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Notes de voyage en Corée du Sud (2017)

La Corée du Sud ne perd pas le Nord (8/9)

Chapitre 8 : flore, palimpsestes, faits culturels, « Pays du matin calme », Séoul & « Quelpaert » ; épopée des Missionnaires, et colonialisme japonais.

mercredi 6 décembre 2017, par Lionel Labosse

Après 7 épisodes consacrés à présenter mes lectures coréennes, puis à la question de la Corée du Nord, à des conseils pratiques pour les touristes, puis la rubrique « parlons prix », les transports et le métro, les services publics, la géographie et la géomancie, l’agriculture coréenne & les grands immeubles ; au physique et au moral des Coréens & Coréennes, à leurs costumes et chapeaux, à la femme coréenne ; aux bains publics, aux papas coréens, au record du monde coréen de miniaturisation du vous-savez-quoi, aux garçons & au patriarcat ; aux artistes, à l’architecture & à la musique ; à l’histoire, aux religions & superstitions, au chamanisme, à l’esprit de compétition, et à la langue coréenne ; nous nous intéresserons dans cet avant-dernier article à la flore, à quelques exemples de palimpsestes, à quelques faits culturels de l’ancienne Corée, à l’origine de l’expression « Pays du matin calme » & ses variantes, ainsi que d’autres noms de lieux comme « Quelpaert », puis à l’épopée des missionnaires & au colonialisme japonais, avant d’étudier dans l’ultime article nos amis les Séoulites, la prostitution, la concurrence entre bouddhisme & confucianisme, les coutumes, & l’ouverture d’esprit des anciens voyageurs en Corée.


Flore de Corée
La flore est continentale tempérée, et surtout pas tropicale, ce qui vaut au pays la réputation méritée de ses cerisiers fleuris au printemps. Sur l’île méridionale, limite tropicale, de Jeju-do, poussent le thé et la bergamote ; et le riz pousse partout dans les plaines, notamment grâce à la forte pluviométrie estivale. Malheureusement, comme partout dans le monde dès qu’une société s’enrichit, la mode alimentaire regarde les céréales locales – ici le riz – de haut et se met à la céréale étrangère – ici le blé –, consommant en quantités industrielles une nourriture bien moins digeste, d’où le foisonnement d’enseignes pseudo-françaises, comme « Paris-Baguette » (qui a ouvert une 1re boutique parisienne en 2014 !), « Paris-Croissant » (tous deux appartenant au même groupe SPC), « Tous les jours »… Voir un article de The Economist publié dans Courrier international n°1395 du 27 juillet au 16 août 2017 (p. 28) : « Alimentation : des tendances circulaires » : « En Asie du Sud-Est, si les petits étals sur le bord des routes continuent de préparer du riz pour le petit peuple, le blé est la nouvelle star des centres commerciaux de luxe, où un nombre croissant de boulangeries proposent des pains et pâtisseries à l’européenne » [1].

Lanternes d’anniversaire de Bouddah au temple de Bulguksa.
© Lionel Labosse

La France a la cote en Corée, et l’on ne compte plus les représentations de la Tour Eiffel ou autres symboles qui font la pige aux traditionnelles svastikas bouddhiques. La fleur nationale n’est pas très compliquée, c’est l’hibiscus mauve, appelé Hibiscus syriacus parce qu’il serait parvenu en Europe via la Syrie au XVIe siècle. On le retrouve sur les timbres, avec les inévitables gouttes d’eau qui le mettent en valeur après la pluie (photo de vignette). J’ai beaucoup aimé aussi les Lagerstroemia (lilas des Indes ou lilas d’été), aux fleurs roses en panicules ; mais cela m’a amusé, de retour, de constater par exemple dans le très modeste square Paul-Robin dans mon quartier, la présence de deux Lagerstroemia et d’un Hibiscus syriacus. Comme si ce square était entretenu en secret par des Coréens ! Dans un conte de La Porte des secrets, un personnage s’appelle Jamiseon, et l’on apprend que « Jami » est le nom du Lagerstroemia (op. cit., p. 106). Pour le reste, la flore est riche en arbres de toutes sortes, connus ou inconnus en France, le ginkgo biloba, le zelkova, l’érable du Japon, sans compter les conifères omniprésents qui donnent leur teinte vert foncé aux collines.

