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Plus dure sera la Chute, pour les 6e/3e.

La Chute, de Frank Giroud & Giancarlo Alessandrini

Dupuis, Empreinte(s), 2007, 80 p., 15 €.

lundi 20 octobre 2008

Le scénariste Frank Giroud s’est associé à cinq dessinateurs pour ce Quintett, qui retrace l’histoire des membres d’un quintette du « théâtre aux armées », à Pavlos, en Macédoine. L’orthographe est justifiée dans le Premier mouvement : Histoire de Dora Mars : « comme le groupe tient à la fois du jazz-band et de la formation classique… il a suggéré cette graphie, disons… peu orthodoxe ! » Chaque « mouvement » aborde un point de vue différent et nous révèle ce qui était ignoré des autres membres du groupe. Le dernier volume enfin paru, La Chute, bouleverse les cartes et nous invite à tout relire avec des yeux nouveaux. Une belle réussite, même si la vision de l’homosexualité dans l’entre deux guerres est un peu idyllique…

Dans le Cinquième mouvement de Quintett (toujours scénario de Franck Giroud ; dessins de Giancarlo Alessandrini), on retrouve Manolis et Alban, les deux amants héros du Premier mouvement, l’Histoire d’Alban Méric, en 1932, à Berlin. Manolis tient une boutique d’objets des Balkans, tandis qu’Alban enseigne à l’université, et a publié le récit autobiographique de leur histoire. Au cours d’une émeute, Manolis s’écrie : « vivement qu’Hitler arrive au pouvoir ! au moins il rétablira la sécurité dans les rues. », mais Alban le met en garde : « Pour lui l’homosexualité est une tare ! Une maladie à éradiquer par tous les moyens ! »

La menace hitlérienne
Alban Méric évoque la menace nazie sur les homosexuels.

Par hasard dans une brocante ils tombent sur la malle du colonel Villemomble. Ils l’achètent et y découvrent de vieux papiers concernant les dessous des affaires évoquées dans les précédents mouvements. Ainsi apprennent-ils que Villemomble connaissait leur relation grâce à Trabal, agent de renseignements, et que Dora Mars était soupçonnée de trahison au bénéfice de l’Allemagne. Alban décide de la retrouver à Paris, ce qui leur permet en outre de quitter Berlin. Son enquête l’amène à renouer avec Dora, Elias et Nafsika, qui ont chacun des raisons de vouloir oublier les choses, mais se laissent convaincre de l’aider. On ne sait plus où s’arrête la manipulation : la malle n’est sans doute pas arrivée par hasard sous les yeux d’Alban, et tout semble s’enchaîner à merveille pour faciliter l’enquête. Une effraction chez Trabal leur permet de retrouver des dossiers très précis les concernant, remontant à avant leur affectation à Pavlos ! Les « tendances homosexuelles » d’Alban Méric sont dûment notées, mais sans dévoiler la fameuse chute, il s’avèrera que ces tendances, dans l’esprit de ceux qui les avaient dénichées, contribuaient à faire de lui un individu considéré comme normal. La piste bien tracée suivie par nos trois limiers les conduit vers Charles Guibert, psychiatre et criminologue, dont les recherches, depuis fort longtemps, s’orientent vers la réfutation des thèses de Cesare Lombroso, dont le livre avait été comme par hasard placé sous les yeux du lecteur du premier mouvement, lequel est autant manipulé que les héros du Quintett ! Nous nous garderons de vous révéler la chute… mais sachez qu’elle fait penser à l’intrigue mise en place par Vercors dans Les Animaux dénaturés.

L’enquête de Villemomble

Le traitement de l’homosexualité est intéressant dans ce dernier volume, peut-être légèrement anachronique. La vie de couple vécue ouvertement par Manolis et Alban ne semble susciter aucune réprobation dans le cercle proche, à part l’insulte « pédéraste » lancée par Guibert. Alban écrit à Manolis en l’appelant « mon bien-aimé ». La menace nazie évoquée au début de l’ouvrage disparaît vite, et laisse place à l’insouciance des années folles. La portée des révélations de l’autobiographie prétendument publiée par Alban n’est pas précisée, mais il paraît difficile qu’un professeur de faculté ait dévoilé son homosexualité dans les années 20 en Allemagne : rappelons simplement qu’André Gide publia anonymement et discrètement son Corydon en 1911 puis 1920, tandis que François Porché publiait son essai sur L’amour qui n’ose pas dire son nom en 1927, sur un ton qui rend improbable un affichage aussi désinvolte ! On remarque de plus que, autour de ce couple heureux, toutes les histoires hétérosexuelles sont des échecs ou des souvenirs, comme l’alcoolisme de la belle aviatrice Dorval, rongée par le remords de son crime, pourtant excusable… Peut-être excessif, mais on a tant vu le contraire que cela fait parfois plaisir ! Il est vivement conseillé de ne pas lire ce cinquième tome avant les autres, ce qui gâcherait le plaisir. Notre préféré reste le Premier mouvement !

 Cet ouvrage bénéficie du label « Isidor ».

Label Isidor HomoEdu


 Franck Giroud a collaboré au recueil collectif En mâles de nus, de Virginie Greiner (Attakus éditions, 2006).

Lionel Labosse


Voir en ligne : Bande annonce sur le site de l’éditeur


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