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Zizi rose, jacuzzi, lion, juifs et Arabes, pour les 6e/5e

Je suis un gros menteur, de Karim Ressouni-Demigneux

Rue du Monde, 2005, 112 p, 10,5 €

mardi 5 février 2008

Ismaïl a un problème existentiel : ses parents veulent organiser une fête pour ses onze ans, en invitant ses amis de la nouvelle école qu’il fréquente depuis leur déménagement. Or dans cette nouvelle école, il s’est répandu en mensonges : dans sa chambre il y a un lion et un jacuzzi, son oncle travaille dans un zoo, et en plus il est juif. En fait, son père, Mohamed, est musulman (mais athée), et sa mère est bourguignonne ; son grand-père s’appelait Edmond, et son oncle du côté de sa mère, plutôt raciste, n’aime pas ce prénom, Ismaïl. Son mensonge est motivé parce que dans la ville où ils habitaient, lorsqu’il se promenait avec sa mère, « À peine je disais « Ismaïl » que leur plus grand sourire s’effaçait » (p. 20). Par contre, son père « fait arabe à trois kilomètres », et sa mère adore hurler dans la rue son prénom « Mohammed ». Les camarades de l’école réagissent différemment : « on n’est pas en Palestine ici ! » dit Kamel à Amid, qui déclarait : « Je ne parle pas aux juifs » (p. 25), pendant que Yaël, « juive à 100 % » d’origine marocaine, parle arabe et hébreu, et n’est pas sans remarquer les incohérences du jeune mythomane. Ismaïl est donc pris en tenaille, car s’il ne sait plus trop pourquoi il a inventé ces mensonges, il ne veut pas qu’on croie que c’est à cause de son père, qu’il a « honte qu’il soit arabe » (p. 37). Heureusement, tout va s’arranger grâce à l’ouverture d’esprit de Yaël…

J’apprécie beaucoup les trouvailles de l’auteur : « ils séchaient Dieu » (p. 41), quand les enfants, au Maroc, juifs ou musulmans, oublient d’aller à l’école coranique ou au « Talmud Torah » (p. 41). Ses parents, bien qu’athées contrariés (p. 75), lui racontent « la fois où Dieu a créé le monde » (p. 45). Les pages consacrées à la circoncision sont fort amusantes : « À la plage naturiste […] mon père et moi on n’avait pas le même zizi que les autres. Le nôtre, il était rose. » (p. 44) ; « mon zizi rose n’a rien à voir avec Adam et Ève » (p. 54). Quand ses parents lui apprennent qu’ils l’ont fait circoncire quand il était bébé, il proteste : « vous n’aviez pas le droit, c’était ma peau à moi » (p. 63). Plus tard, il comprend que cela vaut mieux que d’être livré plus grand à un « coupeur de peau de zizi » lors d’une circoncision rituelle, comme en subit son « meilleur cousin » Hossein (p. 67). À l’école, la religion revêt une certaine importance : « on avait insulté nos religions » (p. 51) [1]. Ce livre n’a rien d’altersexuel a priori, mais on remarque que Karim Ressouni-Demigneux est également l’auteur d’une thèse en histoire de l’art, sur le thème : « Le corps de saint Sébastien : charme, dévotion et image au Moyen-Âge et à la Renaissance », qui a donné lieu à un livre et à un article du Dictionnaire des cultures Gaies et Lesbiennes. Et une phrase ne passe pas inaperçue : « Et je préfère encore plus quand on refait la Guerre des étoiles, parce que c’est moi la princesse Léia » (p. 61). On réfléchit en riant sur les rapports entre juifs et Arabes : « les Arabes, ils descendent bien d’Abraham, mais du côté de la femme de ménage » (p. 71). Bref, un beau livre, poétique, agréablement illustré par Daniel Maja, qui fera gamberger nos élèves sur le thème des discriminations.

 Voir aussi Ma circoncision, de Riad Sattouf.
 Karim Ressouni-Demigneux a publié en 2009 Je ne pense qu’à ça, qui reprend les mêmes personnages. Voir aussi du même auteur, L’ogre.

 En avril 2010, création remarquable du site altersexuel marocain Mithly.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Une entrevue avec l’auteur


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