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L’instrumentalisation du sida en question, pour éducateurs

Sida et homosexualité(s) en Afrique. Analyse des communications de prévention, de Charles Gueboguo

L’Harmattan, 2009, 260 p, 25 €.

mercredi 24 février 2010

Voici un deuxième livre attendu de ce chercheur prometteur qui a le mérite et le courage de remuer le couteau dans la plaie sans avoir le bras long (je veux dire qu’il parle de l’homophobie en Afrique et depuis l’Afrique). Après avoir traité de La question homosexuelle en Afrique à travers le cas du Cameroun, Charles Gueboguo s’attaque à la question du Sida. Son livre est polémique, et le sujet fort pointu, ce qui en constitue à la fois l’intérêt et les limites. J’ai été déçu de ne pas suffisamment trouver ce qu’annonçait le titre, remplacé par des analyses brillantes d’un haut niveau universitaire sur un nombre fort limité de campagnes de prévention. Le plan de l’essai est assez confus, par exemple il se termine sur un chapitre consacré à l’homosexualité en Afrique qui aurait été plus logique au début, de façon à terminer sur ce qui est annoncé en titre. Mais cela révèle le véritable objectif — fort louable — poursuivi dans tout ce travail : contrer le négationnisme borné qui sévit en Afrique à propos de l’homosexualité. Le thème du sida n’est qu’un prétexte. En gros, il s’agit d’accuser les dirigeants politiques et sanitaires d’avoir occulté la réalité homosexuelle de l’épidémie, et d’avoir instrumentalisé le sida dans des buts de moralisation de la vie sexuelle. Bien, mais si j’abonde en ce sens, j’ai souvent eu l’impression que Charles Gueboguo instrumentalisait à son tour l’épidémie pour obtenir une autre moralisation (plus de tolérance), ceci au prix d’un certain nombre de contre-vérités que je tâcherai de souligner. Ceci étant dit, cet essai constitue en soi, comme le premier ouvrage du même auteur, un fort utile condensé de tout ce qui s’est écrit auparavant sur le sida et l’homosexualité, ainsi qu’une étude appliquée de sémiologie, avec un apparat de notes [1], de citations de grands auteurs y compris en linguistique, et une bibliographie qui seront, et c’est à souligner avant tout, d’un intérêt majeur pour les étudiants, notamment lorsqu’ils n’ont pas accès facilement à un grand nombre d’ouvrages dans leur bibliothèque universitaire sur ces sujets plus ou moins tabous. Les pages sur les origines du sida sont notamment utiles pour actualiser les connaissances de certains d’entre nous. Dans cet article, je ne reprendrai pas les nombreux liens signalés dans celui sur La question homosexuelle en Afrique, qui permettent de faire le point sur la question. Ce nouvel essai contient d’ailleurs la reprise de certains articles déjà disponibles sur Internet, que nous avions déjà lus et commentés.

À esprit critique, esprit critique et demi

Je voudrais pour commencer citer une formule de la préface de François Simonet : « Tout ce qui est annoncé est pris comme vérité, sans autre forme de vérification ». Certes il est toujours bon d’en appeler à l’esprit critique, mais il faudrait ne pas le poser comme un chapeau sur un perroquet dès lors qu’on pénètre dans le milieu « LGBT » ou de la lutte contre le sida français, dont j’ai souvent dénoncé la tendance à la pensée unique, que ce soit sur la question du « Mariage gay » ou sur celle du « sida ». Il y a aussi dans ces associations, des subventions et des postes bien rémunérés de directeur ou de chef de service, qui poussent, à mon humble avis, à en faire des tonnes pour défendre son bout de gras, au détriment de la vérité et de l’utilité commune, comme on disait en 89. Les associations de lutte contre le sida sont devenues des coquilles vides, qui, à l’inverse de ce qui se passait au début de l’épidémie, ont un effectif pléthorique en salariés, et des bénévoles qui se comptent sur le doigt de la main. Ces salariés sont la plupart du temps chargés de campagnes de prévention, et l’on comprend aisément que leur intérêt est de persister à promouvoir des campagnes inquiétantes qui justifient la prorogation de leur contrat…

