Accueil > Cours & documents pédagogiques > Expressions, locutions & proverbes du bâtiment & des travaux (...)

Un article qui ne vaut pas un clou, ou à marquer d’une pierre blanche ?

Expressions, locutions & proverbes du bâtiment & des travaux publics

Mieux vaut lire ça que de fumer la moquette !

samedi 18 janvier 2020, par Lionel Labosse

Enseignant depuis septembre 2018 et peut-être jusqu’à ce que retraite s’ensuive dans un lycée du bâtiment & des travaux publics, j’ai eu l’idée, surtout pour la « culture générale & expression » (tel est l’intitulé de l’enseignement) de mes étudiants de 1re année de BTS, de faire ce relevé non exhaustif des expressions, locutions & proverbes relevant du bâtiment & des travaux publics. Faute de mieux, j’ai opté pour une présentation par ordre alphabétique du mot vedette (avec une capitale), avec définition, renvoi sur un article (Wiktionnaire en priorité s’il existe), et exemple d’emploi. Il est bien évident que les exemples ci-dessous ne seront pas les mêmes que ceux, édulcorés, que je proposerai en classe ! Mais chaque expression sera dûment agrémentée d’une citation incontestable bardée de l’autorité d’un très très grand hauteur. Si vous constatez une lacune ou possédez une information utile, merci de m’en faire part.

 Arrondir les Angles.
User de tact, de diplomatie. Comme disait l’autre, Cicéron, c’est pas carré. La rhétorique, ou art d’enculer les mouches, peut s’avérer utile pour cette fonction diplomatique. « Mon pote Kader, c’t un vrai fils de pute, l’a pas son pareil pour arrondir les angles avec ses poings » (Frédéric Dartre).
 Avoir de l’Aplomb ; remettre d’Aplomb.
Ce ne sont pas vraiment des locutions, mais une acception imagée de la locution « d’aplomb », qui nous rappelle que selon L’Homme de Vitruve, l’homme est à l’image d’un bâtiment, et sauf à être conçu par Claude Parent, il se tient d’aplomb, c’est-à-dire bien droit. S’il est tordu, c’est qu’il est mal portant ; il convient donc de le redresser. « Kylian ne manque pas d’aplomb : prétendre qu’il est malade alors qu’il a son projet en retard d’une semaine. Une mise à pied de trois jours va te le remettre d’aplomb, je te le dis ! » (Jules Terne).

Léonard de Vinci, L’Homme de Vitruve.
© Wikicommons


 Renvoyer l’Ascenseur. Rendre la pareille, faire échange de bons procédés. « Mamadou a baffé sa meuf qui voulait pas lui apporter ses pantoufles. Elle a vu des étoiles, mais elle lui a renvoyé l’ascenseur en l’assommant d’un coup de rouleau à pâtisserie, et le voilà au rez-de-chaussée » (Marguerite Durez).
 Avoir du monde au Balcon.
Avoir de gros seins, une poitrine généreuse. « De mauvaises langues prétendent que si Roméo matait Juliette sous son balcon, c’est qu’elle y avait du monde » (Edmond Dustan).
 Monter au Balcon.
Prendre du recul, regarder les choses de haut. « S’il montait un peu au balcon, Roméo se rendrait bien compte que pour Juliette c’est mort, par contre avec Rachid, qui a pour lui les yeux de Chimène, il aurait open bar » (Guillaume Rostand).
 Casser la Baraque.
Obtenir un franc succès. L’expression proviendrait des jeux de type chamboule-tout des foires. « Casser la Baraque », ce serait gagner le gros lot en faisant choir toutes les boîtes. « Philippe casse la baraque avec sa réforme des retraites, il pulvérise le score de Juppé en 1995 » (Daphné du Mûrier).
 Bâti à chaux et à sable.
Être solide, bien bâti. Avant l’invention du ciment moderne, au milieu du XIXe siècle, le mortier de chaux était incontournable dans le bâtiment, et l’expression désignait autant un mur solide qu’un homme du même acabit. « L’Homme de Vitruve de Léonard de Vinci, tout de papier qu’il fût, était au moins bâti à chaux et à sable, pour qu’on fasse la queue pour le voir 500 ans après » (André Bide). Voir aussi « Bien Charpenté », « d’Aplomb ».
 Être du Bâtiment.
Être de la maison, en connaître un rayon, quel que soit le corps de métier. Une spécialisation argotique est signalée par les dictionnaires d’argot : être cambrioleur, mais il est difficile de trouver un exemple. Un sens spécifique « être homosexuel » est parfois signalé, sans doute par confusion avec l’expression vague « en être ». « Piotr est Bulgare, c’est dire qu’il est du bâtiment, c’est un bon bougre ; ne ramasse jamais une savonnette devant lui sous la douche » (Jean Jeunet).
 Quand le Bâtiment va, tout va.
Expression tirée d’une phrase du maçon et franc-maçon du XIXe siècle Martin Nadaud. Le secteur du bâtiment est un indicateur de la bonne santé de l’économie. « « Quand le Bâtiment va, tout va », aimait à répéter l’émir qui touchait en putes et en whisky 20 % de chaque facture de pont ou de mosquée signé dans l’émirat » (Boileau-Narcotic).
 « Je te dis que tu es pierre et sur cette pierre je Bâtirai mon Église » (Évangile selon Matthieu, 16-18). Dieu invente le calembour (ou annomination) avec ce verset de la Bible. Les fidèles sont comme des pierres assemblés pour construire une église. Cela me rappelle les propos d’Aristote rapportés par Norbert Elias sur la différence entre un tas de pierres et une maison. « Heureusement que Pierre ne s’appelait pas Marcel, sinon, Jésus aurait dit « tu es Marcel et vêtu de ce Marcel, je bâtirai mon église » ! » (Robert Lapointe).
 Bâtir des châteaux en Espagne.
Se faire des illusions. Ancienne expression attestée dans Le Roman de la Rose au XIIIe siècle. « Jean-Jacques bâtissait des châteaux en Espagne, il croyait qu’en achetant des actions de la Française des Jeux il pourrait fréquenter les mêmes casinos que les Crésus de Bormes-les-Mimosas. Tu parles, Charles ! » (Didier Des Lynx). Il existe aussi des expressions à partir de « château de sable » ou « château de cartes », mais une forme précise ne s’est pas imposée. Les deux expressions peuvent désigner des édifices, concrets ou abstraits, peu stables et risquant de s’écrouler au moindre problème.
 C’est du Béton.
L’expression provient du monde du sport et non du bâtiment, selon Claude Duneton (La Puce à l’oreille, Balland, 1990). Peut désigner par exemple une défense compacte, au rugby ou au football. L’expression a essaimé un peu dans tous les domaines. « Le dossier contre Monseigneur Barbarin, c’est du béton : penses-tu, ce prétendu évêque a pratiqué la non-délation à tour de bras ; il est indiscutablement coupable, comme aurait dit Klaus Barbie » (Marguerite Lourdscénar).
 Ne pas casser des Briques.
Expression hyperbolique négative, avatar de « ne pas casser trois pattes à un canard ». Le contraire de « C’est du Béton » : ne pas valoir grand-chose. Le mot « brique » désignait à l’origine un petit morceau de quelque chose. « Le site de Labosse, ça casse pas des briques : la preuve, il est même pas sur Facebook, ce blaireau ! » (un blogueur jaloux & anonyme).
 Avoir une Brique dans le ventre.
Expression d’origine belge. Avoir un attrait congénital pour la construction et plus généralement pour l’immobilier. « Martin Puig le Portugais a une brique dans le ventre : on ne peut pas lui dire « Arabie saoudite » sans qu’il pense immédiatement à une mosquée à 500 millions d’euros » (François Cavada).
 Brut de décoffrage ou Brut de fonderie.
Qui a un aspect rugueux, sans fioriture, comme une banche de béton dont on vient d’enlever le coffrage, justement. La variante « brut de fonderie » désigne un objet en métal qui vient de sortir du moule, et n’a pas subi les finitions. « Gabriel est brut de décoffrage, il ne comprend pas que si je lui demande tout le temps de ramasser le niveau à bulle c’est pour admirer son joli cul tendu sous son bleu » (Christine Anguille).
 Coincer la Bulle.
Expression issue du jargon militaire, peut-être perpétuée par les maçons. Faire la sieste. Un artilleur devait d’abord régler un mortier à l’aide d’un niveau à bulle, en « coinçant » la bulle entre les deux traits, puis attendre longuement l’ordre de tirer, d’où la tentation de s’en écraser une. « Eh ! Jonas, toi qu’as de si beaux yeux, tu veux pas m’aider à coincer la bulle derrière la butte, en attendant que la Lituanie attaque la France ? » (François Vaurien).
 Être sur le Carreau ou Être / se retrouver sur le Pavé.
Être démuni, privé de ressources, à la rue. Expression ancienne, du temps ou « carreau » était synonyme de « pavé ». « Être sur le Carreau » c’était donc être au sol, parce qu’on était abattu, ou à la rue sans ressources. Le contraire de « tenir le haut du Pavé ». « C’est parce qu’ils ont peur de se retrouver sur le pavé que les grévistes le battent ! » (Pierre Paierait).
 Carreleur ou Maçon ?
« Orientation scolaire précoce au Portugal : on lance le bébé Manuel contre un mur. Si Manuel reste accroché au mur, il sera maçon. Si Manuel tombe par terre, il sera carreleur ; s’il rebondit dans la gueule de son père, il ne sera pas Manuel, mais intellectuel ! » (Luis de Çamepões).
 Avoir plusieurs Chantiers en route.
Ne plus savoir où donner de la tête, comme un artisan qui a entamé plusieurs chantiers. Travailler dans l’urgence. « Avec la réforme Blanquer, j’ai trop de chantiers en route, entre les nouveaux programmes de seconde et de première, les livres imposés, tout ça en plus du nouveau thème en BTS ; c’est un négrier ce type » (Prosper Méritée).
 Bien Charpenté.
On est à la limite de l’expression et de l’acception, mais on brode sur l’Homme de Vitruve. « Bien Charpenté » reprend cette assimilation de l’homme à un bâtiment bien proportionné, avec une belle charpente, qui peut renvoyer à l’ossature. « Cette femme est tellement bien charpentée qu’on a envie de ne pas prendre l’ascenseur, de monter voir ses cloches quatre-à-quatre par l’escalier depuis ses pieds » (Edmond de Congourd). Voir aussi « d’Aplomb » ; « Bâti à chaux et à sable ».
 Être Charrette.
Avoir beaucoup de travail urgent, juste avant la deadline. L’expression vient des élèves architectes aux Beaux-Arts qui avant 1968 transportaient leurs projets depuis leurs ateliers jusqu’à la salle des rendus (Salle Melpomène) avec des charrettes de marchands des quatre-saisons. Ils devaient arriver à midi pile, et certains donnaient les derniers coups de crayon sur la charrette même. « Chérie, je suis d’accord pour l’égalité homme-femme, et c’est avec grand plaisir que je changerai les couches de nos triplés demain et même après-demain, mais là, si tu pouvais prendre mon tour, tu serais choute, vois-tu, je suis charrette, je dois pondre avant midi le discours de Macron à l’association des veuves de couvreurs » (Émile Zona).
 Clouer au pilori.
Clouer sur le pilori l’affiche ou le placard d’une condamnation à l’exposition publique. Le pilori était un système plus ou moins perfectionné selon les villes pour attacher un condamné et l’exposer aux moqueries ou réactions plus ou moins violentes de la foule. « Choupinet adore se faire clouer au pilori. Se faire cracher à la gueule et traiter d’enculé par des blacks aux abdominaux carrelés, c’est son kif » (Jean-Brichel Trogneux).

