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La « Crotte » de l’oncle Tom, pour les 6e/5e

Je n’ai plus dix ans, de Thomas Gornet

École des loisirs, Neuf, 2008, 154 p, 8,5 €.

mercredi 9 décembre 2009

Kaï, le narrateur, 16 ans, se remémore l’année de ses 10 ans, marquée par sa première amoureuse et par la maladie de son oncle Tom. Un récit tout en sensibilité enfantine sur les menues émotions de cet âge où les adultes ne donnent pas toutes les réponses à vos questions sous prétexte que vous êtes « trop petit pour comprendre » (p. 23).

Résumé

Tom amène son neveu dans la « Crotte aux mouettes », une grotte ainsi surnommée à cause des nombreuses « chiures de mouettes » (p. 15) qui la jonchent. Tom a 29 ans, mais « c’est comme mon meilleur ami, sauf que c’est un adulte » (p. 20). Kaï trouve refuge chez son oncle car son père, qui l’élève seul depuis un divorce, deux ans auparavant, travaille en horaires décalés. Kaï ne sait pas pourquoi il a un prénom bizarre ; il ne sait rien non plus de sa grand-mère morte le jour de sa naissance ; bref, son père et son oncle ne sont pas bavards, et prennent prétexte de son âge pour tout lui cacher. Ils ne sont pas grands clercs en cuisine non plus ; son père se contente de faire réchauffer du poisson pané de l’usine dans laquelle il travaille. À l’école, Kaï fréquente quelques copains, parmi lesquels deux filles qui portent le même prénom, et qu’on appelle « Sidonie » et « l’autre Sidonie ». Voilà que « l’autre Sidonie » lui écrit un poème, puis lui fait un cadeau. Kaï se demande « Comment on sait quand on est amoureux ? » (p. 52). Du coup il cherche à savoir si son oncle a une amoureuse, mais celui-ci l’envoie paître. Puis Tom part brusquement « en voyage » au Mexique, sans dire au revoir. Kaï comprend qu’on se moque de lui. Il fait une mini-fugue, puis son père comprend qu’il est temps de lui dire la vérité. Son oncle est donc gravement malade, et est retourné vivre avec « son » amoureux. C’est l’occasion de faire cesser les non-dits qui engluent les relations familiales. Les deux frères ne s’étaient jamais parlé sérieusement. Kaï grandit, et entame une lettre à Sidonie, qui perd son épithète de « l’autre ».

Mon avis

Je n’ai plus dix ans est un court roman — ou une nouvelle — agréable à lire, sur cet âge charnière où l’on peut comprendre les choses de la vie. Cela étant dit, on a déjà lu chez cet éditeur plusieurs versions de cette histoire de garçon admiratif de son oncle, homo et malade. À cette variante près que la maladie était souvent le sida, et l’oncle parfois un grand-frère. On a l’impression de lire un clone de Adieu Maxime, de Brigitte Smadja, un récit plus original sur le thème de l’oncle gai secret de famille, qui en outre présentait un cadre narratif étalé sur 6 ans, alors que dans Je n’ai plus dix ans, on comprend mal l’intérêt d’un prologue de deux pages dans lequel le narrateur a 16 ans et se souvient, le style étant plutôt infantile qu’ado, et la narration ne revenant jamais au récit-cadre. Le reste du livre fait penser aussi à On m’a oublié, de Guillaume Le Touze, avec les mêmes facilités narratives, la nullité culinaire du père et de l’oncle par exemple, sauf que certains détails frisent l’incohérence. Par exemple, on apprend que la mère de Kaï s’est remariée avec un homme d’un milieu plus aisé, que leur appartement contient une chambre pour Kaï, que la mère et le beau-père sont aux petits soins pour Kaï, mais celle-là se plaint de ne pas avoir « obtenu la garde » (p. 80). Or, quand on sait à quel point il est rare en France que la garde soit accordée au père, on s’étonne des conditions dans lesquelles Kaï est élevé : n’importe quel juge, dans ce cas-là, aurait, et avec raison, confié la garde à la mère. De même, quand le père se met à fréquenter une certaine Naïma. Ce prénom a-t-il été choisi au hasard ? Quand celle-ci fait la cuisine, elle choisit une choucroute (p. 103), et le récit insiste lourdement sur les saucisses, ce qui serait loisible si c’était un choix assumé qui donnerait lieu au moins à un clin d’œil, mais ce n’est pas le cas. Ces détails agacent un peu dans un récit dénué de la moindre originalité.
On préférera donc retourner à l’ancêtre du genre chez le même éditeur : Les Lettres de mon petit frère, de Chris Donner, ou bien au précédent roman du même auteur. Terminons sur une note positive : j’ai trop souvent reproché aux auteurs de livres pour bambins de ne donner comme exemples de lectures de leurs personnages que des livres de grandes marques d’auteurs patentés et intimidants, pour ne pas saluer pour une fois une allusion à un livre pour les jeunes qu’on peut identifier comme Maïté Coiffure, de Marie-Aude Murail : « un petit garçon veut devenir coiffeur alors que ses parents n’ont pas trop envie » (p. 137).

 Jean-Yves a beaucoup plus aimé ce livre. Et vous ?
 Du même auteur, lire Qui suis-je ?, L’Amour me fuit (où l’on retrouve Kaï), Le Jour du slip / Je porte la culotte, et voir la pièce L’Œil de l’ornithorynque.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Le blog de Thomas Gornet


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Messages

  • Salut Lionel !

    Je viens de découvrir ta critique de Je n’ai plus dix ans
    et je t’en remercie, même si tu n’as pas aimé le livre !
    C’est toujours agréable de se savoir lu....

    Mais j’avais envie de te dire 2-3 trucs...

    C’est marrant parce que j’ai l’impression que tu ne fais que parler d’autres livres que le mien, dont je me serais inspiré, ou en tout cas auquel mon livre t’a fait penser…
    et, à part Les lettres de mon petit frère, je n’en connais aucun !

    Quant à Naïma, le choix de ce prénom est arrivé par hasard ; j’écrivais cette histoire quand j’ai rencontré une vraie Naïma et j’ai tellement bien aimé cette femme que j’ai mis son prénom dans le roman. Et le choix de la choucroute, ce n’est pas pour les allusions sexuelles qui auraient pu en découler, mais au contraire pour lutter contre les clichés et lui éviter de faire un couscous. Comme j’ai éviter à l’oncle homo de choper le SIDA (ce que, pourtant, quelque lecteur ont cru qu’il avait - ce qui démontre bien que les clichés sont tenaces !-)
    mais je sais que tu es très pointilleux sur le choix des prénoms ! ;-)
    D’ailleurs, j’aime bien « Kaï ». Un prénom qui ne connote rien, je trouve.

    Pour les incohérences de vraisemblances, oui, tu as sans doute raison. Je pourrais m’en tirer par une pirouette en disant que l’on n’a pas tous les éléments pour juger si la mère était en mesure d’élever son enfant. Dans ma tête, en tout cas, elle l’était moins, psychologiquement, que le père.

    Avec toute mon amitié,

    Thomas