Après avoir fait un point utile sur la notion de publicité, l’auteur entame la défense de sa thèse : l’oubli préjudiciable de l’homosexualité dans la communication sur le sida en Afrique. Les termes « hétérocentrique », « hétérocentré » (p. 99) sont utilisés à plusieurs reprises ; voire la formule « orthodoxie hétérocentrique » (p. 114), que pour ma part j’abrègerais en « orthosexualité » ! Il reprend dans tout son ouvrage — au prix de certaines redondances y compris avec son précédent opus [2] — les connaissances principales sur l’homosexualité en Europe, puis en Afrique. Une particularité due à la discrimination nous est signalée, d’une forte proportion de « MSM » ou « WSW » : Hommes ou femmes (en anglais) ayant des relations sexuelles avec des hommes ou des femmes, sans s’identifier comme homosexuels (p. 35). On apprend que « plusieurs Africains [3] qui passent pour homosexuels le dissimulent à cause des rigidités sociales » et donc entretiennent des rapports avec l’autre sexe. On s’agacera parfois de l’obsession à vouloir distinguer cette catégorie de celle des bisexuels, dont on se demande si Charles considère qu’elle existerait sans la discrimination (qu’il se rassure, en France aussi, on cherche en vain au nom de quels « B » parlent les associations prétendument « LGBT » !) Une définition de « homosexualités » me laisse ou dubitatif ou pantois, puisque si je lis bien, ce terme pour Charles Gueboguo inclut les « personnes à pratiques hétérosexuelles qui s’engagent dans une activité sexuelle non exclusive de la relation pénivaginale. Il s’agit des relations sexuelles anales et buccales qui, elles aussi en cas de non-protection, peuvent être des voies d’infection au VIH. » (p. 54).

La fellation : un scrupule prophylactique tellement empreint de pudibondieuserie !

On bute aussitôt sur un autre énorme point de désaccord avec Charles Gueboguo. Je me suis déjà exprimé sur le sujet dans les articles signalés ci-dessus, et je ne vais pas reprendre mes arguments, mais il me semble irresponsable de mettre sur le même plan, comme c’est fait incidemment dans cette phrase et dans bien d’autres tout au long de l’ouvrage, sodomie et fellation [4]. Quand Charles Gueboguo reproche à certaines campagnes de communication de pratiquer la culpabilisation (p. 102), se rend-il compte qu’en prônant, en dépit du bon sens, le port de la capote lors des fellations, il recourt lui-même à une autre sorte de culpabilisation ? Et cette culpabilisation est également néfaste en termes prophylactiques. En effet, si l’on considère non pas le fantasme de chercheurs abstraits dans la théorie, mais la réalité du terrain, quasiment personne n’utilise des préservatifs pour sucer des bites (pardon, avoir des relations pénibuccales). Or insinuer que c’est aussi dangereux que la sodomie sans capote, ce qui est purement mensonger, ne risque-t-il pas, a contrario, de pousser les gens à se dire : « puisqu’il en est ainsi, je n’en mettrai pas non plus pour la sodomie » ? Et quand la pauvreté vous fait faire des choix drastiques, ne serait-il pas dramatique que la dépense, totalement inutile je le répète, de préservatifs pour la fellation, prenne la place cent fois plus utile de moustiquaires contre le palu ? Et pourquoi troubler les Africains avec ces préservatifs pour les fellations, alors que le niveau de confusion est déjà suffisamment consternant, puisque, selon l’auteur, l’insistance de la prévention sur les seuls rapports hétérosexuels pénis/vagin induirait que « Plusieurs (sic) individus sont convaincus que les rapports pénianaux, avec un homme et/ou une femme, les immunisent contre toute infection au VIH » ! (Information répétée, bien qu’elle me laisse dubitatif ; cf. par exemple p. 140 et p. 176). Pourtant, Charles Gueboguo cite p . 179 une brochure hollandaise de 1992, c’est-à-dire avant les tri-thérapies, selon laquelle la fellation sans éjaculation est sans risque. Elle l’est encore plus depuis les tri-thérapies, étant donné que les séropositifs sous traitement présentent souvent une charge virale nulle. Sur ce point, je suis désolé, cher Charles Gueboguo, mais particulièrement dans la situation africaine, les autorités sanitaires ont mille fois raison de ne pas troubler les gens avec un risque quasi-nul [5], pour qu’ils se concentrent, et concentrent leurs moyens financiers d’achats de préservatifs sur le risque principal ! Et que dire quand le poppers est qualifié de « drogue » (p. 150) ? Non, vraiment, certaines informations manquent clairement de sérieux. [6]