Détail du panneau central du retable d’Issenheim, Matthias Grünewald.
© Wikicommons


 Maigre comme un Clou.
À l’origine « Maigre comme un cent de clous », c’est-à-dire un lot de cent clous. Très maigre, étique. « Clou » dans cette expression est purement hyperbolique, et peut se remplacer par d’autres mots (comme un coucou / une ételle / un coup de trique). À moins que par association d’idées ne se lève la référence aux Saints Clous de la Vraie Croix (si nombreux par le monde, qu’on pourrait refaire avec eux la charpente de Notre-Dame), et donc à la maigreur du Crucifié, telle que l’exhibe par exemple le retable d’Issenheim de Matthias Grünewald, dont le supplicié est non seulement fixé par d’énormes clous, mais son corps piqueté comme de petits clous de tapissier. C’est un comble pour un type qui à 33 ans n’avait toujours pas réussi son BTS de charpentier et bossait encore dans la boîte de son daron ! « À d’autres ! Tu ne me feras pas croire que Sandra ne rêve pas que Kévin Mayer lui donne son 06 : c’est « Le Renard et les Raisins ». Non, je t’assure, elle le trouve maigre comme un clou ; son rêve, c’est de se faire culbuter par un sumo ! » (Roman Polamploi).
 Ne pas valoir un Clou.
Comme pour la précédente, cette expression est purement hyperbolique, et « clou » peut se remplacer par d’autres mots (pipette / un pet de lapin / la corde pour se pendre). Ne pas valoir grand-chose. « Le dernier Polanski ne vaut pas un clou. La preuve : une gonzesse vient de se souvenir qu’il y a quarante ans, il l’a violée » (Michel Bertocolucci). Quant à « Des clous ! », c’est une interjection signifiant en gros « Va te faire clouer chez les Grecs » ; cause toujours ! Il existe des truellées d’expressions avec « clou », dont « se peigner avec un clou », être mal peigné, ou au contraire : « ne pas se peigner avec un clou » (être aisé) ; rare.
 Compter les Clous de la Porte.
Cette expression qui daterait du XVIIIe siècle signifie attendre longuement à la porte, ne pas être bienvenu. « Donaldo, célèbre footballeur brésilien, déclare avoir renoncé aux femmes depuis la plainte pour viol d’une admiratrice à laquelle il avait payé l’avion pour qu’elle le rejoigne en Europe : « avant, quand les groupies faisaient la queue devant ma chambre d’hôtel, je les faisais entrer par groupes de trois ; maintenant, elles peuvent compter les clous de la porte : avec les potes on a découvert qu’entre mecs c’est aussi bien et moins risqué ! » (Thierry Robert).
 S’astiquer la Colonne.
Cette expression désignant la masturbation masculine, daterait de l’érection de la Colonne Vendôme par Napoléon, mais on continue à se la polir, ainsi que le poireau, le Chinois, et des tas d’autres trucs turgescents. « Assis dans son tonneau à l’ombre d’une colonne, Diogène s’astiquait tranquillement cette dernière » (Nicolas Lascif de la Colonne).
 Relever les Compteurs.
Le « compteur » désignait en argot l’employé qui tenait les registres des maisons closes. « Faire tourner les compteurs », c’était multiplier les passes. Les maisons closes n’existent plus, mais les filles ultra-précaires qui font le trottoir sans aucun droit social existent plus que jamais, et leurs maquereaux aussi. Le maquereau qui ramasse les gains des « gagneuses » « relève les compteurs ». « Eh les filles, v’là Mamadou qui vient relever les compteurs. Il peut dire merci à #metoo celui-là : tant que notre métier ne sera pas légalisé, c’est lui qui nous « protège », pas la loi » (Virginie Desmontée). Rien à voir avec la mise en place des compteurs Linky.
 Tiré au Cordeau.
De cordeau, cordelette dont on se sert pour tracer et aligner les pièces en maçonnerie, charpenterie, dans les travaux publics. Bien droit, rectiligne, ordonné ; s’utilise métaphoriquement pour des faits abstraits ou concrets. « Avec Blanquer, les programmes de français de Première sont tirés au cordeau : aucun auteur subversif qui dépasse, tous les profs au rapport, le doigt sur la couture du pantalon. Enfin un ministre de l’Éducation nationale qui donne envie de voter Rassemblement national pour restaurer la liberté pédagogique » (Lionel Bolosse).
 Être au Courant.
L’expression date de bien avant l’invention de l’électricité, et n’a donc rien à voir avec le bâtiment, mais avec le fait d’être dans le courant des affaires, dans le flux des informations. « Papy aime bien être au courant, mais en restant le cul dans son fauteuil » (Michel de Châtaigne).
 Couteau de Jeannot.
Voir ci-dessous « bateau de Thésée ».
 Monter au Créneau.
À l’époque des châteaux-forts, monter au créneau, c’est se mettre dans un poste d’attaque, protégé par les créneaux des tours du château. De nos jours, c’est attaquer, se mettre en première ligne pour soutenir un projet difficile. « Pour défendre son projet de retraite universelle, le jeunot Macron est monté au créneau. Par contre, lorsqu’il s’agit de défendre les droits sociaux des précaires, le jeunot reste aux oubliettes » (Jean-Luc Méchanlou).
 Péril en la Demeure : « demeure » au sens de « demeurer », ne pas réagir, et non « maison ». Souvent à la forme négative : « il n’y a pas péril en la demeure » : ce n’est pas pressé, ça peut attendre. « On peut bien prolonger l’urgence sanitaire trois ou quatre ans, tant qu’on n’a pas encore complètement ruiné la France ; il n’y a pas péril en la demeure » (Emmanuel Macron, tueur à gages au service de David de Rothschild).
 Ne pas avoir inventé l’Eau chaude.
Variante de « Ne pas avoir inventé la poudre ». « L’est bien gentille, la Sarah, mais l’a pas inventé l’eau chaude : quand je lui parle de l’essieu de sa voiture, elle croit que je lui parle des cieux du paradis » (Monseigneur Barrabas).
 Bouché à l’Émeri.
