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Fantaisie dramatique, pour les 4e/3e
Comme la lune, de Daniel Meynard
L’École des loisirs, Médium, 2000, 140 p., 7,6 €
mardi 19 février 2008
Ferdinand, un écrivain excentrique rencontre une classe de collège. Mirabelle remarque que, malgré les questions, il « n’a pas dit le moindre mot sur lui » (p. 18). Suite à une dispute avec son père, Mirabelle s’enfuit dans Charleville-Mézières enneigée, et tombe sur son écrivain en train de pêcher. Gravement malade, celui-ci s’est enfui de l’hôpital et refuse d’y retourner. S’ensuivra une nuit d’errance dans la ville, la rencontre chaleureuse avec Cécile, la prof de français, et une évocation de la mère morte de Mirabelle. Un beau roman où les rires se mêlent aux pleurs, pour dédramatiser la maladie et la mort.
Résumé
Mirabelle admire Cécile, « la prof la plus sexy de tout le collège », et s’étonne qu’elle puisse « rester demoiselle à trente ans » (p. 13). Le sujet semble la titiller, car quand elle rencontre son écrivain pêcheur, la question qu’elle lui pose est « votre amour, il a fait la malle ? » (p. 33). Elle remarque que Ferdinand est « pâle comme la mort ». L’écrivain prend la main de la demoiselle, et propose de la raccompagner à la maison, mais c’est ce moment que choisissent des flics soupçonneux pour faire irruption. S’ensuit une longue scène hilarante où les pandores veulent absolument voir en Ferdinand un « exhibitionniste » (p. 39), un « pervers », un « pédophile ». Quand il révèle qu’il n’est qu’écrivain et apprécie modestement de « toucher un gosse ou deux » par son écriture, les flics ne l’entendent pas de cette oreille… Ils se renseignent sur lui, et une voix féminine au téléphone leur apprend qu’il a quitté l’hôpital. Ils veulent absolument que cette femme soit son épouse, mais il dément.
Leurs soupçons étant étouffés de ce côté, voici que l’adolescente refuse de retourner chez son père et la « pétasse » avec qui il s’est remarié. Aussitôt ils présagent « des sévices sexuels » (p. 47) ! Mirabelle ne supporte pas le côté beauf de son père, ses jeux de mots faciles, ses exclamations du type « bande de pédales » pour qualifier une équipe de foot (p. 49). À force de le provoquer, elle obtient une explication qu’elle aurait préféré ne pas entendre à propos de la mort de sa mère, qui a voulu décrocher « la lune verte » (p. 68). Elle quitte le domicile, et retrouve par hasard Ferdinand crachant ses poumons dans le cimetière (ambiance gothique garantie), entre la tombe d’Arthur Rimbaud et celle de sa mère. Elle l’entraîne après elle, sans savoir où. Le hasard les fait rencontrer Cécile, qui les héberge pour la nuit. Mirabelle fait quelques découvertes, elle voit sa prof d’une autre façon, aimant la liberté et ne souffrant pas de la solitude. Elle découvre que Ferdinand n’est « pas un homme à femmes » (p. 108), et qu’il a le SIDA depuis cinq ans, la trithérapie lui laissant quelque espoir. Elle semble avoir du mal à comprendre car il lui faut réfléchir à la façon dont « il avait attrapé le SIDA » pour vraiment percuter : « Et pour qu’il ne se passe rien entre un homme et Mlle Barbie, il faut vraiment que cet homme n’aime pas les femmes… » (p. 112). Elle appréhende la rencontre avec son père « raciste avec les mecs comme Ferdinand », mais tout se passe bien, et Ferdinand l’encourage à un peu plus de tolérance : « Écoute la musique de ton papa et oublie les paroles quand ça t’arrange… » (p. 130).
Mon avis
La dédicace à Marie-Aude Murail ne trompe pas, et effectivement, la fantaisie est au rendez-vous, ainsi que la façon légère de traiter des sujets graves. Le personnage de Ferdinand est attachant : il souffre, sans apitoyer ; c’est un homo qui fait l’apologie des pères, un mourant qui prononce un hymne à la vie, un malade qui fuit l’hôpital et court au cimetière pour célébrer Rimbaud (à la cheville duquel il n’arrivera jamais, p. 78). Il est particulièrement agréable de lire un texte qui, contrairement à deux autres livres parus la même année [1], dédramatise le SIDA par l’humour. L’air de rien, Mirabelle apprend la vie pendant ce « road movie » pédestre, par exemple qu’une personne d’un sexe, fût-elle jolie, n’est pas forcément destinée à vivre en couple, ni avec une personne de l’autre sexe ; ou qu’un père maladroit qui use parfois d’insultes homophobes n’est pas forcément « raciste » ; que la tolérance n’est pas à sens unique ; ou encore qu’une prof qui déguste un verre de vin dans un bar n’est pas forcément une alcoolique… La scène des flics qui voient des pervers partout est fort amusante et bienvenue, pour permettre à nos élèves de prendre du recul par rapport à ces obsessions médiatiques et politiciennes. De même, une belle scène montre la prof déshabillant Mirabelle qui s’est blessée pour la mettre au lit, et accueillant chez elle une jeune fugueuse sans prévenir immédiatement le G.I.G.N. et Nicolas Sarkozy. Bref, cette nouvelle est vraiment dangereuse pour la jeunesse, c’est pourquoi je vous la recommande particulièrement !
– Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».
Voir en ligne : La fiche de Daniel Meynard sur le site de la Charte
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[1] Il s’agit de Tellement tu es ma sœur ! de Clotilde Bernos et de Lettres à qui vous savez, d’Hervé Debry.