La théorie de la peur

Et Charles Gueboguo de faire l’apologie de la « théorie de la peur » (p. 152), dont on sait pourtant à quel point elle est non seulement inefficace, mais dangereuse. En effet, quand on serine à longueur de journée que la fellation, le liquide séminal, donnent le VIH à coup sûr, et que le sida est toujours mortel, le seul résultat, c’est que les gens qui prennent des risques ont effectivement peur, donc qu’ils ne se font pas dépister, donc ils continuent à contaminer les autres ! La seule prévention efficace, c’est de dire la VÉRITÉ, nom d’un rapport « pénibuccal » — pardon, nom d’une pipe ! Le sida n’est pas une maladie diabolique ou métaphysique à traiter indépendamment des autres. Le citoyen, qu’il soit Africain ou Français, n’est pas plus idiot qu’on le croit, et sait bien qu’en matière de santé, les médecins, les religieux, les politiciens, et certains militants un peu trop imprégnés de la bonne vieille sexophobie religieuse, nous ont toujours raconté les mensonges les plus éhontés. Ainsi, jusqu’aux années 50, en France, se masturber présentait-il les pires dangers, alors que fumer était anodin ; la mort subite par hydrocution était assurée si l’on commettait l’hérésie de se baigner à moins de quatre heures après un repas ; l’homosexualité fut considérée officiellement par la médecine comme une maladie jusqu’à il n’y a pas si longtemps, et aujourd’hui, quel bourrage de crâne ne subissons-nous pas à propos d’une grippe un peu plus contagieuse que la moyenne ! L’usage du mot « relapse » (cf. p. 156), est un excellent signe de ce que dans le milieu des militants anti-sida, l’imprégnation inconsciente de la religion chrétienne a été profonde. C’est cette influence qui perdure aujourd’hui pour persister à vouloir interdire en dépit du bon sens les fellations sans capote, même chez des gens qui vous jureront le cœur sur la main n’être pas le moins du monde catho ! Je perçois cette influence également dans la notion de « cursus sexuel », qui « fait de chaque individu l’héritier des risques d’infections sexuelles et des problèmes de santé sexuelle de l’autre, voire de toute la société »(p. 184). Ben voyons ! En France, les enseignants qui s’adressent à des jeunes se sentent forcés, sous peine de risque de procès, de participer au bourrage de crâne. Ils racontent aux ados qu’ils sont en danger de mort s’ils ne mettent pas de préservatif dès leur premier coït. La vérité et le bon sens consisteraient plutôt à leur dire que, s’ils sont deux ados qui en sont quasiment à leur premier rapport sexuel, ils peuvent jouir en toute quiétude sans capote, et qu’ils en profitent ; qu’au contraire, s’ils baisent avec quelqu’un de bien plus expérimenté qu’eux, il vaudrait mieux adopter la capote. Bien évidemment, quand vous tenez ce genre de propos, et heureusement, les ados ne vous écoutent pas, et vous classent immédiatement et définitivement dans la catégorie has-been, comme lorsque vous leur expliquez que le hashish égale la fin du monde…
Charles Gueboguo fait le point sur les discriminations et sur la négation de l’homosexualité en Afrique, dont le comble est atteint, rappelle-t-il, quand « Les chercheurs ou les acteurs de santé publique ont peur de se compromettre ou d’être identifiés eux-mêmes à des homosexuels » (p. 36) [7] Ce silence pourrait avoir des raisons plus confuses, par exemple la gêne d’évoquer au sein du pouvoir un certain népotisme homosexuel qui aurait été de mise à l’époque de Louis-Paul Aujoulat, affaire rappelée lors du lynchage médiatique d’homosexuels camerounais en 2006 (cf. p. 130). Une autre explication judicieuse proposée est l’intérêt stratégique des homosexuels mais aussi des spécialistes occidentaux, pour éviter la stigmatisation au début de l’épidémie, et pour obtenir des subsides pour la recherche, de « souligner une possible transmission hétérosexuelle » (p. 161). Certaines autres explications sont signalées puis rejetées comme rumeurs, l’intérêt des fabricants de condoms, mais aussi le « contrôle des natalités » (p. 166).

