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Portrait de famille en vacances, avec personnage homo, pour la 4e

Villa des Oliviers, d’Anne Vantal

Éditions du Seuil, Karactère(s), 2009, 144 p., 8,5 €.

samedi 26 janvier 2013

Un roman attachant sur un canevas connu (réunion familiale avec coming out retentissant d’un membre de la famille). L’intrusion de l’homosexualité dans le fil de l’histoire ne surprend pas, mais s’intègre parfaitement à la relation après coup par l’héroïne de « l’été de mes 15 ans ». On retrouve juste ce qu’il faut de trouble dans cette famille où tous les couples semblent dérailler. On songe parfois à Tennessee Williams ou plus familièrement à Bonjour tristesse, mais non, la minette sur un toit tiède retombera sur les papattes du happy end aux coussinets rassurants, ce qui n’empêche pas de passer un fort bon moment à l’évocation de cette tranche de vie familiale sincère et réaliste.

Résumé

Manon, 15 ans, ne veut plus qu’on l’appelle Manon, mais Ma-oui. C’est dire si elle est en pleine crise. Sa copine Célia, qui devait l’accompagner, se fracture la cheville, et on lui interdit de rester à ses côtés. Le séjour familial traditionnel dans la « Villa des Oliviers » lui tape d’avance sur le système, malgré son attachement à sa petite famille, qu’elle voit avec les yeux exaspérés de ses quinze ans. L’oncle dentiste bavard, la tante super-woman chef d’entreprise qui en oublie son rôle de mère et délaisse son mari ; le patriarche communiste qui a épousé une bourgeoise et jouit de l’aisance familiale tout en vitupérant l’époque aux repas de famille, le petit dernier de ses cousins qui la fait toujours craquer et dont elle est ravie de s’occuper bien qu’elle ne comprenne pas que sa maman le délaisse… Elle décide de faire la gueule et de se priver de manger pour manifester son mécontentement, surtout que sa mère n’apprécie guère ses caprices. Et puis patatras, il y a Nicolas. Levez les yeux au-dessus de l’écran de votre ordi. Vous voyez à peu près les icônes masculines que vous avez punaisées là (si, si, ne niez pas : le fameux « Fred with tires » de Herb Ritts, ou bien de jolis minois signés Herbert List… Voulez-vous que je vous dénonce à votre concierge ? Eh bien Nicolas, c’est dans la lignée. 18 ans, motard, brun, « une nuque humide de sueur et un biceps musclé en train de manier une pioche » ; « Il a enlevé sa casquette pour s’éponger le front, et j’ai vu surgir la queue de cheval » (p. 43, excusez du peu !). On tient ferme le manche de la pioche et on reprend ses esprits : tout va bien se passer ! Bref, Ma-Oui a les hormones pour Nicolas ; et nous, donc ! Du coup, elle voit l’absence de Célia d’un autre œil, et s’en réjouirait presque, par jalousie. Elle se met à lui dissimuler cette partie palpitante de son séjour. Nicolas lui donne un rendez-vous pour manger une glace, mais déception, il est avec un pote. Au cinéma, plus tard, elle lui prend la main parce qu’elle est saisie par le film, mais lui, le bougre, ne saisit pas cette perche. Le lecteur fidèle d’altersexualite.com voit déjà où le récit veut en venir… Mais Anne Vantal se plaît à déjouer nos attentes, et toutes les perches lancées dans la première moitié du roman se verront détournées dans la seconde partie. On aura bien un coming out retentissant, qualifié de « première bombe » (p. 112), mais pas de qui l’on croit. Évidemment, je ne vais pas vous gâcher le plaisir. Sachez seulement que l’auteure a joué à nous faire peur, mais que le happy end déjoue toutes nos attentes sadiques.

Mon avis

Le roman est assez conventionnel dans son déroulement, avec ce jeu entre le prévisible et ce qui se réalise. Ce qui séduit, c’est plutôt l’acuité du rendu de cette tranche de vie familiale plus vraie que nature. On a l’impression de connaître personnellement tous les personnages, de la mère absente au patriarche de gauche qui ne supporte pas le coming out brutal de… je ne vous dirai pas qui ! Les personnages homosexuels sont finalement assez secondaires dans l’histoire, mais cela n’empêche pas que le thème est bien traité, et ce que j’apprécie encore plus, c’est que, pour les hétéros comme pour les homos, on échappe à l’histoire d’amour propre sur elle, avec mariage à la clé. Certes, sur tous les cas proposés, on aurait trouvé logique et conforme aux réalités statistiques qu’il y ait une séparation dans la famille, mais pourquoi ne pas sacrifier au happy end ? Du coup, c’est le couple homo qui s’y colle, et pourquoi pas, dans le contexte faussement consensuel d’ébahissement gnangnan devant la perspective du « mariage gay » ? Si l’on chipotait, on trouverait le personnage homo un peu incohérent dans son profil, car il est présenté comme marginal, artiste, bohème, et il attend presque l’âge de trente ans pour imposer brutalement son coming out à toute la famille, alors même qu’il s’agit a priori d’une famille pas guindée ni coincée par quelque religion que ce soit. Par contre, l’analyse des sentiments des différents membres de la famille vis-à-vis de ce coming out tardif nous semble fort bien observée, comme tous les comportements vus par la petite chipie de narratrice.

 Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

 Lire l’article de Jean-Yves Alt sur ce livre.
 La Châtaigneraie, de Yaël Hassan est un livre proche par le thème (la châtaigne versus l’olivier) : réunion familiale un peu houleuse avec coming out.
 De la même auteur, lire Rendez-vous en septembre.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Anne Vantal sur Ricochet


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