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Réfléchir, agir, ou se résoudre à l’inéluctable ?

« Je suis Charlie » : point de vue d’un enseignant.

Pour penser à rebrousse-poil.

samedi 30 mai 2015

Cet article a été au départ une « brève » consistant à rendre hommage aux martyrs de Charlie Hebdo, mais comme je l’ai augmenté au fil de l’actualité, il constitue désormais un article à part entière le 19 janvier 2015. Pardonnez son aspect incohérent et ses inévitables contradictions.
Plan de l’article
« L’islam interdit la représentation du prophète » : faux
Génocides : vous en reprendrez bien un petit morceau, pour la route ?
Les martyrs de Charlie Hebdo
« Le coran c’est de la merde » ; « ça n’arrête pas les balles » : tentative d’explication de texte
Dieudonné : « Je suis Charlot couilles de ballot »

Je suis Charlie.

« L’islam interdit la représentation du prophète » : faux.

En guise de prologue, je connais et j’aime l’islam et les musulmans [1] ; bien qu’athée, j’ai toujours eu le plus grand respect pour les croyants de toutes religions. J’ai visité l’Iran, l’Ouzbékistan, la Turquie, le Maroc, la Syrie, la Jordanie, le Mali, le Bénin, le Burkina Faso, l’Indonésie, la Chine, où j’ai sympathisé avec la minorité musulmane ouïghoure persécutée par la majorité han. J’ai visité les mosquées et apprécié l’hospitalité de nos frères Syriens, Iraniens, etc. Les plus graves génocides du XXe siècle ont été commis non par des croyants ou par des religions, mais au nom de l’athéisme et du matérialisme. Quant à savoir ce que je pense de l’islamophobie, c’est dans cet article. Puisque je fais partie peut-être des 0,1 % de Français qui ont eu l’occasion de voyager en Iran, permettez-moi de commencer cet article en rectifiant une idée reçue fort communément, « musulmans » compris, en France : l’aniconisme, c’est-à-dire l’interdiction de représenter la figure humaine ou animale, n’est pas une spécificité de l’islam, mais de l’islam sunnite. Les chiites, qui sont entre 10 et 15 % des musulmans, pratiquent l’art figuratif, et même le prophète est représenté couramment dans la rue ou dans les mosquées, comme vous le verrez dans mon article sur l’Iran susnommé. Les Iraniens adorent vous prendre et se faire prendre en photo. C’est d’ailleurs l’Ancien testament qui avait inventé cette interdiction, maintes fois proclamée : « Prenez bien garde à vous-mêmes : puisque vous n’avez vu aucune forme, le jour où Yahvé, à l’Horeb, vous a parlé du milieu du feu, n’allez pas vous pervertir et vous faire une image sculptée représentant quoi que ce soit : figure d’homme ou de femme, figure de quelqu’une des bêtes de la terre, figure de quelqu’un des oiseaux qui volent dans le ciel, figure de quelqu’un des reptiles qui rampent sur le sol, figure de quelqu’un des poissons qui vivent dans les eaux au-dessous de la terre. » (Dt, 4-15-18). La France laïque n’a donc pas plus à choisir entre ces deux sectes musulmanes qu’elle n’a à choisir entre les prêtres protestants qui ont le devoir de se marier, et les catholiques, qui n’en ont pas le droit. Une variante de l’aniconisme est pratiquée par des obscurantistes juifs, qui gomment la présence de femmes sur les photos. Le fait que les représentations de Mahomet et donc Charlie Hebdo, soient interdites aux États-Unis, montre non seulement les limites de la démocratie étasunienne, mais est à rattacher au fait que les USA n’ont pas encore de rapports diplomatiques avec l’Iran. Quand Obama ou son successeur aura enfin le courage de faire un pas vers l’Iran, ils seront obligés d’évoluer sur ce point. Le mercredi 14 janvier sur France Inter entre 7h et 7h15, un journaliste a prononcé cette phrase : « L’islam interdit la représentation du prophète » (approximativement car je n’ai pas réussi à la réécouter sur le site). Or c’est faux, et ce journaliste, en propageant ce mensonge, contribue à diffuser l’ignorance. Il est vrai qu’elle est très répandue, et qu’il faut avoir voyagé en Iran et avoir visité des mosquées ou des musées, des palais, pour le savoir. Autre exemple, plus grave, Courrier International n° 1263 publie un article de Sergueï Grabovskiy, journaliste ukrainien, incluant la phrase : « du point de vue des fondamentalistes islamiques, le Coran interdit toute représentation de l’être humain », sans qu’une note précise que c’est absolument faux ; donc ce journaliste ukrainien et Courrier International apportent leur petite pierre à la propagation de cette erreur au nom de laquelle on commet des crimes. La photographie ci-dessous, prise par votre serviteur dans un musée, représente Mahomet, et vous trouverez dans la 2e partie de mon article sur l’Iran un portrait de l’ayatollah Khomeyni dans une mosquée. Odon Vallet, par exemple, dans l’article « Image » de son livre pourtant excellent Petit lexique des idées fausses sur la religion, semble ignorer cet élément, mais montre quand même que cet aniconisme ne figure pas dans le Coran, et n’est qu’une tradition historique liée d’ailleurs à l’époque des iconoclastes, notamment byzantins, qui faisait fureur au VIIIe siècle. Ceux qui comme moi ont visité la Syrie, ont vu des palais de cette époque proto-islamique ornés d’images humaines. Une tradition historique qui n’est pas dans le coran peut changer si des musulmans courageux le décident. Même une tradition qui est dans le coran, d’ailleurs. On lira sur le site du Point cet article écrit par un journaliste qui sait de quoi il parle, Ian Hamel. Enfin, quelques jours après que j’ai écrit ces lignes, Le Monde publie un article digne de ce nom sur le sujet. Une phrase correcte serait donc « La majorité des traditions religieuses sunnites interdit la représentation de Mahomet ». Mais, messieurs-dames les journalistes, pourquoi ce besoin pathologique de rappeler cette demi-vérité, ou ce demi-mensonge ? Est-ce le rôle d’un média public de psalmodier à longueur d’antenne de prétendus préceptes religieux ? Et dans ce cas-là, puisque vous vous prenez pour des imams, chers journalistes, allez jusqu’au bout de la leçon : l’islam moyenâgeux sunnite interdisait toute représentation non seulement du prophète, mais d’un être humain, alors ces terroristes qui abreuvent Internet de vidéos avec des images de leurs tronches de nazis, sont-ils bien dans la ligne de leur prétendu fondamentalisme ? Esthétiquement parlant, une caricature de Mahomet produite par Charlie Hebdo n’est-elle pas plus appréciable que les tronches de fions de ces djihadistes à la graisse de cabestan visibles sur Internet ?

