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Trio en jalousie mineure, pour lycéens et adultes

L’Invitée, de Simone de Beauvoir

Folio, 1943, 510 p, 7,8 €

mardi 15 novembre 2011

Ce premier roman publié de Simone de Beauvoir date de 1943, mais il a été écrit à partir de 38 / 39. Il s’inspire de faits autobiographiques, des relations de trio vécues par l’auteure et son compagnon Jean-Paul Sartre avec plusieurs jeunes femmes, des anciennes élèves de Beauvoir, ce qui lui valut d’ailleurs quelques démêlés fâcheux avec l’éducation nationale. Suite à la plainte de parents de ces jeunes filles, elle fut renvoyée, suspendue, puis réintégrée. L’aspect érotique est fort peu présent ; ce qui compte pour l’auteure est l’analyse philosophique de la relation à autrui dans le cadre non seulement du trio, mais de ses ramifications amoureuses, amicales et familiales. On lira bien sûr ce texte en parallèle avec L’Âge de raison, de Jean-Paul Sartre, paru en 1945, mais écrit en même temps, et dont l’action est censée se passer en 1938 et 1939, comme L’Invitée. Simone de Beauvoir semble plus proche du modèle autobiographique, qui transpose principalement une relation triangulaire entre le couple de philosophes et la dédicataire du roman, Olga Kosakiewicz, connue au lycée de Rouen en 1934 [1], mais aussi sans doute d’autres jeunes femmes avec qui le couple vécut d’autres relations plus récentes au moment de l’écriture, par exemple Bianca Lamblin, laquelle publia en 1991 Mémoires d’une jeune fille dérangée, son point de vue amer écrit a posteriori sur ce trio.
Si l’on ne peut juger d’une histoire d’amour dont nous ne connaissons que le ressenti et le ressentiment des uns et des autres après la bataille, on ne peut s’empêcher, en lisant en parallèle les romans des deux philosophes, de penser que s’ils ont expérimenté des nouveautés narratologiques issues de leurs lectures des grands romanciers américains, notamment la focalisation interne et le monologue intérieur, ils ont pu aussi considérer leurs relations avec ces jeunes femmes successives comme des expérimentations naturalistes mâtinées d’observation participante, voire de recherche–action ! Cela n’empêche pas la sincérité d’ailleurs, et même Bianca Lamblin reconnaît que son amitié avec Beauvoir dura jusqu’à sa mort. On lira dans La Force de l’âge l’analyse par Beauvoir de son propre roman, l’esthétique qu’elle a voulu suivre, inspirée notamment d’Hemingway, de Dashiell Hammett et de Dostoïevski (Folio, pp 384 à 393). [2]

Résumé

Beauvoir ne s’étend pas sur la rencontre de Françoise (elle-même) avec Xavière, dont le modèle est une de ses élèves de terminale : « c’était un petit personnage déconcertant ; avec ce béret qui cachait ses cheveux blonds, elle avait presque une tête de garçonnet ; pourtant c’était un visage de jeune fille qui avait charmé Françoise six mois plus tôt. » (p. 24). La jeune fille est d’ailleurs une caricature de fille qui surjoue la féminité, un cas clinique en or pour les théories de Judith Butler. Capricieuse, provocatrice, refusant toute logique, tout engagement, l’inverse de Françoise. Par exemple, elle fantasme sur un « beau danseur nègre », mais s’enfuit quand il lui adresse un bonjour (p. 169). À travers Xavière, Beauvoir règle ses comptes avec la ville de Rouen où elle enseigna vers 1935 : « Je hais cette ville crasseuse, et les gens dans les rues avec leurs regards comme des limaces » (p. 24). Dans La force de l’âge, elle revient sur la transposition de l’action à Paris : « L’attachement maniaque de deux adultes à une enfant de dix-neuf ans ne pouvait guère s’expliquer que dans le contexte de la vie de province ; il fallait cette atmosphère étouffante pour que le moindre désir, le moindre regret tournât à l’obsession, que toute émotion prît une violence tragique, qu’un sourire pût embraser le ciel. De deux jeunes professeurs inconnus, je fis des personnalités bien parisiennes, comblées d’amitiés, de relations, de plaisirs, d’occupations : l’aventure infernale, poignante, parfois miraculeuse de la solitude à trois s’en trouva dénaturée » (p. 391). C’est Pierre (modèle de Sartre), qui propose d’entretenir Xavière pour qu’elle vienne étudier à Paris. Le passage serait un exemple fort original de réécriture à comparer avec la scène équivalente du chapitre XV de L’Âge de raison, où c’est Mathieu seul qui a cette initiative, par amour pour Ivich.