Expression hyperbolique difficile à comprendre. Une bouteille ou un flacon avaient le bouchon et le goulot frottés et polis avec de l’émeri pour un contact plus parfait. Ils étaient donc parfaitement hermétiques, bouchés. Être « bouché à l’émeri » c’est donc être fermé à toute explication, bête au point de ne rien comprendre. Dans le bâtiment on utilise la toile émeri, variété de « papier de verre ». « Faut être bouché à l’émeri pour ne pas comprendre que les Jean-Paul Delevoye et consorts ont pour intérêt premier de continuer bien après leur retraite à siéger à des conseils d’administration d’entreprises qui fondent leur prospérité sur la paupérisation des travailleurs au profit des rentiers » (Louis Ayagon).
 Avoir l’esprit de l’Escalier.
Ne pas avoir le sens de la repartie. Le bon mot que vous deviez avoir sur le champ ne vous vient à l’esprit que dans l’ascenseur, après avoir quitté la compagnie. C’est tout moi : « Les meilleures idées me viennent en général dans l’escalier, quand je sors de chez moi, pressé, et que je n’ai ni stylo ni papier ! Trop tard pour remonter. J’ai l’esprit de l’escalier » (Maxime de La Rochefauxcul). Existe aussi une variante : « Avoir l’esprit du lupanar », réservée aux grands hauteurs qui ne sont visités par l’Inspiration aux doigts d’encre que lorsqu’ils sont au bordel, et qui, rentrant chez eux trop bourrés, ont tout oublié desdites géniales idées. Voici un échange entre Gustave Fauderche et Guy de Maulassant, à la sortie du bordel des Trois Nichons, issu des mémoires de Mlle Fifi, tenancière : « – Moi qui suis un feu d’artifice d’art quand mon dard est de sortie, disait Guy de Maulassant, le lendemain j’ai tout oublié et ne suis plus que boule de suif ! » Gustave Fauderche rétorquait : « Eh bien si tu n’es que boule de suif, c’est mieux que rien ! Moi qui suis un Soleil quand je baise, je ne suis plus rien aux lendemains de débauche, même moins que rien ! Tiens, tu n’as qu’à écrire un livre qui s’appellera Boule de Suif. – Chiche ! Et toi donc tu écriras un livre sur rien » !
 Le mensonge prend l’Ascenseur, la vérité prend l’Escalier. Cette expression ne semble pas ancienne mais une nouveauté de l’ère des escrocs autoproclamés de la chasse aux prétendues fausses informations. Bref l’imposteur Rudy Reichstadt a beau faire, l’ascenseur de ses calomnies se fait fatalement dépasser avant le dernier étage par la fusée de la vérité qui déboule par l’escalier.
 Boire comme un Évier.
À l’instar de « maigre comme un Clou », c’est une simple expression hyperbolique, variante de « comme un trou / une éponge », « saoul comme un Polonais ». Je n’en ai pas trouvé l’étiologie sur Internet. Peut-être la vogue du « plombier polonais » lors du débat sur le TCE en 2005 a-t-elle redonné jeunesse à cette expression par ricochet, mais on la trouve déjà sous la plume de Paul Morand en 1922. « Marguerite Duras buvait comme un évier mais n’écrivait pas comme une Angot » (Bernard Poivrot).
 Se faire ravaler la Façade.
Difficile de trouver l’origine de cette expression qui semble assez récente. Le sens est « avoir recours à la chirurgie esthétique », surtout pour le visage ; mais on trouve aussi par extension le sens de « démolir la façade », agresser quelqu’un en lui jetant de la peinture ou quelque chose au visage. Le sens propre existe aussi par métonymie (« Le teinturier du coin s’est fait ravaler la façade »). « Depuis qu’elle s’est fait ravaler la façade, Line Renaud se fait draguer par tous les Marc Dutroux du quartier » (Laurent Truquier).
 Jeter l’argent par les Fenêtres.
Dans l’ancien temps, on jetait par les fenêtres des pièces pour les chanteurs de rues ou vagabonds, d’où cette expression dont le sens actuel, loin de l’aumône, condamne la prodigalité. « Marie-Pierre jette l’argent par les fenêtres, au grand dam de ses héritiers : la voilà qui paie grassement un gigolo pour guincher le dimanche, alors qu’elle pourrait rester tranquillement chez elle à faire des mots fléchés » (Françoise Gangban).
 Sortir de ses Gonds.
L’expression serait ancienne, et par allusion imagée à une charnière, est simple à comprendre : une porte claquée avec violence sort de ses gonds ; il s’agit donc de désigner cette violence due à une grande colère. Cela arrive d’ailleurs souvent quand on prend la porte ! « Quand le patron l’a mis à la porte, François est sorti de ses gonds et en a sorti la porte par la même occasion, de sorte que le bureau de la direction s’est transformé en open space » (Pierre Bondieu).
 Ne plus savoir où on Habite.
L’expression semble récente ; je n’en ai pas trouvé d’explication dans les dictionnaires en ligne. Calque de « ne plus savoir où donner de la tête », mais « ne plus savoir où on habite » marque seulement la désorientation, alors que « où donner de la tête » ajoute le fait d’être très occupé. C’est une hyperbole qui connaît plusieurs variantes : « ne plus savoir sur quel pied danser », « distinguer sa main droite de sa mains gauche », « où se mettre », « quoi inventer », « ce qu’on veut », etc. « Un violeur du 93 pris sur le fait tenta de se disculper en disant qu’il ne savait plus où il habitait. L’inspectrice lui rafraîchit la mémoire : « je crois que t’habites à Bondy » (Georges Simignon).
 Notre Maison brûle et nous regardons ailleurs ; « la Maison brûle ».
Expression franco-française datant d’un discours de Jacques Chirac sur l’écologie en 2002, et constamment réutilisée, notamment dans le domaine de l’écologie. On peut reconnaître le calque du proverbe chinois « Le doigt montre la lune, l’imbécile regarde le doigt ». « La maison brûle, disait le Président. Il serait temps de créer un rideau de fumée avec un féminicide, une affaire de pédophilie dans l’Église ou une agression antisémite » (Louis le Complotiste).