Le Prophète - musée de Mahan
La Cause du Peuple

Au contraire, les journalistes en rajoutent jour après jour dans l’irresponsabilité, en accord avec les responsables (sic) politiques du monde arabo-musulman, du pape, etc. Quand paraît le fameux Charlie du jour d’après, le 14 janvier, tout le monde y va de son « caricature de Mahomet », ressassé comme une sourate. On ne saurait mieux dire « nouvelle insulte islamophobe, allez-y, vengez-vous ». Mais bandes de cons, même si l’auteur Luz a lui-même eu la bêtise de dire qu’il avait voulu dessiner Mahomet, est-ce que ce n’est pas comme le disait à peu près Marcel Duchamp, « le regardeur qui fait le dessin » ? A-t-on besoin d’ordonner à tout lecteur de voir un Mahomet et une caricature dans ce dessin de presse ? Eh bien pour moi, il ne s’agit ni d’une caricature, car il n’y a aucune volonté de souligner ou de déformer quelque aspect négatif que ce soit, ni de Mahomet. J’y vois au contraire une illustration incroyablement louangeuse pour un journal satirique et athée, de la clémence et de la miséricorde, qui sont deux qualités, paraît-il, accordées à un certain dieu ; et dans ce petit bonhomme à qui échappe une larme, cela m’amuse que tous ces prétendus musulmans qui prétendent ne l’avoir jamais vu représenté, y voient tous Mahomet, alors que ce n’est pour moi qu’un bon vieil ayatollah iranien, comme le prouve son turban blanc. A-t-on déjà vu Mahomet ? Et si on l’a déjà vu, avec un turban blanc ? Que ni le pape ni semble-t-il aucun imam, aucun dirigeant d’un pays arabo-musulman ne s’en soit rendu compte, ne l’ait proclamé, mais que tous au contraire, ils aient insisté ; que tous les journalistes du monde entier insistent tel un troupeau de bêtes à cornes sur les aspects insultants qu’il faut être un sacré aveugle pour voir dans ce dessin fait par un homme dont on a assassiné tous les amis cinq jours avant, cela en dit long sur la volonté sourde de certains de voir le sang couler. Question subsidiaire : l’Éducation nationale prévoit-elle dans ses programmes d’étudier l’histoire de la représentation des dieux et prophètes, de Mahomet en particulier ? Ces images de Mahomet sont-elles visibles dans les manuels scolaires ?
Après ce long préambule, au fait.
Ce 7 janvier 2015 a été un jour funeste. Deux fascistes empreints d’un islam caricatural digne du Moyen Âge, se sont attaqués à un organe de presse, et ont assassiné sans discernement des auteurs, des artistes, des policiers, des travailleurs, ont assassiné la liberté d’expression, au nom de je ne sais, au nom d’ils ne savent même eux-mêmes sans doute quel obscurantisme. Puis un autre de leurs clones a assassiné cinq personnes avec un mobile antisémite. Il ne faut pas se voiler la face et se croire au pays des bisounours. Ces fascistes, certes isolés chacun dans une bulle, certes relevant sans doute davantage de la psychiatrie que de l’islam [2] (sans quoi ils n’auraient pas pu déjouer les services de sécurité), mais clonés à un nombre inquiétant d’exemplaires, ont agi au nom de l’islam, et contrairement à ce que j’entends trop souvent ici ou là, chacun de nos concitoyens de culture musulmane, français ou non, croyant ou non, pratiquant ou non, devrait se sentir le devoir de proclamer que ce fascisme islamique est l’ennemi du vrai islam, de son islam, de l’islam de ses ancêtres pour ceux qui sont athées. Chaque « musulman » au sens large qui se tait, ou qui laisse tenir des propos infâmes sans réagir, des propos complotistes, ou des propos du genre « ils l’ont bien cherché », « mais ils ont dit du mal du coran », c’est comme s’il laissait le Front national grignoter encore, voix après voix, des pourcentages de plus en plus forts aux élections. J’en ai assez d’entendre des gauchistes à œillères dire et répéter et croire cette équation simpliste : Front national = extrême droite. Non, l’extrême droite la plus dangereuse actuellement dans le monde, c’est cette minorité de terroristes de l’islam. Ce sont eux qu’il faut combattre en priorité. C’est à cause de nos gauchistes bisounours que nous n’avons pas manifesté comme nous aurions dû quand ces islamistes ont massacré à tour de bras des chrétiens, des chiites, des sunnites, de la façon dont les nazis massacraient les juifs à l’époque de la shoah par balles. Quant aux autres nazis de Boko Haram, ils éventrent des femmes en train d’accoucher, et font exploser de petites filles pour commettre des attentats, ce qui est beaucoup moins grave, n’est-ce pas, que de dessiner le saint Prophète. Ah ! Il ne fallait pas créer d’amalgame avec les musulmans de France, qui n’ont rien à voir, etc. Il ne faudrait pas qu’ils se sentent visés par les méchants racistes. Mais ces gentils musulmans de France, qui constituent, j’en suis persuadé, l’immense majorité des musulmans, j’attends qu’ils manifestent en masse contre ces fascistes autoproclamés de l’Islam… Il me semble urgent au contraire, qu’ils se sentent visés, et qu’ils se bougent le cul avant qu’il ne soit trop tard. Tous ces prétendus musulmans qui se proclament à son de trompe horriblement choqués par ces dessins qui seraient à les entendre de véritables crimes contre l’humanité, de ces musulmans assassinés comme poulets à l’abattoir par les nazis de Boko Haram ou de l’État islamique, ils s’en branlent ; au contraire, ils sont prêts à cautionner le départ d’un de leurs amis pour le « djihad », c’est-à-dire pour prêter la main à ces nazis.
Heureusement, la plupart des imams dignes de ce nom font entendre un discours plus responsable, comme le prouve cet article du Monde. On a pu voir aussi le beau film Timbuktu d’Abderrahmane Sissako, qui dénonce les exactions de ces prétendus djihadistes. Bien avant l’attentat contre Charlie Hebdo, Marianne avait publié une prise de position encourageante d’Abdenour Bidar, « Lettre ouverte au monde musulman ». Lire aussi sur Oumma.com une entrevue avec le même Abdenour Bidar. Il y a quand même des musulmans courageux, heureusement… Voir à la fin de l’article les liens vers Courrier international dont le numéro spécial publié juste après l’attentat redonne espoir. Mais ce ne sont que des mots… Si je dis que c’est aux musulmans de se bouger, ce n’est pas pour dédouaner les non-musulmans, mais parce que tous les gens de bonne foi reconnaissent que le grand problème de l’islam sunnite est l’absence de clergé. Or il appartient aux musulmans croyants d’agir, et de contribuer à l’instauration d’une sorte de clergé, c’est-à-dire d’un islam moderne et européen, qui suivrait une charte humaniste. Les musulmans sincères devraient commencer par boycotter certaines mosquées infectées par le salafisme, et refuser de prier à côté de gens suspects de collaborationnisme avec les fascistes de l’islam (voir cet article de Libération). De la sorte, les admirateurs de la terreur seraient isolés, et chacun pourrait choisir son camp ; les vrais musulmans pourraient être à nouveau fiers d’être musulmans sans se sentir salis par la promiscuité avec ces fascistes. Autre suggestion : la date de la fête de l’Aïd el-Fitr, fixée au petit bonheur la chance avec des écarts d’un jour selon que le fidèle a des origines marocaines ou algériennes… N’est-ce pas un signe évident de discorde et de manque de volonté de s’intégrer ? Est-ce que l’État ne pourrait pas accorder un jour férié pour l’islam (férié pour tous les citoyens), et en échange, exiger du Conseil français du culte musulman qu’il fixe un jour unique ? C’est dans le même ordre d’idée que cette institution devrait décréter que, en France, comme en Iran, la représentation de Mahomet est autorisée, au moins du moment qu’elle n’est pas injurieuse, ce qui serait déjà un grand progrès (je vous renvoie au début de l’article). Quant aux imams de mes deux qui ont décrété ici ou là des « fatwas », c’est-à-dire des appels au meurtre contre Salman Rushdie ou d’autres intellectuels, ont-ils lancé des fatwas contre les assassins ? Contre les égorgeurs, les terroristes, les nazis de l’état islamique ou de Boko haram ?
Maintenant il nous faut justifier cette idée contestée par beaucoup d’intellos de gauche, selon laquelle, même quand on est athée, on reste « de culture musulmane », ou « de culture chrétienne », etc. (dire cela, c’est souvent être catalogué d’extrême droite, et nombre de lecteurs n’auront pas dépassé la dixième ligne de cet article). Et c’est de cette majorité silencieuse de « musulmans » athées, ou non-pratiquants, que j’attends en priorité de cesser de ne pas se sentir concernés. Pour une raison très pragmatique d’abord : parfois, la réaction de nos élèves « musulmans » est de disqualifier tout enseignant qui n’est pas comme eux. Donc c’est aux enseignants « musulmans », athées ou non, d’expliquer en priorité, car on les écoutera davantage. Dans mon établissement, où de nombreux collègues sont « musulmans » en ce sens, même si certains me mettraient une baffe si je les identifiais ainsi, heureusement qu’ils sont là, car eux savent et peuvent bien mieux que nous, répondre aux élèves, et le font parfois ; mais nous les profs ne pouvons pas tout faire. Les médias devraient donner la parole à bien plus de « musulmans » de la société civile (et surtout pas seulement des croyants, mais aussi à des athées de l’islam), pour donner du retentissement à un autre discours. Et on en revient à une des causes du sentiment de relégation de la communauté musulmane, qui est légitime. Il est difficile, quand on est du bon côté du manche, de comprendre ceux qui se trouvent de l’autre côté du manche où il y a de la boue. Mais assez pleuré, il faut agir !

Génocides : vous en reprendrez bien un petit morceau, pour la route ?