L’amour libre

En filigrane, chez Beauvoir, on sent un témoignage très proche de ce que devait être la conception de l’amour libre entre elle et Sartre, cynique et donjuanesque côté Sartre, plus fidèle côté Beauvoir : « – Tu as de la chance, tes histoires se liquident toujours bien. — C’est qu’au fond aucune de ces petites bonnes femmes n’a jamais vraiment tenu à moi, dit Pierre. — Je ne pense pas que Canzetti soit une fille intéressée, dit Françoise — Non ; ce n’est pas tant pour avoir des rôles ; seulement elle me prend pour un grand homme, et elle s’imagine que le génie lui remontera du sexe au cerveau. — Il y a de ça, dit Françoise en riant. — Ça ne m’amuse plus, ces histoires, dit Pierre. Si au moins j’étais un grand sensuel ; mais je n’ai même pas cette excuse. Il regarda Françoise d’un air confus. Ce qu’il y a, c’est que j’aime bien les commencements. Tu ne comprends pas ça ? – Peut-être, dit Françoise, mais moi ça ne m’intéresserait pas une aventure sans lendemain. – Non ? dit Pierre. – Non, dit-elle, c’est plus fort que moi : je suis une femme fidèle. On ne peut parler de fidélité, ou d’infidélité entre nous, dit Pierre ; il attira Françoise contre lui. Toi et moi, on ne fait qu’un ; c’est vrai, tu sais, on ne peut pas nous définir l’un sans l’autre » (p. 29). Et sur leur relation plus intellectuelle que sensuelle : « Elle regarda la nuque de Pierre ; jamais elle ne se lasserait de le voir travailler ; parmi toutes les chances dont elle se félicitait, elle mettait au premier rang celle de pouvoir collaborer avec lui ; leur fatigue commune, leur effort, les unissait plus sûrement qu’une étreinte » (p. 55). Françoise et Pierre, avant d’être des amants, sont surtout des mentors, des guides spirituels, comme si Socrate ne dédaignait pas de coucher avec Alcibiade en le socratisant… Pierre tente d’apprendre à Xavière des rudiments de la philosophie Sartrienne, mais c’est peine perdue ! « Voyez-vous, dit Pierre, le temps n’est pas fait d’un tas de petits morceaux séparés dans lesquels on puisse s’enfermer successivement ; quand vous croyez vivre tout simplement au présent, bon gré, mal gré, vous engagez l’avenir » (p. 70). Cette conception, partagée par Françoise, est à l’origine de son angoisse lorsque Pierre se rapproche de Xavière : « l’amour de Françoise et de Pierre n’existait pas davantage ; il n’y avait rien qu’une addition indéfinie d’instants indifférents ; rien qu’un grouillement désordonné de chair et de pensée, avec au bout la mort » (p. 159). On relève aussi, côté Beauvoir une jolie méditation philosophique sur « un vieux veston fatigué » (p. 146). Dans La force de l’âge, la relation de trio est aussi présentée comme platonique : « Cette jalousie et les développements qui s’ensuivirent se situèrent sur un plan tout à fait platonique » ; « Il s’agissait de la part de Sartre d’un impérialisme purement sentimental » (p. 274).

L’homosexualité

L’Invitée vaut, comme son pendant Sartrien, pour son évocation originale de l’homosexualité. Dans le milieu du théâtre, nombreux sont les acteurs homosexuels, et ils couchent parfois à la fois pour le plaisir et pour décrocher un rôle. Dans les deux romans, le principe de la focalisation interne autorise des déclarations pas politiquement correctes sur le sujet, qui ne sont évidemment pas les pensées des auteurs. Il y a Guimiot, qui couche avec Elisabeth : « Une petite tapette, doublée d’un gigolo » (p. 108). On croise au détour d’une page un « hermaphrodite » (on dirait aujourd’hui « intersexe »), et ce qui est notable pour l’époque, c’est que les personnages parlent d’elle au féminin alors qu’elle est présentée comme un homme au début : « Alors elle s’est réfugiée ici ; elle n’a pas le sou et il paraît qu’elle est très malheureuse parce que son cœur la porte vers les hommes, mais les hommes n’en veulent pas du tout. – Eh ! la pauvre ! C’est vrai ; même les pédérastes ça ne doit pas faire leur affaire, dit Françoise. » (p. 172). [3] À propos de ce mot, une scène amusante montre Xavière l’utilisant pour désigner deux femmes, et Françoise doit lui apprendre l’existence du mot « lesbienne », sans doute pour souligner l’innocence de leur relation dans son immoralisme. Xavière, pour s’amuser, drague celle des deux femmes qu’elle trouve masculine (p. 229). Encore plus étonnant, Gerbert, le jeune ami du couple, apprécie les homos tant qu’ils ne lui tournent pas autour (cf. p. 330), et déteste certains aspects des femmes, au point que, « s’il avait eu la chance d’être pédéraste, il n’aurait fréquenté que des hommes » (p. 337). Avant l’inénarrable scène (une des rares scènes amusantes, p. 461) où Gerbert et Françoise finissent par coucher ensemble lors d’une randonnée, il lui explique que si elle le séduit tant c’est qu’elle n’a rien de ce qu’il hait chez les femmes : « On ne peut rien faire avec une quille : ni se promener, ni se saouler, ni rien, ça ne comprend pas la plaisanterie et puis il faut un tas de manières avec elles, on se sent tout le temps en faute. […] Oh vous ! Vous êtes comme un type ! dit-il avec sympathie » (p. 451 ; voir aussi p. 486).