Lettre de Napoléon aux sénateurs, au Sénat.
© Lionel Labosse


 Gravé dans le marbre.
Date du temps où le papier n’existait pas. Les inscriptions importantes étaient gravées sur une plaque de marbre apposée sur un bâtiment, y compris le contrat de fondation d’un bâtiment (voir par exemple cette plaque de Napoléon ci-dessus affichée au Sénat). L’expression, de nos jours, désigne ce qui est pérenne, fait pour durer. « La retraite à taux plein à 65 ans est gravée dans le marbre ; on n’y touchera plus même si l’espérance de vie venait à diminuer », se réjouissaient les grands patrons au dîner de gala du Medef » (Anémone Canard).
 Être / rendre Marteau.
À rapprocher de « être fêlé » : avoir le cerveau dérangé, comme si on avait reçu un coup de marteau sur la tête. Le sens amoureux, attesté par la fameuse chanson « Oh les filles ! » d’Au bonheur des dames, rapproche cette expression de la suivante. « Avec ses réformes à la truelle, cette enclume de ministre va rendre marteaux tous les profs » (Philippe Vaux).
J’en profite pour placer ici ce dessin du regretté Charb, victime des nazislamistes lors de l’attentat de Charlie Hebdo. Gargouille, 1er décembre 1999.

Un prof de maths, Charb, Gargouille, 1er décembre 1999.
© Gargouille


 Entre le Marteau et l’enclume.
Expression ancienne, calque de « entre l’arbre et l’écorce il ne faut pas mettre le doigt ». Désigne le fait de se retrouver à devoir départager deux adversaires puissants, et risquer de recevoir un « dommage collatéral ». « Cette prof de maths légère comme une plume a commis l’erreur de vouloir séparer Mourad et Hakim, deux dealers concurrents de sa classe de 4e dans ce collège de la Guillotière : elle avait mis le doigt entre le Marteau et l’enclume, cette enclume » (Éric Zhummour).
 Se mettre / avoir Martel en tête.
« Martel » est une ancienne forme pour « marteau ». Le sens ancien, attesté chez Molière (« Je ne vois point encore, ou je suis une bête, / Sur quoi vous avez pu prendre martel en tête. / Lucile, à mon avis, vous montre assez d’amour », Le Dépit amoureux, 1656, I, 1), est celui d’une jalousie amoureuse, qui produit l’effet d’un marteau qui vous frapperait la tête. Le sens moderne à évolué vers n’importe quoi qui nous tracasse. « Eh Josyane, ne te mets pas martel en tête pour savoir où tu vas passer ta retraite : les loyers sont bon marché au cimetière ! » (Arlette Laguillerette).
 Être à la masse.
Image empruntée à l’électricité : être relié à la masse, ne transmettre aucun signal électrique, d’où le sens de fou, inconscient, ou plus simplement, dépassé par les événements. « Nicolas est à la masse, il compte sur des heures sup pour agrandir sa maison alors que le carnet de commandes de la boîte est au plus bas » (Philippine Martinet).
 Fumer la Moquette.
Comme l’explique l’article de Wikipédia, il arrive que des drogués recherchent fébrilement des morceaux de résine de cannabis ou autres drogues tombés par terre, et que dans leur hâte, ils fument des morceaux de moquette. L’expression devenue courante s’utilise pour des propos hors du commun, du politiquement incorrect au délirant. « Eh Erik, t’as fumé la moquette ou quoi ? Je t’ai donné rencart à 20 h dans le XIXe arrondissement pour voir cette expo sur les évolutions sociétales du trampling au XXIe siècle, et non à 21 h dans le XXe arrondissement pour une expo sur les origines du trampling au XIXe siècle ! » (Pierre Joke).
 Bercé trop près du Mur.
Être stupide. Variante de « Onduler de la toiture » (cf. infra). Selon une ancienne coutume de bercer les bébés dans un berceau situé près d’un mur, ce qui occasionnerait des chocs. Ne pas confondre avec « bercé trop près du mûr » qui désignerait une fillette victime d’un grand-père pédophile, comme dans une scène clé du roman M&mnoux de votre serviteur. « Dis donc, Claire, t’as été bercée trop près du mur, toi : tu crois encore aux promesses des politiciens ! » (Jean-Yves Kalt-Ebing).
 Entre quatre Murs.
À l’origine, selon un site, habiter dans un logis sans meubles, juste quatre murs nus, puis euphémisme désignant la prison. « Un peu simplet, Momo le fan de Brigitte Macron, à qui on avait dit que s’il volait, il se retrouverait entre quatre murs, vola des pantys au Monoprix ; mais quand il se retrouva en prison entre quatre jeunes lascars qui se le tapèrent alors qu’il pensait se taper quatre mûres, il se dit qu’au lieu de fantasmer sur sa cougar de prof de français, il aurait mieux fait d’écouter ses leçons d’orthographe » (Gabriel Pasnet).
 Être le dos au Mur.
Pour un escrimeur qui recule, se retrouver « le dos au mur » c’est être obligé de se défendre sans plus reculer. L’expression est sortie du sens spécifique martial pour désigner toute situation où l’on est obligé de faire face sans faux-semblants. « Macron se retrouve le dos au mur, va falloir qu’il explique pourquoi sa priorité des priorités, bien avant la réforme des retraites, c’était de supprimer l’impôt sur la fortune » (Georges Marchait).
 Mettre au pied du Mur.
Mettre quelqu’un dans une situation où il lui est impossible de se dérober. Sens proche de l’expression précédente. « Dans L’Heureux stratagème, Marivaux met la Comtesse au pied du mur : elle doit avouer qu’elle aime Dorante et n’a feint d’aimer Damis que par fatuité » (Maître Marivovici).
 C’est au pied du Mur qu’on voit le maçon / l’artisan.
On ne peut juger de la compétence de quelqu’un qu’en le voyant travailler. Selon Wikipédia : « Au pied du mur se trouvent les restes de mortier que le maçon a fait tomber : moins il y en a et plus le maçon est économe et soigneux. » Je n’ai trouvé confirmation de cette information nulle part ailleurs. On dit aussi « À l’œuvre on connaît l’artisan ». Moi je dirai que c’est quand son archipendule est bien d’équerre que le maçon est bon. À ne pas confondre avec la fameuse devise des maçons gérontophiles : « C’est au pied du mûr qu’on voit le maçon ». Variante : « C’est au pied de la mûre qu’on voit le Manu » (Professeur Cholapin).
 Raser les Murs.
Cette expression daterait du XIXe siècle, avec un sens transparent : marcher en longeant les murs le plus discrètement possible, pour ne pas attirer l’attention. « Dans le bâtiment, les femmes ont intérêt à raser les murs, avec tous ces immigrés en attente de regroupement familial, sans compter les calendriers Pirelli affichés dans tous les bureaux d’étude » (Amélie Notable). Existe aussi, mais rarement : « Se tenir entre le mur et la peinture ». Ne pas confondre avec « Raser les mûrs », ennuyer les retraités en les serrant dans les transports. « Comme un jeune ouvrier afghan s’excusait de l’avoir serré de près dans un portillon du métro, Robert lui répondit : « Beau jeune homme, il s’en faudrait de beaucoup que tu rasasses les mûrs au point que je m’en rassasiasse ! » (Christophe Rafahel). Bon, je sens que l’honorable lecteur – sans doute du bâtiment – s’agace à ces vannes gérontophiles ; sans doute préfère-t-il les vannes de blondes ou de belges, voire antisémites ? C’est promis, c’était la dernière ; la prochaine portera sur les blondes !
 Tenir les Murs.
Expression qui date des années 1990, et désigne les jeunes désœuvrés qui s’adossent aux murs, spécialement en Algérie, d’où l’usage du mot « hitiste ». S’ennuyer, être au chômage, paresser. Ne pas confondre avec « tenir les mûrs » : travailler en gériatrie. « Eh, Rachid, arrête de tenir le mur : on embauche à l’Ehpad ! » (Vincent Ravaleur).
 À pied d’Œuvre.
Le mot « œuvre » désigne le travail. Être « à pied d’œuvre », c’est être arrivé à l’endroit où l’on doit se mettre ou se remettre à l’ouvrage, que l’ouvrage soit concret ou abstrait. « Les élèves entrent en cours à 8 h, et une fois qu’ils ont fait leurs checks, lu et envoyé tous leurs textos, leurs mails, leurs messages WhatsApp, ils sont à pied d’œuvre à 9h15 » (Nathalie Sirote).
 Avoir les dents qui rayent le Parquet.
Avoir une ambition démesurée. Variante moderne hyperbolique de « avoir les dents longues ». « Dur temps pour les raboteurs de parquets à l’Élysée, avec tous ces ministres qui ne rêvent que de devenir calife à la place du calife » (René Goscillant).