Palimpseste
Nicolas Bouvier utilise ce mot pour évoquer le traitement anti-parasitaire qu’il a subi à la douane de Busan (qu’il écrit « Pusan ») à son arrivée en bateau depuis le Japon : « À la douane, un quidam en sandales de paille et bourgeron de forçat nous avait arrosés d’insecticide – fermez les yeux s’il vous plaît – comme des veaux, avec une lance et un vaporisateur à bretelles qui venait tout droit de la ferraille. Un autre avait passé nos sacs à dos au crible avec un détecteur de mine du temps de MacArthur, rouillé, et sur lequel on pouvait lire en clignant des yeux, comme dans un palimpseste, le mot fuck écrit autrefois par un GI écœuré et lavé par dix-sept moussons » (Journal d’Aran, p. 107). Patrick Maurus prend l’exemple anodin d’une porte d’un ancien palais qui changea de rôle au fil de l’histoire, devint « porte d’hôtel (le Silla), puis entrée du lycée municipal », avant d’être plus ou moins reconstituée : « si le bâtiment original n’est plus là pour témoigner d’une époque, le bâtiment rénové est là pour témoigner de l’histoire. Mais celle-ci est ainsi, largement, gommée des pierres. Le parchemin a été gratté. Pour réapparaître ailleurs, dans le sol, géomantiquement. » (p. 17). « La notion nationale d’originalité ou d’authentique n’est pas la nôtre, laquelle d’ailleurs est elle-même fort récente, et doit beaucoup à Mérimée. Pour un Français, l’original, c’est la chose d’origine. Pour un Coréen (Chinois, Japonais), c’est comme à l’origine. Notre original est vieux, le leur neuf. Notre origine à forcement vieilli, leur origine était neuve à l’origine. Donc retaper constamment un bâtiment est tout à fait naturel. On peut se demander quand même ce que signifie le reconstruire quand il a disparu si longtemps. » (p. 29).

Gloire éternelle de leurs aïeux
Maintenant que vous parlez coréen, il serait temps que vous sussiez le minimum sur le pays. Le drapeau de la Corée du Sud (« Taegeukgi ») est blanc frappé d’un symbole du yin yang rouge et bleu signifiant l’origine de toute chose dans l’univers. Le long des quatre diagonales, sont disposés quatre trigrammes du Livre des Mutations représentant les quatre éléments : la terre, le ciel, le feu & l’eau, le tout symbolisant l’harmonie universelle. Cela souligne la prépondérance historique du confucianisme, qui chassa le bouddhisme des villes à l’époque Joseon. Les monuments sont inventoriés dans une liste des Trésors nationaux de Corée du Sud qui pour l’instant compte 319 éléments, avec souvent plusieurs monuments situés dans un même lieu (deux pagodes, une statue, une stèle, un bâtiment dans tel temple, etc.). Le n°1 est Namdaemun, la porte du sud de Séoul, dont l’appareil des murs m’a semblé remarquable (photos). Le n°2 est la pagode de Wongaksa qui se trouve sous verre dans le Parc Tapgol, et autour de laquelle j’ai photographié un moine qui faisait des tours en tapant sur un truc en bois, l’un des bruits caractéristiques de la Corée avec celui des cloches traditionnelles (qu’on entend plus rarement) et celui, omniprésent y compris en ville, des cigales. En début de liste se trouvent aussi des monuments qui nous sembleraient secondaires, stèles sur tortue ou pagodes (les deux du temple de Bulguksa par exemple).

Hibiscus syriacus
© Lionel Labosse

Il y a une ambiguïté sur le trésor n°3 de la liste, car dans deux livres ainsi que dans l’article de Wikipédia Wongaksa j’ai trouvé qu’il s’agissait de la stèle à tortue de pierre du parc Tapgol (photos), alors que dans la liste de Wikipédia, c’est une simple stèle… Et puis au retour d’un voyage on se rend compte que l’air de rien on en a vu pas mal de cette liste. Il y a la couronne, ceinture et pendentifs Silla dont l’original se trouve au Musée national de Gyeongju. En revanche, ayant photographié au musée national de Corée un plateau en fer incrusté de cuivre et d’argent avec le symbole yin yang, je m’attendais à le retrouver cité comme un trésor à l’origine du drapeau, mais rien du tout ! L’un des plus précieux trésor national de Corée se trouve… à la Bibliothèque nationale de France ! Il s’agit du Jikji (1377), plus vieux livre au monde imprimé à l’aide de caractères mobiles en métal (mais sans presse à livres, précise Juliette Morillot, p. 238), 78 ans avant la Bible de Gutemberg. C’est du coréen écrit en caractères chinois, puisqu’on est avant le hangeul, mais de toute façon jusqu’au XXe siècle, les livres sérieux étaient écrits en caractères chinois. Parmi mes photos vous verrez quelques casses d’imprimerie ou livres anciens en hangeul. En 1592, les Japonais « détruisirent tout le matériel d’imprimerie de l’Institut national pour la fonte des caractères » et « embarquèrent avec eux […] les meilleurs artisans imprimeurs ainsi que des caisses entières de caractères métalliques. Un « rapt culturel et technique qui permit à l’imprimerie japonaise de se développer » (Juliette Morillot, op. cit. p. 239).
Les personnalités historiques incontournables, outre le roi Sejong le Grand susnommé, c’est l’amiral Yi Sun-sin (1545-1598), inventeur du fameux Bateau tortue, à ne pas confondre avec le général Gim Yu-sin (595-673), qui œuvra à l’unification de la Corée de l’époque Silla, et dont la statue se trouve à Gyeongju, au sommet d’un tertre que vous aurez du mal à trouver (photo). Le Chant du sabre (2001), roman de Kim Hoon retrace la vie de militaire de ce Yi Sun-sin, en se focalisant sur ses années de guerre et une relation par le menu de ses campagnes, qui peut sembler fastidieuse. Au lieu de s’intéresser à la conception du fameux bateau-tortue, et de détailler la façon dont il fonctionnait, le général fait modestement le récit de ses batailles, et raconte d’une façon objective comment le roi, plutôt que d’agir, passe son temps à pleurnicher en demandant de l’aide à l’empereur de Chine, ou bien à faire respecter des rites vides de sens. L’autre occupation de ce roi est de collectionner les têtes d’ennemis, quitte à se faire tromper sur la marchandise et à recevoir des têtes de Coréens : « Le roi sanglotait, les courtisans et les habitants pleuraient avec lui. Quand la troupe de renfort chinoise a traversé l’Amnok, le roi a pleuré en l’accueillant au bord de l’eau » (p. 182) ; « Le roi pleurnichait au loin. C’était sa façon de prendre part à la guerre » (p. 218). Du bateau-tortue, il ne sera enfin question que p. 195, et l’on apprendra juste que 28 bateaux sont transformés en bateaux-tortues (p. 198), ce qui ne fait qu’attiser notre curiosité… qui ne sera jamais satisfaite.