Données historiques et réflexions pragmatiques


De l’historique du sida, on retiendra qu’il fut surnommé à ses débuts en Afrique : « syndrome inventé pour décourager les amoureux », mais aussi « syndrome d’immunodéficience politique acquise » (p. 73), ceci pour dénoncer l’incapacité des politiciens africains à gérer la pandémie par eux-mêmes. L’impact indirect de la religion est rappelé avec un slogan courant en forme d’acronyme : ABC : « Abstinence, Be faithful, condomize » (p. 120), que les jeunes ont l’habitude de reprendre, mais en inversant l’ordre des termes, ce qui nous rappelle le récent buzz médiatique sur les propos papaux, auquel Charles Gueboguo n’a pas consacré une ligne (voir sa réaction en exclusivité dans l’article précité). Une phrase de ce livre me scandalise : « ces communications de prévention apparaissent comme des facteurs indirects favorisant l’émergence et la propagation du VIH en Afrique, alors qu’elles ont pour rôle principal de freiner son avancée. » (p. 187). On peut la rapprocher des propos du pape selon lesquels les préservatifs aggraveraient le problème ! Dans les deux cas, des préoccupations morales conduisent à outrepasser les bornes du raisonnable : non, Charles, il vaut mieux une prévention discutable et pas aussi parfaite qu’on la souhaiterait qu’aucune prévention !
En ce qui concerne les informations apportées, un tableau réalisé par l’auteur qui a croisé de nombreuses données, montre que « le taux de prévalence [au VIH] chez les MSM est trois fois plus élevé que dans toute la population », encore ne s’agit-il que d’une moyenne, car il constate que dans certains cas l’écart irait de 43 % à 6,1 % (Kenya) ou de 21,5 % à 0,9 % (Sénégal) (p. 38)… Données à considérer avec circonspection dans l’attente d’une étude spécifique globale. C’est là où mon désaccord avec l’auteur (comme avec 90 % des militants ou spécialistes du sida en France !) intervient. Je n’accepte pas qu’on noircisse le tableau pour manipuler par la peur. Les traces de cette obsession sont omniprésentes dans ce livre. Par exemple, cette manie de rappeler : « le virus qui est à l’origine de la maladie conduit à la mort ». Certes, mais depuis les tri-thérapies en 1995, c’est une information à moduler, d’une part, d’autre part la vie en général conduit à la mort, enfin je n’ai relevé dans tout l’ouvrage qu’une seule allusion très indirecte au paludisme [8]. Or je rappellerai que selon l’article de Wikipédia, « Chaque année, le paludisme est la cause de 400 à 900 millions de cas de fièvres, et entre un et trois millions de morts ». Pour le sida, on relève une indication de 2,4 millions de morts en Afrique en 2002, et la prévalence serait en baisse. Il est dommage que l’auteur ne croise jamais ces informations, car la réaction des Africains à des messages de prévention ne peut à mon avis pas être comprise en profondeur si l’on ne tient pas compte de certains facteurs comme l’espérance de vie. Le sida, faut-il le rappeler, surtout avec les nouveaux traitements, est devenu une maladie chronique. A-t-on envie de s’embêter à mettre des préservatifs coûteux si l’objectif est de vivre jusqu’à soixante-dix ans, alors que l’espérance de vie dans de nombreux pays d’Afrique est inférieure à 50 ans ? Quand on regarde des photos ou des films des années 30 ou même 70 en France, on est sidéré par la pratique constante de la cigarette, sur les lieux de travail, dans les cinémas, etc. Et pourtant, il y avait le cancer du poumon… En gros, plus l’espérance de vie progresse, plus on craint certaines maladies lentes. À l’exception étonnante du cancer du sein, qui semble toujours un sujet tabou, alors qu’il touche une femme sur 8 ou 10 ! Bizarrement, à propos du cancer, les médecins, les militants et les journalistes n’éprouvent pas le besoin de rappeler systématiquement aux malades qu’il est mortel… Au XIXe siècle, la syphilis était une maladie grave et mortelle ; mais cette société pourtant imprégnée de catholicisme, n’a jamais interdit les maisons closes, et n’a jamais stigmatisé les « relapse » comme Guy de Maupassant. Pourquoi sommes-nous devenus une société aussi coincée, réprimante, déprimante ?