Dans la longue liste des génocides du XXe siècle (après les génocides du XVIe jusqu’au XIXe contre les Indiens d’Amérique ; voir cet article), les plus meurtriers n’ont pas été perpétrés par des musulmans, il faut le rappeler. Les plus grands génocidaires sont les chrétiens de toutes obédiences, que ce soit les champions toutes catégories, les nazis, suivis des communistes, chinois ou russes, qui ont assassiné par la famine des millions de personnes, par exemple le génocide des Ukrainiens, appelé holodomor. Ces notions historiques prêtent lieu à débats historiques, traités naguère dans un numéro du Monde diplomatique. Les génocidaires peuvent donc être de culture chrétienne, confucianiste, musulmane (génocide arménien ; le seul génocide à ma connaissance à avoir été perpétré par des musulmans), bouddhiste (les khmers rouges ; rappelons-nous le fameux éditorial des gauchistes du Monde qui titraient le 18 avril 1975 « Phnom Penh est tombée ! La ville est libérée », et Libération : « Sept jours de fête pour une libération » ; voir cet article). J’imagine que, pour restaurer le dialogue avec certains élèves qui se sont réjouis de ces attentats, travailler sur ces documents pourrait être une idée : montrer que ce type d’attitude irresponsable et moutonnière a déjà eu lieu, et que ceux qui l’ont eue – qui n’étaient pas des adolescents – en ont eu honte par la suite. Il se trouve qu’un hasard extraordinaire m’en a donné l’occasion avec l’une de mes classes qui m’avait tant scandalisé (entretemps plusieurs élèves étaient venus me voir pour me dire qu’ils étaient choqués que certains aient de telles pensées). J’ai projeté la vidéo de l’entretien mythique de Marguerite Duras avec Bernard Pivot dans l’émission Apostrophes en 1984, à l’occasion de la sortie de L’Amant. J’ai installé ces adolescents sur une chaise pendant 1h25 d’affilée, en sucrant la pause – ce qui pour certains de nos élèves relève du crime contre l’humanité – et je leur ai fait voir l’émission. Après la pause, la première question était « que pensez-vous de ce type d’émission de TV ? ». Les élèves ont tout de suite dit qu’elle serait impossible maintenant, et l’une a spontanément mentionné la pratique des clashs. J’ai joué mon prof en leur expliquant que cette façon de procéder, d’interrompre systématiquement l’invité, de le rudoyer, d’inviter deux personnes pour qu’elles s’insultent, qui existe en gros depuis les radios libres et Internet, c’est typique d’un monde pré-fasciste où l’on ne respecte plus autrui, où on n’écoute plus autrui, mais où telle une mouche, on bourdonne de merde en merde (je n’ai pas employé ces mots !), sans approfondir la moindre idée. Un élève a également mentionné la pratique de la saturation des écrans par des défilants et des incrustations de toute sorte qui visent à créer une génération d’épileptiques. Cela relève de la liberté d’expression également, et il faudrait instaurer des États généraux de la liberté d’expression, auxquels ne participeraient pas que les journalistes et les « chiens de garde » qu’ils invitent tout le temps, mais les auditeurs et les téléspectateurs. Quand on songe à Charlie Hebdo, si on n’est pas amnésique, on se rappelle également l’émission Droit de réponse, du regretté Michel Polac, où il y avait certes des clashs, mais où la liberté d’expression n’était pas un vain mot. Pourquoi une telle émission n’est-elle plus possible ?
Le deuxième point abordé par Marguerite Duras qui m’a permis de traiter la question des attentats selon la pédagogie du détour, c’est quand Bernard Pivot lui a posé une question à propos d’une phrase qui lui a été reprochée dans L’Amant, sur les Fernandez (le père de Dominique Fernandez) qu’elle fréquentait : « Collaborateurs, les Fernandez. Et moi, deux ans après la guerre, membre du P.C.F. L’équivalence est absolue, définitive. C’est la même chose, la même pitié, le même appel au secours, la même débilité du jugement, la même superstition disons, qui consiste à croire à la solution politique du problème personnel. » (p. 85). Cela m’a permis de rebondir sur la suite du dialogue avec B. Pivot, où Duras expliquait comment le désarroi où l’avait jetée la guerre l’avait conduite, alors qu’elle les connaissait, à cautionner les crimes contre l’humanité commis au nom du communisme. Eh oui, amis amnésiques de gauche (et de droite, mais surtout de gauche), n’oubliez pas que notre famille politique a pratiqué à grande échelle, et bien pire que les calembours idiots de Dieudonné, l’apologie de crime contre l’humanité. Duras évoquait également les « hourrah ! » de Georges Marchais et de Pierre Juquin lors de la « libération » de l’Afghanistan par les soviétiques, qui n’est sans doute pas pour rien dans les origines du terrorisme islamique. Alors un peu d’indulgence pour ces adolescents qui nous choquent… Expliquons-leur, au lieu, de monter sur les échasses de l’indignation. Prenons le temps, et ne lâchons pas le morceau.
Ces génocides n’ont pas été perpétrés au nom de religions, souvent même ils ont été commis au nom de l’athéisme, souvent plus meurtrier que les religions – et c’est un athée qui vous le dit – et souvent les massacres se font entre gens d’une même confession. Les khmers rouges étaient des bouddhistes (cette philosophie pacifiste de la compassion !) qui massacraient d’autres bouddhistes, mais pas au nom du bouddhisme, au nom du communisme. Le génocide des Tutsis au Rwanda fut l’œuvre de catholiques massacrant des catholiques, mais pas au nom du catholicisme. Donc je ne vois pas pourquoi les musulmans dans le monde entier devraient se formaliser parce que, pour la première fois de l’histoire, se profile un embryon de génocide perpétré par des islamistes et au nom de l’islam contre des musulmans et aussi de façon collatérale contre des chrétiens et des juifs. Les fascistes de l’État islamique pratiquent, pour l’instant à moyenne échelle, le massacre de masse et le nettoyage ethnique. Il serait temps d’en prendre conscience. Rappelons aussi la persécution des Coptes en Égypte, où cette même engeance de fascistes islamistes a assassiné des membres de la communauté copte, dans des églises, en pleine prière. J’étais plutôt indigné, lors des derniers assassinats de journalistes occidentaux égorgés à l’arme blanche, que ces exécutions suscitent davantage de réprobation que les crimes de masse de l’État islamique, et qu’on utilise toujours le mot « barbarie » uniquement à cause du mode opératoire. Le crime de masse, qu’il soit réalisé par des armes à feu ou au couteau, c’est cela la barbarie, et nous y voilà. Et puis le mot « assassin », en raison de son étymologie, ne devrait-il pas suffire ?
Il est temps d’arrêter ces nazis de l’islam avant qu’ils ne passent à une échelle supérieure. Les musulmans sont les principales cibles des djihadistes, et devraient se sentir l’obligation morale de se révolter en premier contre ces fascistes. Incidemment, parmi les douze morts de mercredi, figurent un Ahmed et un Mustapha. C’est l’éternelle leçon du pasteur Martin Niemöller. Que tous les Français de tout poil et de toute religion, mais avant tout, que tous les musulmans de France, que tous les Français d’origine musulmane, athées ou croyants, condamnent ces crimes contre l’humanité ! Quand on repense aux brigades internationales, qui virent en 1936 des milliers de jeunes européens s’engager aux côtés des républicains espagnols, parmi lesquels George Orwell, Jean-Pierre Aumont, Henri Rol-Tanguy, Jean Epstein, on se dit que les temps ont bien changé. Comment se fait-il qu’à l’occasion du printemps arabe, à ma connaissance, aucun jeune Européen, aucun jeune Français, ne se soit engagé aux côtés des démocrates en lutte, et qu’au contraire, les jeunes français qui sont allés combattre se soient tous engagés dans les rangs des fascistes ? Il va donc falloir faire une loi pour pénaliser cet engagement, alors que dans l’idéal, on devrait crouler sous le volontariat de jeunes prêts à mourir pour la libération de la Syrie, de l’Irak, etc. Dans cet article du Monde, il n’est question que d’un seul jeune Kurde ayant projeté de partir combattre contre les djihadistes, et la police s’en « inquiète » !
Cela dit, depuis la professionnalisation de l’armée, un grand nombre des soldats envoyés par la France sur le front contre les djihadistes, sont de culture musulmane, et c’est une autre forme d’engagement qu’il conviendrait peut-être de mettre en lumière (j’ai entendu le chiffre de 10 % de musulmans parmi les militaires français ces jours-ci sur une radio, mais sans aucune précision). L’objecteur de conscience que je suis a un peu honte, pour tout vous dire, d’être impuissant dans ce domaine. Dénoncer les vendeurs d’armes est aussi une posture bisounours, mais je suis incapable d’agir autrement, même si j’ai honte des « yaka » et des « faucon » qui émaillent cet article. Mais vous, cher lecteur critique, que préconisez-vous ? Faut-il faire, ou ne rien faire ? De ma jeunesse d’objecteur de conscience et d’anti-militariste j’ai gardé ce côté angélique & bisounours, de bon con de scout qui jette de l’eau sur les braises, quand je vois tout le monde, tous les politiques, tous les religieux, souffler sur les braises, parler à tort et à travers de « caricature de Mahomet » devant ce petit bonhomme sublime de la une de Charlie, cet imam qui jette une larme de miséricorde sur des martyrs d’une foi imbécile, etc. Et puis surtout je ne supporte plus cette posture caricaturale de la minorité agissante parmi nos collègues enseignants de persister dans ce discours culpabilisant pour les Français dits de souche et irresponsable pour les Français « musulmans », selon lequel nous serions éternellement responsables, et nos élèves « musulmans » éternellement innocents même quand ils colportent les idées les plus répugnantes, à cause de la colonisation. Valls a montré l’exemple avec son slogan irresponsable, monté de toutes pièces par des communicants, sur le prétendu « apartheid ». Quand un politicien de gauche découvre qu’un chômage à trois millions et demie va de pair avec des classes populaires appauvries… [3]. Pour ces collègues droits dans leurs bottes gauchistes, il ne se passe rien dans le monde, et c’est à cause de nous si les « musulmans » sont nuls à l’école et représentent 80 % des détenus des prisons françaises. Quand nous aurons fait amende honorable, le fascisme musulman disparaîtra comme par miracle des écrans radars du monde entier. C’est hélas la version prof de la théorie du complot tant à la mode chez nos élèves : il ne se passe rien, tout est de notre faute, et continuons de marcher droit vers le ravin… Il faudrait pourtant parvenir à dissocier deux choses : une géopolitique absurde menée depuis les années 1980 par nos dirigeants, et des comportements absurdes et de mauvaise foi d’une proportion importante de nos concitoyens.
Dans un autre domaine, moi qui en tant qu’enseignant ai largement accompli mon « devoir de mémoire » sur la question de l’esclavage des noirs et la célébration de la culture noire (voir cet article), je suis agacé par l’égoïsme de certains militants noirs qui continuent à revendiquer la reconnaissance de ce crime contre l’humanité qui date de deux siècles, et oublient de rappeler que AUJOURD’HUI, les républiques pétrolimortifères du Golfe recourent massivement à l’esclavage de populations asiatiques. Voir cet article. Allons-nous, oui ou non, envoyer nos footballeurs, dont beaucoup sont noirs, dans des stades construits par des esclaves pour la prochaine coupe du monde ?