« Pays du matin calme » & ses variantes
Il est temps d’expliquer l’origine du surnom « Pays du matin calme ». C’est en fait le nom chinois adopté par Taejo (1335-1408), le fondateur de la dynastie Joseon (anciennement écrit « Chosôn »), ce qui signifie en chinois « pays du Matin-Clair », ou plus exactement « clair et frais » selon Juliette Morillot, qui précise : « L’appellation connue de tous, « pays du Matin-Calme », vient d’une imprécision de traduction probablement due aux missionnaires qui furent les premiers Occidentaux à sérieusement étudier les langues coréenne et chinoise » (p. 27). Angus Hamilton utilise l’expression « Terre de la Splendeur du Matin » (Omnibus, op. cit., p. 253). Peter Vay de Vaya opte pour une autre variante : « Blanches sont les maisons ; tous les êtres humains, jeunes ou vieux, femmes ou hommes, sont emprisonnés dans des vêtements de cotonnade immaculée ; c’est à se demander si l’absence absolue de couleur et de bruit ne constitue pas la caractéristique de cette « terre du Calme matinal ». » (Omnibus, op. cit., p. 400). Quant à Jean de Nettencourt-Vaubecourt, il apprécie ce surnom : « Si l’on arrive en Corée par un beau jour, de bonne heure, par la baie vaste et claire de Chemulpo, l’on apprécie à merveille l’appellation de Choson ou « Sérénité matinale » que le pays a reçue des Chinois. » (Omnibus, op. cit., p. 539). Maurice Moncharville joue sur les mots : « Comme hier, aujourd’hui finit en beauté, généreux dispensateur de charme intime et de recueillement. Oui, la Corée est bien le pays des matins et, j’ajoute, des soirées calmes. » (Omnibus, op. cit., p. 886). L’autre surnom de la Corée (« royaume ermite ») vient de l’histoire tourmentée du pays : « La Corée du XVIIe siècle est un pays dévasté et traumatisé. […] Tout ce qui vient de l’étranger devient synonyme de calamité. La Corée se ferme, refuse tout contact avec l’extérieur hormis la Chine mandchoue, brûle ses terres le long de ses côtes, laisse ses frontières en friche et s’isole du monde. Le royaume ermite est né. « Non à l’invasion des barbares d’Occident, signer une paix avec eux, c’est vendre le pays. » Cette belliqueuse devise gravée sur toutes les stèles aux croisées des chemins de Corée, à la fin du siècle dernier […] exprime sans artifices le sentiment qui, jusqu’à la fin du XIXe siècle, devait animer les Coréens. » (op. cit., p. 31).