Les Raboteurs de parquet, Gustave Caillebotte.
© Wikicommons.


 Battre le Pavé.
Date de l’époque où routes et places étaient pavées. « Battre le pavé » c’est errer, vagabonder, traîner à rien faire. Peut s’utiliser aussi dans le sens de « manifester ». « Avec la grève du métro, toute la ville bat le pavé, que ce soit pour manifester ou pour aller au boulot ! Ah ! ce Macron, il a bien mis la France entière en marche ! » (Raymond Penaud).
 Tenir le haut du Pavé.
Avant l’invention des trottoirs, le caniveau ruisselait au milieu des rues ; les piétons s’efforçaient de tenir le haut du pavé en marchant à l’endroit le plus élevé et éloigné du ruisseau, pour ne pas être crotté. On cédait le passage aux personnes de plus haut rang. L’expression désigne de nos jours ceux qui ont une position sociale élevée, ou la première position dans un domaine, un peu comme « le haut du panier ». « Avec La République en marche, Macron tient le haut du pavé, mais si les manifestants battent le pavé jusqu’à Noël, il risque de se retrouver dans le caniveau ! » (Gustave Fauderche).
 Brûler le Pavé.
Rouler à vive allure, parce qu’à l’époque des diligences, les roues cerclées de fer produisaient des étincelles sur les pavés. « À force de brûler le pavé à la face du peuple, les aristos se les sont pris dans la gueule, les pavés ! » (Victor Hublo).
 Jeter / lancer un Pavé dans la mare.
Par allusion aux remous qu’engendre un objet qui tombe dans un plan d’eau, troubler la tranquillité publique par une révélation brutale. « Jésus a empêché de jeter la pierre à la femme adultère, mais pour Manu, faudrait pas jeter des pavés dans la mûre non plus » (Dominique Stress-Panne).
 L’enfer est Pavé de bonnes intentions.
Ce proverbe est inspiré d’une phrase attribuée à Bernard de Clairvaux. Elle signifie que ce n’est pas parce qu’on est animé de bonnes intentions que nos actions sont bonnes. C’est un peu le contraire de ce que les jésuites appelaient la direction d’intention, qui consistait à justifier toute mauvaise action en lui supposant une bonne intention. « L’enfer est pavé de bonnes intentions prétendait Hakim, pour qui pomper ses devoirs sur Internet était un peu comme faire sa prière en touchant le sol de son front » (Pierre Fayotat).
 Être sur le Pavé : cf. supra « Être sur le Carreau ».

Rocco Morabito (1920-2009) : Kiss of life (1967)
© Rocco Morabito


 Rouler une Pelle.
Expression récente (selon Claude Duneton) d’origine obscure, doublon de « rouler un patin », puis « rouler un palot », « une galoche »… Selon des explications confuses qui circulent sur Internet, la « pelle » désignerait soit la langue, soit une évolution de « peloter », c’est-à-dire caresser. Ce sont des préliminaires amoureux où l’on s’embrasse en mettant la langue. Très pratiqué dans les travaux publics, notamment dans le domaine de l’électricité, car ça soulage après une bonne décharge, comme le prouve la photo célèbre de Rocco Morabito ci-dessus : Kiss of life. Attention : « Se ramasser une pelle », peu employé, est synonyme de « se ramasser un gadin », faire une chute, et pourquoi pas « prendre une veste ». « Quand il a bu un coup de trop, Kader veut rouler des pelles à toutes les filles, mais quand il est tombé sur Khadija, qui est championne de boxe, il s’est ramassé une pelle ! » (Louis Ferdinand Câline).
 Les feuilles mortes se ramassent à la Pelle.
Dans ses Souvenirs apocryphes (Éditions du Petit Mitron, Bécon-les-Bruyères, 1973), Joséphine D’Équerre nous apprend l’origine de cette chanson qui au départ était un hymne de prolos du bâtiment inspiré par le Front populaire, avec les paroles suivantes : « Le béton se malaxe à la pelle, sable et ciment, et des gravats aussi ». Mais Joseph Kosma, qui avait une famille nombreuse à nourrir, convainquit Jacques Prévert, pour une fois, de dire les choses métaphoriquement, pour ne pas concurrencer la mythique « Chanson du maçon » de Maurice Chevalier. Il s’agit donc d’un éloge de la nostalgie. « Les filles mortes se ramassent à la pelle, disait Dracula, il serait temps d’aller au cercueil » (Brâme Docker).
 Marquer d’une Pierre blanche.
On trouve diverses origines à cette expression. Soit le tirage au sort de la conscription qui exemptait du service celui qui tirait une pierre blanche ; soit la coutume de voter dans un tribunal avec une pierre blanche pour l’innocence, noire pour la culpabilité. Quoi qu’il en soit, l’expression désigne un jour faste, mémorable, au point que sur un calendrier on pourrait la marquer d’une croix ou d’une « pierre blanche ». On est à la limite des expressions du bâtiment, car le mot « pierre » ne désigne pas ici un matériau. « Hector peut marquer d’une pierre blanche le jour où il a rencontré Mirza. Depuis, il n’a plus à s’occuper de son compte en banque : tout est à son nom à elle » (François Vauriac).
 « Et il répondit : Je vous le dis, s’ils se taisent, les Pierres crieront  ! » : Évangiles (Luc, 19, 40). Jésus répond aux Pharisiens qui lui demandent de reprendre ses disciples qui l’acclament à son entrée à Jérusalem. On appelle « polylithisme » l’emploi de moellons ou pierres de nature diverse, souvent dans les édifices religieux, pour faire « crier les pierres ». Jean-Dominique Michel emploie cette expression le 27mai 2023 lors d’une intervention virulente à Genève. Voir aussi Habacuc, 2, 11-12 (cité dans l’article en lien) : « Car la pierre crie du milieu de la muraille, Et le bois qui lie la charpente lui répond. Malheur à celui qui bâtit une ville avec le sang, Qui fonde une ville avec l’iniquité ! » (et Josué 24, 27, et Lamentations 2, 18).
 « Geler à Pierre fendre »
Cette vieille expression est une hyperbole qui repose sur un phénomène connu, la Cryoclastie ou gélifraction des pierres ou roches « gélives ». Quand il gèle, l’eau infiltrée dans les roches les fractionne. J’avais entendu lors d’un voyage au Pérou précisément sur l’île de Taquile sur le lac Titicaca, une explication sur l’utilisation de cette propriété pour tailler les pierres, mais je n’en retrouve pas la trace sur Internet… « Quand il gèle à Pierre fendre en juillet, c’est à cause du réchauffement climatique » (Cendrier Roussi).
 Avoir une araignée au Plafond ; Être bas de plafond.
Expression apparue dans la seconde moitié du XIXe siècle chez les prostituées parisiennes, selon Claude Duneton. Le plafond métaphorise le cerveau, et l’araignée la folie. Il se peut que l’expression en ait remplacé une autre tombée en désuétude : « être piqué de la tarentule », qui désignait une sorte de folie à l’origine d’une légende de l’émergence de la tarentelle, danse de la région de Tarente. Voir aussi « Onduler de la toiture ». Il y a peut-être aussi eu une influence de « Être bas de plafond », qui signifie « être stupide ». « Jean-Hubert a les dents qui rayent le parquet, mais comme il a une araignée au plafond en même temps, il risque de se casser les dents » (Pierre-Jean Jourde).
 Se faire sauter le Plafond.
Variante de « se faire sauter la cervelle », « le caisson », confirmant que le plafond métaphorise la tête. Le mot « caisson » a des tas d’acceptions, mais l’existence du plafond à caissons plaide pour une allusion au domaine du bâtiment. « Si tous les gars qui se font sauter le caisson le faisaient dans une réunion de requins de la finance ou de mafieux plutôt que dans un avion de la Germanwings, ça serait pas plus mal » (Eugène Unesco).
 Crever le Plafond.
Expression d’origine obscure, mais dans une série comprenant « crever l’écran » et « crever les yeux ». Peut désigner soit le fait d’avoir dépassé une limite, notamment bancaire, ou le fait de faire preuve d’originalité dans un domaine. « Cette élève est une vraie machine, elle a des super moyennes partout, et avec toutes les options qu’elle a prises, elle va crever le plafond au bac » (Annie Hernu).
 Grimper au Plafond.
Assez rare, variante de « Grimper au rideau » : atteindre l’orgasme. « Te bile pas Roger : Monique c’est une blasée, elle ne grimpe au plafond que lorsqu’elle est prise en levrette par un black octogénaire manchot » (Michel Audard).
 Plafond de verre. Voilà une expression qui a selon l’article de Wikipédia une origine précise, le film d’Elia Kazan Le Mur invisible (1947). Elle désigne le fait que les niveaux supérieurs d’une hiérarchie ne sont pas accessibles à certaines catégories de personnes, en l’occurrence souvent les femmes. « Qu’est-ce que fait une jolie blonde qui se heurte au plafond de verre en Écosse ? Elle essaie de voir sous les kilts des hommes » (Madame de La Faillite). Sans rapport avec le sens de l’expression, voici un photogramme du chef d’œuvre de la période cinéma muet londonien d’Alfred Hitchcock, Les Cheveux d’or (The Lodger) (1927), montrant les logeurs qui semblent épier leur nouveau locataire à travers le plafond que le réalisateur a eu l’idée géniale de faire en verre, le temps d’un plan fort bref, mais célèbre. On peut visionner le film sur Youtube, si l’on dispose d’une heure trente.