Les martyrs de Charlie Hebdo

Je n’avais plus trop guère de sympathie pour Charlie Hebdo, depuis l’affaire Siné. Mais bien évidemment, cela n’a rien à voir, et je serais presque aussi ému si l’on s’était attaqué au Figaro. Les survivants de Charlie Hebdo, d’ailleurs, sont bien naïfs, quand on lit leur numéro d’après, de croire que les millions de Français qui ont manifesté après les attentats étaient des admirateurs inconditionnels de leur journal. Non, avoir manifesté pour eux ne change pas mon opinion, et il est légitime de les traiter d’intégristes laïcards tout en étant effondré que leurs idées, qui ne sont pas les nôtres, aient entraîné leur assassinat. Ma première pensée va aux cinq artistes et auteurs que je connaissais, qui ont accompagné un bout de ma vie, d’homme et d’écrivain, et auxquels je voudrais rendre hommage avant tout, comme je l’ai fait devant mes élèves en tant qu’enseignant, élèves dont certaines réactions m’ont choqué et bourdonnent encore dans mes oreilles, comme un grand nombre de mes collègues. La ministre de l’Éducation nationale n’a pas estimé nécessaire de mouiller sa chemise, et de se présenter devant une classe d’un des établissements sensibles comme celui dans lequel je travaille ; elle a préféré un lycée tranquille du 15e arrondissement, et nous a gratifiés d’une lettre très bisounours. Heureusement, d’autres élèves, parfois extrêmement émus, ont montré une image plus humaine de la jeunesse. Pour le reste, on verra plus tard. On a assassiné des journalistes qui s’exprimaient avec humour ; on a assassiné l’humour et la liberté d’expression. On a assassiné Voltaire, Diderot, d’Alembert et Rousseau. J’ai donc proposé à mes élèves en guise d’hommage des extraits de livres et dessins de presse de cinq des morts du 7 janvier, inspiré par les propos de Philippe Val à France-Inter le jour de l’attentat, qui disait entre deux sanglots qu’il fallait avant tout continuer à rire. Cela faisait longtemps que Val ne m’avait pas ému.
Georges Wolinski (1934-2015), quatre-vingts ans. Assassiner un octogénaire, quel courage ! Ce vieux chnoque obsédé par le sexe était bien sympathique, un peu ringard sans doute, mais quoi, avec sa nostalgie de 1968, il nous était nécessaire. Bon, on n’y croyait plus trop à la fin. Mais qu’avait-il à voir avec les obsessions obscurantistes de ses assassins ? Un beau dessin d’Ucciani lui rend hommage d’une façon digne de lui, à voir sur le site Bulles picardes dont je vous recommande de feuilleter les pages.
Cabu (1938-2015), avait l’âge de mon père. Assassiner un septuagénaire, quel courage ! Je l’avais beaucoup aimé quand j’étais jeune, et depuis quelques années, devenu une sorte d’apparatchik du PS parisien, il ne m’intéressait plus guère. C’était, à la fin, un Jacques Faizant de gauche. Je ne lisais même plus sa barre de BD dans Le Canard, car son « beauf » ne voulait plus rien dire. Les « beaufs » d’aujourd’hui se grattent les couilles en gloussant « par le coran wesh cousin ». J’ai retrouvé, pour lui rendre hommage, une illustration d’une chanson d’Yves Simon, parue dans un album de Dargaud en 1982. Nostalgie… Sinon, il fut aussi, dans les années 1980, le compagnon fidèle de mon adolescence antimilitariste. O tempora, O mores ! Et je ne puis résister, puisqu’il est question de liberté d’expression, à rappeler ce dessin de Cabu pour un spectacle et un album de Font & Val, dessin qui ne serait plus possible aujourd’hui, à cause de nos politiciens qui ont restreint la liberté d’expression, les mêmes qui appellent à défiler pour la défendre…

Font & Val, Ça va chier, affiche de Cabu.
Cabu

Bernard Maris (1946-2015), c’est l’auteur de l’Antimanuel d’économie (Bréal, 2005), qui m’a servi de documentation lorsque j’écrivais Karim & Julien. Et quel plaisir de l’entendre sur France Inter, un des rares à produire un discours dissonant en économie ! Les nazis de l’islam et les néo-capitalistes, même combat… Il faut vraiment être une sous-merde pour tuer Bernard Maris… L’extrait de son Antimanuel que vous trouverez dans les documents annexes m’inspire, depuis que je travaille en lycée, à conseiller à mes élèves de s’entraider, de travailler en groupes pour se préparer au bac, la coopération (sans tricherie, bien sûr) étant plus rentable que la concurrence sauvage. Bernard Maris n’y a pas pensé, je crois, mais le principe de la concurrence sauvage s’applique aussi à la polygamie, laquelle est globalement défavorable à la majorité des hommes (en plus des femmes) qui se trouvent privés par les plus riches de femmes à épouser… C’est aussi ce genre de considérations économiques qui est à l’origine de ce travail gratuit mis en ligne sur ce site sans publicité, en espérant que les lecteurs donneront autant en retour. Ce qui ne veut pas dire qu’il ne faille pas payer aussi pour acheter des journaux sans pubs, comme Charlie Hebdo, le Canard, le Monde Diplo, S !lence, etc. Si seulement cet attentat pouvait aussi entamer un changement de mœurs politiques, et qu’on se mette enfin à réfléchir sur un système d’aide préférentielle à la presse libre, c’est-à-dire sans pub, aux médias qui ne sont pas liés aux groupes industriels qui fricotent avec les monarchies du Golfe par exemple… mais ne comptez pas que cet aspect du problème soit abordé à TF1, pas plus que la question des conditions de travail des ouvriers du BTP.
Tignous (1957-2015), je le connaissais moins, mais j’avais remarqué son trait incisif et provocateur, sur tous les sujets sensibles. Un humour tranchant, bien dans la tradition française, comme en témoigne son dessin pour Charlie Hebdo sur les fachos de la prétendue « théorie du genre ».
Charb, (1967-2015), le plus jeune des martyrs parmi ceux que je connaissais, qui avait mon âge. J’avais depuis quinze ans affiché dans mon bureau un de ses dessins de presse pour la revue Gargouille (1999), une caricature du prof de maths, que j’avais à l’époque affichée en salle des profs. C’était de l’humour potache, digne d’Alfred Jarry, un truc incompréhensible pour les fascistes de l’islam. Un type qui avait courageusement pris la suite de Philippe Val lorsque celui-ci avait touché la récompense de sa trahison envers Siné en devenant le chef de France-Inter.

Charlie Hebdo Mahomet
La liberté d’expression ne s’use que si on ne s’en sert pas.
Charlie Hebdo

Gloire aux humoristes, gloire à la liberté d’expression, et que périsse le fascisme islamiste !
Cet hommage se base sur quelques documents pédagogiques personnels sur les victimes du 7 janvier 2015. Dans ce dossier, vous trouverez notamment une affichette format A4 à imprimer. Au début, je trouvais ce slogan un peu idiot, vu d’ailleurs que je n’avais pas un rapport très identificatoire avec ce journal, mais le surlendemain des assassinats, je suis passé devant une agence immobilière dans la vitrine de laquelle toutes les affichettes de vente et de location avaient été remplacées par des « Je suis Charlie » ; j’en ai été bouleversé. Je me suis dit que si c’était affiché partout, ce serait peut-être un signe. Et puis d’ailleurs j’ai cru lire que le slogan et le logo avaient été bricolés par un illustre inconnu, et qu’il avait été repris par les réseaux sociaux. Une belle réponse populaire aux politiques qui voulaient récupérer les manifs. J’en ai affiché dans mon immeuble, et en ai apporté, sans trop savoir comment ce serait accueilli, à la piscine où je vais régulièrement. Or l’employé à qui je l’ai remise m’a remercié, l’a apposée tout de suite, et m’a dit : « Justement, j’en cherchais une ».