Quelpaert – Jeju-do
De même que le Sri Lanka s’appela d’abord Taprobane, puis Serendip, enfin Ceylan, le nom de la grande île méridionale de Corée révèle un mystérieux palimpseste : « Quelpaert » fut son nom jusqu’en 1910 selon Wikipédia. Nicolas Bouvier dans son Journal d’Aran, évoque un certain navigateur hollandais qui aurait accosté sur cette île et l’aurait baptisée : « Cette année-là [1628], un vaisseau marchand hollandais fait naufrage sur la côte sud de Chedju. Les huit rescapés sont recueillis et soignés […]. Ils n’en savent pas plus et baptisent, sans trop s’avancer, cette île « Quelpaert » (Quelque part). […] Les Coréens ont conservé le nom d’un seul d’entre eux : Velterree ». Je n’ai trouvé sur les moteurs de recherche qu’une seule attestation de ce « Velterree » (essayez, vous verrez !), que je recopie ici, car l’information est de taille : « During the reign of King Injo, Velterree, a Dutch navigator, who had drifted to the southern islands of Korea, lived in Seoul in the employ of the King’s army. Here he manufactured weapons, including big guns, and married a Korean woman. » Cela provient en fait d’un guide sur la Corée datant de 1968, sans doute celui qu’utilisa Bouvier ! Les guides touristiques recèlent parfois des informations que les modestes rédacteurs globe-trotteurs sont les seuls à connaître (mais contiennent peut-être aussi des erreurs, difficiles à rectifier).
Hourrah, je retrouve la trace de ce Hollandais sous la plume de Juliette Morillot (p. 34), et sous l’avatar de Jan Janse Weltevree, qui fait l’objet d’un article de Wikipédia et d’un article savant consacré aux « relations historiques entre la Corée et les Pays-Bas » ! Mais avant cet improbable Hollandais, la Corée fut déjà nommée, sinon visitée, dans l’ordre par deux Européens, Jean de Plan-Carpin, le premier à revenir de Karakorum en 1247, puis Guillaume de Rubrouck en 1254, qui tous deux, ayant rencontré des envoyés ou otages coréens à la cour du khan, sont les premiers à évoquer « Solongo », le pays où naissent les arcs-en-ciel selon les Mongols (cf. Juliette Morillot, op. cit., p. 36). Voici enfin notre ami Marco Polo, qui donna quelques années plus tard le deuxième nom de la Corée en Occident. Vous trouverez l’historique de ce palimpseste topographique dans un article très savant de Wikipédia : Noms de la Corée, où l’on apprend que « Corée » vient du nom utilisé par Marco Polo : « Goryeo [2] fut traduit en italien en Cauli, nom que Marco Polo utilisait quand il parlait du pays dans ses Voyages, qui venait du chinois mandarin Gāolì. À partir de Cauli, le nom se transforma en « Corea » en anglais et « Corée » en français puis en Korea ». À noter que Nicolas Bouvier, qui devait utiliser une autre édition de Marco Polo, parle de « Kaoli (corruption de Koryo, notre Corée) » (p. 138), et que dans l’édition de Marco Polo pourtant savante « Lettres gothiques » (éd. Pierre-Yves Badel, 1998), la transcription est « Causy » (p. 198). Allez vous y retrouver !
Le pauvre Nicolas Bouvier serait détrompé de sa belle étymologie populaire s’il lisait « Le Journal de Hendrik Hamel en Corée (1668) : un savoir accidentel », d’Alain Génetiot, sur Viatica, qui nous apprend : « Quant à l’île au nom énigmatique de Quelpaert qui désigne l’actuelle île de Cheju au sud de la péninsule coréenne, elle fut d’abord appelée par ses découvreurs portugais « Ilha de Ladrones ». Ce nom hollandais de Quelpaert, qui figure sur la carte de Linschoten en 1594 mais s’impose en Europe à la suite de la publication du journal de Hamel en 1668, désigne une galiote utilisée pour la navigation dans ces parages, terme employé par analogie pour nommer cette île vue de loin mais jamais abordée. » Comme quoi, si l’illustre Nicolas Bouvier s’est mis le doigt dans l’œil en recopiant des infos, à plus forte raison, lecteur indulgent, ne m’en veuille point si tu décèles une erreur dans ce modeste article, mais écris-moi pour que je la rectifie !
À cette époque lointaine, si les Coréens refusaient de laisser repartir les « barbares », ils les accueillaient bien et éprouvaient pour eux de la curiosité : « Les annales coréennes ne manquent pas de descriptions savoureuses de ces étrangers aux yeux bleus et moustaches rouges dont on racontait que, pour manger, ils devaient glisser leur long nez derrière les oreilles » (Juliette Morillot, op. cit., p. 34). Juliette Morillot ajoute que sur les premières cartes utilisées par navigateurs et jésuites, d’une part la Corée était confondue avec la seule « île des Voleurs », d’autre part « la bibliographie d’Albuquerque publiée à Lisbonne en 1557 mentionne un énigmatique pays des Gores » (du chinois Gaoli). Bien que le jésuite Matteo Ricci (1552-1610) soit le premier sur ses cartes à faite de la Corée une presqu’île, la plupart des cartes européennes en feront toujours une île jusqu’en 1655. Jean-François de La Pérouse évoque Quelpaert dans son Voyage autour du monde sur l’Astrolabe et la Boussole, qu’il nomme aussi « Tsé-Tsiou », et son observation depuis la mer contredit ce que j’ai observé en 2017 : « le terrain descend en pente très douce jusqu’à la mer, d’où les habitations paraissent en amphithéâtre. Le sol nous a semblé cultivé jusqu’à une très grande hauteur. » (Omnibus, op. cit., p. 11). Dans l’histoire récente, l’île est connue pour le soulèvement de Jeju, entre 1948 et 1953, qui fit entre 14000 et 60000 morts, et resta tabou jusqu’aux années 2000.

