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L’enquêteur enquêté, à partir de la 5e

Scoops au lycée, d’Agnès Laroche

Rageot romans, 2010, 192 p., 6,3 €.

samedi 24 novembre 2012

Pomme Ravaillec est élève de 3e dans un collège-lycée modèle, elle est folle de joie d’être acceptée au sein de l’équipe de rédaction autogérée du journal scolaire, en charge des « Hobbies et passions », un poste ringard créé sur mesure par l’infernale Lucie, la seule fille de l’équipe, qui voit en elle une rivale. Mais bientôt Pomme va montrer ses capacités et un incroyable culot pour enquêter là où ça fait mal. Hélas, à l’instar d’Œdipe, il arrive que l’enquêteur se prenne les pieds dans le tapis de son enquête, et découvre sous ce tapis les secrets de famille qu’on voulait lui cacher !

Résumé

Pomme vit relativement heureuse avec son petit frère qu’elle adore et sa mère. Son père, graphiste, vient de quitter la famille, et « rest[e] évasif […] sur les raisons de ce départ » (p. 38) vis-à-vis de ses enfants. Il appelle souvent sa fille qu’il adore, mais ne la voit qu’à l’extérieur. Heureusement, Pomme ne se laisse pas aller à la déprime, et s’investit dans le journal du lycée. Si Lucie tente de la mettre de côté, ce n’est pas le cas d’Arthur qui en pince pour elle, et lui propose de collaborer en douce pour la rubrique faits divers. Premier défi, retrouver la trace de Flore, disparue mystérieusement de l’effectif du lycée. Pomme en profite pour interroger l’un des plus beaux garçons du bahut, ci-devant petit ami de Flore, un peu nunuche le chéri, car en deux temps trois mouvements, avec un peu de culot, Pomme parvient à retrouver la donzelle, qui lui révèle le pot aux roses : elle se retrouve enceinte à cause d’une première fois mal gérée. Deuxième objectif, interroger le prof « le plus sexy » (p. 85) du lycée, le prof d’arts plastiques Onimus, au sujet de l’attribution de matériel haute performance pour un projet ambitieux. Pomme a cru constater que ledit Onimus avait changé d’attitude à son égard. Elle l’attribue au fait que son père a abandonné en même temps que sa famille, l’atelier graphisme qu’il animait au lycée, et que le prof aurait reporté sur elle son ressentiment. Or, juste après l’entrevue, voilà qu’Onimus est agressé, et le matériel volé. Pomme poursuit sa propre enquête, et croit deviner qui est le coupable. Mais en fait de voleur, c’est la vérité sur son père qu’elle découvrira.

Mon avis

Avec ce roman gai et alerte, on est dans le domaine de l’utopie et du conte, comme le suggère le nom de l’héroïne. La présentation attrayante et les illustrations de Peggy Caramel ajoutent au charme de la lecture. La question de la sexualité est abordée simplement (à la portée d’élèves de 5e par exemple). La grossesse non désirée de Flore, élève de seconde, et son petit copain dépassé par les événements. Les élèves et même les profs que la fille délurée de 3e trouve sexys (on pense à L’amour en chaussettes, de Gudule). Le premier amour de Pomme, ainsi que la première liaison sérieuse de sa copine Mina. Cela peut paraître un peu trop conte de fées et normatif (le couple hétéro obligatoire, à preuve les fréquents « comment il s’appelle » de la mère de Pomme). Heureusement, le thème de l’homosexualité du père vient montrer que tout n’est pas si simple. Il est difficile d’en parler sans dévoiler l’intrigue ; disons seulement que sans grande vraisemblance, Pomme découvre la vérité sur son père, qui a quitté sa mère pour vivre « en couple avec un autre homme » (p. 161), et surmonte vite le traumatisme qui n’est pas tant dans la chose que dans le fait que ses parents ne la lui aient pas révélée. Là aussi, tout est idyllique, le parfait petit couple homo en pavillon si attentif au bonheur des enfants qu’on croirait une pub de Têtu pour le mariage gay ! (fort heureusement, aucune allusion à cette question dans l’histoire). Pomme s’était déjà demandé « s’il était parti pour une blonde, une brune, une rousse ou une chauve » (p. 84). Elle espérait secrètement qu’il revienne, et c’est un choc quand la mère tente de revendre la maison. Elle explique à sa fille que c’est fini ni, ni : « Nous sommes vos parents pour toujours, bien sûr, mais nous ne sommes plus un couple nous ne le serons plus jamais » (p. 107). Après la révélation, Pomme tombe dans elle-même (pardon !) puis accuse le coup : « Mon père est homo, mon père est homo, mon père est homo, mon père est… La phrase tournait en boucle dans mon esprit » (p. 161). Le temps d’accepter est très rapide pour elle (on s’en doute vu son caractère entreprenant) et elle retrouve vite son père qui lui explique qu’il avait peur qu’elle le rejette (p. 173). En somme, un bon petit roman sympa sur la question des parents homo.
Le chroniqueur grincheux d’altersexualite.com ronchonne pourtant sur un détail : la mention régulière d’une marque d’un produit sucré dangereux pour la santé (cliquez ici pour savoir lequel ; nommé pp. 132, 167, 168, et je n’ai commencé à relever les pages qu’à la 3e ou 4e fois !). Je ne pense pas que le placement de produit soit rentable en littérature jeunesse ; raison de plus pour être attentif…

 Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

 Lire l’article de Jean-Yves Alt sur ce livre.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Le site d’Agnès Laroche


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