« Le coran c’est de la merde » ; « ça n’arrête pas les balles » : tentative d’explication de texte

Ces deux phrases figurant sur un dessin de couverture de l’édition du 10 juillet 2013 de Charlie Hebdo semblent concentrer le ressentiment de nombreux musulmans, notamment parmi nos élèves. Comme je n’ai pas réussi à trouver d’article sur cette couverture, je tente une explication de texte. Il s’agit d’un dessin de Riss, blessé lors de l’attaque, et successeur de Charb à la tête du journal, ce qui, soit dit en passant, contient en germe un risque certain qu’il conviendrait de désamorcer. Ceux qui s’estiment blessés par la couverture ne citent en général que la première phrase « Le coran c’est de la merde », détachée de tout contexte. Or prendre connaissance du contexte pour comprendre un énoncé, n’est-ce pas le travail quotidien effectué en cours de français ? Allons-y.
Un numéro publié en plein mois de juillet d’un journal satirique a peu de tirage, surtout vu les difficultés de la presse en général, de Charlie en particulier avant l’attentat. Ce n’est pas le genre de presse qui se lit sur les plages. Ce numéro n’a sans doute guère été lu, et n’a pas semblé choquer beaucoup de monde au moment de sa parution, à part la parodie signée « Dedko » (cf. infra) ; sur Internet, on ne trouve que des réactions dues non pas à la parution du journal, mais au procès qui a eu lieu six mois plus tard en Alsace (voir cet article). Comme c’est souvent le cas, un scandale créé de toutes pièces multiplie par cent ou mille le nombre de gens « choqués » de voir des dessins ou des œuvres qu’ils n’auraient jamais vus sans le doigt accusateur qui les oblige à voir ce qui va les choquer. Ils reproduisent ces couvertures choquantes sur leur site pour le grand plaisir de se gratter là où ça leur fait mal ; mais qu’est-ce qui les y oblige ? Est-ce que je la reproduis, moi, cette couverture ? Qu’est-ce qui crée le scandale, de la minuscule Lune, ou du gros doigt imbécile qui s’obstine à vous obliger à la voir ? Alors les pleureuses vont nous dire que ces pauvres chéris de musulmans sont choqués de voir les couvertures de Charlie Hebdo affichées sur les kiosques. Eh bien, premièrement, vu leurs chiffres de vente, je ne pense pas qu’ils s’offrent les meilleurs emplacements, et deuxièmement, dans une démocratie, il est fréquent qu’on voie affichés des trucs qui heurtent notre sensibilité. Par exemple en ce qui me concerne, je ne supporte pas la connerie publicitaire, et chaque jour, de plus en plus, je dois la supporter, par des affiches, par des écrans installés dans les couloirs du métro ou partout dans la ville, par des haut-parleurs un peu partout, et de plus en plus de pub sonore même sur l’antenne de France Inter. Est-ce que je prends un fusil et vais faire un carton chez tous ceux qui organisent et tirent profit de cet état de choses ? Non, je supporte cette torture quotidienne. Alors, que nos concitoyens « musulmans » supportent aussi ces quelques rares affiches qui heurtent leur sensibilité, et qu’ils distinguent les cas où elles sont effectivement visibles dans l’espace public, et les cas où des manipulateurs les leur mettent sciemment sous le nez afin de provoquer de toutes pièces leur ressentiment et en tirer profit.
Que se passait-il début juillet 2013 ? Je n’ai pas lu l’intérieur du journal, qui sans doute permet de comprendre ce dessin énigmatique (que je ne trouve d’ailleurs pas du meilleur goût, raison pour laquelle je ne l’inclus pas dans mon article), mais il y a des chances que le dessin fasse allusion au coup d’État du 3 juillet 2013 en Égypte ; d’ailleurs une autre bulle du dessin contient les mots « Tuerie en Égypte ». Mohamed Morsi, qui avait été élu en juin 2012 par 51,7 % des voix, était devenu impopulaire. On lui reprochait de favoriser les membres des Frères musulmans, et l’armée n’avait pas apprécié qu’il lui demande d’intervenir en Syrie. Un grand mouvement populaire, mené notamment par le groupement « Tamarod », avait entraîné d’immenses manifestations réclamant sa destitution ou la tenue de nouvelles élections. Après le coup d’État du 3 juillet, il y eut des contre-manifestations organisées par les Frères musulmans. Au cours d’un sit-in organisé le 8 juillet devant la prison où était détenu Morsi, la police tire sur les manifestants pro-Morsi et fait entre 15 et 53 morts. C’est à cette tuerie sans doute que faisait allusion Charlie Hebdo en kiosques deux jours plus tard, et non à d’autres tueries plus massives qui eurent lieu en août. « Amnesty International estime le nombre des victimes à 600 le 14 août, puis à 800 le 19 », peut-on lire dans l’article de Wikipédia (lien ci-dessus). Un certain rappeur qui évoque cette couverture parodique confond les deux tueries et prétend « Charlie Hebdo parlait du massacre de 1 150 (mille cent cinquante) personnes en Egypte », ce qui est faux. Cela dit, même si ces manifestants pro-Morsi ne me sont pas sympathiques, et même si l’on peut comprendre qu’une révolution ne se fasse pas sans casser des œufs (car soyons clairs, Morsi voulait engager l’armée égyptienne pour appuyer les islamistes en Syrie, ce qui aurait fait bien plus de morts), la couverture de Riss ne me semble effectivement pas de bon goût, mais sa publication, comme celle de ses parodies, me semble relever de la liberté de la presse, et non de l’« apologie du terrorisme », ou alors les mots n’ont plus de sens. La caricature du personnage qui tient la bible et se fait tirer dessus laisse peu de place au doute : sa vêture désigne un salafiste, un de ces types qui passe ses journées à fustiger au nom du coran tout ce qui témoigne de quelque liberté que ce soit, c’est-à-dire quelqu’un qui répand à longueur de journée haine et violence verbale, et prêche l’interdiction aux autres de tout ce qui ne lui plaît pas à lui. Certes, ce n’est pas une posture philosophique digne de juger un homme à sa façon de se vêtir, mais il s’agit d’une caricature, et puis soyons honnête : même si ce n’est pas bien, peut-on vraiment, pragmatiquement, se passer de jugements à l’emporte-pièce basés sur le vêtement et les apparences ? Quand des intégristes prêchent par exemple l’interdiction de la musique, on peut certes estimer que cela relève de la liberté d’expression, mais si l’on aime la musique, craindre à juste titre que si l’on ne réplique pas, ce genre d’idées nauséabondes pourrait faire tache.
De façon générale, ce qui choque les gens qui s’estiment choqués, et qui à aucun moment ne feront l’effort de savoir de quoi parlait ce dessin, c’est la formule « le coran c’est de la merde ». Peut-on cracher sur ce que l’on estime sacré ? Peut-on cracher sur un drapeau national, un livre saint (pour les uns), une image sainte, un héros national ? Bien que de nombreuses lois, de plus en plus, aillent dans ce sens, je reste farouchement favorable à la liberté. Tant que l’on n’appelle pas au meurtre, pour moi, on peut chier sur un drapeau, s’enfoncer des cierges pascaux, des bibles ou des corans dans le cul, cela comme dit l’autre, m’en touche une sans faire bouger l’autre. On peut cracher sur le pape, Obama, Mitterrand, et pour prendre quelqu’un que j’aime vraiment, cracher sur Léo Ferré, cela m’indiffère au plus haut point. Ce qui me choque, c’est que des gens puissent s’exciter et se mettre en colère parce qu’on s’attaque à des objets, des mythes ou des images, et rester de glace quand on assassine des humains. S’il a tout à fait le droit de parodier Charlie, j’attends les caricatures de ce dénommé Dedko sur les massacres perpétrés par l’État islamique. Quand des combattants kurdes musulmans donnent leur vie pour libérer leur terre contre ces nazis de l’islam, ces petits chéris qui sont tellement choqués par les dessins de Charlie, de quel côté sont-ils ? Est-ce qu’ils ne pensent pas que, finalement, appliqué à la situation à Kobané, ce type de dessin pourrait prendre un certain sens ? Que des salopards se servent du coran pour assassiner des musulmans, et finalement tout simplement leur voler leurs terres et leurs biens, est-ce que cela ne mérite par une moquerie certes salée, mais moins violente que de vraies balles et de vrais obus qui ont transformé une ville de 40000 habitants en champ de ruines et en cimetière ? Tout cela fait au nom du « saint coran » ! Réveillez-vous amis musulmans : c’est de cela qu’il est question. Quand des millions de juifs ont été assassinés par les nazis, est-ce que vous ne croyez pas que certains se sont cru abandonnés de leur dieu et ont pu prononcer des phrases telles que « la torah c’est de la merde » ? Quand des catholiques tutsis ont été massacrés dans des églises ou ailleurs par des hutus catholiques, n’ont-ils pas pu prononcer des phrases telles que « la bible c’est de la merde » ? Et dans le nouveau testament, est-ce que Jésus n’a pas connu le doute et prononcé ces paroles à la limite du blasphème : « Mon Dieu, Mon Dieu, pourquoi m’as-tu abandonné ? » ? Job, prophète commun aux trois religions du livre, n’a-t-il pas douté de la justice de Dieu ? Oui, réveillez-vous : au-delà de son slogan apparemment choquant, qu’est-ce qui vous choque, qu’est-ce qui nous choque réellement, profondément, dans ce dessin ? Et s’agissant du « saint coran », oubliez-vous que les nazis de l’islam qui ont infesté Tombouctou ont tenté de détruire des manuscrits du coran ? Ce sont eux, pas des « mécréants », qui ont dit que ces corans-là étaient de la merde. Lire cet article.
Une sous-affaire dans l’affaire est l’histoire d’une parodie en deux salves de ce dessin. J’en ai reconstitué l’historique grâce au site hoaxbuster. Il semble qu’un certain Dedko ait dans un premier temps, juste après la publication de la caricature en juillet 2013, publié une parodie que l’on peut voir sur ce site, avec pour légende « Cracher sur le coran c’est de la balle » ; « ça fait vendre notre merde ». Un dessinateur remplace Mahomet, et tient entre ses mains la couverture reprochée, bel exemple de mise en abyme. En vignette, la pub pour un hors-série « La vie de Mahomet » est remplacée par « La vie de Patrick Font ». Certes, ce n’est pas gentil, mais si la liberté d’expression autorise la publication de la première couverture, alors cette parodie, qu’elle nous plaise ou non, est tout à fait licite, et de façon générale il faut souhaiter que les gens qui ne sont pas d’accord avec nous expriment ce désaccord avec des mots ou des dessins plutôt que des balles. Dans un second temps, juste après les attentats, paraît une parodie du dessin de Dedko, avec des balles ajoutées traversant le journal et le dessinateur, ce qui reprend exactement le dessin initial de Charlie. D’après les sites de la nébuleuse Dieudonné (je ne veux pas faire de lien avec les sites qui présentent cette couverture, mais vous les trouverez facilement), il s’agirait d’un détournement d’un certain « Joe Lecorbeau » du premier dessin signé Dedko, mais la signature Dedko demeure sur le dessin, ce qui constitue un vol de propriété intellectuelle, à moins que les deux pseudonymes cachent la même personne, ou bien que les deux auteurs soient d’accord. Dans les jours qui ont suivi, un adolescent ayant publié ce dessin sur sa page Facemachin se serait vu poursuivi par la justice pour « apologie du terrorisme », ce que vous me permettrez de trouver kafkaïen. On ne peut pas prôner la liberté d’expression pour les uns et poursuivre les autres ; c’est la meilleure façon d’encourager le terrorisme.