La prévention et l’oubli des gais


Sur les communications de prévention proprement dites, l’analyse est brillante. On s’amusera des exemples de pubs radio camerounaises en « camfranglais » à la langue savoureuse : « Frank, moi aussi je te piffe… mais il y a un way que tu dois know » (p. 80), dont l’auteur regrette qu’elles ne s’adressent pas aux « jeunes des zones rurales » (p. 83). L’efficacité est mise en doute, car « le message rappelle le port du préservatif alors que le code redit que la virilité s’en dispense » (p. 84). Cela nous rappelle les vieux slogans contre l’alcoolisme du type « un verre ça va, trois verres bonjour les dégâts ». En France, nous connaissons encore ce type de propagande idiote qui prône ce qu’elle est censée combattre, par exemple le bourrage de crâne actuel sur les « violences faites aux femmes », à propos duquel la belle formule de Charles s’applique parfaitement : en parlant de « violences aux femmes » et non « conjugales », le code redit que la violence des hommes dans le couple est la règle ! Mais ces analyses brillantes me laissent sur ma faim, comme le premier opus. Quand Charles reproche au magazine 100 % jeune, le journal, de ne donner la parole aux gais que dans le cadre restreint du courrier des lecteurs, on est obligé de constater que son livre, qui pourtant parle au nom de la communauté homosexuelle africaine, ne donne la parole à aucun homosexuel en dehors des citations dudit magazine ! On comprend bien sûr qu’il est délicat pour un chercheur de montrer qu’on a rencontré des gens censés ne pas exister [9], mais leur donner la parole aurait donné plus de poids aux revendications faites en leur nom ! On regrettera aussi de ne pas trouver d’informations sur l’accès aux traitements, qui pourraient tordre le cou aux idées reçues de nombreux Européens persuadés que ces pauvres Africains en sont toujours à soigner le sida avec de la poudre de perlimpinpin ! On dirait que l’auteur a soigneusement évité toute information qui puisse relativiser la peur de cette maladie.

Sans aucun rapport avec le sida, le chapitre final est le plus passionnant, et sera plus utile, sans doute, pour contribuer à la fin de l’oubli des altersexuels en Afrique. C’est la reprise d’un article qu’on trouvera ici. L’auteur se livre d’une façon toujours aussi poétique à son goût pour la néologie. Vous saurez donc tout sur le « pédicon » et le « pédiqué » (p. 200), le « rite de la suturation de l’anus dans la forêt » (p. 208), la « pratique consistant à épouser de jeunes garçons parmi les jeunes militaires » (p. 213), et une pratique dans plusieurs pays de « mariages de femmes veuves et âgées » (p. 218), qui n’est pas sans rappeler l’« épiclérat » attique tel que le définit Simone de Beauvoir dans Le deuxième sexe, Tome 1, p. 147. Il s’agit d’assurer une descendance à la veuve dont le mari ne lui a pas laissé d’enfant. La stigmatisation sociale est rappelée, avec des cas différents, par exemple la Côte d’Ivoire où « le fait homosexuel suscite principalement la curiosité » (p. 221). Le très utile tableau donné en annexe des législations sur tout le continent se retrouve dans un article du volume 32 hors série de la revue Anthropologie et sociétés, que l’on peut télécharger ici.

