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Propagande pro-mariage gay, pour les CM2/6e.

Mariez-vous, d’Alain Germain

Oskar éditeur, 2013, 56 p., 6 €.

samedi 22 novembre 2014

Ce livret opportuniste réunit quatre lettres d’un garçon de 16 ans à son père, au compagnon de son père, et à sa petite amie. Il s’agit de s’esbaudir sur la possibilité du mariage gay, dans un esprit propagandiste propre à l’année 2013, qui a vu l’adoption de ce projet de société. Pour faire un livre, le très court texte a été complété par le texte intégral indigeste de la loi, deux citations de Balzac et de la déclaration universelle des droits de l’homme, et une biographie impressionnante de l’auteur qui nous fait nous demander quelle drôle d’idée cet artiste au parcours si foisonnant a eue de publier ce texte.

Résumé

À l’occasion de ses 16 ans, Gregory écrit pour une fois une vraie lettre à son père (Alexis), entre sa fête d’anniversaire et son départ dans un chalet pour une semaine avec sa petite amie (un fils d’homo de littérature se doit de donner le plus tôt possible des preuves tangibles d’hétérosexualité précoce !). Sa mère est morte lorsqu’il avait 5 ans, et son père s’était consolé avec un ancien camarade de lycée, Ludovic, vite devenu un « deuxième papa » modèle. Alexis vit mal son homosexualité : il s’oblige à inviter à la maison des « femmes alibis » (p. 15), et se cache pour déjeuner avec son copain (ce qui est assez difficile à comprendre vu le rôle de mère-poule que la lettre vient de reconnaître à Ludovic… Alexis a « violemment refusé que je prenne des cours de ballet » car c’est « un sport de fille » (p. 16). Gregory comprend parfaitement les raisons psychologiques de ce refus. Le but de la lettre vient comme un cheveu sur la soupe : « Je n’exige bien sûr pas que vous convoliez en justes noces […], mais j’aime l’idée que ce soit possible… » (p. 17). Dans la lettre suivante à son père, Gregory se fait plus pressant : « Est-ce que tu l’as demandé en mariage ? Vous avez fixé une date ? Il va falloir faire une grande fête » (p. 21). Mais cela ne suffit pas : « J’aimerais que Ludovic puisse m’adopter officiellement » (p. 22). Avec un scrupule pourtant : « J’en parlerai avec les parents de maman. Je pense qu’ils comprendront qu’il n’est pas question de renier leur fille » (p. 22). Dans la lettre suivante à Ludovic, Gregory précise ses motivations : « imagine, s’il arrivait quelque chose de grave à Papa » (p. 26) ; et l’on va plus loin : « Penses-tu que ton nom de famille puisse s’ajouter à celui que je porte ? Avec un trait d’union ? » Là, le garçon oublie totalement que cela effacerait à tout jamais sa mère biologique, mais on n’est pas à cette muflerie près quand il s’agit de glorifier l’homosexualité triomphante ! Dans la dernière lettre, écrite à la petite amie (donc après la semaine en chalet), on apprend que « la date du mariage est fixée au 15 juin ». Et pour que ce soit encore plus réjouissant, le jeune épistolier précise : « Ils vont inviter la famille de Ludovic, que personne ne connaît. Apparemment, les parents ne sont pas encore au courant de son homosexualité . […] Ça va être un choc pour eux. » (p. 33). Le récit épistolaire se termine là ; on ne connaîtra jamais les réponses des correspondants de Gregory, ni les pensées des principaux intéressés sur ce qu’ils pensent de ce mariage commandité par un ado.

Mon avis

Ce livre est chroniqué pour mémoire, car il me semble destiné à être vite oublié, étant de pure opportunité. Rien n’est cohérent, il s’agit uniquement de s’esbaudir devant le mariage gay. S’il s’agissait d’un(e) ado de parents hétéro, ses réactions nous paraîtraient ridicules : imagine-t-on un ado demander à son père de se marier avec sa belle-mère, et surtout, de prendre le nom de ladite belle-mère, ce qui reviendrait à effacer celui de sa mère morte ! C’est particulièrement grotesque, mais de peur de paraître homophobe, on va trouver ça mignon puisqu’il s’agit d’un fils de couple gay. L’effervescence du débat sur le mariage gay a mis certains esprits dans un tel état d’exaltation que des auteurs et des éditeurs ont cru utile de publier tout et n’importe quoi, d’où une série de livres assez oubliables (et pour ma part la décision d’arrêter mon recensement systématique). Les autres incohérences sont qu’un ado de 16 ans qui semble avoir sa première vraie relation amoureuse consacre autant de temps à exprimer son amour pour ses parents. Enfin, dans une de ses lettres, il explique que son père cache ses relations avec son amant ; dans l’autre, que cet amant se comporte en mère-poule, et que Gregory le considère à l’égal de sa vraie mère. Il faudrait savoir ! Il a le scrupule dans une lettre de ne pas braquer ses grands-parents maternels en demandant d’être adopté par le compagnon de son père, et dans la lettre suivante, il veut carrément prendre le nom dudit beau-père ! Encore une fois, il suffit de transposer cette situation chez un enfant de couple hétéro pour se rendre compte que jamais on ne songerait à de telles absurdités. La cerise sur le gâteau, c’est la perversité consistant à inviter à un mariage des gens âgés censés tout ignorer de la nature homosexuelle dudit mariage, sans doute pour transformer en spectacle leur bouleversement. Se livrerait-on à une telle infamie avec des hétéros ? Enfin, on peut se demander à quelle classe d’âge ce livre est destiné, avec ce texte court et simpliste au style transparent qui ne peut intéresser que des moins de 12 ans, suivi d’un indigeste texte de loi compréhensible uniquement par des élèves de terminale. À la suite de ce texte de loi, on a dix lignes de remerciements (ce qui semble hypertrophié pour un livre si mince !), qui s’adressent pour moitié à des personnes privées, dont Christine Féret-Fleury, et pour moitié aux auteurs de la loi, Christiane Taubira et consorts. On se demande bien ce que des lecteurs de 10 à 12 ans peuvent comprendre à ces mondanités. Donc un livre purement militant, qui à mon sens n’a aucunement sa place dans le cadre scolaire ; mais bien sûr, ce n’est qu’un avis…

 Lire l’article de Jean-Yves Alt sur ce livre.
 Dans la même collection, lire Le Choix de moi, d’Hervé Mestron et Les Petites marées, de Séverine Vidal.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Le site de l’auteur


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