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Gasp, papa est gay ! pour les 5e / 4e

Jack, de A. M. Homes

Actes Sud junior, 1989, 280 p., 14,8 €

dimanche 25 septembre 2011

Jack est un roman qui nous parvient avec un double décalage : écrit à l’âge de 19 ans, donc en 1980, il n’est publié qu’en 1989 aux États-Unis, intégrant sans doute a posteriori quelques lignes sur le sida, connu en 1981 (p. 56). Puis il n’est publié en France que 30 ans après son écriture, en 2011, par Actes Sud junior (traduction de Jade Argueyrolles). Actes Sud est un éditeur connu pour sa volonté de défendre l’œuvre entière d’un auteur, ce qui nous vaut cette traduction d’un roman qui, novateur à l’époque, paraît anodin maintenant, après la publication de plusieurs romans récents sur ce genre de situation, mais constituera une lecture agréable pour des collégiens. A.M. Homes n’a sans doute pas connu la notoriété grâce à ce livre, mais pour les suivants, précédemment traduits en France, et en tant que scénariste et productrice de la série The L Word, qui traite de l’univers lesbien et altersexuel.

Résumé

Quelques années après la séparation houleuse de ses parents, Jack supporte mal le « turnover » des amants de sa mère (p. 23), mais quand son père lui apprend brusquement que son colocataire Bob est en réalité son amant, c’est le pompon : il fuit, et refuse de lui parler. À l’école, il participe au harcèlement homophobe d’un garçon de sa classe : « p’tite pédale de mes deux » (p. 36), avant d’entamer une réflexion qui l’amènera progressivement à accepter la nouvelle. Il sort avec une fille pour se prouver quelque chose, avant de comprendre que « Les filles, je n’en avais rien à faire » (p. 48). Mais un jour son père l’invite au bowling avec des amis gays, et il découvre que Margaret, une fille de son école, a aussi un père gay, lequel collectionne les amants (alors que le sien a un petit ami fixe). Il tombe amoureux d’elle, tout en regardant petit à petit son père d’un autre œil. Avec son ami Max, il est obsédé par ce qui peut paraître « 100 % pédé », comme le bowling (p. 71), a honte de son père et de paraître comme lui. Mais le lendemain du jour où Max découvre la nouvelle, le casier d’école de Jack est couvert d’un graffiti : « pédale ». On le traite partout de « mini fiotte ». Jack prend conscience de l’ampleur de l’homophobie : un prof de bio qui coache l’équipe de basket traite ses joueurs de « tafioles » (p. 118). L’éducation sentimentale de Jack prend deux chemins parallèles : la mère de Max, Mme Burka, qui s’occupe de lui lorsqu’il se fait une entorse, lui donne des frissons, et Margaret découvre qu’il n’est pas si idiot que ça. Il arrive que les parents de Max se séparent après que le père a frappé violemment la mère : « imaginer M. Burka – le chef scout, le fan de base-ball, le cent pour cent hétéro – frapper Mme Burka » (p. 197). Jack découvre une hétérosexualité peu reluisante, en même temps qu’il s’acclimate à l’homosexualité de son père, et que ses propres parents entament une nouvelle ère de leurs relations plus amicale. Symboliquement, le jour de ses 16 ans, le nettoyage d’une vieille tache sur la moquette, gimmick du roman, est enfin achevé au moment où ses parents ont effacé toutes leurs rancœurs. À l’école, à la période de contamination du stigmate (Jack est insulté à cause de son père) succède une période d’appropriation du stigmate, et « mini fiotte » devient une flatterie ! (p. 176)

Mon avis

Jack est un roman tout simple, trop simple parfois, une éducation sentimentale compliquée d’un père gay. Il a le mérite de ne pas porter une vision morbide de l’homosexualité, comme beaucoup de romans jeunesse pionniers, que ce soit sida ou suicide. Ce qui agace c’est l’absence d’autre préoccupation que les histoires de couples et l’acceptation de l’homosexualité, ou plutôt si, mais cela donne de nombreuses pages d’un intérêt discutable sur le basket, un sport qui soudait la famille de Jack avant le divorce, ainsi que d’incessantes allusions à la mal bouffe : pas une seule pizza, pas un seul plat – si l’on peut dire – de pâtes ou de poulet ne nous sont épargnés (cf. par exemple p. 152), ce qui n’empêche pas le don Juan en herbe d’inviter sa nouvelle copine en lui promettant qu’il « cuisine » bien ! Cela jure avec les discours de Michael, l’amant de la mère de Jack, sur l’éloge du bio, qu’il ne met jamais en pratique ! On a également droit à une litanie de marques de sodas ou de produits alimentaires. Les leçons de conduite de Jack, à la veille de ses seize ans, donnent aussi lieu à de longues pages d’un intérêt relatif. On sent le roman écrit à la fin de l’adolescence, avec des préoccupations de cet âge… Cela n’empêche pas l’intérêt du roman, qu’on réservera aux petites classes du collège.

 Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

 Sur le même thème (découverte d’un parent homosexuel, souvent le père), voir par exemple : Pour toi Anissa, de Clotilde Bernos, Le bouc émissaire (L’Instit), de Gudule, Je ne veux pas qu’on sache, de Josette Chicheportiche, ainsi que, de votre serviteur, L’année de l’orientation.

Lionel Labosse


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