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« Mohammed Rasoul n’était en aucun cas une tapette ! »
Les Jours de Shaytan, de Saïd El Haji
Éditions Gaïa, Taille unique, 2000, 205 p., 17 €.
mercredi 25 avril 2007
Un roman intéressant parce qu’il nous vient d’un jeune auteur néerlandophone d’origine marocaine (traduction de Bertrand Abraham), et qu’il propose une vision personnelle d’un adolescent écartelé entre deux cultures, en rébellion contre l’islam et le patriarcat, bien que féru de théologie. Une lecture entre les lignes laisse supposer un non-dit dont on attend la révélation, peut-être, dans un ouvrage suivant. À proposer dans les lycées, parce que la question de l’islam intéresse nos élèves, et qu’elle est peu abordée en littérature pour adolescents, de peur de choquer sans doute.
Résumé
Hamid et son frère aîné Omar souffrent sous la coupe de leur père bigot, violent et autoritaire, tandis que leur frère aîné Amar, marié et père, reproduit le même comportement illuminé, croyant entendre des voix qui lui enjoignent d’aller tuer force moutons. Hamid déteste aller à l’école coranique, il préfère dessiner. Il est très lié à sa mère, qui l’a élevé presque seule au Maroc jusqu’à ce qu’ils rejoignent le père installé aux Pays-Bas. Le père ne parvient pas à comprendre l’insoumission du fils. Il ne sait que frapper et prononcer le nom d’Allah. Un certain Shaytan, qu’on identifie à Hamid plus âgé, se venge de l’oppression subie au nom de l’islam en scandalisant les croyants et l’imam local par ses propos impies.
Mon avis
Ce roman, a priori, n’a rien à voir avec notre sélection. Et pourtant, faut-il être devin pour voir en ce garçon planqué dans les jupes de sa mère, ce garçon qui n’ose pas regarder la « zézette » d’une fille qui lui avait proposé de la lui montrer pour un florin, ce garçon qui ne parle jamais de filles, déplore l’oppression islamique sur les esprits, ce garçon qui, lorsqu’il fuit le domicile familial, rêve « d’aller carrément vivre chez son copain hollandais » (p. 155), un homo qui s’ignore ? En dépit d’un avant-propos et d’un épilogue ésotériques et de nombreux pédantismes, ce roman intéressera les adolescents, car il traite d’une façon caustique de la religion, sujet encore plus tabou en littérature jeunesse que l’homosexualité. Et l’auteur, même s’il sauve parfois la mise par des formules ambiguës, ne mâche pas ses mots : « Mohammed était un homme comme vous et moi […] après la mort de Khadija […] il s’est senti solitaire et aigri » (p. 68). « Mohammed Rasoul [= le Prophète] n’était en aucun cas une tapette » (p. 98) ; « Quant au patriarche Abraham, ne pouvons-nous pas, pour soutenir qu’il ne figure pas au rang des saintes tapettes, tirer un argument du fait qu’il aimait Sarah de toute son âme » (p. 98). « Pour ce qui est de Jésus […] À mon humble avis, le Sauveur était un homo… […] Il n’est, bien sûr, pas passé à l’acte, car c’était interdit. […] S’il avait vécu à notre époque moderne, on aurait tout de suite compris… » (p. 99). On ose à peine imaginer, si l’auteur eût été danois et infidèle, et qu’il se fût livré à une inversion de ses calomnies entre les prophètes, le nombre de « keffirin » lynchés par le monde ! Voir à ce sujet le texte malicieux de Pierre Jourde publié dans le Nouvel Observateur à l’occasion de l’affaire des caricatures de Mahomet, intitulé La pédagogie par le blasphème. Les traditions anachroniques de l’islam sont fustigées, avec l’acharnement des pères à les imposer à leurs enfants, alors que, venant des Arabes et non des Berbères, elles sont aussi exotiques que les traditions occidentales (cf p. 167). Le sentiment de culpabilité ainsi que la soumission des femmes à des maris violents et tyranniques sont également pointés (cf p. 196), mais on sent que l’auteur se refuse à aller aussi loin que le lecteur comprend à demi-mot qu’il veut aller, par exemple avec cette scène finale de la rencontre de cet homme « sorti tout droit d’un conte des Mille et une Nuits », avec « un livre sur les genoux » et un glaive à la main. Dès qu’il touche Hamid avec son glaive, « un fluide chaud s’accumule autour de son sexe » (p. 191). La prose d’El Haji se réfugie parfois dans l’amphigouri prophétique qu’elle dénonce, et l’on se demande s’il ne faut pas appliquer à l’auteur qui joue les prophètes ce que son personnage dit de Jésus.
– Voir deux autres romans traduits du néerlandais : Frère, de Ted Van Lieshout, et C’était mon ami, d’Anneke Scholtens.
– En avril 2010, création remarquable du site altersexuel marocain Mithly.
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