Le trio

Voici comment le trio est défini. Le mot apparaît p. 253 (éd. Folio), alors que Pierre vient de se déclarer à Xavière. Il l’annonce à Françoise devant Xavière, et Françoise ne peut se départir d’une certaine blessure narcissique. Pierre s’en rend compte : « Vous trouvez déplaisant qu’on discute là-dessus en trio ? ». Plus tard, Françoise s’adresse à Pierre : « Ce que je vais tâcher de bien lui faire comprendre, dit-elle, c’est que tu n’es pas un homme entre deux femmes, mais que nous formons tous les trois quelque chose de particulier, quelque chose de difficile peut-être, mais qui pourrait être beau et heureux » (p. 259). Belle définition du trouple ! [4] Françoise, qui doute des sentiments de Xavière pour elle, lui dit, comme elle vient de l’envisager : « Un couple bien uni, c’est déjà beau, mais comme c’est plus riche encore trois personnes qui s’aiment les unes les autres de toutes leurs forces […] Voyez, s’il y a aussi un amour entre Labrousse et vous, comme ça fait un beau trio, tout bien équilibré, dit-elle. Ce n’est pas une forme de vie ordinaire, mais je ne la crois pas trop difficile pour nous. Ne pensez-vous pas ? » (pp. 263, 264). Le trio se heurte à une version tempérée de la société hostile, en la personne d’Elisabeth, la sœur de Pierre, adepte également de l’amour libre, et qui prétend coucher « dès le premier soir » (p. 57) : « Ils se rendaient franchement ridicules à traîner partout cette gosse après eux […] Pierre couchait avec Xavière, ça ne faisait aucun doute ; et les deux femmes ? C’était bien possible, ça formait un trio si parfaitement symétrique. On les rencontrait parfois deux par deux, ils devaient avoir établi un roulement ; mais le plus souvent ils se déplaçaient au grand complet, bras dessus, bras dessous et marchant du même pas » (pp. 272, 273). Élisabeth est un personnage bien pratique, car les quelques chapitres qui sont perçus par elle permettent de traiter avec ironie de l’inconscience de la guerre : « Ils étaient là, trois intellectuels français qui méditaient et devisaient dans la paix inquiète d’un village de France, en face de la guerre qui se levait. Sous sa trompeuse simplicité, cet instant avait la grandeur d’une page d’histoire » (p. 469). Ne dirait-on pas du Bernard-Henry Lévy avant la lettre ? On note au passage que l’usage de la focalisation interne permet également à Beauvoir de rester discrète sur la question des rapports sexuels au sein du trio. Ce dont Elisabeth est persuadée est plutôt nié par les autres protagonistes, quand la narration se focalise sur eux, mais peut-on être sûr qu’ils se disent la vérité ? Lors d’une discussion, le trio évoque la possibilité de s’attacher à une autre personne. Xavière déclare : « Je ne voudrais personne d’autre avec nous », ce qui donne à Françoise « l’impression d’être absolument ligotée ». Pierre rebondit : « Vous avez raison, nous avons déjà assez à faire tous les trois. Maintenant qu’on a réalisé un trio bien harmonieux, il faut en profiter sans s’occuper de rien d’autre. – Pourtant si l’un de nous faisait une rencontre passionnante ? dit Françoise ; ça ferait une richesse commune : c’est toujours dommage de se limiter. – Mais c’est encore si neuf ce que nous venons de construire, dit Pierre ; il faut d’abord que nous ayons tout un long temps derrière nous : après, chacun pourra courir les aventures, partir pour l’Amérique, adopter un petit Chinois. Mais pas avant… mettons cinq ans. – Oui, dit Xavière avec chaleur. – Tope là, dit Pierre, c’est un pacte ; pendant cinq ans chacun de nous se consacrera exclusivement au trio » (p. 290).