Missionnaires
C’est l’antique prolongation de la route de la soie depuis Xian jusqu’au Japon en passant par la Corée, qui a depuis toujours permis le passage des religions vers l’Est, en commençant par le bouddhisme, puis le christianisme sous son avatar ancien le nestorianisme (voir cet article). Mais ce sont les missionnaires des Missions étrangères de Paris ou autres qui, au péril de leur vie, évangélisèrent ces païens, avec une efficacité remarquable, puisque la Corée compte aujourd’hui la 2e plus grande communauté chrétienne d’Asie continentale après la Chine (qui est en passe de devenir le pays peuplé du plus grand nombre de chrétiens du monde…). Nicolas Bouvier leur rend hommage dans son Journal d’Aran (p. 92) : « La mission chrétienne – catholique ou réformée – souvent persécutée et jamais du côté du manche a donné des rudiments d’hygiène aux campagnes, de l’éducation aux filles et de l’espoir aux croquants, payant sans barguigner le prix fort en années de prison, sur le billot ou sous le gibet du bourreau. Avec les « Réductions » des jésuites du Paraguay au XVIIIe, c’est un des exemples d’apostolat libérateur devant lequel même un incroyant se découvre ».
Les premiers contacts avec les missionnaires se firent grâce aux ambassades à Pékin, d’où certains esprits éclairés rapportent des livres scientifiques européens, qui engendrent l’intérêt des uns pour la sôhak (science de l’Occident), la méfiance des autres. Ces contacts auraient eu lieu selon Juliette Morillot dès « Matteo Ricci, qui réside à la cour des Ming de 1582 à 1610 ». Quant à Kim Hoon, il fait remonter les premiers contacts lors de la guerre contre le Japon, en 1592 : « Une croix blanche sur fond rouge était brodée sur l’étendard en soie de la troupe de Konishi » (op. cit., p. 204). Certains lettrés progressistes invitèrent des missionnaires de Pékin (Juliette Morillot, op. cit., p. 38). L’évangélisation commence alors, mais suite à un scandale (destruction de tablettes ancestrales), des persécutions brutales font 10 000 morts entre 1801 et 1846. « Trois pères français des missions étrangères entrés en fraude devaient eux aussi périr au bord du fleuve Han en 1839, décapités après avoir subi le supplice de la courbure des os ». Par réaction se crée une nouvelle religion, le Tonghak (science de l’Orient), qui promet l’égalité des hommes, et dont les meneurs sont exécutés. Jean Budes de Guébriant, vicaire apostolique en Chine, publie un bilan en 1933 : « Lorsque le Saint-Siège, en 1838, érigea en mission distincte la Mandchourie, accrue d’une partie de la Mongolie, et y appela les Missions-Étrangères de Paris, tout cet immense pays comptait 3619 chrétiens. Ils sont aujourd’hui, sans tenir compte de la partie mongole, plus de cent mille, organisés en trois Vicariats et trois Préfectures Apostoliques, avec un clergé d’au moins 60 prêtres chinois et une centaine de missionnaires. Eux aussi sont devenus une Église. » (Omnibus, op. cit., p. 824).

Jeju-do, sanbanggulsa.
Armée de méchants colonisateurs Japonais et leur innocente victime coréenne.
© Lionel Labosse


