirs exorbitants de nos existentialismes furieux, sous le principe de la liberté d’expression. Il fait partie des nouvelles mœurs où triomphent les prédilections érotiques ou mystiques de chacun, exacerbées par les médias. Gay Pride, soit. Mais alors, pourquoi pas Islam Pride ? » (p. 36). « Pourquoi refuser à l’islam, et à l’islam seul, le choix de son apparence, fût-elle scandaleuse, tandis qu’on érige partout le scandale en morale alléchante ? N’est-ce pas ça, le racisme ? N’est-ce pas ça la discrimination ? » (p. 74).
Hélé Béji explique, sans pour autant se ranger à cette attitude, que le port du voile constitue une réaction contre « la modernité comme une oppression » (p. 50), ou contre une démocratie imbue d’elle-même, qui se présente comme « une déesse immuable aux rites infaillibles » (p. 105). Quand la démocratie « se met à s’ériger en Religion, si elle s’identifie à la Providence, qu’est-ce qui empêche alors de lui opposer une autre providence, celle du religieux lui-même, celle de l’Islam ? » (p. 105). Mais selon l’auteure, ces manifestations s’inscrivent dans la laïcité, contrairement à ce que s’imaginent ceux qui croient au complot islamique, car la vraie laïcité permet de « manifester sa liberté de conscience sur la voie publique » (p. 106). Les féministes européennes ont tort de limiter le féminisme à leur seule vision des choses : « Si je leur dénie ce principe souverain qui palpite en toute femme, j’affaiblis mon propre féminisme […] je limite le caractère universel de la souveraineté féminine, je le confisque pour moi seule » […] « Ma » liberté n’est pas le modèle irréfutable de « la » liberté, car elle procéderait d’un raisonnement totalitaire, qui sera combattu par une obstination adverse » (p. 108 & 109). Il est remarquable que le mot « tolérance » ne soit pas utilisé une seule fois dans ce livre, alors qu’il en est bien question, mais il semble que malgré Voltaire, le mot lui-même soit devenu obscène ! Hélé Béji reconnaît aux musulmanes leur souveraineté en cette affaire, mais elle s’attaque là, comme je l’ai expérimenté, à un préjugé laïcard trop profond pour être perméable à la raison : « Ce serait faire offense aux femmes que de les considérer, encore une fois, comme des choses inertes, et de ne pas leur faire crédit de leur rôle dans leur nouveau sort. Et je préfère encore qu’elles soient coupables de fautes à l’égard d’elles-mêmes plutôt que de les plaindre comme les perpétuelles victimes d’un déterminisme sur lequel elles n’auraient aucune prise » (p. 119). C’est pourtant une opinion considérée comme évidente chez 99 % des féministes islamophobes, qui n’arrivent même pas, dans leur féminisme stalinien, à conceptualiser qu’une femme puisse librement adopter une option différente de la leur ! Pour terminer, relevons une scène mémorable pour l’auteure : lors de la révolution tunisienne du 13 août 1956 (adoption du Code du statut personnel), Habib Bourguiba enlève le voile d’une femme du peuple dans la foule (p. 144). Voir ce document sur Youtube. Hélé Béji aurait pu préciser qu’elle est liée par sa famille à Bourguiba (son père était le frère de Wassila Bourguiba, seconde épouse du président Bourguiba).
– Hélé Béji a publié le 27 mai 2011 au Monde un bel article sur l’affaire Strauss-Kahn, intitulé « Refusons le féminisme victimaire ». Je suis d’accord avec ce point de vue, mais j’aurais apprécié que ce genre de considération eût traversé l’esprit des intellectuel(le)s autorisé(e)s bien avant, et pas pour un homme riche et puissant, mais pour les pauvres bougres humiliés au quotidien par une justice surdimensionnée dès qu’il s’agit de sexe. Est-il permis d’espérer que le parti socialiste s’empare à cette occasion de la question de la surpénalisation des crimes sexuels, qui l’a toujours laissé indifférent sinon favorable tant qu’il ne s’agissait pas d’un de leurs apparatchiks ? Pour être franc, je ne crois pas. Voir l’article sur Le sexe et ses juges.
– Trois livres de littérature jeunesse permettent d’aborder la question de l’islam en France : Houari pote beur et le voile de Yasmina, d’Arthur Falaïeff, Un Foulard pour Djelila, d’Amélie Sarn, et Karim & Julien, déjà cité ci-dessus.
– Voir un autre billet d’humeur sur nos amis cathos, ainsi qu’une info sur la Gueux Pride.
– Une vidéo d’une entrevue de Raphaël Liogier à propos de la laïcité et des sectes.
– Le site HM2F des homosexuels musulmans de France.
– Lire un article de Clémence Garrot et Oury Goldman paru dans La Revue des Livres, « Homonationalisme et impérialisme sexuel : quand les homos changent de drapeau », à propos de : Terrorist Assemblages, essai de Jasbir K. Puar : Duke University Press, 2007 : « Aux USA, une partie non négligeable du mouvement gay, en quête d’intégration et de respectabilité, s’est engagée sur la voie d’une normalisation « homonationaliste » et soutient les guerres « contre le terrorisme ». »
– La révolution arabe continue sur votre site préféré par des articles sur l’écrivain égyptien Alaa el Aswany et sur le film Le Cochon de Gaza.
– En 2017, un article exclusif de Claudine P, sur la situation sociale à Mayotte et le lien insécurité-immigration.
– En 2019 : « La kippa n’est pas souhaitable dans notre société ».
Voir en ligne : La « Muslim pride » selon Raphaël Liogier
© altersexualite.com 2011
La photo de vignette provient de cette page du site « L’islam en France ».
[1] Je mets des guillemets car ce mot interroge l’intégrité des instituts de sondages et la sagacité des journalistes qui nous servent ce foin : « Français », ça veut donc bien dire que ces 70 à 75 % incluent 70 à 75 % des Français noirs, musulmans, juifs, arabes, africains, maghrébins, asiatiques, etc.
[2] Dois-je évoquer mes amants de toutes origines ?
[3] Je n’écris pas cela de gaîté de cœur, car il s’agit d’un proche, et je me sens tellement impuissant et démuni face à cette rhinocérite que je n’avais pas vue venir, moi qui fais bouffer du Ionesco à mes élèves depuis des siècles !
[4] Il y a aussi, fort heureusement des athées sérieux, comme je le fus, mais souvent la pratique religieuse quelle qu’elle soit pousse d’elle-même à plus d’application dans tous les domaines.
[5] À ma connaissance, les musulmans de France sont toujours incapables de s’accorder à l’avance sur les dates du Ramadan, ce qui rend impossible la revendication d’un jour férié à cette date ; c’est tout dire. Accorder les musulmans semble une gageure, autant que des trotskistes !
[6] Je mets des guillemets, car il ne sont guère plus musulmans que la minijupe et la robe à crinoline ne sont « chrétiens » : ce sont des façons de se vêtir liées avant tout à un « ici et maintenant » variable, comme le montre l’exposition « L’Orient des femmes vu par Christian Lacroix » au Musée du Quai Branly.
[7] Ce livre fourmille de superbes pages de littérature qui constituent des « lectures analytiques » de premier choix. Les deux plus forts (mais il y en a d’autres) sont p. 73 à 75, un extrait qui évoque l’humanisme, donc idéal pour des 1re L, et un extrait p. 108-109, dans lequel l’auteur démontre qu’il y a « plusieurs féminismes ».
[8] Voir notamment un article de Marjane Satrapi publié dans The Guardian, repris dans Courrier International n° 685, en décembre 2003.