Plus dure sera la chute

Malheureusement, ce genre de promesse, déjà difficile à tenir en couple, est encore plus aléatoire en trio, d’autant que Françoise se rend bien compte qu’il n’y a pas vraiment de trio, mais deux plus un (cf. p. 291 ; ce que suggère le titre, mais je n’ai pas relevé que le mot fût utilisé dans le roman ; d’ailleurs La force de l’âge(p. 293) nous apprend que le titre original était « Légitime défense », et que Beauvoir a dû trouver le titre définitif au dernier moment. Voilà ce que ça donne cent pages plus loin : « ce n’est pas d’une moche petite tentative de séduction qu’il s’agissait. Nous voulions bâtir un vrai trio, une vie à trois bien équilibrée où personne ne se serait sacrifié ; c’était peut-être une gageure, mais au moins ça méritait d’être essayé ! Tandis que si Xavière se conduit comme une petite garce jalouse, si tu es une pauvre victime pendant que je m’amuse à faire le joli cœur, notre histoire devient ignoble » (p. 368). C’est donc Xavière qui, la première, rompt le pacte du trio, en couchant avec le jeune Gerbert, disciple et ami de Pierre et Françoise (sans doute Jacques-Laurent Bost dans la réalité ?) Cela provoque un cataclysme de jalousie, le trio est au point mort (« l’idée de se retrouver en trio n’éveillait plus guère en elle qu’une anxiété résignée », p. 439), mais libère finalement tout le monde, y compris Françoise qui se persuade que son moralisme est ridicule dans cette affaire ; elle couche avec Gerbert de sa propre initiative, sans rien en cacher à Pierre, mais en le cachant à Xavière. Il y a donc là un quatuor, ce que la jalousie d’Élisabeth – l’opinion publique – a du mal à concevoir : « Elle n’arrivait pas à comprendre que l’intervention de Gerbert n’eût altéré en rien l’harmonie du trio » (p. 468). Dans La force de l’âge, le constat d’échec est plus explicite : « Je prenais souvent le parti d’Olga ; mais elle savait que mes rapports avec elle et avec Sartre n’étaient pas symétriques. Nous placions sa jeunesse plus haut que notre expérience : son rôle était tout de même celui d’une enfant, aux prises avec un couple d’adultes qu’unissait une complicité sans faille. Nous pouvions bien la consulter avec dévotion : nous gardions en main la direction du trio. Nous n’avions pas établi avec elle de véritables relations d’égalité, mais plutôt nous l’avions annexée » (p. 294).
Voilà donc une sorte d’hymne – un tantinet funèbre – au trouple, issu de la plume et de l’existence d’un de nos plus grand couple d’intellectuels français. Il faut dire que L’Invitée faisait l’impasse sur trois éléments importants : la question des enfants : « Ne lui faites pas de gosse, c’est tout ce qu’on vous demande, dit Pierre [à Gerbert] » (p. 393), la cohabitation (Françoise et Pierre partagent une chambre dans le même hôtel où Xavière a sa chambre, payée par eux : « J’accepte votre argent, dit-elle. Je me laisse entretenir par vous ! Vous vous rendez compte » (p. 416)), et, last but not least, la sexualité : les seules relations sexuelles explicites, sont celles de Xavière ou Françoise avec Gerbert, soit hors du trio, et il est clairement affirmé que ni Françoise, ni Pierre n’ont couché avec Xavière (cf. p. 373). Celles de Françoise et Pierre ne sont pas mentionnées non plus. Ce trio est bien avant tout une amitié philosophique. Est-ce une question d’autocensure, chez une auteure qui avait quand même été « exclue de l’Université » sous prétexte de détournement de mineure (voir cet article), et n’avait en outre pas forcément envie d’entrer dans ces détails s’agissant de sa vie privée et de celle de Sartre, qui était en train de devenir célèbre. [5] Quant à la fin, voilà ce qu’en dit Beauvoir dans La force de l’âge : « D’abord, en tuant Olga sur le papier, je liquidai les irritations, les rancunes que j’avais pu éprouver a son égard ; je purifiai notre amitié de tous les mauvais souvenirs qui se mélangeaient aux bons. Surtout, en déliant Françoise, par un crime, de la dépendance où la tenait son amour pour Pierre, je retrouvai ma propre autonomie. Le paradoxe c’est que je n’ai pas eu besoin pour la récupérer de commettre aucun geste inexpiable, mais seulement d’en raconter un dans un livre. Car, même si on est attentivement encouragé et conseillé, écrire est un acte dont on ne partage avec personne la responsabilité » (p. 387). Ce meurtre symbolique, si révélateur des difficultés du trouple, rejoint mais à l’inverse celui du roman Jules et Jim, d’Henri-Pierre Roché, paru en 1953.

