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Heroic fantasy altersexuelle, pour lycéens et adultes

Le Ciboire oublié, de Saimbert & Roberto Ricci

Delcourt, 2003, 48 p., 13,95 €

samedi 19 octobre 2013

Les Âmes d’Hélios est la première BD d’heroic fantasy de notre sélection, et une belle réussite graphique. Les ingrédients habituels de l’anti-utopie ne nous surprennent guère : hyper-hiérarchisation d’une société divisée en castes, clergé faisant régner la terreur au prix de superstitions terrifiantes, répression sexuelle et autres répressions tous azimuts ; et le traditionnel rebelle qui va tenter de transcender les castes. Avec cette particularité étonnante que les femmes ont la possibilité de devenir dragons, en combattant à armes égales contre les hommes, et pourtant, contrairement à Meridia (autre BD d’heroic fantasy parue en 2011), il ne semble pas y avoir de matriarcat, et les hommes en général semblent dominer la société. L’inventivité du scénario et du dessin créent un univers à la Piranèse dans lequel l’érotisme n’est qu’un ingrédient. Le lesbianisme a sa place, transgressif bien entendu dans une société où tout geste affectueux est immoral, où l’hyperviolence et la mort règnent sans partage. De quoi rassasier notre belle jeunesse… Seul le premier volume, Le Ciboire oublié développe suffisamment un motif altersexuel pour figurer dans notre sélection.

Tome 1 : Le Ciboire oublié (2003)

Mira est une prostituée qui n’a qu’une obsession : que sa fille Ylang devienne un dragon, c’est-à-dire s’élève dans le système des castes. Les écussons noirs sont inférieurs aux bleus, qui rampent devant les rouges. La moindre réticence à obéir peut vous faire tuer, par « pyrolyse » par exemple, ou latter la gueule, couper une oreille, etc. Ce sont les dragons qui maintiennent cet ordre hyper-violent. Dans « l’artère des trotte-garce », Tacha la prostituée plantureuse, espère aussi qu’Ylang devienne dragon pour se battre pour les plus faibles. Ylang a une relation amoureuse et très sexuelle avec Byrd, ce qui est risqué, car la transmission des MST et les « pratiques contre nature » sont punies de mort, le métissage d’écussons est interdit, tout geste affectueux en dehors de la famille est immoral ; on va voir une vidéo « très peu censurée. On voit même un baiser sur une joue » ; Byrd est noire, ce qui est « aliénant » comme la couleur de l’écusson, bref, ce n’est pas la joie… On fait vaguement connaissance avec le « Ciboire », alias « Hélios », sorte d’énorme sanctuaire abritant les âmes des habitants, « mais aussi la vraie foi ». Les « cardibans » sont des prêtres pas vraiment olé-olé, qui instaurent la terreur : « il n’y a pas de plaisir hors de la fécondité ». Corbin est amoureux de Mira, mais elle se refuse à toute caresse et tout mot tendre : « Je déteste les romantiques ». Pour devenir dragon, Ylang réussit des épreuves, mais ça ne sert à rien, il faut toujours plus de « ferraks », la monnaie locale. Alors Mira va jusqu’à vendre son œil. Pendant ce temps-là, Corbin prend un risque pour réparer le ciboire, et voit quelque chose de tellement impossible qu’il pense que personne ne voudra jamais le croire. Il a tellement raison que lorsqu’il tente de le dire à un cardiban, on le liquide. Il a juste le temps d’expirer auprès de Mira, sans parvenir à ébranler son rejet du romantisme.