 Rappel : tous les articles de Charles Gueboguo disponibles sur le net sont signalés dans l’article sur son premier livre ; on rappellera par exemple « La problématique de l’homosexualité en Afrique », sur « Sidanet » et « Ce que parler veut dire », sur « LE SEMINAIRE GAI ».
 On trouve sur le site du CRIPS un catalogue d’outils de prévention utilisés en Afrique.
 Lire un article de Jean-Christophe Servant sur le blog « Échos d’Afrique » , intitulé « Homosexuels : cibles émouvantes, boucs émissaires », sans oublier la discussion qui fait suite à l’article, et permet une réflexion enrichissante sur les dégâts collatéraux de l’importation par frappes chirurgicales de la conception septentrionale de l’homosexualité en Afrique.

Lionel Labosse


Voir en ligne : « La problématique de l’homosexualité en Afrique », article de Charles Gueboguo


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[1Parfois superfétatoires lorsqu’il s’agit de justifier des évidences ; cf. la note 2 p. 193 : était-il vraiment nécessaire d’invoquer le prêtre Marc Oraison aux théories plus que discutables pour justifier un truisme comme « l’homosexualité est de tous les temps » ?

[2Je ne reprendrai pas les remarques sur l’excès de jargon déjà faites dans l’article précédent : on sent que Charles Gueboguo a tout pour devenir prof de fac. J’en donnerai un seul exemple, la phrase de près de 90 mots qui termine le texte de la 4e de couverture, censée donner envie d’acheter le livre (et donc en principe rédigée par l’éditeur et non l’auteur) : « À partir d’une sociologie des communications, en particulier celles reposant sur les techniques de la publicité avec le support des médias de masse, orientées vers la prévention sexuelle, l’ouvrage propose une piste de décryptage et de discussion des raisons de cette omission, en se basant d’abord sur le constat que, à la différence d’autres campagnes de santé publique, la prévention de la transmission sexuelle est la plus difficile à mettre en œuvre, pour ensuite s’en éloigner progressivement dans une perspective analytique. Respirez !

[3Idiotisme troublant de l’auteur, qui emploie fréquemment « plusieurs » plutôt que « une certaine proportion ».

[4Sans parler du « fist-fucking », évoqué à plusieurs reprises (p. 115).

[5Ah oui, bien sûr, on nous rappelle toujours « plus de 20 observations bien documentées de contamination » (p. 177), sur des millions de cas. Je crois que dans le monde plus de 20 personnes sont mortes étouffées en mangeant du poisson. Conseil : ne mangez plus de poisson !

[6Je cite encore un autre exemple de phrases contestable : « L’usage systématique des lubrifiants est plus adapté dans ces rapports, plutôt que l’utilisation de graisses, de savons qui fragilisent le préservatif et le rendent poreux. Pour les rapports pénibuccaux (sic), le port du préservatif s’avère aussi nécessaire. » Non, Charles, l’usage des lubrifiants n’est pas seulement « plus adapté » ! Et les graisses, etc., ne rendent pas le préservatif poreux : elles le réduisent en bouillie, et surtout elles attaquent les tissus de l’anus et les rendent plus perméables au virus !

[7Rappelons qu’en France même jusque dans les années 1960, cela allait encore plus loin, cas les ouvrages traitant d’homosexualité même scientifiquement, étaient carrément interdits à la vente au nom de la fameuse Loi du 16 juillet 1949 sur les publications destinées à la jeunesse, ce qu’on a tendance à oublier.

[8« distribution des préservatifs ou des moustiquaires imprégnées », p. 104).

[9Pour la bonne bouche, on relèvera incidemment que, toujours sur la question de la fellation, l’auteur a pu savoir qu’elle était devenue (sic) une pratique « très répandue » « d’après une observation empirique auprès des étudiants à Douala et à Yaoundé » (p. 177) !