 Les années 1940 et 50 furent riches en romans ou en expériences d’une sexualité hors-normes. Voir Le Rempart des Béguines, de Françoise Mallet-Joris, Un barrage contre le Pacifique, de Marguerite Duras, et bien sûr Mémoires d’une jeune fille dérangée, de Bianca Lamblin, sans oublier Jules et Jim, déjà cité. Mais on n’oubliera pas non plus des romans plus anciens, comme La garçonne, de Victor Margueritte, paru en 1922.
 Lire Un amour prodigue, de Claudine Galea, qui rend hommage à Beauvoir en évoquant un amour entre une prof et une élève. Et puis évidemment, Le deuxième sexe. Un article fait le point sur Beauvoir prof sulfureuse au lycée Jeanne d’Arc à Rouen.
 Ce livre fait partie des nombreux ouvrages que j’ai lus pour écrire mon essai Le Contrat universel : au-delà du « mariage gay ». Et si vous l’achetiez ?

Lionel Labosse


Voir en ligne : Thèse de doctorat de Yasue IKAZAKI sur « Les procédés narratifs dans les œuvres de Simone de Beauvoir »


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[1Voir le récit de cette rencontre de la « petite Russe », dans La Force de l’âge, éd. Folio, p. 189. ; après cela, Olga est mentionnée discrètement, jusqu’à l’affaire du trio, et l’on se doute qu’il y a des silences dans le récit. Voir pp. 261-267, la justification de leur amitié forte, et le projet d’études de philo dirigées par Sartre et Beauvoir, accepté par les parents d’Olga, puis p. 278 la définition du « trio ».

[2« Grâce a l’ignorance où je tiens mes héros, les épisodes sont souvent aussi énigmatiques que dans un bon roman d’Agatha Christie ; le lecteur n’en aperçoit pas tout de suite la portée ; peu à peu, de nouveaux développements, des discussions en découvrent les aspects inattendus ; Pierre peut indéfiniment épiloguer sur un geste de Xavière, que Françoise avait à peine remarqué, et dont aucune interprétation définitive ne sera jamais donnée, car personne ne détient la vérité. Dans les passages réussis du roman, on arrive à une ambiguïté de significations qui correspond à celle qu’on rencontre dans la réalité […] toute conversation doit être en action c’est-à-dire modifier les rapports des personnages et l’ensemble de la situation. En outre, pendant qu’elle se déroule, il faut qu’autre chose d’important arrive ailleurs : ainsi, tendu vers un événement dont l’épaisseur des pages imprimées le sépare, le lecteur éprouve comme les personnages eux-mêmes la résistance et le passage du temps. » (p. 391-392).

[3Ce paragraghe fait écho à une « chose vue » publiée plus tard dans La force de l’âge, Folio, p. 472.

[4Dans La force de l’âge, p. 278, on trouve une définition approchante : « Nous admirions qu’elle se donnât sans réserve à l’instant ; cependant notre premier soin fut d’édifier pour elle, pour nous un avenir : au lieu d’un couple, nous serions désormais un trio. Nous pensions que les rapports humains sont perpétuellement à inventer, qu’a priori, aucune forme n’est privilégiée, aucune impossible : celle-ci nous parut s’imposer ».

[5Dans La force de l’âge, on comprend en filigrane que Beauvoir était facilement proche de ses élèves filles, car plusieurs deviennent amies, avec des attitudes qui ne trompent pas, par exemple Lise : « je ne résistai que mollement aux efforts que fit Lise pour s’infiltrer dans ma vie » (p. 495) ; ou encore une certaine Geneviève Noullet, qui la harcèle pour être son amie et « venait quelquefois me guetter à la porte du lycée Camille-Sée » (p. 546). À son installation au lycée Molière, elle note : « après sept ans d’enseignement j’aimais encore causer avec certaines de mes élèves ; elles avaient « l’âge métaphysique » ; la vie n’existait pour elles qu’en idées et c’est pourquoi leurs idées étaient si vivantes. Je les faisais beaucoup parler pendant les cours, et à la sortie les discussions se poursuivaient. Passé le baccalauréat, je continuais à voir de loin en loin celles qui se spécialisaient en philosophie » (p. 395).