Dieudonné : « Je suis Charlot couilles de ballot »

En ce qui concerne les politiciens, ils sont toujours aussi incompétents. Pendant quinze ans on a focalisé notre énergie sur l’interdiction du port du voile à l’école, c’est-à-dire sur les filles, alors que 95 % des violences sont commises par des hommes, et souvent contre les filles et femmes musulmanes. Il est toujours plus facile de s’attaquer aux filles, mais cela d’une part a contribué au ressentiment des musulmans, et d’autre part a laissé prospérer la violence des mâles islamistes. On nous parle d’un prétendu plan Vigipirate au degré maximal, et aucun dispositif n’est mis en place pour empêcher les fraudeurs de prendre le bus ou le métro (on paie plusieurs « pousseurs » dans les stations, au lieu d’un seul & simple employé posté à l’entrée pour empêcher les fraudeurs d’entrer et d’avoir à les presser contre le ventre des payeurs). Cela veut dire que n’importe quel terroriste peut monter dans un bus ou dans un métro sans laisser de trace, et déposer une bombe, sur des payeurs et des fraudeurs bien compacts. Seuls les gens honnêtes valident des passes Navigo, qui permettent qu’on nous suive à la trace, mais les terroristes continuent à avoir open bar dans les transports en commun. Ça aussi, cette incompétence, ça fait le lit du Front national. Il sera bientôt trop tard… Voir cet article. Mais pardon pour certains amis gauchistes qui militent pour la « gratuité » des transports en commun. Jolies idées angéliques… Pour les terroristes en panne d’inspiration, je me permets de suggérer la ligne 13 dans sa partie nord, celle qui dessert mon établissement. Et puis pour innover, autant adapter le dernier mode opératoire de Boko Haram selon Amnesty, faire se glisser entre les passagers bien compressés une fillette de 10 ans avec un sac à dos piégé. Efficacité maximale garantie.
Bien sûr, ces manifestations historiques du dimanche 11 janvier partout en France, qui devaient être apolitiques, et qu’un quarteron de politiciens qui ne représentent plus grand-chose ont voulu accaparer à leur profit, en écartant a priori les 25 pour cent d’électeurs du Front national (parmi lesquels, à mon avis, une proportion de Français d’origine blanche, juive, noire et musulmane conforme à leur présence dans notre population). Je suis persuadé que parmi ces donneurs de leçons de gauche, il y en a qui en avril 1975, s’étaient réjouis des débuts du génocide khmer rouge ; et quant au PCF qui affiche haut les couleurs de « Je suis Charlie », combien ont dénoncé les génocides perpétrés au nom du communisme, en Chine et en URSS ? Et quand l’ont-ils fait ? Depuis quand une manifestation est-elle organisée par le pouvoir ? On a envie de leur dire bravo : grâce à vous, Marine Le Pen a eu un bon prétexte pour ne pas se rendre à la manifestation parisienne. Quand le Front national sera au pouvoir, c’est-à-dire dans quelques années, quand ils tailleront à coups de serpe dans la liberté d’expression déjà bien rognée de nos jours, il sera donc impossible de leur rappeler : « Mais souvenez-vous, vous aviez défilé pour la liberté d’expression à l’occasion de l’attentat contre Charlie Hebdo… ». Par contre, en ce qui concerne les Ali Bongo ou autres, qui se sont présentés à cette manifestation parisienne, espérons que lorsque la liberté d’expression sera bafouée dans leurs pays, on puisse leur opposer les photos de leur présence à la manif. Espérons qu’après la manif, des lois d’extension de la liberté d’expression soient prises, en plus des lois et décisions nécessaires pour écraser l’Infâme, qui incluent donc des lois de restriction de la liberté d’expression du fascisme religieux, difficile numéro d’équilibrisme ! Que l’on puisse à nouveau se torcher avec tous les drapeaux, toutes les bibles et les corans si ça nous chante, que l’on puisse siffler la Marseillaise si ça nous chante, mais surtout que des lois plus sérieuses soient prises pour restaurer des médias indépendants, car elle est là la vraie bataille pour la liberté d’expression.
J’ai assez mal supporté le discours de Manuel Valls du samedi 10 janvier. Certes il semblait sincèrement ému ; certes il a eu le courage de reconnaître que cela avait été difficile dans les établissements scolaires où sa ministre ne s’était pas rendue ; mais pourquoi a-t-il fallu qu’il en rajoute une couche sur l’affaire Dieudonné ? Il sait pourtant pertinemment, parce que tous les profs, comme moi, l’ont entendu, et que les renseignements généraux le lui ont répété, que c’est la pierre d’achoppement du ressentiment des élèves musulmans. Son attitude dans cette affaire avait été une faute politique grave, et un abus de pouvoir. Si Dieudonné avait commis un délit, ce n’était pas à un Premier ministre d’en décider, mais à la justice ; c’était la position de la Ligue des droits de l’homme. Comment pouvons-nous maintenant expliquer aux élèves que c’est à la justice de décider si une caricature ou un article respecte la loi ou pas, si un ministre pratique une justice d’exception quand ça lui chante. Bien entendu, à la manif, il a marché main dans la main avec Nicolas Sarkozy, qui avait fait de même en 2003 contre les rappeurs de Sniper. Et avec Philippe Val, autre souffleur de braises, autre pompier pyromane, qui avait instrumentalisé un prétendu antisémitisme pour se débarrasser de Siné. Et avec ceux qui ont inventé l’outrage au drapeau tricolore et tant d’autres lois liberticides dans les vingt dernières années ; avec ce président qui abusait de la justice pour faire condamner toute personne dont il estimait qu’elle lui avait manqué de respect, et se permettait un « casse-toi pauv’ con ».
Le lendemain de la manif, il nous faudra encore, à nous les enseignants, essuyer les salves des élèves musulmans, qui auront été confortés dans leur victimisation par ce « j’avais raison et j’étais seul » de Manuel Valls. Le lendemain, lundi, on nous sert une nouvelle affaire Dieudonné parce qu’il aurait « tweeté » ou « facebooké » une nouvelle provocation « Je suis Charlie Coulibaly ». La belle affaire ! La justice française est exsangue, on relâche des terroristes pour vice de forme parce qu’on n’arrive pas à suivre tous les dossiers, et on va à nouveau occuper un juge pour les provocations de monsieur Dieudonné dont on ferait mieux de se torcher le cul : « Je suis Charlot couilles de ballot », point barre ! Et l’on sait très bien, en agissant ainsi, que l’on va encore monter d’un cran le ressentiment d’une certaine population. Et j’apprends d’autre part que des peines de prison ferme ont déjà été prononcées contre des couillons qui ont posté des vidéos d’apologie du terrorisme. Certes, là, on comprend que cela mérite une condamnation (je n’ai pas vu ces vidéos), mais que va-t-il se passer en prison pour ces gens-là ? Eh bien ils vont être en contact avec de nouveaux amis qui vont attiser leur ressentiment, et leur apprendre à se procurer la panoplie du vrai terroriste. À croire qu’on le fait exprès, dans quel but ? Non, monsieur le Premier ministre : vous n’aviez pas raison dans l’affaire Dieudonné, et vous n’étiez malheureusement pas seul. Par contre, face aux musulmans surexcités par vos provocations inutiles, les fonctionnaires, policiers, profs, hospitaliers, fonctionnaires municipaux, etc., sont seuls, et eux font leur boulot. Et face à la folie furieuse de ces trois fous d’Allah, 17 personnes se sont retrouvées cruellement seules, et ont essuyé les salves du vrai antisémistisme et de la vraie extrême droite, ceux qui tuent. Encore mieux, fin janvier 2015, un prof de philo est suspendu pour « apologie du terrorisme », sans que personne sache ce qui lui est reproché. A-t-on vraiment manifesté pour la liberté d’expression, le 11 janvier, ou bien s’est-on assis sur une matraque brandie par le pouvoir ? Ne nous leurrons pas : le front national, inéluctablement, sera au pouvoir dans les dix années qui viennent, et les mêmes lois qui servent aujourd’hui à pénaliser la liberté d’expression d’un Dieudonné ou d’un prof ou d’un lycéen, serviront demain au front national pour censurer non seulement tous ceux qui se seront réjouis comme des crétins de la censure de Dieudonné et des autres, mais aussi tous ceux qui, comme votre serviteur, auront mis en garde ces imbéciles en hurlant dans le désert. Je prends date. Des politiciens dignes de ce nom profiteraient de l’occasion pour supprimer toutes les lois liberticides, avant qu’il ne soit trop tard, mais au lieu de cela, ils continuent leur cinéma, inconscient du retour de bâton qu’on va tous se prendre en pleine gueule dans pas longtemps.
Dans le même ordre d’esprit, il serait temps de légaliser le cannabis et la prostitution, ce qui permettrait non seulement d’assécher une des sources principales de financement du terrorisme, de créer des emplois légaux, pour colmater le prétendu « apartheid », mais aussi de libérer des centaines de policiers et de magistrats, qui pourraient s’occuper du grand banditisme. Mais pas un seul de nos politiciens n’aura cette idée, car leur seule préoccupation est de savoir si madame Le Pen va venir à la manif aux côtés de démocrates comme Ali Bongo. Liront-ils seulement cet article de Libération ? Qui donc avait invité notre grand ami Khadafi, un an avant sa mort ? Et pourtant, notre grand pourfendeur de l’apartheid ne tiendra jamais compte du rapport pourtant évident entre délinquance et terrorisme. Les frères Kouachi n’étaient-ils pas au sens littéral deux fils de pute ? La situation dénoncée par Romain Gary dans La Vie devant soi n’a pourtant pas changé en quarante ans : les prostituées sont bel et bien victimes d’un « apartheid » social, et cela à cause de la politique des messieurs Valls et consorts, dont les amis veulent bien consommer dans des Sofitel et ailleurs, mais pas accorder à ces femmes qui leur fournissent des services des conditions légales telles que leurs enfants n’aient pas envie de devenir terroristes.