Du colonialisme japonais : globalement positif ? La question qu’il ne faut pas poser…
En dehors des femmes de réconfort et des exactions de l’unité 731 (cf. infra), les Japonais infligèrent des blessures morales aux Coréens. Parmi celles-ci figure l’affaire des « pieux de fer plantés par les Japonais par milliers dans la terre coréenne, à des endroits d’importance stratégique selon les lois de la géomancie, destinés à briser l’esprit coréen ». Cette théorie, le « pungsu » coréen, revient au Feng shui chinois, et continue à être utilisée pour « établir les meilleures conditions dans lesquelles un meuble, une pièce, un bâtiment ou une ville peuvent être placés afin de permettre aux hommes de vivre en harmonie avec les forces de la terre et du ciel » (Juliette Morillot, op. cit., p. 60).
Voilà l’image que Nicolas Bouvier donne du colonialisme Japonais dans son Journal d’Aran : « La plupart des Japonais font peu de cas de la Corée et des Coréens, en oubliant ce qu’ils doivent à une culture qui leur a transmis, entre autres choses, l’écriture chinoise, le bouddhisme, certains secrets des arts du feu, plusieurs sortes de divination et quelques animaux magiques. Cadeaux que les Japonais ont retournés sous forme d’incursions de pirates tatoués jusqu’aux yeux, d’expéditions militaires dévastatrices puis, de 1910 à 1945, de brimades colonialistes et de horions, alors que l’Occident qui avait privé le Japon de sa part du gâteau chinois et de sa victoire contre l’empire russe lui avait donné, comme os à ronger, la Corée. » (p. 106).
Mais Bouvier nuance son propos en reconnaissant que les Japonais ont plus ou moins débarrassé la Corée des yangban : « Au cours de l’histoire coréenne, cette classe de hauts fonctionnaires et propriétaires fonciers n’a brillé ni par la compétence ni par la vertu. […] Ils se souciaient énormément de paraître, et fort peu du bien-être des administrés qu’ils grugeaient. […] À la campagne, ces survivants d’un confucianisme scrongneugneu et d’un ordre révolu se distinguent encore par leur morgue et leur prétention. […] Les Yang-ban sont querelleurs comme des dindons, haussent le ton ou jouent de la canne pour s’assurer les meilleures places dans le bus ou au café, le plus souvent congestionnés d’arrogance et d’alcool. J’ai même dans l’idée que ce sont eux qui, après leurs libations, posent culotte n’importe où et souillent ce magnifique paysage. Vous ne pourriez pas peigner l’Asie sans rencontrer engeance plus insupportable. »
Patrick Maurus évoque ces yangban, ou plutôt les nobles, à propos des rues du quartier touristique d’Insadong : « Leur origine remonterait à l’agacement des gens du peuple, obligés de faire sans cesse des courbettes dans l’avenue devant les palanquins des nobles. Comment suivre la même route sans être obligés de se contorsionner ? En dégageant ces deux ruelles à quelques mètres de là, trop étroites pour autre chose que les piétons. » (p. 37). Les voyageurs en Corée d’avant la Seconde Guerre mondiale sont quasiment unanimes à reconnaître l’apport du colonialisme japonais (même avant la véritable annexion en 1910). Ainsi Jean-Jacques Matignon remarque-t-il en 1896 : « Nous devons remercier les Japonais d’avoir imposé l’hygiène de la rue aux Coréens. Ceux-ci étaient aussi sales que les Chinois et à Séoul comme à Pékin, le système du tout à la rue était l’équivalent de notre tout à l’égout. Le Coréen s’arrêtait où il se trouvait pour satisfaire ses besoins. Les Japonais eurent rapidement mis bon ordre à cette trop grande liberté. Des W.-C. furent installés dans les rues et des notices explicatives renseignaient les passants sur leur usage et l’obligation de s’en servir sous peine d’amende. Celle-ci était terrible. Ce n’était ni la cangue, ni le bambou, ni la somme à verser. Tout Coréen pincé en flagrant délit par un « sergot » japonais était invité, après bourrade souvent, à ramasser de ses mains ce qu’il venait de déposer et à le transporter dans ses mains à la vespasienne. Cette méthode donna des résultats parfaits et après trois semaines, le pli était pris par les citadins ». (Omnibus, op. cit., p. 187).
Émile Bourdaret notait pourtant quelques années plus tard : « Les Coréens ont une conception très personnelle du mystère et de la pudeur dont on doit entourer certaines fonctions. Les hommes n’usent pour ainsi dire pas de ce modeste recoin laissé aux femmes ; ils préfèrent le grand air, et ne se gênent nullement. » (Omnibus, op. cit., p. 458). La Corée est actuellement un des pays au monde le mieux équipé en toilettes publiques gratuites, pendant que les têtes pointues du ministère du tourisme en France financent de coûteux colloques pour savoir comment diable mieux accueillir les touristes… Vicente Blasco Ibañez (1867-1928) remarque la largeur des rues : « Ce qui a le plus attiré l’attention des premiers Européens qui ont visité Séoul, c’est la largeur des principales rues, qui, copiée évidemment sur celle des avenues de Pékin, paraît encore plus étonnante, parce que les maisons n’y sont guère hautes. Les Japonais ont démoli certains quartiers pour percer des voies nouvelles, et, en dehors de quelques rues tortueuses où sont installées par tradition les maisons de commerce les plus riches, la ville est construite sur le plan des villes des États-Unis ; elle a de larges avenues centrales, et d’autres latérales, où l’on circule non moins à son aise. » (Omnibus, op. cit., p. 747). Dès 1900, Angus Hamilton notait : « Le vieux Séoul avec ses ruelles empestées, ses accumulations en hiver d’ordures de toute espèce, ses fanges entassées par croûtes et sa pénétrante saleté, a presque totalement disparu de l’enceinte de la capitale. Les rues sont splendides, spacieuses, propres, admirablement tracées et pourvues d’un excellent système d’égouts. Les ruelles étroites et malpropres ont été agrandies ; les ruisseaux ont été recouverts et les chaussées élargies, à un tel point qu’avec ses trains, ses tramways, son éclairage, ses kilomètres de fils télégraphiques, son Hôtel de la Gare, ses maisons de briques aux fenêtres vitrées, Séoul est en passe de devenir, en un temps qu’on peut prévoir, la première, la plus intéressante, la plus propre des villes de l’Orient. » (Omnibus, op. cit., p. 219).
