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Utopie « rurbaine », pour les CM2 /6e
Le Paradis de Paco, de Cécile Bailly
Éditions Gaies et Lesbiennes, 2004, 123 p., 8,5 €.
dimanche 29 avril 2007
Le Paradis de Paco est un roman simple, bien écrit, enthousiasmant, un excellent support pour entamer avec les élèves de CM2 ou 6e un débat constructif sur le thème des familles différentes : Pourquoi la réalité n’est-elle pas aussi rose, pourquoi ça énerve les gens que toutes les familles ne soient pas fabriquées sur le même moule ?
Résumé
Tout va bien pour le jeune Paco, 13 ans, qui quitte le F3 de Pantin, en banlieue parisienne, où il vivait avec ses deux mamans, pour une maison de deux étages dans un village de Provence, un vrai village avec camionnette qui apporte le pain le matin, oiseaux piaillant, cheminée dans la maison, etc. Il n’est pas triste de partir, parce qu’il retrouvera ses copains, Mourad et toute la bande, et parce qu’en l’espace de 24h il se fait de nouveaux copains en veux-tu, en voilà. Luky, notamment, sans compter qu’il retrouve Fifi, 15 ans, jeune acrobate du cirque Zalto, dans lequel sa mère compte beaucoup d’amis, enfin l’une de ses mères. C’est la seule chose qui retient Paco de donner libre cours à sa joie lors de sa rencontre avec ses nouveaux amis, l’inquiétude de leur réaction en apprenant cette situation familiale particulière : « il vaut mieux taire certaines choses car tout le monde n’est pas prêt à entendre n’importe quoi » (p. 25). Pour l’instant, c’est « Fati et Dom », même si le lecteur apprend vite que « Fati c’est ma vraie mère, enfin, je veux dire que c’est elle qui m’a porté dans son ventre » (p. 19). Il y a aussi Franck, son père, qui habite dans le XIXe, et qui va lui manquer, car auparavant il partageait son temps entre les deux appartements. L’argument est assez simple, un vol de projecteurs a lieu pendant la nuit qui précède la fête de la Saint-Sylvestre, dans la salle communautaire qu’était censé garder Luky avec son chien. Paco, ses mères et le cirque Zalto vont aider Luky à réparer ce vol avant même que sa famille ne s’en aperçoive. Mais comment donc réagira Luky lorsqu’il apprendra la vérité sur Dom et Fati ?
Mon avis
Comme son titre l’indique, Le paradis de Paco est à prendre comme une utopie qui pointe une réalité pas aussi rose. Tout se passe bien dans cette communauté qui n’a de villageoise que le nom. En effet, les habitants de Mézelan sont des ruraux tendance bobo. Ne cherchez pas la moindre allusion ici aux scores de l’extrême droite dans cette région ! Lors de la fête du village, Luky propose une sorte de « rap-rock » (p. 113) tout ce qu’il y a de plus urbain, de sorte que Paco ne sera pas le moins du monde dépaysé. Un rap dédié à son frère qui a quitté le patelin pour Londres. On pourra s’amuser à comparer avec un roman qui propose aussi un aller-retour entre ville et campagne, Rendez-vous sur le lac, de Cathy Ytak. Même à Pantin, tout allait bien, tous les copains avaient admis « qu’il y a plein de sortes de familles. Des familles avec un seul parent, des familles avec trois ou quatre parents, des familles avec dix enfants, des familles sans enfant, des familles où les aînés font les parents, des familles mélangées à d’autres où les enfants sont ceux de tout le monde… » (p. 76). Il faudrait donner ceci à lire aux parlementaires de droite qui hurlent au loup et signent des pétitions pour dénoncer polygamie et parentalité homo ! Même Mourad avait compris qu’il fallait utiliser « bouffon » comme insulte plutôt que « pédé ». Tout va donc pour le mieux, sauf peut-être le compagnon de Franck, mort du sida quand Paco avait sept ans. Or voilà-ti pas que ledit Franck présente à Paco un nouvel ami et sa « BMW », Laurent, qu’il a rencontré il y a « un peu plus d’un mois », à une réunion d’Act-up (on vous avait prévenus que c’était un peu bobo…), et emballé c’est pesé, notre Paco inverse la relation de parentalité : « T’as bien fait, papa. Je suis content que tu aies un nouveau copain » (p. 103). Et puis la vie est vraiment belle, Paco reçoit comme cadeau de Noël un caméscope et un appareil numérique (eh oui, réalité sociologique, l’homo moyen est bourré de pognon !). Conclusion : « je sens mon cœur gonflé de bonheur » (p. 104). Il faut dire que Paco est un adolescent intéressant, tiraillé entre un goût effréné pour la consommation (nombreuses marques citées) et un certain minimalisme hérité de ses mères à tendance altermondialiste, qui le pousse à se débarrasser de tout ce qu’il possède avant de déménager, et à compter avant tout sur l’amitié : « c’est un terrain que je connais mieux » (p. 97). Voilà donc — malgré cet optimisme caricatural à prendre au second degré — un roman simple, bien écrit, enthousiasmant, un excellent support pour entamer avec les élèves de CM2 ou 6e un débat constructif sur le thème des familles différentes : Pourquoi la réalité n’est-elle pas aussi rose, pourquoi ça énerve les gens que toutes les familles ne soient pas fabriquées sur le même moule ?
– Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».
– Lire dans Citrouille n°42 un article sur Le paradis de Paco.
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