Tome 2 : Au fil de l’épée (2004)

Les égoutiers nettoient les entrailles d’Hélios sous la protection des dragons, dont Byrd, qui manque périr dans l’attaque d’un « poulposaure ». Ylang obtient enfin sa vraie armure, celle du fils du forgeron, qui n’a pas passé victorieusement l’épreuve de sélection. En passant, on voit un vieillard faire l’acquisition d’un ceinture de chasteté pour une jeune fille parmi un choix assez édifiant ! Les cardibans se réunissent dans le saint des saint. Ils régénèrent une sorte de fiole qu’ils ont incrustée dans le crâne, à la source du « torkamak », la « coupe qui contient nos âmes ». Ils remarquent une épidémie de fièvres, dont ils sont obligés d’éliminer sans pitié les victimes. Ils envoient une patrouille de reconnaissance dans les régions insondées des marais, mais l’une d’elles est anéantie après avoir vu, semble-t-il, quelque chose de terrible. Mira interdit à sa fille de rejoindre Byrd, de retour de sa périlleuse mission, car elle pourrait la compromettre. Cela n’empêche pas Ylang de la rejoindre aussitôt dans son intimité, où elle prend du plaisir avec une sorte de chien de mer monstrueux (un « gorboïl », vous aviez deviné !). Byrd demande à Ylang de ne plus jamais la voir, pour ne pas briser sa vocation. Ylang obtient le droit de devenir novice d’un dragon en vainquant un autre postulant dans un combat à mort, puis en subissant une terrible épreuve. Elle touche une solde, qui lui permet de faire preuve de générosité avec sa mère et l’égoutier Doggy. Point de motif altersexuel dans ce volume 2.

Tome 3 : Fer écarlate (2005)

Point de motif altersexuel dans ce volume 3 non plus. Une expédition mène les novices et leurs larbins auprès de mystérieux tépuys, pour explorer les confins d’Eridan. Ylang se montre moins méprisante que les dragons avec les inférieurs. Les cardibans détectent des fuites dans le torkamak, ce qui nécessite des ouvriers martyrs. Ils découvrent que malgré le saint fluide qui irrigue leurs cerveaux, ils ne sont pas immortels. Ils doivent introniser un dragon pour remplacer l’un d’entre eux qui va mourir. Mira doit se donner gratuitement à un type qui lui fait du chantage parce qu’il a découvert qu’elle s’est exposée aux fièvres en sortant sans autorisation. On retrouve toujours des imprécations contre Ylang parce qu’elle est fille de caste inférieure. On découvre les terribles mines de « Guantanamo » qui menacent les hérétiques, où l’on vous réduit en fumée pour pas grand-chose. Ylang est enfin intronisée dragon, mais il lui faut pour cela accomplir une dernière formalité : tuer sa mère ! Heureusement, que ne donnerait pas cette dernière pour voir accomplir son souhait : sa fille, dragon ! Elle semble croire à la vie éternelle, alors…

Tome 4 : Chaînes éternelles (2007)

Devenue dragon, Ylang réduit à merci son ancienne amie Byrd, dont elle a découvert qu’elle était la meneuse des hérétiques, et son ami Doggy. Byrd la traite de renégat qui a bien changé depuis qu’elle est dragon, mais cela n’ébranle pas Ylang, qui les gracie cependant, mais pour les désigner comme volontaires pour la mission mortelle de la sainte soudure. Un groupe de soudeurs est mené au cœur du torkamak, pour colmater les fuites de fluide, dont le contact est mortel. L’un des soudeurs lance une bombe dans le torkamak, et le saint chose se répand comme une explosion nucléaire, détruisant tout sur son passage. Ylang mène la troupe de rescapés, puis se sacrifie avec Byrd pour détruire le dernier super-monstre plus monstrueux que les autres. Byrd meurt la première, occasion d’un apaisement, car elle retrouve l’Ylang qu’elle a aimée. Puis ce sont les révélations ésotériques finales, sur les faux et les vrais dieux et toute l’histoire cachée du mystère d’Hélios… ouf ! À part la réconciliation de Byrd et Ylang, l’altersexualité n’est guère au premier plan de ce bouquet final.

 Le volume 1 Le Ciboire oublié bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu

Lionel Labosse


Voir en ligne : Entrevue du scénariste Simbert chez Yozone


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