Charlie Hebdo, 14 janvier 2015.
© Charlie Hebdo

Lors de la discussion de débriefing organisée dans mon établissement, je me suis heurté à un mur d’incompréhension quand j’ai tenu ces propos sur cette nouvelle affaire Dieudonné. Un collègue, à un autre moment de cette réunion, avait déclaré quelque chose comme ceci : « Moi au bout d’un moment, je ne discute plus, je suis bêtement fonctionnaire, et j’applique le règlement, j’exclus l’élève qui perturbe le cours par son comportement » (il était question d’un élève intégriste refusant de s’asseoir à côté de filles). Deux autres collègues m’ont répondu que ce qu’avait fait Dieudonné relevait de l’apologie de crime contre l’humanité, et que la loi devait être appliquée systématiquement sans exception. Je leur ai fait remarquer que justement ce genre de lois inapplicables, par exemple celle contre le cannabis, ou celles contre les propos homophobes ou judéophobes, était appliquée de façon discriminatoire, que la justice tombait presque toujours sur les mêmes, en gros avec intransigeance sur les classes dominées, avec bonhomie et indulgence sur les classes dominantes. Et puis, il se trouvait que précisément j’avais surpris le même jour deux de ces trois collègues en train de fumer à l’intérieur des locaux du lycée, et que dans la salle même de la réunion, une collègue a fumé une cigarette électronique (celle-ci n’est pas encore interdite, mais cela est annoncé pour bientôt, notamment dans les lieux accueillant des enfants.). Je suppose bien sûr que ces collègues avaient surtout besoin de décompresser à titre exceptionnel ; mais les non-fumeurs aussi ! Comme disait le bon La Fontaine, « Le Fabricateur souverain Nous créa Besaciers tous de même manière, Tant ceux du temps passé que du temps d’aujourd’hui : Il fit pour nos défauts la poche de derrière, Et celle de devant pour les défauts d’autrui. » (« La Besace »). Enfin, étant un intellectuel, je ne fréquente pas la page facemachin de ce monsieur, comme aucune page facemachin, et je ne sais pas le contenu de ce qu’il a publié, mais le seul titre que j’ai entendu dans les médias, répété comme un mantra depuis trois jours (ce qui contribue à en faire un mot apprécié et ressassé dans certains milieux), n’est qu’une mauvaise plaisanterie digne de Charlie Hebdo, d’où ma réponse. En aucun cas une « apologie de crime contre l’humanité », ou alors les mots n’ont plus aucun sens. Donc lui interdire de s’exprimer au nom de la liberté d’expression, je ne comprends pas très bien. Il y a même un aspect blasphème dans ce calembour, quant on parle d’union sacrée de notre côté. J’ai toujours été d’avis que « Si la tolérance consiste à tolérer les gens qui sont comme nous, ce n’est qu’une grimace du conformisme » (Karim & Julien, p. 29). Les journalistes qui relaient ce genre d’information feraient mieux de nous informer pour savoir si toutes ces huiles européennes présentes à la manif de dimanche vont, oui ou non, prendre l’initiative d’une grande loi européenne instaurant la liberté de blasphème en Europe, en commençant par l’Alsace et la Lorraine. Mais comme disait Bourdieu, « si l’on emploie des minutes si précieuses pour dire des choses si futiles, c’est que ces choses si futiles sont en fait très importantes dans la mesure où elles cachent des choses précieuses » (Sur la télévision, p. 17), cité dans cet article.
Allez, permettez-moi un nouveau « yaka » : et si, en souvenir de cette manif historique, le 11 janvier (ou le 7) était décrété journée internationale de la liberté d’expression et de la presse libre, avec un sommet international dont chaque participant s’engagerait à augmenter cette liberté dans son pays par une loi annoncée à cette occasion ? Et si l’on aidait à l’ouverture d’un grand musée de l’athéisme et de l’anticléricalisme, pour célébrer cette spécificité française, un musée dans lequel les calotins de toutes les religions ne seraient admis qu’à condition qu’ils s’engagent à reconnaître la liberté de ne pas penser comme eux ? Quant au premier ministre turc présent à la manif, mais surtout son président, eux en particulier ont un énorme pas à faire en 2015 au sujet de la liberté d’expression : reconnaître le génocide perpétré par des musulmans contre les Arméniens, dont ce sera le centième anniversaire. Au lieu de cela, qui leur vaudrait le prix Nobel de la paix et peut-être une chance unique d’inverser une tendance historique, ils préfèrent enfoncer les portes ouvertes de la bêtise, comme en témoigne cet article du 18 janvier.