The Lodger (Les Cheveux d’or), Alfred Hitchcock, 1927. Le plafond de verre.


 Avoir du pain sur la Planche.
Expression intéressante dont le sens s’est modifié au XIXe siècle. Le sens premier était d’avoir du pain en réserve, de l’argent de côté, en référence à l’habitude des paysans de garder du pain sur une planche fixée au plafond. Le sens actuel est celui d’avoir du travail à faire, être très occupé.
« Bon les filles, on a du pain sur la planche, alors débranchez vos smartphones, retroussez-vous les manches, et que ça saute ! » (Ousmane Sanpène).
 Planche de salut.
Là on n’est pas dans la construction, mais dans le « bâtiment » au sens maritime. Expression transparente : c’est la planche détachée du navire à laquelle le naufragé n’avait plus qu’à s’accrocher en attendant une intervention divine. Étonnant quand même, parce que s’il n’y avait même pas de quoi construire un radeau, on était mal en point ! « C’est dingue, tous ces manants qui manifestent comme si la retraite à 62 ans était leur planche de salut. Ils n’ont qu’à faire comme tout le monde, émarger à une douzaine de conseils d’administration » (Jean-Paul Delacroix).
 Feu de plancher.
L’expression semble relativement récente (on l’utilisait dans mon adolescente) et désigne les pantalons dont l’ourlet est haut, et découvre les chevilles, comme si le bas avait brûlé. « Gaspard avait un feu de plancher et les dents qui rayent le parquet, ce qui en faisait un adolescent séduisant pour la prof de français qui aimait les jeunes avec de l’ambition » (Emmanuel Maton).
 Plancher des vaches.
Expression datant du XVIe siècle, désignant la terre ferme, le pays natal, par opposition au pont d’un navire, fait de planches mais où l’on avait peu de chance de croiser une vache ! Exprime la nostalgie. « On est quand même mieux sur le plancher des vaches, comme disait un jeune mousse qui revenait d’un voyage transatlantique où il avait subi tous les soirs un bizutage burné » (Henri de Tontonlant).
 Brûler les Planches.
Variante pour les comédiens de théâtre de « Crever l’écran » pour le cinéma. Date sans doute de l’époque où le théâtre était illuminé par des chandelles. C’est jouer avec fougue, et déchaîner les passions du public. « Dans Ève, le film de Joseph L. Mankiewicz, celle-ci brûle les planches et la politesse à son aînée Margo, qu’elle avait fait semblant d’admirer pour lui voler la vedette » (Jean-Luc Molard).
 Battre comme Plâtre.
Expression désuète datant du XVe siècle, faisant allusion à l’énergie nécessaire pour gâcher du plâtre, c’est-à-dire préparer le plâtre en le mélangeant sous forme de poudre à de l’eau, soit en le battant, soit à l’aide d’un « trousse-couilles ». C’est donc une expression hyperbolique, qui signifie battre violemment, tout simplement. « Johnny avait battu Magali comme plâtre, mais plus il la battait, plus elle en redemandait, cette garce » (Boris Vlan).
 Essuyer les Plâtres.
Cette expression daterait du XVIIIe siècle, époque où l’on construisait à la truelle à Paris, avec beaucoup de plâtre. Les appartements neufs étaient confiés d’abord à des filles de joie le temps que le plâtre sèche, selon la légende (que j’ai du mal à croire quand même), puis des bourgeois les récupéraient. Ce plâtre humide était censé néfaste pour la santé. Le sens actuel, c’est inaugurer l’usage d’un bâtiment, ou plus couramment, subir les inconvénients du fait d’être le premier à occuper une fonction. « Lola essuyait les plâtres de ce butor de 35 ans, toujours puceau mais riche héritier, dont la seule éducation sexuelle consistait en films pornos qui ne faisaient pas dans la dentelle » (Guy de Maulassant).
 Faire le Pont.
Claude Duneton s’étonne que l’expression existe dès le milieu du XIXe, avec son sens actuel de jour de congé supplémentaire entre un jour férié et un dimanche, même si elle a mis le temps à intégrer les dictionnaires. Cependant, dans Les Excentricités du langage de Lorédan Larchey (1865), on relève l’expression argotique « faire le pont : plier légèrement les cartes à un endroit déterminé, de façon à guider la main de l’adversaire dans la portion du jeu où elle doit couper innocemment ». Mais je ne vois pas le lien avec ce congé supplémentaire. « Ah ! Le lundi de Pentecôte, c’était le bon vieux temps, on l’aimait bien, même s’il ne nous faisait jamais faire le pont. Mais les obsédés du travail nous l’ont volé, pis ils veulent nous faire bosser comme des bêtes jusqu’à 70 ans » (Olivier Baisensolo).
 Enfoncer des portes ouvertes.
S’échiner à démontrer une vérité de La Palice, une évidence. Dans les temps anciens, sens graveleux : « coucher avec une nourrice et croire qu’elle était pucelle ». « Il va quand même pas me prendre cinq minutes d’antennes pour nous démontrer que Big Pharma corrompt tout le monde politico-médiatique et les médecins de plateaux-télé, cet enfonceur de portes ouvertes ! » (André Berphoque).
 Frapper à la bonne Porte.
Difficile de trouver une explication, mais d’après le TLF, « bonne porte » était synonyme de « grande porte », c’est-à-dire la meilleure façon d’intégrer une école ou une institution. Pour moi c’est être pistonné, et s’adresser à la bonne personne avec les recommandations qui font que l’on obtient satisfaction aussitôt, tandis que le vulgaire poireaute inutilement. « En s’adressant à ce fils de pute, Suzanne a frappé à la bonne porte et économisé vingt ans de sa vie : ses cuisses lui tiendront lieu de talent » (Honoré de Bazar).
 Mettre à la Porte / Prendre la Porte.
Quitter un lieu de son plein gré ou contre son gré, avec une impression de violence ; être licencié ou prendre son congé. L’expression se comprend d’elle-même, elle est peu imagée, mais se prête à de bonnes vieilles plaisanteries (le type qui se saisit littéralement de la porte). « Quand le patron l’a mis à la porte, François est sorti de ses gonds et en a sorti la porte par la même occasion, de sorte que le bureau de la direction s’est transformé en open space » (Pierre Bondieu).
 Sortir par la Porte, entrer par la fenêtre.
Cela doit être une expression assez récente, qui se comprend toute seule : version humaine du « sparadrap du capitaine Haddock » : le type collant dont il est impossible de se débarrasser. « Les témoins de Jéhovah, c’est sortir par la porte, entrer par la fenêtre : il y en a toujours deux, comme les couilles, et ils te les cassent jusqu’à ce que tu craques » (Denis Didjeridoo).
 Écouter aux Portes.
Cette expression serait assez ancienne (XVIIIe) et signifierait au départ qu’on a mal entendu, avant de passer au sens actuel d’espionner. « Ça lui apprendra à écouter aux portes cette vieille bêcheuse ; maintenant elle est fixée sur ce que je pense d’elle » (Barbara Portland).
