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D’amour et de mort, pour les lycées

Délits secrets, de Catherine Bourassin

La Cerisaie, Ceriselles, 2005, 151 p, 14 €.

lundi 30 avril 2007

Ce troisième titre de Catherine Bourassin est un roman plaisant, à l’intrigue bien conçue, sous la forme d’une enquête et d’une réhabilitation posthumes. Le style recherché et le ton militant destinent l’ouvrage aux lycéens motivés par le sujet, par exemple ceux qui ont déjà écumé notre sélection et souhaitent aller plus loin dans la connaissance du vécu gai et lesbien.

Résumé

Fabien Joquières vit ses derniers jours. Il n’a pas trente ans, nous sommes en 1986, il a le sida. À l’hôpital Saint-Louis où il se fait soigner, il a retrouvé comme médecin une ancienne connaissance de ses années d’études et de sa folle jeunesse dijonnaise. Dans ce quartier qu’il fréquente pourtant peu, le hasard lui a fait faire la connaissance de Simone, une vieille dame en fauteuil roulant avec laquelle il discute du sexe des inséparables, première référence aux Oiseaux d’Hitchcock, fil rouge du récit. Fabien cherche à abréger ses souffrances, mais avant, il a un voyage urgent à faire. Le récit nous ramène en 1976, dans une classe de lycée de Palaiseau, où Fabien avait connu Victoire, alias Vic. Celle-ci fréquentait Lahmia, une jeune fille d’origine algérienne victime d’une surveillance rapprochée de la part de ses frères. Ceux-ci avaient des problèmes avec leur virilité, par exemple ils mettaient des chaussettes dans leur slip de bain, tandis que Vic s’aplatissait les seins. Elle est qualifiée de « rebelle androgyne » (p. 40), comme Léone dans Gais Matins était qualifiée d’« elfe androgyne » (p. 7). Elle avait bien remarqué les tendances de Fabien, manifestées par ses lectures, mais celui-ci l’ignorait et préférait les fréquentations qui donnaient le change, notamment celle des frères de Lahmia. Il avait été à l’origine d’un accident dramatique autant qu’improbable : sur une suspicion de débauche, les frères faisant exploser (comme dans les films) la voiture des parents de Vic, en même temps que ces germes d’amitié. Lahmia renvoyée en Algérie par sa famille, Vic fait la une des journaux en menaçant de se tuer pour empêcher l’avion de décoller. Après un détour en 1945, où l’on apprend que des deux tantes de Vic, l’une est morte brûlée par des soldats allemands, l’autre a eu les jambes écrasées, le récit nous ramène en 1986, et l’on comprend que Simone n’est autre que la tante survivante de Vic. Fabien se jette sous les roues du vélo de cette dernière, et trouve la mort qu’il souhaitait. Mais le récit ne fait que commencer, car Fabien a savamment manigancé sa mort pour solder le passé. Première étape, il jette dans les bras de Vic sa propre épouse Marge. Il s’agit d’un mariage blanc tout autant que d’une vraie histoire d’amour entre un gai et une lesbienne. En quelques jours Marge et Vic vont recoller les pièces du puzzle.

Mon avis

Délits secrets est un roman plaisant, à l’intrigue savamment construite sur une chronologie et une topographie mouvantes. Le style est recherché, truffé de calembours parfois lacaniens (« au grand dam des dames », p. 15 ; « rêve traversé de perroquets […] message optimiste : PAIRE OK », p. 94). On apprécie le ton militant, notamment les allusions aux manifestations étudiantes de 1986, à la mort de Malik Oussekine, à qui l’ouvrage est dédié, et les citations du Figaro, taxant la jeunesse de « sida mental » (p. 95) comme aujourd’hui de « racailles ». Au point de vue altersexuel, le propos est, disons, utopique : les dragueurs de vespasiennes veillent sur une lesbienne suicidaire (p. 124), conformément à la théorie exposée p. 134 : « Fabien […] retenait moins l’idée de concevoir la vie que de la sauvegarder, et parlait d’un rôle de vigilance sociale des homos, du fait de leur propre sensibilité à tout sectarisme. Il insistait aussi sur la solidarité, la transmission d’une culture homosexuelle et l’attention que nous nous devions mutuellement, dans ce contexte de vulnérabilité qui est le nôtre ». J’ai personnellement du mal à croire à ces beaux sentiments, mais les romans sont faits pour rêver ! Le niveau d’écriture et de spéculation intellectuelle ainsi que le contenu spécifiquement gai conviendront surtout aux lycéens motivés par le sujet, d’autant plus que l’enfance joue un moindre rôle que dans les deux autres romans de la même auteure.

 Voir les autres romans de Catherine Bourassin, Gais Matins et Un Salon blanc et vieil or.

Lionel Labosse


Voir en ligne : Site des éditions La Cerisaie


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