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Boubous sans bobos, jusqu’à la 6e

Pourquoi je suis devenu une fille, de Marion Achard

Actes sud Junior, Cadet, 2013, 96 p., 7,7 €.

samedi 11 mai 2013

Un court roman pour les plus petites classes. Le titre m’avait fait espérer que le thème de l’identité de genre serait abordé, mais il ne s’agit que de travestissement d’un enfant, et à aucun moment le récit ne nous met la voie sur quelque vertige de genre que ce soit. Illustré par Vincent Caut.

Résumé

Amadou, petit garçon, est prié de se faire passer pour une fillette, Aminata, à cause de menaces liées à l’élection présidentielle du « Gamboune », pays francophone d’Afrique. Son père est en effet le principal adversaire du vieux président en place depuis longtemps. Aidé par le personnel de l’école, Amadou joue le jeu sans trop se poser de questions. Il est amoureux de la petite Fatou. Un jour qu’il sort de la maison familiale habillé en garçon, il croit voir Fatou qui le surprend. De fait, le lendemain à l’école, celle-ci ne le trahit pas directement, mais profite d’un exercice d’expression sur le métier envisagé plus tard, pour écrire qu’elle envisage d’être « femme du fils du président » (p. 45). Le secret étant éventé, Amadou doit quitter le pays. Reverra-t-il jamais Fatou ?

Mon avis

Ce court roman est frustrant à tous points de vue. L’image de l’Afrique qu’il présente entre les lignes est trop simple ou trop compliquée. Certes, il faut tenir compte de la classe d’âge, mais on ne peut pas évoquer une problématique politique et taire des explications essentielles. Le jeune lecteur ne saura rien en détail des menaces qui pèsent sur le héros en boubou court, qui l’obligent à se travestir. Bribes de conversations politiques de grandes personnes, p. 35, mais qui ne renvoient pas à la situation précise du garçon. On a droit à une image d’Épinal de l’Afrique, 4x4, pagnes et corruption. Bref, s’il m’arrivait à nouveau de mener un projet sur la culture africaine, je ne sélectionnerais pas ce livre. Sur la question de l’identité de genre on reste aussi sur sa faim. Le changement de vêtement, dans la tradition africaine, devrait d’ailleurs poser d’autres problèmes qu’en Europe, mais la seule scène qui entre dans les détails est une scène triviale où le garçon se coince le zizi dans sa braguette parce qu’il cherche à uriner sans faire de bruit (p. 27). Pour le reste, il est réglementairement amoureux d’une fillette, et aucun « trouble dans le genre » ne lui érafle l’esprit à aucun moment. On aurait pu imaginer qu’il se fasse « draguer » par un garçon, ou qu’il lui arrive un événement un tant soit peu hors-normes, mais rien de rien. Ah ! Si, comme il gagne la finale d’un concours de billes de l’école contre sa copine, un garçon défait s’exclame : « D’habitude, c’est pas des filles à la finale ! » (p. 15). Et c’est tout. Et puis cette fillette dont la seule ambition est de devenir « femme du fils du président », sans que cela soit suivi d’une seule piste de mise en cause, c’est quand même un peu fort !

 Sur ce thème du travestissement à l’âge des culottes courtes, nous avons en magasin La nouvelle robe de Bill, d’Anne Fine. Dans cet article, vous trouverez une mini-bibliographie sur ce thème.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Site de l’auteure


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