 Voir midi à sa Porte : se faire sa propre opinion en fonction de ses intérêts propres. L’expression ferait allusion à l’époque des cadrans solaires, souvent installés à la porte des maisons, et donnant une heure approximative, ce qui justifie l’expression « chacun voit midi à sa porte ». « Quand je travaillais dur, tout le monde voyait midi à ma porte ; maintenant on voit plutôt six heures » (Rocco Passifraisdis).
 (Ne pas) se bousculer au Portillon.
L’expression s’emploie autant à la forme affirmative que négative, pour désigner une foule, ou au contraire, l’absence de succès d’un spectacle ou d’une personne. « Eh oui mon vieux, passé cinquante ans, les jeunesses ne se bousculent pas au portillon, à moins que tu ne sortes les fafiots » (Johnny Holiday).
 Voir la paille dans l’œil du voisin et ne pas voir la Poutre dans le sien. (Évangile selon Luc, 6-41).
L’Évangile propose cela sous forme d’une question posée par Jésus lors du Sermon sur la montagne (dans la version de Luc). Ce sermon se termine d’ailleurs par ces versets mémorables pour nous autres du bâtiment : « Tout homme qui vient à moi, entend mes paroles et les met en pratique, je vous montrerai à qui il est semblable. Il est semblable à un homme qui bâtit une maison. Il a creusé profondément et posé le fondement sur le roc. Une inondation est venue, et le torrent s’est rué contre cette maison, sans être capable de l’ébranler, parce qu’elle était bien bâtie. Mais celui qui entend et ne met pas en pratique est semblable à un homme qui a bâti une maison sur la terre, sans fondement. Le torrent s’est rué contre elle : aussitôt elle s’est écroulée, et la ruine de cette maison a été grande » (Luc, 6, 47-49). L’expression se rapproche de beaucoup d’autres, comme « balayer devant sa porte » ; « charité bien ordonnée commence par soi-même », etc, et signifie qu’on voit mieux les défauts des autres que les siens. La Fontaine en a tiré une fable intitulée « La Besace » : « Le Fabricateur souverain Nous créa Besaciers tous de même manière, Tant ceux du temps passé que du temps d’aujourd’hui : Il fit pour nos défauts la poche de derrière, Et celle de devant pour les défauts d’autrui ». « On a le sens du respect dans notre famille, prétendait ce fils de pute qui venait d’assassiner sa sœur parce qu’on lui avait découvert une liaison féminine : il voyait la paille dans l’œil de sa sœur, mais pas la poutre dans le sien » (Catherine Pillet).
 Se faire Ramoner.
On a ici le croisement de plusieurs expressions, soit un sens pornographique explicite, soit « se faire chanter Ramona », être grondé, se faire passer un savon, à cause de l’influence étonnante de la célèbre chanson « Ramona », dont il est question dans cet article. « Sur toutes ces groupies qui se crêpent le chignon devant l’hôtel pour se faire ramoner par un footballeur de l’équipe brésilienne championne du monde, combien sont venues aussi avec l’idée, après s’être bien envoyée en l’air avec un mec canon, de lui intenter un procès pour viol et se faire un max de fric ? Une chance au tirage, une chance au grattage ! » (Marquis de Rade).
 Être sous les feux de la rampe.
La rampe est un plan incliné agrémenté souvent d’un escalier, mais aussi une balustrade ou un rebord ; au théâtre, c’est le bord de scène, qui recouvre un système d’éclairage. Au figuré, l’expression désigne le fait d’être exposé au public pendant un temps plus ou moins long. À noter qu’en anglais, le mot « limelight », qui donne son titre au chef-d’œuvre de Charlie Chaplin traduit par Les Feux de la rampe en français, ne fait pas du tout référence à la rampe, mais à la lumière oxhydrique utilisée dans les théâtres au XVIIIe. « Bill Clinton et Dominique Strauss-Kahn ont en commun d’avoir été sous les feux de la rampe pour avoir confondu job de président et blow job » (Bertrand Poireau-Belpech).
 Se prendre un Râteau.
Pour résumer l’article en lien, cette variante récente de « se prendre une veste », pourrait être une antithèse de « rouler une pelle », un jeu de mots sur « rater », ou une image évocatrice de celui qui marche sur un râteau et se prend le manche dans la gueule. « Éric s’est pris le râteau du siècle en envoyant son fameux SMS à Sandra, mais après avoir été la risée mondiale des réseaux sociaux, il a fini par toucher 15 000 en dédommagement : ça lui paiera son ravalement de façade ! »
 Être passé sous un rouleau compresseur.
Variante de « maigre comme un clou », version travaux publics. S’emploie aussi pour dire qu’on a été laminé physiquement ou moralement. « Les All Blacks ont passé les Français au rouleau compresseur ; ils pourront rentrer en France par la Poste » (Marceline Desbordes-Lavabo).
 Une Scie.
On est à la limite des expressions, car il s’agit plutôt d’une simple acception populaire d’un mot courant. Une « scie » est donc une ritournelle peu originale diffusée « à la truelle » à la radio, sifflée sous les douches, etc. « V’là encore ces Roumains de malheur qui montent à Pigalle pour nous seriner pour la neuf cent milliardième fois c’te foutue scie d’Édith Piaf qu’ils vont finir par me faire détester : c’est un comble ! » (Boris Viandox).
 Toute Serrure a sa clé / Toute poubelle a son couvercle.
Je croyais qu’il s’agissait là d’expressions populaires, mais elles sont limitées à 2 ou 3 occurrences sur Google. Donc c’était des plaisanteries de mes potes quand je fus djeune, c’est tout : « tous les goûts sont dans la nature ». « Désespère pas, Monique, vers les 80 ans, tu finiras par te trouver un petit jeune alléché par la pension de réversion d’une prof en retraite, si tu attestes d’un bon cancer ou d’une santé fragile : toute serrure à sa clé ! » (Simone de Beauvaloir).
 Envoyer la Soudure.
La soudure, c’est l’argent en argot. Je relève sur un site une explication relative aux « métiers de métallier, forgeron, soudeur à l’autogène. Apporter le métal qui permettra de réunir deux pièces, sceller un marché, relier deux parties, les mettre d’accord ». L’expression peu usitée est mal comprise et connaît des usages variables, entre payer, spécialement l’addition au restaurant, ou joindre les deux bouts (ce que suggère l’idée de soudure), voire mettre toute son énergie à faire quelque chose, spécialement dans le jargon cycliste. « Eh ! Michel, envoie la soudure, toi qui as la chance de partir en retraite avec des couilles en or alors que nous autres on va s’échiner jusqu’à l’âge pivot ; c’est quand même pas nous qu’allons payer l’addition de ton pot de départ ! » (Bérangère Royal).
 Tâter le Terrain.
Cette expression daterait du XVIIe siècle et proviendrait du vocabulaire hippique : les chevaux auraient l’habitude (à l’instar des chats ?) de reconnaître un terrain inconnu avant de s’y engager. Soit ! « Strauss-Kahn n’était pas du genre à tâter le terrain, car c’était risquer de rater le tétin ! » (Louise Labbesse).