Quant aux Japonais, son jugement était défavorable : « On peut trouver surprenant, peut-être, que l’animosité des Coréens à l’égard des Japonais ne se soit pas éteinte avec le temps ; mais la faute en est entièrement à ces derniers. […] Bouffis de vanité, ils se laissent aller aujourd’hui à commettre des excès sociaux et administratifs du genre le plus détestable. Leur arrogance extravagante les empêche de voir les absurdités et les folies de leur conduite, et prouve d’une manière manifeste que leur apparence de civilisation n’est qu’un simple placage. […] Leur existence au jour le jour, leurs habitudes et leurs mœurs, leur corruption commerciale et sociale, constituent comme une caricature de la civilisation qu’ils se vantent d’avoir étudiée. Il est intolérable qu’un gouvernement qui prétend à la dignité d’une puissance de premier ordre, permette à ses nationaux établis dans un pays étranger et ami, de souiller ainsi son prestige, et d’être une honte pour le pays qui leur donne asile. […] Il y a vingt-cinq mille Japonais en Corée et ils sont la plaie de tous les ports à traité. Leurs colonies sont à la fois des centres d’affaires, de tumulte, d’émeute et de troubles. On ne retrouve rien de la culture délicate du Japon dans ces femmes débraillées, ces boutiquiers bruyants et violents, ces rues mal tenues. La modestie, la propreté et la politesse, qui caractérisent à un si haut point les Japonais, sont ici totalement absentes. C’est la transplantation qui les a ainsi métamorphosés. Le marchand s’est changé en une brute tapageuse ; l’homme de peine est impudent, violent, et en général un rebut de la société, plus disposé à voler qu’à travailler. Patrons et ouvriers terrorisent également les Coréens, qui craignent pour leur vie chaque fois qu’ils ont affaire à des Japonais. Avant la guerre sino-japonaise, cet esprit n’était pas aussi visible dans la capitale du Royaume Ermite. À la suite des succès remportés dans cette campagne, les Japonais devinrent tellement agressifs à l’égard du peuple, que si les Coréens avaient eu le choix entre deux maux, ils auraient préféré la domination chinoise à l’état de choses dont ils souffraient. » (p. 248).
Jean de Pange rapporte une anecdote significative : « Ainsi costumés, les Coréens sont le plus souvent accroupis devant leurs portes et poursuivent d’interminables causeries, en fumant des pipes d’une longueur invraisemblable. Ces habitudes d’indolence ne pouvaient être admises par le tempérament actif des Japonais, et quand ceux-ci occupèrent Séoul en 1895, le comte Inouyé fit placer aux portes de la ville des sentinelles munies de forts ciseaux avec consigne d’arrêter les passants pour arracher les immenses chapeaux de paille, couper les chignons, rogner les manches et raccourcir les tuyaux de pipe. […] Mais les Coréens prirent peu de goût à ces études de psychologie expérimentale et y mirent un terme par la terrible réaction antijaponaise de février 1896 » (Omnibus, op. cit., p. 510). Eugène Brieux est admiratif des écoles fondées par les Japonais : « Je ne crois pas qu’en Indo-Chine, où nous sommes depuis cinquante ans, nous ayons construit un établissement aussi pratique que celui-là. Est-ce que déjà nous aurions à apprendre quelque chose de nos anciens élèves ? » (Omnibus, op. cit., p. 649).
André Bellessort loue également les Japonais : « Aux nouveautés qu’apportaient les Japonais et à leurs ballots de marchandises, il fallait des routes ; et la Corée n’était sillonnée que de sentiers. Tout le commerce intérieur se faisait à dos d’hommes et de bêtes, ce qui donnait à la corporation des portefaix une autorité qui contrebalançait celle du gouvernement. Ils ne reconnaissaient le pouvoir ni des nobles ni des mandarins. Dans les temps de troubles, au seul bruit qu’ils pourraient descendre à Séoul, le Roi et les ministres tremblaient, et les habitants se mettaient en état de siège. Ils étaient les routes vivantes, et tenaient toute la vie du pays sur leurs fortes épaules. C’en est fait de leur importance […]. Les Japonais auront bientôt couvert leur nouvelle province de grands chemins et de voies ferrées. » […] « Ce peuple avait besoin d’une entière rééducation. Les Japonais ont ouvert partout des écoles communales, et des écoles industrielles et des écoles d’agriculture et de commerce. » […] « Je pense qu’ils leur ont appris à traire les vaches. Jadis le lait était un luxe réservé au Roi. « Et l’on trayait la vache, me dit un Coréen, avec toutes sortes d’égards. — Lesquels ? lui demandai-je. — Voici, me répondit-il : on commençait par la renverser sur le dos, les quatre pattes en l’air… » Quant aux moutons et aux chèvres, le Roi seul, et quelques privilégiés, avaient le droit d’en élever. Les moutons étaient sacrifiés à ses ancêtres ; les chèvres, à Confucius. La culture de la pomme de terre était défendue. Il était interdit de toucher aux mines. Jamais gouvernement ne s’ingénia à maintenir son peuple dans un tel état d’ignorance et de dénuement. » […] « Les Coréens sont en train de reporter sur leurs conquérants toute la considération et toute l’admiration que naguère ils nous accordaient. Peut-être se rendent-ils compte qu’aucune nation européenne ne les aurait arrachés plus rapidement à la misère matérielle et morale où ils croupissaient. Quand on les pousse un peu, ceux-là même qui, sur la foi d’anciens oracles, gardent encore le vague espoir d’une indépendance reconquise, ne peuvent s’empêcher d’en convenir. Avec les Japonais sont entrés dans ce royaume de l’oppression et de la routine la sécurité, le travail, l’humanité, la vie. » (Omnibus, op. cit., p. 674-679).
Robert Chauvelot (1878-1937) en rajoute : « Irrédentisme vain, car — qu’on le veuille ou non — la Corée conquise est extrêmement prospère sous le protectorat japonais. C’est là un fait acquis contre quoi ne prévaut aucune revendication nationale ni sociale. Songez que la population totale de l’ancien empire, devenu colonie japonaise, est passée en seize ans de 10 millions à 17 millions d’habitants ! » (Omnibus, op. cit., p. 727).