Félicitations par contre aux services de police et de surveillance, qui non seulement ont réussi à abattre les criminels avec, si l’on peut dire, seulement cinq martyrs de plus, mais surtout ont réussi, depuis le 11 septembre 2001 et bien avant, à empêcher sans doute des dizaines d’attentats. Les musulmans devraient au moins avoir conscience que des fachos d’extrême droite à la Anders Behring Breivik qui auraient eu envie de commettre un massacre dans une mosquée ou dans une épicerie hallal, il doit y en avoir eu un certain nombre qui ont dû être empêchés d’agir, de même que des terroristes islamistes. Quand j’ai entendu certains de mes élèves (pas tous, je le répète) aboyer au complot, etc., c’est ce que j’aurais dû leur dire si j’avais été moins bouleversé. Mais ils ne savent même pas que des islamistes ont massacré des chrétiens coptes dans des églises même, en Égypte. J’aurais dû aussi leur demander s’ils croient que les immigrants clandestins musulmans qui tentent au péril de leur vie de traverser la méditerranée sur des bateaux de fortune sont attirés par la France pour la liberté, ou pour la charia. Mais il est bien loin le temps des idéaux où les immigrés tombaient à genoux pour embrasser le sol de leur pays d’accueil. Maintenant on vient souvent uniquement pour le fric, et on mord la main qui vous a nourri. Pour en finir avec l’incompétence de nos politiciens, le président-qui-remonte-dans-les-sonsages aurait décidé d’affecter 10 000 militaires à la défense des écoles juives, synagogues, mosquées. Bravo ! Les prochains attentats terroristes auront donc de préférence lieu dans des écoles chrétiennes ou publiques, comme le lycée où je travaille par exemple, où l’on entre comme dans un moulin. Mais n’est-ce pas plutôt un travail de police, de sécuriser des lieux publics ? N’est-il pas temps, puisqu’on prétend qu’on est en en guerre, d’armer les polices municipales, et de leur apprendre à tirer pour de vrai ? Et puis, je ne sais pas si les cellules antiterroristes travaillent avec des profilers, mais j’ai cru remarquer que les terroristes innovent à chaque fois dans leurs modes opératoires. Mettons-nous dans le cerveau d’un terroriste. Comment tuer à coup sûr un maximum de victimes ? Fastoche ! Infiltrer l’armée. 10 000 militaires devant des lieux sensibles, c’est 10 000 chances de pouvoir entrer dans un de ces lieux avec une arme automatique sans éveiller de soupçon… Rappelons-nous Indira Gandhi assassinée par deux de ses gardes du corps sikhs. Et ces 10 000 militaires, leur place ne serait-elle pas plutôt en Irak, en Syrie, au Nigeria ? Et ces dizaines de chefs d’État venus à la manifestation, ne peuvent-ils enfin se décider – pour arrêter de jouer les bisounours – à envoyer chacun dix ou vingt mille hommes en Irak, en Syrie, etc., pour exterminer les nazis islamistes ? Est-ce qu’on va leur laisser encore six ans pour grandir ? Je dis six ans parce que c’est l’écart entre l’arrivée au pouvoir d’Hitler et la guerre. Que ne ferait-on pas pour qu’Israël arrête d’appeler les juifs à émigrer en Israël ? C’est inutile, Israël poursuivra de toute façon ce discours irresponsable [4] qui par contrecoup fait comprendre aux arabo-musulmans de France que leur place est dans les pays arabes. Mais je ne comprends pas très bien l’attitude d’Israël non plus : son intérêt à long terme n’est-il pas dans l’éradication à la source de ce terrorisme islamiste ? Cela fait tellement longtemps qu’on joue à l’apprenti sorcier, qu’on finance cet islamisme, qu’on fricote avec les États qui le financent, qu’on le favorise par des guerres à contre-temps, que je renonce à trouver une logique.

Jetez un œil à ce qu’écrivent quelques journalistes arabes courageux traduits par Courrier International : un article du magazine tunisien Leaders, et un article de Asharq Al-Awsat. Et directement sur Kapitalis, le site de ces Tunisiens courageux, cet article : « Les (vrais) musulmans sont tous Charlie. Lire le bel article de Soufiane Zitouni, professeur de philosophie au lycée Averroès à Lille, « Aujourd’hui, le Prophète est aussi « Charlie » », suivi de la démission de ce collègue de ce lycée sous contrat. Lire cet article. Un collègue qui se revendique « de culture musulmane », exactement le terme que j’emploie.
Pour un travail de fond, voir deux articles d’Emmanuel Grange sur le web pédagogique : celui-ci et celui-là. Sur Éduscol, des ressources pour les enseignants. Quant à la réflexion philosophique sur le mal, retourner toujours à notre ami l’aigle Voltaire. Le problème, c’est que c’est une aile de Voltaire qui a été coupée cette semaine… Voir aussi un vieil article : « Quelles sont les limites de la liberté d’expression dans la presse ? ».

Lionel Labosse

P.S. L’ami Jean-Yves Alt de Culture & débats souhaite publier ce commentaire :
Quand les organisations musulmanes prendront-elles le problème à sa véritable hauteur ? Il ne suffit pas de dénoncer ces actes abominables. Je n’ai rien contre les religions mais l’Islam reste une religion particulièrement violente : il se trouve toujours à travers le monde un ayatollah, un mufti pour lancer une fatwa, appelant au meurtre dès qu’une idée dérange. S’il y a dans le monde quelques hommes pour perpétrer ces actes abominables (qui ne se limitent pas aux meurtres au siège de Charlie Hebdo), c’est qu’il y a dans la (les) communauté(s) musulmane(s) des hommes qui les cautionnent par leur SILENCE. Si la religion musulmane ne sait pas trouver en son sein un rapport démocratique entre les siens et entre tous les hommes du monde, la partie sera difficile à gagner. Il est grand temps que les musulmans réforment leur religion.

Des bougies pour Charlie
Bougies pour les morts de Charlie, place de la Nation, 11 janvier 2015.
Lionel Labosse

P.S. 2. Voici une photo de chandelles en l’honneur des morts de Charlie Hebdo, allumées sur la place de la Nation. Cela me permet de dédier cet article à la mémoire de mon ami Jaque Hébert, décédé mardi dernier 6 janvier. Né en 1929, Jaque était danseur, a été prof de danse en Algérie à une époque où ce pays n’était pas infecté par le terrorisme, m’a inspiré des personnages du Mariage de Bertrand et de Karim & Julien. Il fut l’un des fondateurs en France, et le premier président, de l’association du Patchwork des noms, dont je fis vaguement partie au début des années 1990. Nous avions cette tradition, en plus des carrés de patchwork en hommage aux personnes décédées du sida, d’organiser des soirées « candle light », chaque année vers la fin mai, pour veiller autour de bougies ces morts souvent abandonnés de leurs familles. Il y a tant de morceaux de moi qui meurent ces temps-ci.

P.S. 3. En 2016, parution aux éditions Fayard de Moi, Viyan, combattante contre Daech, de Pascale Bourgaux & Saïd Mahmoud, et de Notre mal vient de plus loin, d’Alain Badiou. Voir cet article.

PS. 4. En 2022, après l’expérience de la tyrannie covidiste, je trouve que j’étais bien naïf encore à l’époque où j’écrivais cet article. La lecture de Le Massacre de Charlie Hebdo. L’enquête impossible de François Belliot (2021) m’a dessillé les yeux sur ce massacre qui a de bonnes chances d’avoir été une opération sous faux drapeau, une des plus grandes opérations de propagande jamais menées en tout cas. Mes élèves étaient plus éveillés que moi ! En mai 2023 je publie un codicille intitulé « Je ne suis plus Charlie ».


Voir en ligne : Le web pédagogique


© altersexualite.com 2015.
Article publié le jeudi 8 janvier, revu plus ou moins quotidiennement jusqu’au 20 février.


[1Pour éviter les périphrases alourdissantes, j’entendrai souvent dans cet article par le mot « musulman » un sens large de « personne de culture musulmane », que cette personne soit croyante ou non ; d’autres occurrences auront le sens de « croyant », et ce sera compréhensible en contexte.

[2Une piste suggérée par l’étrange présence de photos pédopornographiques sur leurs ordinateurs.

[3Le même se sert désormais de l’affaire Charlie pour mener campagne en instrumentalisant les enseignants. Voir cet article de Rue 89.

[4Ou plutôt Nétanyahou, dont Ha’Aretz estime selon Courrier international (n°1263 du 15 janvier, p. 13) que « En encourageant l’émigration de masse, les politiciens israéliens pourraient très bien aider les fanatiques à finir le travail entamé par le régime nazi et ses collaborateurs de Vichy : faire de la France une terre débarrassée de ses Juifs ».