 Bateau de Thésée.
Variante du « Couteau de Jeannot », et notion philosophique majeure à l’heure de « l’homme augmenté » : si l’on change toutes les pièces d’un bateau, d’un bâtiment ou d’un couteau, ou tous les membres d’un homme, est-ce toujours le même homme, le même bâtiment, le même bateau, à l’instar du fleuve héraclitéen qui coule toujours identique, bien que l’eau qui le compose ne soit jamais la même ? La Cathédrale Notre-Dame de Paris sera-t-elle toujours Notre-Dame s’il ne reste rien de ses matériaux d’origine ? Le Pavillon d’Or est-il toujours le Pavillon d’Or après l’incendie qui le ravagea en 1950 ? « Line Renaud est-elle toujours Line Renaud bien que dans ce bateau de Thésée il n’y ait plus que le cerveau qui soit d’origine ? » (Jack Chibraque).
 Crier sur les Toits.
Cette expression est d’origine biblique (voyez les références sur Wiktionnaire), et renvoie à l’habitude de se parler de toit en toit dans les villages d’Orient qui ont des toits en terrasse. « Dans les films d’Elia Suleiman, « crier sur les Toits » se serait plutôt « s’insulter sur les toits » » (John Douchette).
 Onduler de la Toiture.
L’expression, variante de « yoyoter de la touffe », est à rapprocher de « Avoir une araignée au plafond » ; elle désigne le fait de déraisonner, la toiture tout comme le plafond étant une métaphore transparente du cerveau. Cf. supra. « Ils ondulent de la toiture, tous ces ministres, s’ils croient qu’on va gober leurs promesses de nous augmenter à la Saint-Glinglin selon le baromètre de mérite de notre profession au gré du journal de vingt heures ! » (Jean-Jacques Rouleau).
 Travail arable.
Du latin « arabilis » : que l’on peut labourer. Un travail arable est un travail qui reste à faire, il faut juste ne pas mettre la charrue avant les bœufs, et planter l’araire bien profond. « Jean-Pierre le Corse a coincé la bulle devant le tas de cailloux, le hérisson est un rêve lointain. C’est du travail arable ! » (Michel Weshlebled).

Gustave Caillebotte (1848-1894), Le Pont de l’Europe (1876).
Genève, musée du Petit Palais.
© Wikicommons


 Faire le Trottoir.
Claude Duneton signale avec malice dans son article sur « tenir le haut du pavé », que « Les trottoirs furent inventés plus tard et ne se généralisèrent qu’au siècle dernier. Il est curieux de noter qu’ayant pris la place du « haut du pavé » ils en eurent d’abord le prestige. « Être sur le trottoir ; être dans le chemin de la considération, de la fortune », dit curieusement Littré, qui ajoute ce bel exemple : « Cette fille est sur le trottoir, ancienne locution qui signifiait : elle est bonne à marier, elle attend un mari »… ça alors ! On a raison de dire que l’enfer n’est pavé que de bonnes intentions ! »
Lors de l’installation des trottoirs, effectivement, ceux-ci étaient considérés comme un luxe réservé à ceux qui tenaient le haut du pavé, mais l’habitude aidant, « faire le trottoir » s’est de plus en plus spécialisé dans la prostitution. Cette évolution est peut-être sensible dans un tableau comme Le Pont de l’Europe (1876) de Gustave Caillebotte, si l’on en croit la malicieuse et savante analyse de ce ou cette prof anonyme. Effectivement, avant cette innovation, flâner dans une rue ne se concevait pas, car on devait y être aspergé de toutes les eaux du ruisseau, tandis qu’avec les trottoirs et leurs caniveaux, on pouvait désormais déambuler les pieds au sec, comme ces personnages de Caillebotte, et reluquer les passantes ou passants, voire les non-passants. « J’aime mater Lola quand elle fait le trottoir parce que l’air de rien, c’est les beaux gosses en tenue orange qui sont derrière elle que je reluque, eux qui font aussi le trottoir au sens propre » (André Maquereau).
 À la Truelle.
Expression récente, principalement utilisée dans « se maquiller à la truelle », variante de « ne pas y aller avec le dos de la cuillère », sans doute devenu trop compliqué. « Au bon vieux temps du parti communiste, on y allait peut-être à la truelle, mais on savait ce que c’était que la lutte des classes, nom d’un petit bonhomme ! » (Jean-Paul Plâtre).
 Tuilage.
Ce n’est pas une expression, mais je l’inclus dans ce glossaire parce que le mot est peu connu. Il y a plusieurs acceptions concrètes, et plusieurs abstraites, dont l’évolution est passionnante. L’expression provient de la franc-maçonnerie : tuiler quelqu’un c’est le toiser, le dévisager pour vérifier s’il est régulier. Il y a une notion de protection, car on parlait aussi de tuiler le temple, le protéger des profanes. Dans une entreprise ou une entité sociale, le « tuilage », c’est le processus de transmission des connaissances et pratiques aux successeurs. « D’après le théorème du singe, le tuilage consiste à casser la gueule à toute nouvelle recrue qui ne se plierait pas aux anciennes coutumes, tout absurdes soient-elles » (Arthur Conard Doyle).
 Être Verni.
Le vernis brille et attire forcément les regards, que l’on pense au vernis à ongles, au vernissage d’une exposition, aux souliers vernis, etc. « Être verni » est donc synonyme d’être chanceux. « Il est verni le soldat de 2e classe Duchmoll d’avoir été désigné volontaire pour porter l’ordre de retrait à la compagnie qui se fait canarder à 10 km en avant » (Éric-Maria Remorque).
 Trier sur le Volet.
Il ne s’agit pas exactement du volet du bâtiment, mais d’une tablette qui permettait de faire un tri des graines étalées sur elles. Cependant, le mot « volet » pouvait désigner aussi les volets amovibles des échoppes légères, sur lesquels on étalait la marchandise, et nous revoilà dans le bâtiment. Le sens actuel est celui d’une sélection sévère ayant permis de « séparer le bon grain de l’ivraie » comme dit la Bible. « Mieux vaut être trié sur le volet que violé sur le tolet, disait un avironneur qui n’avait pas été victime d’un entraîneur pédophile » (Roger Perfide).

Si vous voilà parvenu au terme de cette lecture, alors cet article vaut un clou, ou du moins que vous en fassiez profiter vos camarades…

Lionel Labosse


© altersexualite.com 2020-2023
Reproduction interdite.