Sur le ferry de Mokpo à Jeju-do.
Coréenne s’abritant des ravages du colonialisme japonais.
© Lionel Labosse

Félicien Challaye, au contraire, porte un regard anticolonialiste plus conforme à notre modernité : « Les Coréens sont privés des droits les plus essentiels. Ils ne peuvent, venant d’ailleurs, pénétrer dans leur propre pays qu’avec l’autorisation de la police japonaise. » […] « Dans les écoles, c’est le japonais et l’histoire du Japon seulement qu’on enseigne ; on n’enseigne ni le coréen ni l’histoire de la Corée. Si les Japonais ont développé les écoles, c’est pour japoniser le pays, non pour y répandre une large culture humaine. Les Coréens n’ont aucune représentation parlementaire, aucune liberté de presse, aucun droit de réunion, d’association, de pétition. » […] « En dépit de l’identité de race, cette colonie de jaunes soumis à des jaunes subit les mêmes injustices et souffre des mêmes douleurs que les colonies de jaunes ou de noirs dominées par des blancs. » (Omnibus, op. cit., p. 696). Mais Frédéric Joüon des Longrais nuance : « Le Japon a évidemment employé la manière forte, et il y a eu d’indéniables brutalités. Mais un levain énergique s’imposait pour sortir cette race de sa torpeur. Les Coréens sont traditionnellement, depuis des siècles, tyrannisés et il n’est pas dit que l’autorité japonaise soit plus draconienne pour le peuple que la domination des tyranneaux qui furent rois de Corée. En somme, la domination japonaise a surtout frustré, comme notre domination française en Indochine, une classe de petits mandarins locaux, vivant d’exactions au détriment réel de la population agricole et marchande. C’est parmi les descendants de ces petits mandarins que se recrutent certains exaltés qui s’accolent volontiers aujourd’hui l’étiquette de bolchevistes, après avoir été précédemment nationalistes. » (Omnibus, op. cit., p. 711).
Claude Farrère (1876-1957) établit un parallèle avec la colonisation française : « la Corée n’était plus en état d’être protégée. Tout ressort était aboli en elle. Ses dirigeants entreprirent un jeu d’intrigues entre la Russie et la Chine, à leur profit propre, il va de soi. Finalement, en 1910, le Japon, vainqueur des Russes, annexa net la Corée comme la France avait fait de Madagascar. Seulement, à Madagascar, peu de choses ont été faites depuis Galliéni. Et, en Choisen, je ne retrouve rien, ce qui s’appelle rien, de la Corée d’il y a quarante ans. » (Omnibus, op. cit., p. 866). Même son de cloche chez Maurice Moncharville : « Sans conteste, les nouveaux maîtres ont eu parfois la main trop lourde pour réprimer les troubles. Mais ceci est de l’histoire ancienne et surtout il ne faut pas oublier les avantages immenses de l’ordre succédant à l’agitation chronique qui caractérisa la fin de la royauté. Observons, au surplus, que le Japon n’a pas eu de regards pour la seule richesse. Il s’est aussi penché sur les humbles. C’est à son initiative que l’on doit des hôpitaux, des léproseries, des latrines et des bains publics, des hôtelleries, des restaurants et des échoppes de coiffeurs pour le peuple » (Omnibus, op. cit., p. 878). Que ne sommes-nous capables, Européens du XXIe siècle et leurs anciens colonisés, d’une vision aussi impartiale des inconvénients, des erreurs, et des bienfaits de l’horrible colonisation ? (N’ayez crainte, le sujet des « femmes de réconfort » sera abordé dans le prochain chapitre).
 Le réalisateur Nagisa Ōshima (1932-2013) passa deux mois en Corée du Sud en 1965, photographia, et en tira Le Journal de Yunbogi.

 Le Réseau des études sur la Corée de l’université Paris-Diderot est une ressource savante incontournable, que l’on peut investir par le trou de souris de son blog.
 La MGT, médiathèque du grand Troyes, a réalisé un dossier illustré complet sur la Corée ancienne.

 La photo de vignette de l’article représente un hibiscus syriacus, emblème de la Corée du Sud.

 Lire le chapitre 1, le chapitre 2, le chapitre 3, le chapitre 4, le chapitre 5, le chapitre 6, le chapitre 7, le chapitre 9.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Photos de Corée du Sud sur Dropbox


© altersexualite. com, 2017. Photos © Lionel Labosse. Reproduction interdite.


[1Cela n’a pas forcément sa place ici, mais c’est l’occasion de signaler un des plus beaux anachronismes de l’histoire du cinéma : dans l’adaptation éponyme du Barrage contre le Pacifique de Marguerite Duras par Rithy Panh (2008), Joseph mange tout en conduisant une voiture, un sandwich fait avec du pain, dans cette plaine où il est déjà impossible de cultiver du riz, et en plus, le malheureux sandwich ne quitte pas l’écran pendant une scène interminable !

[2Ou Koryo, du nom de la dynastie qui régna plus ou moins sur la Corée entre Silla et Joseon, autant que les Mongols le permirent