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Je t’aime, moi non plus, à partir de la 4e.
Rouge Tagada, de Charlotte Bousquet & Stéphanie Rubini
Gulf stream éditeur, 2013, 72 p., 15 €
samedi 1er juin 2013
Une histoire de confusion des sentiments très simple, basée sur un malentendu fréquent dans une amitié. Deux jeunes filles d’une classe de 4e deviennent d’inséparables copines. Alex est plus que copine de Layla, mais elle laisse l’ambiguïté s’installer, et ne dit pas qu’elle est amoureuse, sauf à son carnet intime. Le jour où Layla tombe amoureuse d’un garçon, il semble ne plus y avoir de place pour deux. Alex va apprendre à ses dépends qu’on ne joue pas les agents doubles sans conséquences. Une belle histoire, qui a la qualité de ne pas souligner ses effets, et de laisser le lecteur tirer ses conclusions. Un seul défaut, mais il est de taille, l’utilisation excessive du nom de la marque enregistré de la « fraise Tagada », qui envahit jusqu’au titre.
Résumé
C’est la rentrée au collège Marie Curie, en quatrième D. Alex remarque Layla la solitaire. Elle va mettre un mois à lui adresser la parole, le jour où la prof de français propose une sortie pour une pièce bien choisie, La Nuit des rois, de Shakespeare. Les deux filles s’y intéressent, mais on se doute qu’Alex apprécie encore plus la confusion des genres au cœur de la pièce. D’ailleurs le dessin la représente dans le rôle de Viola. Les filles deviennent très amies, s’inscrivent à un club de théâtre, et Alex est ravie : « j’en arrivais même à oublier mes envies bizarres, mes envies de la serrer dans mes bras, contre moi, d’embrasser ses paupières et le bout de son nez ». Une planche évoque la métaphore des « inséparables », oiseaux qui vivent toujours en couple (on se rappelle que ce sont les fameux « lovebirds » du film d’Hitchcock Les Oiseaux). Alex délaisse ses amis Jade et Benjamin, et les profs séparent les deux copines trop proches. Un jour, patatras ! Layla s’amourache d’un « garçon au nom de caleçon », qui récolte tous les « il est trop » de Layla. Alex est jalouse et remâche sa frustration en silence. C’est son tour d’être délaissée. Mais un jour, Layla revient vers elle, et Alex croit que le garçon est oublié. Hélas, la catastrophe approche. Layla demande innocemment à Alex (avec qui elle répète toujours La Nuit des rois au club théâtre) de l’entraîner à embrasser sur la bouche, car c’est sans doute pour ce soir. Alex s’y prête avec délectation, mais hissée à cet apogée, la chute sera brutale…
Mon avis
Cet album est une belle réussite, fond et forme. Le dessin traditionnel et très léché arrive à concilier modernité et ambiance cosy. Il y a de belles idées, une alternance entre des cases traditionnelles et des doubles pages. On apprécie la double page qui présente la photo de classe, avec les garnements types. Le mur d’affiches au théâtre parmi lesquelles on distingue celle du Monologue du vagin, qui semble faire rire les copines. La double page presque sans paroles de l’entraînement au baiser. Bref un récit simple pour une expérience d’amitié trahie qui a dû arriver à beaucoup d’adolescents, hétéros ou homos.
Le plaisir procuré par ce livre est gâché par l’intrusion excessive de la « fraise Tagada », qui envahit jusqu’au titre. La loi n° 2004-806 du 9 août 2004 stipule en son article 30 que « Les distributeurs automatiques de boissons et de produits alimentaires payants et accessibles aux élèves sont interdits dans les établissements scolaires ». Si on a interdit ces produits, et s’il existe d’autre part une loi de 1949 sur les publications jeunesses (qui confirme en l’occurrence son inutilité, puisqu’elle est arborée par l’éditeur juste à coté du titre avec son « ® »), ce n’est sans doute pas pour que les produits sucrés chassés par la porte reviennent par la fenêtre d’une publicité qui ne dit pas son nom. On remarque juste un minuscule ® à côté du nom de la marque, les nombreuses fois qu’il est cité dans le texte, sans compter les nombreux dessins non seulement du produit, mais de son emballage. Il s’agit clairement d’un « placement de produit ». Comme je fais partie de ceux qui sont psychorigides sur la question, je ne conseille pas ce produit dans les établissements accueillant des enfants (bibliothèques et CDI).
Voir en ligne : Le site de Charlotte Bousquet
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