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Éducation sentimentale lesbienne, pour les 5e / 3e.
Côte d’azur, de Cathy Bernheim
Gallimard Page blanche, 1989, 158 p., épuisé.
samedi 28 avril 2007
Un beau roman, témoignage sur la découverte de son homosexualité par une jeune fille pendant les années 60. Comment franchir la frontière entre amour et amitié, comment lier une relation amoureuse sans perdre son âme, comment être différent dans un monde conformiste ? Comment se vivait l’homosexualité avant les mouvements revendicatifs ?
Résumé
Charlotte est une fille d’industriels pleins aux as, qui lui paient tout, mais sont absents la plupart du temps. « Je suis l’enfant-loisir, le jeu, la poupée en vitrine » (p. 43). Elle fréquente une pension chic, et des amis chic, dans les quartiers chic de Cannes. Sa bande, c’est Zuppa, ou plutôt Donatella, Charles-André et Carmela. Un jour, arrive Elyette, qui fréquente Chacal, un jeune et beau gigolo de la plage. Charlotte, que l’on surnomme Lazo (Zola en verlan) parce qu’elle rêve de devenir écrivaine, se prend d’amitié pour Elyette, et découvre les quartiers populaires, de l’autre côté de la ville. Lazo semble assez ignorante des choses de l’amour. Nous sommes en 1964, et les grandes discussions de ses copines portent sur le mariage, la virginité et tout ce qui s’ensuit. Elle se sent différente, ne voit pas les choses de la même façon. Son modèle de couple, époque oblige, c’est Sartre et Beauvoir. Quand ses copines se mettent à fréquenter, par exemple Zuppa qui s’amourache d’un médecin plein aux as, elle prend cela pour une « défaite » : « Quels que soient les détails, l’histoire revient au même : au bout d’un temps plus ou moins long, la fille devient méconnaissable, infréquentable et idiote » (p. 29). Elle n’aime personne, du moins le croit-elle. Elle rêve de partir « jusqu’à l’autre bord de la planète » (p. 33). Petit à petit Élyette, qui a quitté Chacal, se rapproche d’elle : « Tu sais ce qui est bizarre ? Des fois, je voudrais que tu sois un garçon » (p. 116). Quelques jours plus tard, c’est le premier baiser. Lazo fait alors son éducation sentimentale en secret : « S’il y a des mots pour l’accompagner, ils ne sont pas de ceux que l’on dit » (p. 140). Pourtant, le seul mot qui sera dit, ce sera le « sale gouine » (p. 145) jeté par Zuppa, parce que Lazo a voulu défendre deux filles du pensionnat qui avaient dansé un slow d’un peu trop près. Lazo déprime parce que Zuppa ne l’invite pas à son mariage, mais Elyette balaie ce souci d’un revers de manche : « On n’a pas pris le chemin le plus facile. Si tu déprimes au premier incident, je ne donne pas cher de nous » (p. 158).
Mon avis
Côte d’azur est le plus ancien roman français de notre sélection paru en collection jeunesse, et c’est un roman qui mériterait amplement d’être réédité. Les sentiments y sont finement analysés, le style est à la fois soutenu et rend bien compte des différents niveaux de langue pratiqués par les jeunes des années 60, dont il recrée l’époque, au travers de la mode, de la conception de l’amour et du cinéma notamment, puisque les dernières scènes se passent pendant le festival de Cannes. On a plaisir à entrer dans l’esprit de cette jeune fille d’un milieu social aisé qui ne méprise pas les autres, fussent-ils pauvres, hétérosexuels, voire homophobes. Elle découvre en elle, seule avec son amie, un amour qu’elle ignorait, dont on ne lui avait pas parlé, guère plus qu’on ne lui avait parlé de la sexualité en général. Son évolution dans sa façon de considérer l’amour est intéressante à suivre pas à pas, et cela peut constituer un axe de lecture pour nos élèves. Au début elle ne se sent pas concernée, elle voit ses copines plonger les unes après les autres, puis se laisse aller à l’amitié, et finit par comprendre que cette amitié cachait de l’amour. À l’insulte près, c’est un « amour qui n’ose pas dire son nom », en tout cas cela peut rappeler aux jeunes lecteurs cette époque pas si lointaine où l’amour et la sexualité étaient des sujets tabous, même si le personnage du gigolo nous rappelle que ce qui ne se disait pas se faisait tout autant…
– Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».
– Merci à Jean-Yves, et gloire à Lui, pour avoir scanné la couverture de cet incunable !
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